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DROITS DE LA PERSONNE

Appel, appel incident à l’encontre d’une ordonnance (2003 CF 1373) annulant la décision rendue par le Tribunal selon laquelle les Forces armées canadiennes (FAC) avaient fait preuve de discrimination fondée sur l’âge en refusant de promouvoir un officier—La Cour fédérale a conclu que : 1) le Tribunal avait utilisé le mauvais critère juridique pour décider si la Commission avait fourni une preuve prima facie; 2) les FAC n’avaient pas réussi à démontrer qu’eu égard à la preuve, il n’était pas justifié pour le Tribunal de rejeter leurs explications—La conclusion 2) a donné lieu à l’appel incident interjeté par le Procureur général—L’appel de la Commission est accueilli; l’appel incident est rejeté—Le plaignant a joint les FAC à 19 ans à titre de simple soldat et est devenu adjudant à l’âge de 37 ans—Il a suivi un cours correspondant au grade d’adjudant‑maître à 46 ans, mais n’a jamais obtenu un rang suffisamment élevé, sur la liste nationale de promotions au mérite, pour être promu—Bien que les recommandations à son sujet aient été favorables et que les scores dans son rapport d’appréciation du rendement (RAR) aient été élevés, les scores attribués quant au « potentiel » baissaient régulièrement—Il soutient que l’appréciation du « potentiel » est subjective et qu’elle défavorise les candidats plus âgés—Quant à savoir le critère juridique applicable à une preuve prima facie de discrimination, le Tribunal s’est fondé sur l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpsons‑Sears Ltd. et autres, [1985] 2 R.C.S. 536 (O’Malley), mais a également tenu compte de Florence Shakes c. Rex Pax Ltd. (1981), 3 C.H.H.R. D/1001 (Comm. d’enquête de l’Ont.)—Le critère de Shakes a été modifié par le Tribunal dans Israeli c. Commission canadienne des droits de la personne (1983), 4 C.H.H.R. D/1616 (T.C.D.P.), où aucune nomination n’a été effectuée, mais où l’employeur continuait à chercher des candidats après avoir rejeté le plaignant qualifié—Il a été soutenu devant le Tribunal en l’espèce que la Commission n’avait pas réussi à établir une preuve prima facie parce qu’elle n’avait pas soumis de preuve au sujet des qualifications ou de l’âge des adjudants promus au cours des années où la candidature du plaignant n’avait pas été retenue—Le Tribunal a rejeté cet argument, faisant une distinction d’avec les décisions Shakes et Israeli, compte tenu qu’il s’agissait d’une affaire dans laquelle la discrimination alléguée se rapportait à une promotion plutôt qu’à l’embauche —Le Tribunal a également conclu que la Commission pouvait établir une preuve prima facie sans fournir de preuve comparative du genre mentionné dans la décision Shakes si la preuve démontre que la discrimination est un élément qui a joué dans le refus d’offrir un emploi au plaignant—En mentionnant la décision Chander c. Canada (Ministère de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1995] D.C.D.P. no 16 (T.C.D.P.) (QL), le Tribunal a statué que si la preuve démontrait que la discrimination était un élément qui avait joué dans le refus d’offrir un emploi au plaignant, une preuve prima facie était établie, quelles que soient les compétences des candidats reçus—Le Tribunal a conclu que la preuve était suffisante, dans la mesure où l’on y ajoutait foi et en l’absence d’explications raisonnables, pour établir le bien‑fondé de la plainte—Le Tribunal a examiné les explications autres que l’âge pour justifier les faibles scores attribués quant au « potentiel » : activités paraprofessionnelles orientées vers sa carrière une fois qu’il aurait quitté l’armée; fait qu’il ne parlait pas français; manque d’aptitude à communiquer et au commandement; réticence à accepter une nouvelle affectation ailleurs que dans le sud‑ouest de l’Ontario; fait de ne pas avoir été déployé dans le cadre de missions opérationnelles—Même si le Tribunal leur avait enjoint de divulguer les documents pertinents, les FAC n’ont pas divulgué les rapports sur le rendement des adjudants promus—Cela a contribué à miner toutes les explications quant aux scores peu élevés décernés au plaignant relativement à l’aspect « potentiel »—La Cour fédérale a statué que le Tribunal avait commis une erreur en invoquant la décision Chander à l’appui de la thèse selon laquelle il était possible d’établir une preuve prima facie en l’absence d’une preuve comparative, puisque dans l’affaire Chander, il n’y avait aucun autre candidat auquel le plaignant pouvait être comparé—La juge a néanmoins conclu que si la preuve comparative n’avait pas existé, la preuve soumise par la Commission aurait suffi en tant que preuve prima facie de discrimination—La juge a conclu que, si une preuve prima facie avait été établie, il était raisonnable pour le Tribunal de ne pas retenir les explications en l’absence de données comparatives—L’âge est mentionné, à l’art. 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), en tant que motif de distinction illicite—L’art. 7b) prévoit que constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects,_de défavoriser en cours d’emploi—La question de savoir si le Tribunal a choisi le critère approprié de la preuve prima facie est‑elle une question de droit qui est susceptible d’examen selon la norme de la décision correcte?— L’argument du Procureur général—selon lequel le Tribunal doit appliquer la décision Shakes sauf s’il n’y a pas d’autres candidats ou si aucun renseignement comparatif n’est disponible et, étant donné que ces renseignements étaient disponibles, le Tribunal a commis une erreur en n’appliquant pas la décision Shakes—est rejeté—Dans l’affaire Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204 (tranchée après que la décision visée par le présent appel eut été rendue), la Cour a statué que les décisions dans Shakes et Israeli ne sont que des exemples de l’application de la règle consacrée dans O’Malley concernant l’établissement d’une preuve prima facie de discrimination—L’arrêt O’Malley indique toujours le critère juridique applicable—La Commission n’a pas à soumettre un type particulier de preuve—La question de savoir si la preuve fournie dans un cas donné établit que l’on défavorise une personne pour un motif de distinction illicite, si l’on y ajoute foi et en l’absence d’explications satisfaisantes, est une question mixte de fait et de droit—Un critère juridique souple, en ce qui concerne l’établissement de la preuve prima facie, permet mieux que d’autres critères plus précis de promouvoir l’objet général sous‑tendant la LCDP, puisque la discrimination prend des formes nouvelles et subtiles—La preuve comparative revêt des formes beaucoup plus nombreuses que la discrimination particulière identifiée dans la décision Shakes—Si l’on rendait le critère de la preuve prima facie plus précis et plus détaillé, en tentant de l’appliquer à différents actes discriminatoires, on « légalise-rait » sans motif légitime la prise de décision et on retarderait le règlement des plaintes en encourageant la présentation de demandes de contrôle judiciaire—Il vaut mieux laisser au tribunal spécialisé décider du genre de preuve nécessaire— Dans le domaine de la discrimination en matière d’emploi, les variantes factuelles sont indéfinies—En augmentant le nombre de règles de droit et en les rendant plus précises, on n’accroît pas nécessairement la certitude quant à l’administration de la loi—La question de savoir si le Tribunal disposait de suffisamment d’éléments pour qu’une preuve prima facie soit établie comporte l’application d’une règle de droit aux faits, et il s’agit donc d’une question mixte de fait et de droit susceptible d’examen selon la norme de la décision raisonnable simpliciter : Canada (Commission des droits de la personne)  c.  Canada  (Forces armées), [1999] 3 C.F. 653 (1re inst.)—Les FAC ont soutenu que la juge avait commis une erreur en affirmant qu’il était loisible au Tribunal de tirer une inférence défavorable de l’omission des FAC de produire les RAR des officiers qui se mesuraient au plaignant pour obtenir la promotion—Les FAC ont fait valoir que la Commission n’a pas allégué que les RAR auraient dû avoir été divulgués avant de présenter ses conclusions finales devant le Tribunal— Puisque les RAR renferment des renseignements confidentiels, leur divulgation devrait uniquement être ordonnée après qu’il a été tenu compte du droit à la protection des renseignements personnels—La Cour d’appel fédérale est d’avis que le Tribunal n’a pas tiré une inférence défavorable mais qu’il procédait simplement à la démarche factuelle consistant à apprécier la preuve mise à sa disposition—Le Procureur général cherche à élever au niveau des questions de droit des questions qui se rapportent essentiellement à la preuve— Décision du Tribunal rétablie—Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6, art. 3(1) (mod. par L.C. 1996, ch. 14, art. 2), 4 (mod. par L.C. 1998, ch. 9, art. 11), 7b).

Canada (Procureur général) c. Canada (Commission des droits de la personne) (A‑588‑03, 2005 CAF 154, juge Evans, J.C.A., jugement en date du 3‑5‑05, 16 p.)

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