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[2000] 1 C.F. 513

T-1804-97

Mary Vicky Scrimbitt (demanderesse)

c.

Le Conseil de la bande indienne de Sakimay (défendeur)

Répertorié : Scrimbitt c. Conseil de la bande indienne de Sakimay (1re inst.)

Section de première instance, juge MacKay— Edmonton, 16 et 17 février; Ottawa, 19 octobre 1999.

Peuples autochtones Élections Le conseil de bande a refusé d’autoriser la demanderesse indienne à voter aux élections du conseil de bande au motif qu’elle avait épousé un non-Indien et qu’elle avait perdu son statut légal d’Indienne inscriteLa responsabilité que la bande exerce sur l’appartenance à ses effectifs ne lui permet pas d’ignorer le projet de loi C-31 qui donnait à la demanderesse le droit au rétablissement de son inscription et le droit de voter aux élections du conseil de bandeLe refus du conseil de bande contrevient à la Loi sur les Indiens et au code d’appartenance à la bande de Sakimay, mais il ne constitue pas un manquement à une obligation de fiduciaireIl y a également contravention aux droits à l’égalité garantis par l’art. 15 de la Charte dont la justification ne peut être démontrée en vertu de l’art. premier de la CharteLe droit de vote de la demanderesse n’est pas assujetti à des droits ancestraux incompatibles (comme la responsabilité qu’exerce la bande sur l’appartenance à ses effectifs) en vertu de l’art. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 étant donné que ces droits incompatibles n’ont pas été établis d’après la preuve produite.

Droit constitutionnel Charte des droits Droits à l’égalité Le conseil de bande a refusé d’autoriser une Indienne à voter aux élections du conseil de bande au motif qu’elle avait épousé un non-Indien et qu’elle avait perdu son statut légal d’Indienne inscriteLa politique de la bande s’opposant au projet de loi C-31 reflète la politique d’autres Premières Nations de la SaskatchewanLa responsabilité que la bande exerce sur l’appartenance à ses effectifs ne lui donne pas le droit d’ignorer le projet de loi C-31 qui donnait à la demanderesse le droit au rétablissement de son inscription et le droit de voter aux élections du conseil de bandeLe refus contrevient aux droits à l’égalité garantis par l’art. 15 de la Charte et la justification de cette contravention ne peut être démontrée aux termes de l’art. premier de la CharteLa discrimination est fondée sur le sexe et l’état matrimonial.

Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité Le conseil de bande a refusé d’autoriser une Indienne à voter aux élections du conseil de bande au motif qu’elle avait épousé un non-Indien et qu’elle avait perdu son statut légal d’Indienne inscriteLa responsabilité que la bande exerce sur l’appartenance à ses effectifs ne lui permet pas d’ignorer le projet de loi C-31 qui donnait à la demanderesse le droit au rétablissement de son inscription et le droit de voter aux élections du conseil de bandeBien que l’évolution de la jurisprudence laisse supposer une tendance à interpréter le droit à la liberté protégé par l’art. 7 comme étant plus large que le droit d’être protégé contre les restrictions physiques, il n’y a pas encore de précédent qui permette de conclure que l’art. 7 protégeait le droit de vote de la demanderesse.

Droit constitutionnel Droits ancestraux et issus de traitésLe conseil de bande a refusé d’autoriser une Indienne à voter aux élections du conseil de bande au motif qu’elle avait épousé à un non-Indien et qu’elle avait perdu son statut légal d’Indienne inscriteLa responsabilité que la bande exerce sur l’appartenance à ses effectifs ne l’autorise pas à ignorer le projet de loi C-31 qui donnait à la demanderesse le droit au rétablissement de son inscription et le droit de voter aux élections du conseil de bandeLe droit de vote de la demanderesse n’est pas assujetti à des droits ancestraux incompatibles (comme la responsabilité concernant l’appartenance aux effectifs de la bande) en vertu de l’art. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, étant donné que ces droits incompatibles n’ont pas été établis par la preuve produite et que l’argumentation en l’espèce a été limitée au lien qui existe entre les art. 25 et 28 de la Charte et l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

À sa naissance, la demanderesse était membre de la bande indienne de Sakimay et elle a été inscrite comme Indienne en vertu de la Loi sur les Indiens. En 1971, elle a épousé un Indien non inscrit et, par conséquent, elle a perdu son statut légal d’Indienne inscrite et de membre de la bande de Sakimay aux termes de la loi qui était alors en vigueur. Des modifications apportées en 1985 à la Loi sur les Indiens (projet de loi C-31) prévoyaient le rétablissement de l’inscription des Indiens qui avaient été exclus du fait de leur mariage à des non-Indiens. En fait, la loi permettait aussi aux bandes indiennes de régir l’appartenance à leurs effectifs, sous réserve que les règles fixées soient conformes à la Loi sur les Indiens et à l’approbation par le Ministère du code d’appartenance à la bande. En 1985, la demanderesse a demandé et obtenu le rétablissement de son inscription comme Indienne. Elle a également été informée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qu’elle était aussi inscrite comme membre de la bande de Sakimay et que le Ministère avait avisé la bande qu’il avait inscrit le nom de la demanderesse au registre des Indiens et sur la liste de bande de Sakimay. Toutefois, le conseil de bande a retranché le nom de la demanderesse de la liste de bande à un moment non précisé après que Sakimay eut accepté la responsabilité de régir l’appartenance à ses effectifs. En 1997, la bande a refusé d’autoriser la demanderesse à voter aux élections du conseil de bande conformément à sa politique, fondée sur la coutume et la tradition Sakimay, de s’opposer au projet de loi C-31 et de ne pas autoriser les Indiens inscrits visés par le projet de loi C-31 à voter. Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de cette décision. Les questions suivantes ont été soulevées : 1) Le refus du conseil de bande est-il contraire à la Loi sur les Indiens ou au code d’appartenance à la bande de Sakimay ou à l’une et à l’autre? 2) Le conseil de bande a-t-il enfreint une obligation de fiduciaire qu’il a à l’égard de la demanderesse? 3) Le refus a-t-il porté atteinte aux droits de la demanderesse protégés par les articles 7 et 15 de la Charte d’une manière non justifiée par l’article premier de la Charte? 4) Le conseil de bande peut-il s’appuyer sur l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour justifier son refus? 5) L’article 25 de la Charte protège-t-il les actes posés par le conseil de bande d’un examen fondé sur la Charte?

Jugement : la demande doit être accueillie.

La Loi sur les Indiens et le code d’appartenance à la bande de Sakimay

Bien que ce soit le refus de son droit de vote qui soit contesté dans la présente demande de contrôle judiciaire, l’appartenance de la demanderesse à la bande de Sakimay est une question accessoire déterminante pour l’exercice de ce droit de vote. Même si la bande régissait l’appartenance à ses effectifs conformément à sa coutume depuis 1987, elle devait le faire conformément à la Loi sur les Indiens. Aux termes de la Loi sur les Indiens, la demanderesse était membre de la bande de Sakimay au moment où on lui a refusé le droit de voter. Qui plus est, elle en était membre conformément au code d’appartenance à la bande de Sakimay. Le retranchement de son nom de la liste de bande constitue une contravention à la Loi sur les Indiens. Et le refus de son droit de vote en 1997 enfreint l’article 77 de la Loi sur les Indiens. Le conseil de bande a donc contrevenu à son propre code d’appartenance et à la Loi sur les Indiens, qui en permettait l’adoption, en refusant à la demanderesse le droit de voter au motif que le statut de membre de la bande, auquel elle avait droit en vertu du propre code de la bande et en vertu de la Loi, lui a été refusé.

L’obligation de fiduciaire

De façon générale, il n’existe d’obligations de fiduciaire que dans le cas d’obligations prenant naissance dans un contexte de droit privé. Les obligations de droit public dont l’acquittement nécessite l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne créent normalement aucun rapport fiduciaire : Guerin et autres c. La Reine et autre., [1984] 2 R.C.S. 335. En l’espèce, toute obligation qui incombe au conseil de bande concernant la tenue de la liste de bande découle de la Loi sur les Indiens et du code d’appartenance à la bande de Sakimay adopté conformément à la Loi. Il s’agit d’une obligation de droit public découlant de la Loi et non pas d’une obligation de fiduciaire. Par conséquent, la mesure prise par le conseil, qui a refusé à la demanderesse le droit de voter, n’a pas enfreint l’obligation de fiduciaire envers la demanderesse.

Les allégations de contravention à la Charte

Article 15

En refusant à la demanderesse le droit de voter, le défendeur a porté atteinte à son droit à l’égalité et à la même protection et au même bénéfice de la loi qui lui est garanti par l’article 15 de la Charte. À la lumière de l’article 15, le fondement de la différence de traitement découle de la comparaison entre le traitement que le conseil a réservé à la demanderesse en tant que membre de la bande visée par le projet de loi C-31 et la manière dont il a traité d’autres membres de la bande se trouvant dans une situation similaire, si ce n’est qu’ils étaient acceptés comme membres autrement qu’en vertu du projet de loi C-31. On prétend que cette différence serait fondée sur la politique de la bande relative au projet de loi C-31, qui refléterait la position de principe des autres Premières Nations de la Saskatchewan. On prétend également que cette différence est fondée sur la coutume Sakimay, une coutume qui aurait privé les femmes qui ont épousé des hommes autres que des membres de la bande de leur droit d’appartenir à la bande et de leur droit de vote. Ces explications invoquées pour empêcher la demanderesse de voter ont entraîné une différence de traitement au sens de l’article 5 de la Charte. Qui plus est, dans l’un ou l’autre cas, cette différence de traitement est fondée sur le sexe, l’état matrimonial ou le statut de la demanderesse relatif au projet de loi C-31.

Ce groupe de femmes et d’enfants, qui font maintenant partie de la catégorie des personnes visées par le projet de loi C-31, ont été historiquement défavorisés du fait de l’application de l’ancien alinéa 12(1)b), une situation que le projet de loi C-31 visait en partie à corriger. Ce projet de loi avait pour but de remédier à un traitement discriminatoire réservé de longue date aux femmes autochtones qui épousaient des Indiens non inscrits. La politique du défendeur relative au projet de loi C-31 rétablit ce traitement et fait échec aux efforts du législateur pour remédier à la discrimination.

Le refus du droit de vote, tel qu’il a été appliqué par le défendeur, en vue de donner effet à sa politique relative au projet de loi C-31 ou à sa prétendue coutume, constituait de la discrimination contre la demanderesse qui était fondée sur le sexe et l’état matrimonial de celle-ci, donc sur des caractéristiques immuables, soit son sexe et son état matrimonial antérieur. Ce refus contrevient à l’article 15 de la Charte.

L’article 7

Il n’y a pas eu contravention à l’article 7 de la Charte. Bien que l’évolution de la jurisprudence laisse supposer une tendance à interpréter le droit à la liberté protégé par l’article 7 comme étant plus large que le droit d’être protégé contre les restrictions physiques, il n’y a pas encore de précédent qui permette de conclure que l’article 7 protégeait le droit de vote de la demanderesse.

L’article premier

La contravention alléguée ne se situe pas dans des « limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ». En l’espèce, ni la Loi sur les Indiens ni le code d’appartenance à la bande de Sakimay adopté en vertu de la Loi n’incorporent la politique de la bande relative au projet de loi C-31, et cette politique, de même que les mesures qui se fondent sur elle, ne sont pas prescrites par une règle de droit au sens défini par le juge Le Dain dans l’arrêt R. c. Therens et autres, [1985] 1 R.C.S. 613. Que le fondement de cette limite soit, comme le défendeur le prétend, la politique de la bande, la coutume de la bande ou les préoccupations économiques du conseil de bande, celle-ci n’est pas autorisée par l’article premier de la Charte.

Les droits ancestraux protégés par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 et les articles 25 et 28 de la Charte

Le droit principalement contesté en l’espèce n’est pas le droit de la demanderesse d’appartenir à la bande. Son statut de membre de la bande a été réglé par le projet de loi C-31, sa demande subséquente au MAINC et le rétablissement de son statut par le Ministère. La Cour n’était saisie d’aucune preuve d’une coutume par laquelle la bande pourrait refuser le droit de voter aux élections du conseil de bande aux membres de la bande qui vivent dans la réserve. On n’a pas établi en l’espèce un droit ancestral de refuser le droit de vote à un membre de la bande. L’interprétation des articles 25 et 28 et du paragraphe 35(1) à la lumière de leur interrelation pourra être déterminée dans une affaire où ce point sera clairement invoqué.

La demande de certiorari pour faire annuler la décision de refuser à la demanderesse le droit de voter est rejetée, parce que la question est théorique puisque la réparation demandée ne pourrait à l’heure actuelle changer la situation.

La Cour rend une ordonnance qui déclare que la négation des droits de la demanderesse comme membre de la bande de Sakimay, en particulier le droit de voter aux élections du conseil de bande de 1997, en raison de son statut de membre visé par le projet de loi C-31, est contraire à l’article 77 de la Loi sur les Indiens et au code d’appartenance de la bande de Sakimay adopté en vertu de la Loi, et porte atteinte à ses droits garantis par le paragraphe 15(1) de la Charte dont la contravention n’est pas justifiée par l’article premier et qui ne sont pas touchés par une prétention fondée sur le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

Si le nom de la demanderesse ne figure pas à l’heure actuelle sur la liste de bande, la Cour ordonne à la bande d’inscrire son nom sur la liste et que cette mesure prenne effet à compter de la date à laquelle la bande a assumé la responsabilité de fixer les règles d’appartenance à ses effectifs et de tenir la liste de ceux-ci.

Tant et aussi longtemps que la demanderesse continuera d’être membre de la bande, elle aura le droit en vertu de l’article 77 de la Loi sur les Indiens de voter aux élections à venir.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 7, 15, 25, 28.

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35.

Loi modifiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, ch. 27.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 2(1) « office fédéral » (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 1), 18(1) (mod., idem, art. 4), 18.1 (édicté, idem, art. 5).

Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, art. 2(1) « membre d’une bande », 5 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 32, art. 4), 6(1)c) (mod., idem), 10 (mod., idem), 11(1)c) (mod., idem), 77 (mod., idem, art. 14).

Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I-6, art. 12(1)b).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, tarif B, colonnes IV, V.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Erminskin c. Conseil de la bande indienne d’Ermineskin (1995), 96 F.T.R. 181 (C.F. 1re inst.); Canatonquin c. Gabriel, [1980] 2 C.F. 792 [1981] 4 C.N.L.R. 61 (C.A.); Omeasoo c. Canada (Min. des Affaires indiennes et du Nord canadien) et Buffalo et al., [1989] 1 C.N.L.R. 110; (1988), 24 F.T.R. 130 (C.F. 1re inst.); Guerin et autres. c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335; (1984), 13 D.L.R. (4th) 321; [1984] 6 W.W.R. 481; 59 B.C.L.R. 301; [1985] 1 C.N.L.R. 120; 20 E.T.R. 6; 55 N.R. 161; 36 R.P.R. 1; Première Nation de Fairford c. Canada (Procureur général), [1999] 2 C.F. 48 [1999] 2 C.N.L.R. 60; (1998), 156 F.T.R 1 (T.D.); Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497; (1999), 170 D.L.R. (4th) 1; 236 N.R. 1; Winko c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute) (1999), 175 D.L.R. (4th) 193; 124 B.C.A.C. 1; 135 C.C.C. (3d) 129; 25 C.R. (5th) 1; 241 N.R. 1 (C.S.C.); La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; (1986), 26 D.L.R. (4th) 200; 24 C.C.C. (3d) 321; 50 C.R. (3d) 1; 19 C.R.R. 308; 65 N.R. 87; 14 O.A.C. 335; R. c. Therens et autres, [1985] 1 R.C.S. 613; (1985), 18 D.L.R. (4th) 655; [1985] 4 W.W.R. 286; 38 Alta. L.R. (2d) 99; 40 Sask. R. 122; 18 C.C.C. (3d) 481; 13 C.P.R. 193; 45 C.R. (3d) 57; 32 M.V.R. 153; 59 N.R. 122 (le juge Le Dain au sujet de l’article premier de la Charte); R. c. Thomsen, [1988] 1 R.C.S. 640; (1988), 40 C.C.C. (3d) 411; 63 C.R. (3d) 1; 32 C.P.R. 257; 4 M.V.R. (2d) 185; 84 N.R. 347; Comité pour la république du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139; (1991), 77 D.L.R. (4th) 385; 4 C.R.R. (2d) 60; 120 N.R. 241 (les juges McLachlin et L’Heureux-Dubé adoptant et appliquant les critères du juge Le Dain pour la « règle de droit prescrite par la loi » dans l’arrêt Therens).

DISTINCTION FAITE D’AVEC :

Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203; (1999), 173 D.L.R. (4th) 1; [1999] 3 C.N.L.R. 19; 239 N.R. 1 (C.S.C.); mod. sub nom. Bande indienne de Batchewana (membres non-résidents) c. Bande indienne de Batchewana, [1997] 1 C.F. 689 (1996), 142 D.L.R. (4th) 122; [1997] 3 C.N.L.R. 21; 206 N.R. 85 (C.A.); Keramchemie GmbH c. Keramchemie (Canada) Ltd. (1998), 83 C.P.R. (3d) 223 (C.A.F.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Frank c. Bottle, [1994] 2 C.N.L.R. 45; (1993), 65 F.T.R. 89 (C.F. 1re inst.); Renvoi relatif à l’art. 193 et à l’al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123; [1990] 4 W.W.R. 481; (1990), 68 Man. R. (2d) 1; 56 C.C.C. (3d) 65; 77 C.R. (3d) 1; 109 N.R. 81; B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315; (1994), 122 D.L.R. (4th) 1; 26 C.R.R. (2d) 202; 176 N.R. 161; 78 O.A.C. 1; 9 R.F.L. (4th) 157; Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844; (1997), 152 D.L.R. (4th) 577; 43 M.P.L.R. (2d) 1; 219 N.R. 1; Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.) (1999), 177 D.L.R. (4th) 124; 26 C.R. (5th) 203 (C.S.C.); Crow c. Conseil de la bande indienne Blood, [1997] 3 C.N.L.R. 76; (1996), 107 F.T.R. 270 (C.F. 1re inst.); R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507; (1996), 137 D.L.R. (4th) 289; [1996] 9 W.W.R. 1; 80 B.C.A.C. 81; 23 B.C.L.R. (3d) 1; 109 C.C.C. (3d) 1; [1996] 4 C.N.L.R. 177; 50 C.R. (4th) 1; 200 N.R. 1; 130 W.A.C. 81.

DÉCISION CITÉE :

Scrimbitt c. Canada, [1998] F.C.J. no 1786 (1re inst.) (QL).

DEMANDE de contrôle judiciaire concernant le refus par le conseil de la bande indienne de Sakimay, défendeur, d’autoriser la demanderesse à voter aux élections du conseil de bande. Demande accueillie.

ONT COMPARU :

R. Dale Gibson et Janet L. Hutchison, pour la demanderesse.

Gordon R. McKenzie, par le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gibson, Dale Associates, Edmonton et Chamberlain Hutchison, Edmonton, pour la demanderesse.

Bishop & McKenzie, Edmonton, pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge MacKay : La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d’une décision du conseil de la bande indienne de Sakimay, défendeur (Sakimay). En 1997, Sakimay a refusé à la demanderesse le droit de voter aux élections du conseil de bande. La demanderesse prétend que la décision de Sakimay porte atteinte à ses droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés[1] (la Charte), la Loi sur les Indiens[2] (la Loi) et le code d’appartenance à la bande de Sakimay. En outre, elle prétend que ce refus contrevient aux obligations de fiduciaire de Sakimay.

[2]        La demanderesse sollicite une ordonnance de certiorari annulant la décision de 1997 qui lui refusait le droit de voter. Elle demande également une déclaration attestant que la politique sur laquelle la décision serait fondée contrevient aux articles 7 et 15 de la Charte, à la Loi sur les Indiens et aux obligations de fiduciaire de Sakimay, et elle demande une ordonnance obligeant le défendeur à inscrire son nom sur la liste de bande, ainsi que sur la liste des électeurs de la bande pour les élections du conseil de bande de 1999 et des années à venir. La dernière de ces formes de réparation, pour ce qui a trait à l’élection de 1999, n’a plus de raison d’être étant donné que, si je comprends bien, l’élection a eu lieu avant le prononcé de la décision dans la présente affaire. Je regrette d’avoir été long à rendre décision.

[3]        Les présents motifs, par lesquels la demande de Mme Scrimbitt est accueillie en partie, commencent par replacer dans leur contexte les faits et la décision qui fait l’objet du présent contrôle. Les questions principales sont énoncées et traitées à tour de rôle, notamment les allégations de violations de la Loi sur les Indiens, du code d’appartenance à la bande de Sakimay, des obligations de fiduciaires de la bande, et des droits de la demanderesse protégés par la Charte. Finalement, les réparations appropriées sont analysées, notamment les dépens, à la lumière des observations des parties qui ont été fournies lors de l’audition de la présente affaire.

[4]        La demande a été entendue à Edmonton en février 1999 et, par la suite, les avocats des parties, à l’invitation de la Cour, ont soumis d’autres observations écrites ayant trait aux arrêts de la Cour suprême du Canada, qui ont été rendus en mars et mai respectivement dans les affaires Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[3] et Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien)[4].

Contexte

[5]        La demanderesse portait à la naissance le nom de Mary Vicky Acoose, elle était membre de la bande indienne de Sakimay, et elle a été inscrite comme Indienne en vertu de la Loi comme en fait foi la formule intitulée [traduction] « Enregistrement d’un enfant vivant né d’un Indien » qui a été remplie à sa naissance. En 1971, la demanderesse a épousé un Indien non inscrit et, par conséquent, elle a perdu son statut légal d’Indienne inscrite et de membre de la bande de Sakimay en vertu de l’alinéa 12(1)b ) de la Loi qui était à l’époque rédigé dans les termes suivants[5] :

12. (1) Les personnes suivantes n’ont pas le droit d’être inscrites, savoir :

[…]

b) une femme qui a épousé un non-Indien, sauf si cette femme devient subséquemment l’épouse ou la veuve d’une personne décrite à l’article 11.

(La demanderesse n’est pas devenue subséquemment l’épouse ou la veuve d’une personne décrite à l’article 11.)

[6]        La Loi sur les Indiens a été modifiée en 1985 par des dispositions communément désignées sous le nom de « Projet de loi C-31 », qui a obtenu la sanction royale le 28 juin 1985[6]. Les dispositions pertinentes sont entrées en vigueur le 17 avril 1985. Les alinéas 6(1)c) [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 32, art. 4] et 11(1)c) [mod., idem] de la Loi, tels que modifiés[7], tous deux pertinents en l’espèce, prévoient que :

6. (1) Sous réserve de l’article 7, une personne a le droit d’être inscrite si elle remplit une des conditions suivantes :

[…]

c) son nom a été omis ou retranché du registre des Indiens ou, avant le 4 septembre 1951, d’une liste de bande, en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(iv), de l’alinéa 12(1)b) ou du paragraphe 12(2) ou en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(iii) conformément à une ordonnance prise en vertu du paragraphe 109(2), dans leur version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui d’une de ces dispositions;

[…]

11. (1) À compter du 17 avril 1985, une personne a droit à ce que son nom soit consigné dans une liste de bande tenue pour cette dernière au ministère si elle remplit une des conditions suivantes :

[…]

c) elle a le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)c) et a cessé d’être un membre de cette bande en raison des circonstances prévues à cet alinéa;

[7]        En novembre 1985, Mme Scrimbitt a demandé le rétablissement de son inscription comme Indienne[8]. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) a répondu à sa demande dans une lettre en date du 24 septembre 1986, qui dit en partie ce qui suit :

[traduction] J’ai reçu votre demande d’inscription datée du 4 novembre 1985 et je suis heureux de confirmer que vous êtes maintenant inscrite comme Indienne dans le registre des Indiens tenu par notre ministère conformément à l’alinéa 6(1)c) de la Loi sur les Indiens et que vous êtes également inscrite comme membre de la bande de Sakimay conformément à l’alinéa 11(1)c) de la Loi sur les Indiens.

Le MAINC a également avisé la bande de Sakimay dans une lettre en date du 24 septembre 1986 qu’il avait inscrit le nom de la demanderesse au registre des Indiens et sur la liste de bande de Sakimay.

[8]        Le projet de loi C-31 modifiait également la Loi sur les Indiens afin de permettre aux bandes indiennes de régir l’appartenance à leurs effectifs en fixant des règles d’appartenance écrites conformes à l’article 10 [mod., idem] de la Loi, qui exige, notamment, qu’une majorité de la bande approuve l’intention de celle-ci d’assumer cette responsabilité, et que les règles d’appartenance soient conformes aux paragraphes 10(4) et (5), qui sont rédigés dans les termes suivants :

10. […]

(4) Les règles d’appartenance fixées par une bande en vertu du présent article ne peuvent priver quiconque avait droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande avant leur établissement du droit à ce que son nom y soit consigné en raison uniquement d’un fait ou d’une mesure antérieurs à leur prise d’effet.

(5) Il demeure entendu que le paragraphe (4) s’applique à la personne qui avait droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande en vertu de l’alinéa 11(1)c) avant que celle-ci n’assume la responsabilité de la tenue de sa liste si elle ne cesse pas ultérieurement d’avoir droit à ce que son nom y soit consigné.

[9]        La bande de Sakimay a informé le MAINC de son intention d’assumer la responsabilité de régir l’appartenance à ses effectifs, dans une lettre qui a été reçue le 22 juin 1987, comme elle était habilitée à le faire conformément au paragraphe 10(6) de la Loi sur les Indiens modifiée. Un agent du MAINC a examiné le code d’appartenance, joint à la lettre, qui était proposé par la bande de Sakimay. Une des dispositions de ce code prévoyait que le nom d’une personne serait consigné dans la liste de bande de Sakimay si elle avait droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)c) de la Loi sur les Indiens. Dans une lettre en date du 17 septembre 1987, le ministère faisait savoir à la bande de Sakimay qu’elle avait désormais la responsabilité de régir l’appartenance à ses effectifs, indiquant en partie ce qui suit :

[traduction] Je suis heureux de vous informer qu’après avoir examiné les règles d’appartenance que vous nous avez fait parvenir, j’ai décidé de vous aviser, aux termes du paragraphe 10(7) de la Loi sur les Indiens, que la bande de Sakimay décidera elle-même de l’appartenance à ses effectifs à compter du 22 juin 1987.

Par conséquent, tous les ajouts à la liste de la bande de Sakimay, de même que les retranchements, seront faits par votre bande conformément aux règles d’appartenance que vous avez établies.

La lettre reproduisait également les paragraphes 10(4) et 10(5) et rappelait à la bande que les règles d’appartenance et toutes les modifications au code d’appartenance à la bande devaient se conformer à ces dispositions.

[10]      En 1987, le MAINC a fait parvenir à Sakimay des copies de la liste des membres de la bande indienne de Sakimay tenue au Ministère. Sandra Ginnish, directrice au MAINC, a déclaré par affidavit que le nom de la demanderesse figurait sur la liste de bande quand celle-ci a été expédiée par le Ministère. Sakimay n’a pas contre-interrogé Mme Ginnish au sujet de son affidavit. Toutefois, dans une preuve par affidavit et dans son mémoire des faits et du droit, tous deux déposés alors que l’audition de la présente affaire était imminente, Sakimay a prétendu, apparemment pour la première fois, que le nom de la demanderesse ne figurait pas sur la liste de bande. L’avocat de la demanderesse a alors communiqué avec le ministère de la Justice, qui a fourni, la veille de l’audition de la présente demande, une copie de la liste des membres de la bande indienne de Sakimay qui avait initialement été envoyée à la bande en 1987. Cette liste, datée du 25 septembre 1987, comprenait le nom de la demanderesse. Dans la présente instance devant la Cour, l’avocat du défendeur a fait savoir que Sakimay ne contestait plus le fait que le nom de la demanderesse figurait sur la liste de bande quand Sakimay a accepté la responsabilité de décider l’appartenance à ses effectifs conformément aux modifications apportées à la Loi en 1985.

[11]      Mme Scrimbitt prétend qu’elle a été traitée comme un membre de la bande au début des années 1990. En octobre 1990, elle a emménagé dans la réserve indienne de Sakimay et dans la maison de son cousin, qui a subséquemment déménagé à Regina. Par la suite, la demanderesse a continué d’occuper cette maison située sur les terres de la réserve. En outre, en 1991, elle a voté aux élections du conseil de bande et, la même année, elle briguait également un poste au conseil. Plus tard, au cours d’une réunion du 10 juin 1992, Sakimay a accordé à la demanderesse le droit d’utiliser et d’occuper un lopin de terre situé sur les terres de la réserve, droit accordé jusqu’au 31 décembre 1995 et qui est habituellement réservé exclusivement aux membres de la bande.

[12]      Dans un affidavit daté du 18 décembre 1998, Carol Sangwais, conseillère de la bande de Sakimay, a expliqué pourquoi la demanderesse avait été autorisée à voter à l’élection de 1991. Elle a indiqué que le conseil de bande avait adopté une résolution qui prévoyait que seules les personnes qui résidaient dans la réserve au 31 décembre 1989 avaient le droit de voter. Vu cette condition, la demanderesse n’aurait pas pu voter, mais elle y a été autorisée parce que le MAINC, qui administrait les élections cette année-là, avait ajouté son nom à la liste des électeurs. En contre-interrogatoire, Mme Sangwais a déclaré qu’elle avait vu une liste des électeurs de 1991 qui n’incluait pas le nom de la demanderesse. L’avocat de Sakimay s’est engagé à fournir une copie de cette liste à la demanderesse, mais il ne l’a pas fait et cette liste n’a pas été déposée en preuve devant la Cour.

[13]      La demanderesse s’est vu refuser le droit de voter après les élections de 1991. En 1993, un représentant du conseil de bande de Sakimay lui a dit que son nom ne figurait pas sur la liste des électeurs parce qu’elle était « un membre de la bande visé par le projet de loi C-31 ». Mme Scrimbitt a donc écrit au MAINC pour obtenir des précisions quant à son statut de membre de la bande et réclamer que son nom soit inscrit sur la liste des électeurs. En réponse, dans une lettre datée du 19 juillet 1993, le MAINC a assuré à la demanderesse qu’elle était membre de la bande de Sakimay aux termes de l’alinéa 11(1)c) de la Loi sur les Indiens. Toutefois, la lettre conseillait à la demanderesse de continuer à faire les démarches nécessaires auprès de Sakimay pour faire inscrire son nom sur la liste des électeurs. Mme Scrimbitt a alors écrit au ministre du MAINC qui, dans une lettre datée du 21 mars 1994, a confirmé l’avis donné par son Ministère selon lequel, dans la mesure où l’affaire concernait la liste des membres de la bande, cette question relevait exclusivement de Sakimay. Le MAINC et le ministre ne pouvaient modifier la liste des membres.

[14]      Le 26 janvier 1995, en prévision des élections imminentes au sein de la bande, la demanderesse a écrit au chef Lindsay Kaye de la Première Nation de Sakimay pour lui demander si son nom figurait sur la liste des électeurs. La réponse à cette demande, datée du 6 février 1995, était rédigée comme suit :

[traduction] Je tiens à vous remercier pour votre lettre du 26 janvier 1995 concernant la question de votre admissibilité à voter aux prochaines élections de la bande de Sakimay.

Sakimay s’oppose ouvertement au projet de loi C-31, au même titre que d’autres Premières Nations, par l’entremise de nos institutions, principalement la FSIN et l’APN, et nous présumons que vous êtes au courant de cette opposition.

La bande de Sakimay a pour politique de ne pas autoriser les membres visés par le projet de loi C-31 à voter aux élections.

Vous avez assisté à une assemblée électorale au cours de laquelle vous avez posé la même question; on vous a répondu que la bande n’autorisait pas les membres visés par le projet de loi C-31 à voter.

Conformément à la politique de la bande de Sakimay, votre nom ne figure pas sur la liste des électeurs.

[15]      La demanderesse affirme [traduction] « [qu’]au cours d’une réunion ultérieure du conseil de Sakimay ayant pour but d’examiner la liste des électeurs, j’ai de nouveau été informée que je ne serais pas autorisée à voter et que mon nom ne serait pas non plus inscrit sur la liste des électeurs ». Par la suite, Mme Scrimbitt a été empêchée de voter quand elle s’est présentée au bureau de scrutin le 24 avril 1995.

[16]      Le 11 février 1997, la demanderesse, en prévision des élections imminentes, a de nouveau écrit au chef et au conseil de bande pour demander que son nom soit inscrit sur la liste des électeurs. Elle a demandé au conseil de lui fournir par écrit les raisons pour lesquelles son nom ne figurait pas sur la liste des électeurs de 1997, mais elle n’a reçu aucune réponse. Son nom ne figurait pas sur la liste. Quand elle s’est présentée à un bureau de scrutin pour l’élection qui a eu lieu à l’été de 1997, elle a été empêchée de voter. Dans le mémoire des faits et du droit de la demanderesse, il est dit que le refus de 1997 est la décision qui est contestée dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[17]      Dans la preuve par affidavit de ses porte-parole et dans l’argumentation verbale qui a été faite devant moi, Sakimay a proposé plusieurs explications pour avoir nié à Mme Scrimbitt son droit de vote. À l’audience devant la Cour, comme nous l’avons déjà noté, le défendeur a abandonné l’une de ses explications, savoir l’argument selon lequel le nom de Mme Scrimbitt ne figurait pas sur la liste de bande quand Sakimay a assumé en 1987 la responsabilité de décider de l’appartenance à ses effectifs. Dans son mémoire des faits et son argumentation, Sakimay a mentionné deux autres raisons pour avoir nié à Mme Scrimbitt le droit de vote. Tout d’abord, Sakimay a indiqué qu’il refuse d’accepter que les Indiens inscrits visés par le projet de loi C-31 soient admissibles à voter, une pratique à laquelle il sera fait référence dans les présents motifs comme étant la « politique de la bande relative au projet de loi C-31 ».

[18]      Sakimay s’appuie également sur la coutume pour justifier son refus d’autoriser la demanderesse à voter. Tout d’abord, il prétend que, conformément à la coutume et à la tradition de Sakimay, l’appartenance à la bande est refusée aux femmes qui ont épousé des hommes ne faisant pas partie de la bande. Deuxièmement, selon la coutume de Sakimay, une personne qui n’est pas membre de la bande ne peut le devenir que lorsqu’une demande présentée à la bande a été approuvée. Selon la coutume, avant d’être admise dans la bande, une personne doit gagner la confiance et le respect des membres, sa position sociale doit être évaluée, le conseil doit entendre une personne parler en faveur de cette personne, après quoi, par consensus ou par vote, la bande au complet décide d’accepter ou de rejeter cette personne comme membre. Seuls les membres de la bande qui respectent le critère de l’âge peuvent voter aux élections de la bande.

La décision faisant l’objet du contrôle

[19]      Après l’introduction de la présente procédure, la demanderesse a demandé la permission de modifier son avis de requête introductif d’instance pour remettre en question la série de décisions lui refusant le droit de vote, et pour demander réparation au ministre aussi bien qu’au conseil de bande. Le juge Rothstein a limité la portée du présent contrôle judiciaire[9] en refusant la prorogation de délai demandée en vue de soumettre au contrôle judiciaire les décisions prises par Sakimay en 1993 et 1995 qui refusaient à la demanderesse son droit de vote, et il n’a pas non plus accordé la prorogation de délai demandée en vue de soumettre au contrôle judiciaire la décision prise en 1987 par le MAINC d’accorder à Sakimay la responsabilité de décider de l’appartenance à ses effectifs, ou le refus du MAINC, communiqué à la demanderesse dans les lettres du 19 juillet 1993 et du 21 mars 1994, de contester les politiques de la bande quant à l’appartenance à ses effectifs. Toutefois, la Cour a prorogé le délai du dépôt de l’avis de requête introductif d’instance présenté en vue du contrôle judiciaire de la décision de 1997 du conseil de bande, qui a été communiquée à Mme Scrimbitt quand elle a été empêchée de voter le jour des élections du conseil de bande. Par conséquent, la décision qui, en l’espèce, fait l’objet du contrôle est le refus d’autoriser la demanderesse à voter aux élections de 1997.

[20]      Même s’il n’y a pas de contestation entre les parties concernant la compétence de la Cour dans la présente instance, il peut être utile d’énoncer le fondement du présent contrôle judiciaire.

[21]      Le paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale[10] dispose que la Cour a compétence pour accorder réparation relativement aux actes ou aux omissions de « tout office fédéral ». Cette réparation peut découler de procédures de contrôle judiciaire engagées en vertu de l’article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5]. Le législateur a défini l’expression « office fédéral » au paragraphe 2(1) [mod., idem, art. 1] de la Loi sur la Cour fédérale dans les termes suivants :

2. (1) […]

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[22]      Il est bien établi qu’un conseil de bande indienne est un « office fédéral » aux termes du paragraphe 2(1) de cette Loi quand il agit en vertu de la Loi sur les Indiens[11]. Le juge en chef adjoint Jerome a statué dans Ermineskin c. Conseil de la bande indienne d’Ermineskin[12] que le pouvoir exercé par le conseil de bande sur ses membres découle de la Loi sur les Indiens, et que l’exercice de ce pouvoir est donc assujetti au contrôle judiciaire. Dans la décision Frank c. Bottle[13], pertinente même si l’affaire ne traitait pas d’un litige concernant l’appartenance à la bande, les défendeurs ont fait valoir que le fait d’agir selon le droit coutumier mettait leurs décisions à l’abri d’un contrôle judiciaire, mais, dans cette affaire, la Cour n’a pas accepté que la coutume de la bande protège les actes du conseil de bande du contrôle judiciaire. À mon avis, même si en l’espèce Sakimay prétend avoir agi en vertu de la coutume de la bande, il a en même temps agi conformément au pouvoir que lui confère la Loi sur les Indiens. Son refus d’autoriser la demanderesse à voter est assujetti au contrôle judiciaire.

[23]      Le contrôle judiciaire se déroule conformément à l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, et les réparations demandées en l’espèce par la demanderesse, c’est-à-dire le certiorari, le mandamus et le jugement déclaratoire, lui sont ouvertes aux termes de l’article 18 de la Loi dans des procédures intentées conformément à l’article 18.1.

Questions en litige

[24]      La contestation par la demanderesse de la décision de Sakimay et les réponses de Sakimay à cette contestation soulèvent les questions suivantes :

1.         La décision de Sakimay de refuser à Mme Scrimbitt le droit de voter aux élections du conseil de bande de 1997 est-elle contraire à la Loi sur les Indiens ou au code d’appartenance à la bande de Sakimay ou à l’une et l’autre?

2.         Sakimay a-t-il enfreint une obligation de fiduciaire que le conseil a à l’égard de Mme Scrimbitt?

3.         La décision par laquelle Mme Scrimbitt a été empêchée de voter a-t-elle porté atteinte à ses droits protégés par les articles 7 et 15 de la Charte d’une manière non justifiée par l’article premier de la Charte?

4.         Sakimay peut-il s’appuyer sur les droits collectifs qui sont conférés aux peuples autochtones du Canada par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982[14] pour justifier son refus d’autoriser Mme Scrimbitt à voter?

5.         L’article 25 de la Charte protège-t-il les actes posés par Sakimay d’un examen fondé sur la Charte?

[25]      Les présents motifs traiteront de chacune de ces questions à tour de rôle.

Analyse

1. La Loi sur les Indiens et le code d’appartenance à la bande de Sakimay

[26]      La demanderesse soutient que Sakimay a enfreint la Loi sur les Indiens en lui niant son droit d’appartenance à la bande et son droit de vote. Elle fait valoir que l’alinéa 6(1)c) de la Loi sur les Indiens lui donnait le droit d’être inscrite comme Indienne et, ce qui est plus important, que l’alinéa 11(1)c) lui donnait le droit d’avoir son nom inscrit sur la liste de bande de Sakimay. Par suite d’une demande présentée en 1985, le MAINC l’a assurée qu’elle était de nouveau inscrite et que son nom avait été rétabli sur la liste de bande de Sakimay. Elle fait valoir que son nom figurait sur la liste quand Sakimay a assumé la responsabilité de décider de l’appartenance à ses effectifs et qu’il en a par la suite été illégalement retranché. Quant au droit de vote, la demanderesse s’appuie sur l’article 77 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 32, art. 14] de la Loi sur les Indiens, qui garantit aux membres de la bande le droit de voter, sous réserve de certaines exceptions qui ne sont pas applicables en l’espèce.

[27]      Le défendeur ne conteste plus le fait que le nom de la demanderesse était inscrit sur la liste de la bande qui lui a été fournie par le MAINC. Toutefois, si je comprends bien, il prétend que Mme Scrimbitt est simplement un visiteur sur la réserve de Sakimay et qu’elle n’est pas membre à part entière étant donné qu’elle n’a pas adhéré à la coutume de la bande, qui exige que Mme Scrimbitt demande officiellement à devenir membre de la bande et que sa demande soit approuvée par vote par la bande défenderesse de Sakimay. Donc, on prétend que Mme Scrimbitt n’est pas membre de la bande, et que sans ce statut de membre, elle n’a aucun droit de vote. En outre, Sakimay s’appuie sur sa politique relative aux membres visés par le projet de loi C-31, qui prive du droit de vote les personnes qui ont été inscrites comme Indiens aux termes de l’alinéa 6(1)c) de la Loi sur les Indiens.

[28]      C’est la Loi sur les Indiens qui régit ultimement l’appartenance à la bande. Le paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens définit l’expression « membre d’une bande » de la façon suivante : « Personne dont le nom apparaît sur une liste de bande ou qui a droit à ce que son nom y figure ». Bien que le défendeur ne conteste plus le fait que le nom de Mme Scrimbitt figurait sur la liste de bande en 1987, il ne reconnaît pas qu’elle avait toujours ce statut quand elle a été empêchée de voter en 1997. Bien que ce soit le refus de son droit de vote qui soit contesté dans la présente demande de contrôle judiciaire, son appartenance à la bande de Sakimay est une question accessoire déterminante pour l’exercice de ce droit de vote.

[29]      À mon avis, Mme Scrimbitt était membre de la bande de Sakimay à l’époque visée, même si son nom ne figurait pas sur la liste de bande utilisée par Sakimay. L’alinéa 11(1)c) reconnaît clairement que la demanderesse avait droit à ce que son nom figure sur la liste de bande de Sakimay, puisqu’elle avait droit d’être inscrite comme Indienne en vertu de l’alinéa 6(1)c). Au moment de sa demande, elle a été informée par le MAINC que son inscription avait été rétablie et que son nom figurait sur la liste de bande de Sakimay. Qui plus est, elle était membre conformément au paragraphe 1 du code d’appartenance à la bande de Sakimay qui stipule qu’une personne a le droit de faire inscrire son nom sur la liste de bande de Sakimay si elle respecte les conditions suivantes :

[traduction]

a) le nom de cette personne était inscrit sur la liste de bande de Sakimay immédiatement avant l’entrée en vigueur de ce code;

b) cette personne a le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)c) de la Loi sur les Indiens de 1985 comme membre de la bande de Sakimay;

c) cette personne a le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)c) de la Loi sur les Indiens de 1985 et a cessé d’être membre de la bande de Sakimay par suite des circonstances énoncées dans cet alinéa […]

[30]      Malgré tout cela, les parties conviennent que le nom de Mme Scrimbitt ne figurait pas sur la liste de bande quand elle a essayé de voter en 1997. Le retranchement de son nom de cette liste de bande constitue à mon avis une contravention à la Loi sur les Indiens. Sakimay avait la responsabilité de régir l’appartenance à ses effectifs quand le nom de Mme Scrimbitt en a été retranché à un moment non précisé après que Sakimay eut accepté cette responsabilité. Aux termes du paragraphe 10(10) de la Loi, Sakimay avait le pouvoir d’ajouter des noms à la liste de bande ou d’en retrancher, mais ce pouvoir est limité par le fait que toute mesure de ce genre doit être prise « aux termes des règles d’appartenance de la bande ».

[31]      Retrancher le nom de Mme Scrimbitt de la liste des membres de Sakimay n’est pas conforme au paragraphe 1 du code d’appartenance à la bande de Sakimay concernant le droit d’être inclus sur la liste. Bien que la bande ait la responsabilité de régir l’appartenance à ses effectifs en vertu de la Loi, son pouvoir d’agir à cet égard est limité par l’article 10 de la Loi. Plus particulièrement, le paragraphe 10(4) prévoit que les règles d’appartenance d’une bande ne peuvent priver quiconque de son droit de faire inscrire son nom sur la liste. Dans la décision Omeasoo c. Canada (Min. des Affaires indiennes et du Nord canadien) et Buffalo et al.[15], le juge en chef adjoint Jerome a statué que le paragraphe 10(4) protège les droits de ceux qui ont le droit d’être membres de la bande aux termes du projet de loi C-31.

[32]      Quand il a refusé à Mme Scrimbitt le droit de voter en 1997, Sakimay a également enfreint l’article 77 de la Loi sur les Indiens. Cette disposition garantit le droit de vote aux membres de la bande qui ont au moins 18 ans et qui résident ordinairement sur la réserve. La Cour suprême du Canada a récemment statué dans Corbiere[16] que l’article 77 est inconstitutionnel parce qu’il limite le droit de vote aux personnes qui « réside[nt] ordinairement sur la réserve ». La Cour a déclaré que cette condition était invalide, mais elle a suspendu sa déclaration d’invalidité pour une période de 18 mois. En l’espèce, le défendeur n’a pas contesté la constitutionnalité de l’article 77. Cette disposition demeure en vigueur et, de toute façon, il n’est pas contesté que Mme Scrimbitt vit sur la réserve. Le droit de voter, qui est garanti par l’article 77 à un membre de la bande, ne peut être nié parce qu’on lui a injustement refusé son droit d’appartenance à la bande, contrairement à la Loi sur les Indiens.

[33]      À mon avis, Sakimay a contrevenu à son propre code d’appartenance et à la Loi sur les Indiens qui en permettait l’adoption, en refusant à la demanderesse le droit de voter au motif que le statut de membre de la bande, auquel elle avait droit en vertu même de ce code et en vertu de la Loi, lui était refusé.

2. L’obligation de fiduciaire

[34]      La demanderesse allègue que Sakimay a enfreint l’obligation de fiduciaire qu’il a envers elle quand il lui a refusé le droit de voter aux élections du conseil de bande. Cette obligation découlerait de deux sources : premièrement, le conseil est en situation d’autorité dans ses rapports avec ses membres et, deuxièmement, ceux-ci lui témoignent leur confiance pour ce qui est de tenir la liste de bande. À ce dernier égard, la demanderesse prétend que la Couronne a envers les Premières Nations l’obligation fiduciaire de tenir avec exactitude les listes de bande et que le conseil de bande a assumé une obligation semblable quand il a accepté la responsabilité de tenir la liste de bande de Sakimay. Le défendeur prétend que le conseil de bande a une obligation envers l’ensemble de ses membres, plutôt qu’envers Mme Scrimbitt ou d’autres particuliers, et il soutient que rien ne permet d’appuyer la proposition selon laquelle la Couronne avait l’obligation fiduciaire particulière de tenir correctement les listes de bande.

[35]      Dans Guerin et autres c. La Reine et autre[17], la Cour suprême du Canada a d’abord analysé l’obligation de fiduciaire de la Couronne dans le contexte d’un titre autochtone. Le juge Dickson y a déclaré :

Il nous faut remarquer que, de façon générale, il n’existe d’obligations de fiduciaire que dans le cas d’obligations prenant naissance dans un contexte de droit privé. Les obligations de droit public dont l’acquittement nécessite l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne créent normalement aucun rapport fiduciaire. Comme il se dégage d’ailleurs des décisions portant sur les « fiducies politiques », on ne prête pas généralement à Sa Majesté la qualité de fiduciaire lorsque celle-ci exerce ses fonctions législatives ou administratives. Cependant, ce n’est pas parce que c’est à Sa Majesté qu’incombe l’obligation d’agir pour le compte des Indiens que cette obligation échappe à la portée du principe fiduciaire. Comme nous l’avons souligné plus haut, le droit des Indiens sur leurs terres a une existence juridique indépendante. Il ne doit son existence ni au pouvoir législatif ni au pouvoir exécutif. L’obligation qu’a Sa Majesté envers les Indiens en ce qui concerne ce droit n’est donc pas une obligation de droit public. Bien qu’il ne s’agisse pas non plus d’une obligation de droit privé au sens strict, elle tient néanmoins de la nature d’une obligation de droit privé. En conséquence, on peut à bon droit, dans le contexte de ce rapport sui generis, considérer Sa Majesté comme un fiduciaire.

[36]      Dans un jugement récent de la Cour, Première Nation de Fairford c. Canada (Procureur général)[18], le juge Rothstein a analysé cette observation du juge Dickson. Il a statué que lorsque la Couronne agit aux termes d’une loi, comme c’était le cas dans l’affaire de la Première Nation de Fairford, elle exerce des fonctions de droit public. Dans ce cas, aucune obligation de fiduciaire n’existe.

[37]      En l’espèce, le paragraphe 10(8) de la Loi sur les Indiens donne à Sakimay la responsabilité de fixer les règles d’appartenance à ses effectifs, et le pouvoir d’établir le code d’appartenance à la bande de Sakimay, qui est devenu l’instrument à partir duquel la liste de bande a été constituée après 1987, quand la bande a assumé la responsabilité de cette liste. Toute obligation qui incombe à Sakimay concernant la tenue de la liste de bande découle de la Loi sur les Indiens et du code d’appartenance à la bande de Sakimay adopté conformément à la Loi. Comme c’était le cas dans Fairford, il s’agit d’une obligation de droit public découlant de la Loi, et non pas d’une obligation de fiduciaire. Cela étant, même si l’on pouvait considérer, quoique cela ne soit pas ce que je conclus en l’espèce, que la Couronne avait une obligation de fiduciaire à l’égard des particuliers avant que Sakimay assume la responsabilité de la tenue de la liste de bande, à mon avis, la nature de cette obligation peut être distinguée de toute obligation de la part de Sakimay envers Mme Scrimbitt découlant subséquemment de la Loi. Sur ce point, je conclus que la mesure prise par Sakimay, qui a refusé à la demanderesse le droit de voter, n’a pas enfreint d’obligation de fiduciaire envers Mme Scrimbitt.

3. Les allégations de contraventions à la Charte

[38]      La demanderesse sollicite une déclaration qu’en l’empêchant de voter aux élections du conseil de bande en 1997 Sakimay a porté atteinte à ses droits à la liberté qui lui sont garantis par l’article 7 et à ses droits à l’égalité qui lui sont garantis par l’article 15 de la Charte. Je commencerai par examiner les allégations ayant trait à l’article 15 de la Charte, pour passer ensuite à l’article 7 et enfin à l’article premier, qui autorise que des limites soient apportées aux droits garantis par d’autres dispositions de la Charte, y compris les articles 15 et 7, dans certaines circonstances.

[39]      Le défendeur fait instamment valoir qu’il n’a pas porté atteinte aux droits de Mme Scrimbitt garantis par la Charte et que, de toute façon, le droit ancestral de Sakimay, confirmé par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, de gérer l’appartenance à ses propres effectifs est préservé par l’article 25 de la Charte.

L’article 15

[40]      Mme Scrimbitt fait valoir qu’en lui refusant le droit de vote, Sakimay a porté atteinte à son droit à l’égalité et à la même protection et au même bénéfice de la loi qui lui est garanti par l’article 15 de la Charte. Elle fait valoir que ce refus constitue de la discrimination fondée sur le sexe, son état matrimonial antérieur et ses antécédents de personne réintégrée comme membre de la bande en vertu du projet de loi C-31.

[41]      Sakimay fait valoir que la négation du droit de vote n’est pas discriminatoire au sens de l’article 15 et n’est pas fondée sur le sexe ou l’état matrimonial de la demanderesse. Outre celle-ci, plus de 900 membres de la bande vivant à l’extérieur de la réserve (y compris quelque 180 personnes visées par le projet de loi C-31) n’ont pas le droit de voter. Dans la mesure où la négation du droit de vote était fondée sur la politique, on prétend que la politique relative au projet de loi C-31 n’est pas discriminatoire puisqu’elle s’applique également aux personnes des deux sexes, abstraction faite de leur état matrimonial, qui ont été incluses dans la liste des membres de la bande du fait de l’adoption du projet de loi C-31. On fait instamment valoir que la politique interdisant aux personnes visées par le projet de loi C-31 de voter n’était pas discriminatoire et, qui plus est, que, dans le cas de Mme Scrimbitt, l’interdiction résulte de la coutume Sakimay.

[42]      Le paragraphe 15(1) de la Charte est rédigé dans les termes suivants :

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

[43]      Depuis que la Cour a entendu la présente affaire, la Cour suprême du Canada s’est prononcée dans l’affaire Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[19]. Le juge Iacobucci, exprimant l’opinion de la Cour, a énoncé de nouveau le cadre d’analyse d’une prétention fondée sur l’article 15. Je remercie les avocats des deux parties qui m’ont aidé par leurs observations écrites à comprendre l’importance de cette décision pour l’espèce.

[44]      Dans l’arrêt Law, le juge Iacobucci, se demandant que devait être le cadre d’analyse d’une prétention fondée sur le paragraphe 15(1), a déclaré [20] :

[…] le tribunal appelé à décider s’il y a eu discrimination au sens du par. 15(1) devrait se poser les trois grandes questions suivantes. Premièrement, la loi contestée a) établit-elle une distinction formelle entre le demandeur et d’autres personnes en raison d’une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, ou b) omet-elle de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence de traitement réelle entre celui-ci et d’autres personnes en raison d’une ou de plusieurs caractéristiques personnelles? Si tel est le cas, il y a différence de traitement aux fins du par. 15(1). Deuxièmement, le demandeur a-t-il subi un traitement différent en raison d’un ou de plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues? Et, troisièmement, la différence de traitement était-elle réellement discriminatoire, faisant ainsi intervenir l’objet du par. 15(1) de la Charte pour remédier à des fléaux comme les préjugés, les stéréotypes et le désavantage historique? Les deuxième et troisième questions servent à déterminer si la différence de traitement constitue de la discrimination réelle au sens du par. 15(1).

[45]      Le juge Iacobucci s’est exprimé également sur l’objet du paragraphe 15(1) et sur la manière dont une mesure suspecte doit être évaluée à la lumière de cet objet. Mme le juge McLachlin, exprimant l’opinion majoritaire de la Cour suprême, a résumé ce raisonnement dans le jugement récent Winko c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute)[21] dans les termes suivants :

En raison du droit à l’égalité garanti par la Charte, les lois et autres mesures gouvernementales ne peuvent, entre autres choses, établir à l’égard d’une personne une distinction fondée sur l’application stéréotypée de caractéristiques de groupe. Cela répugne à notre ordre constitutionnel, car au lieu de considérer que la personne mérite le même intérêt, le même respect et la même considération, on la défavorise arbitrairement et en fonction d’un stéréotype.

L’objectif principal de la garantie inscrite au par. 15(1) est de protéger le droit d’une personne d’être traitée avec dignité. […] [La Cour fait ici référence au raisonnement du juge Iacobucci sur la notion de « dignité humaine » dans l’arrêt Law.]

L’effet d’une loi sur la dignité du demandeur doit être évalué du point de vue de « la personne raisonnable, objective et bien informée des circonstances, dotée d’attributs semblables et se trouvant dans une situation semblable à celle du demandeur ».

[46]      À la lumière de l’article 15, le fondement de la différence de traitement découle de la comparaison entre le traitement que Sakimay a réservé à Mme Scrimbitt en tant que membre de la bande visé par le projet de loi C-31 et la manière dont il a traité d’autres membres de la bande se trouvant dans une situation similaire, si ce n’est qu’ils sont acceptés comme membres autrement qu’en vertu du projet de loi C-31. Ces derniers vivent dans la réserve, au même titre que Mme Scrimbitt, et ont le droit de voter, s’ils respectent le critère de l’âge, alors qu’elle en est privée.

[47]      On prétend que cette différence serait fondée sur la politique de la bande relative au projet de loi C-31, qui refléterait la position de principe des autres Premières Nations de la Saskatchewan. Mais cette référence ne donne aucun statut spécial à la politique, ni aux décisions individuelles prises dans le cas de Mme Scrimbitt, comme apparemment dans d’autres cas, qui ont pour effet de la priver du droit de vote dont jouissent les membres qui ne sont pas classés dans la catégorie des membres visés par le projet de loi C-31.

[48]      On prétend également que cette différence est fondée sur la coutume Sakimay, en particulier, une coutume qui aurait privé les femmes qui ont épousé des hommes autres que des membres de la bande de leur droit d’appartenir à la bande et de leur droit de vote. Comme dans le cas des personnes qui étaient visées par l’ancien alinéa 12(1)b), seules les femmes qui épousaient des hommes ne faisant pas partie de la bande perdaient ces droits, et non pas les hommes. On dit également que la coutume exige qu’une personne qui n’était pas membre de la bande, comme Mme Scrimbitt, du fait de l’application de l’ancien alinéa 12(1)b) de la Loi, fasse une demande qui doit être approuvée par voie de scrutin par la bande avant que cette personne puisse se considérer comme membre de celle-ci. Lors de l’audition, c’est cette dernière coutume qui a été invoquée à l’appui de la prétention selon laquelle la demanderesse ne respectait pas les critères lui permettant de voter, étant donné qu’elle n’avait pas demandé à la bande de devenir membre. Cette explication ne tient pas compte du fait qu’elle était redevenue membre de la bande par suite de l’adoption du projet de loi C-31, et que sa demande de réintégration avait été approuvée par le MAINC avant que Sakimay obtienne de régir l’appartenance à ses effectifs en vertu de la Loi.

[49]      Ces explications invoquées pour empêcher la demanderesse de voter, que ce soit l’application de la politique de la bande relative au projet de loi C-31, ou la coutume de la bande, et la décision pour l’un ou l’autre motif de l’empêcher de voter au bureau de scrutin, entraînent à mon avis une différence de traitement au sens de l’article 15 de la Charte.

[50]      Qui plus est, dans l’un ou l’autre cas cette différence de traitement est fondée sur le sexe, l’état matrimonial ou le statut de la demanderesse relatif au projet de loi C-31. Ces deux derniers motifs sont des motifs analogues à ceux énoncés au paragraphe 15(1). D’autres personnes peuvent être empêchées de voter pour plusieurs raisons, mais il est clair que la demanderesse et d’autres personnes se trouvant dans des situations semblables à la sienne ne votent pas parce qu’on leur a anciennement retiré leur droit d’appartenance à la bande et leur droit de vote du fait de leur sexe, c’est-à-dire parce que ce sont des femmes qui ont marié des hommes qui n’étaient pas des Indiens inscrits. Les hommes n’ont pas été privés de ces droits en épousant des femmes qui n’étaient pas des Indiennes inscrites ou qui ne faisaient pas partie de la bande. On prétend que la politique de Sakimay s’applique également aux hommes et aux femmes faisant partie du groupe visé par le projet de loi C-31. Et pourtant, les hommes qui font partie de ce groupe sont les enfants des femmes qui ont perdu leur qualité de membre du fait de l’application de l’ancien alinéa 12(1)b) de Loi. Aucun enfant de ces femmes, garçon ou fille, n’était membre de la bande avant l’adoption du projet de loi C-31, et cette situation était fondée totalement sur le sexe, étant donné que les enfants dont le père était membre de la bande et avait épousé une femme qui ne faisait pas partie de la bande ne perdaient pas leur statut de membre.

[51]      Ce groupe de femmes et d’enfants, qui font maintenant partie de la catégorie des personnes visées par le projet de loi C-31, ont été historiquement défavorisés du fait de l’application de l’ancien alinéa 12(1)b), une situation que le projet de loi C-31 visait en partie à corriger[22]. À mon avis, ce projet de loi avait pour but de remédier à un traitement discriminatoire réservé de longue date aux femmes autochtones qui épousaient des Indiens non inscrits. La politique de Sakimay relative au projet de loi C-31 rétablit ce traitement et fait échec aux efforts du législateur pour remédier à la discrimination.

[52]      Je suis convaincu que le refus du droit de vote, tel qu’il a été appliqué par Sakimay, en vue de donner effet à sa politique relative au projet de loi C-31 ou à sa prétendue coutume, constituait de la discrimination contre Mme Scrimbitt qui était fondé sur le sexe et l’état matrimonial de celle-ci, donc sur des caractéristiques immuables, soit son sexe et son état matrimonial antérieur. Finalement, je suis convaincu qu’une personne raisonnable, objective et bien informée des circonstances, et dotée d’attributs semblables à ceux de la demanderesse, reconnaîtrait que le refus du droit de vote dans les circonstances de l’espèce est une atteinte à la dignité de la demanderesse, du fait que la discrimination est exercée pour des motifs qu’elle ne peut ni maîtriser ni changer. À mon avis, ce refus contrevient au paragraphe 15(1) de la Charte.

[53]      On fait également valoir que la différence de traitement découlant du fait que la demanderesse était visée par le projet de loi C-31 était fondée sur un motif analogue à ceux qui sont énoncés au paragraphe 15(1). Je ne tire aucune conclusion sur cet argument, étant donné qu’à mon avis il est inutile de le faire en l’espèce, puisque j’ai conclu que la négation du droit de vote de la demanderesse portait atteinte à ses droits protégés par le paragraphe 15(1) de la Charte du fait que cela constituait de la discrimination fondée sur son sexe et son état matrimonial antérieur. On lui a refusé le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi à cause de son sexe et de son état matrimonial antérieur.

[54]      La question de savoir si cette application discriminatoire de la politique ou de la coutume peut être perçue comme une limite raisonnable prescrite par une règle de droit dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique, et qui donc serait acceptable conformément à l’article premier de la Charte, est une question à laquelle je répondrai après avoir examiné les observations de la demanderesse selon lesquelles la négation de son droit de vote contrevient également au droit à la liberté qui lui est garanti par l’article 7 de la Charte.

L’article 7

[55]      L’article 7 de la Charte est rédigé dans les termes suivants :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[56]      La demanderesse fait valoir que Sakimay a porté atteinte à son droit à la liberté garanti par l’article 7 en lui refusant l’autorisation de voter aux élections du conseil de bande en 1997. Bien qu’on n’ait pas physiquement porté atteinte à ses droits à la liberté, elle prétend que la participation au processus démocratique est un élément essentiel du droit à la liberté garanti par l’article 7 et que le refus de Sakimay à cet égard a porté atteinte à sa dignité personnelle. Mme Scrimbitt soutient que ce refus n’était pas conforme aux principes de justice fondamentale étant donné qu’il contrevenait à la Loi sur les Indiens et qu’il a entraîné une contravention au code d’appartenance à la bande de Sakimay.

[57]      Sur la question de savoir si son droit de vote aux élections du conseil de bande de Sakimay est protégé par l’article 7 de la Charte, la Cour doit tenir compte de l’interprétation qui a été donnée de cette disposition par la Cour suprême du Canada. Dans le Renvoi relatif à l’art. 193 et à l’al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.)[23], le juge Lamer (tel était alors son titre) a décrit les droits protégés par l’article 7 comme étant ceux qui visent les restrictions qui découlent des rapports entre un individu et le système judiciaire. Le droit à la liberté protégé par l’article 7 porte sur la protection contre la détention de personnes contre leur volonté et contre des restrictions physiques qui affectent leur intégrité physique et mentale. Cette opinion sur la portée du droit à la liberté protégé par l’article 7 a été mise en doute par certains membres de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto[24]. Dans cette affaire, des parents s’opposaient, pour des motifs religieux, à ce que leur enfant reçoive une transfusion sanguine; le juge en chef Lamer a réitéré son opinion selon laquelle ce sont les rapports entre un individu et le système judiciaire qui font entrer en jeu les droits protégés par l’article 7 qui, comme il le note, sont liés à la « dimension physique » de la liberté. Le juge La Forest, à l’opinion duquel trois membres de la cour ont souscrit, a proposé une définition plus large du terme « liberté », déclarant au paragraphe 80 [page 368] :

[…] la liberté ne signifie pas simplement l’absence de toute contrainte physique. Dans une société libre et démocratique, l’individu doit avoir suffisamment d’autonomie personnelle pour vivre sa propre vie et prendre des décisions qui sont d’importance fondamentale pour sa personne.

[58]      Par la suite, dans l’arrêt Godbout c. Longueuil (Ville)[25], le juge La Forest a précisé sa notion du droit à la liberté protégé par l’article 7. Dans cette affaire, une employée avait été congédiée parce qu’elle ne se conformait pas à une résolution municipale qui exigeait que les employés de la ville habitent dans les limites de la ville. Le juge La Forest, à l’opinion duquel deux autres juges ont souscrit, a maintenu que les droits à la liberté de l’employée protégés par l’article 7 avaient été enfreints, point sur lequel la majorité de la Cour suprême a évité de se prononcer en s’appuyant sur d’autres motifs pour résoudre le litige. Le juge La Forest a décrit la notion du droit à la liberté protégé par l’article 7 en partie de la façon suivante :

[…] la protection du droit à la liberté garanti par l’art. 7 de la Charte s’étend au droit à une sphère irréductible d’autonomie personnelle où les individus peuvent prendre des décisions intrinsèquement privées sans intervention de l’État […] [J]e n’entends pas par là, je le précise, que cette sphère d’autonomie est vaste au point d’englober toute décision qu’un individu peut prendre dans la conduite de ses affaires […] Je suis plutôt d’avis que l’autonomie protégée par le droit à la liberté garanti par l’art. 7 ne comprend que les sujets qui peuvent à juste titre être qualifiés de fondamentalement ou d’essentiellement personnels et qui impliquent, par leur nature même, des choix fondamentaux participant de l’essence même de ce que signifie la jouissance de la dignité et de l’indépendance individuelles.

[59]      Il n’y a pas encore de jurisprudence qui accepte clairement la notion selon laquelle le droit à la liberté protégé par l’article 7 s’étend au-delà de la protection contre les restrictions physiques imposées à la liberté d’une personne. Dans un arrêt très récent[26], la Cour suprême a accepté que le droit de chacun à la sécurité de sa personne, également protégé par l’article 7, s’étend au-delà du contexte du droit criminel et peut inclure le droit du père ou de la mère d’obtenir les services d’un avocat payé par l’État dans une instance concernant la garde d’un enfant. Pour l’opinion minoritaire de la Cour[27], le droit des parents à la liberté protégé par l’article 7 entrait également en jeu dans les circonstances de cette affaire du fait de la procédure concernant la garde de l’enfant.

[60]      Dans la décision Crow c. Conseil de la bande indienne Blood[28], un conseil de bande avait déclaré un conseiller coupable d’inconduite en vertu du règlement électoral du conseil et l’avait démis de ses fonctions. Le conseiller a allégué que le conseil avait porté atteinte à ses droits à la liberté protégés par l’article 7. Après avoir indiqué que les droits à la liberté peuvent s’étendre au-delà de la notion de liberté physique, le juge Heald a déclaré ce qui suit :

En l’espèce, le demandeur a été démis du poste auquel il avait été élu, et ce en application du règlement électoral coutumier de la bande. Il s’est vu également refuser la possibilité d’être candidat à l’élection subséquente. Cependant, il n’en a pas été exclu à titre d’électeur. On ne l’a pas empêché de poursuivre ses ambitions politiques dans d’autres arènes. À mon avis donc, le demandeur n’a pas pu prouver que les actes des défendeurs ont porté atteinte à sa liberté telle qu’elle est protégée par l’article 7 de la Charte.

[61]      On pourrait inférer de cette décision que si le privilège de voter en tant qu’électeur avait été refusé dans ce cas, le juge suppléant Heald aurait conclu que les droits à la liberté protégés par l’article 7 avaient été enfreints; mais cela n’a pas été le cas.

[62]      Je ne suis pas convaincu que Sakimay a porté atteinte aux droits de Mme Scrimbitt protégés par l’article 7 de la Charte. Bien que l’évolution de la jurisprudence laisse supposer une tendance à interpréter le droit à la liberté protégé par l’article 7 comme étant plus large que le droit d’être protégé contre les restrictions physiques, il n’y a pas encore de précédent qui nous permette de conclure que l’article 7 protège le droit de la demanderesse de voter en l’espèce. Je répète que j’ai déjà conclu que ce droit est protégé constitutionnellement par l’article 15 de la Charte.

[63]      Si j’avais tort de parvenir à cette conclusion sur l’étendue du droit à la liberté, et que le droit à la liberté de la demanderesse protégé par l’article 7 a été enfreint en l’espèce, je serais prêt à reconnaître que cette contravention n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale. Des mesures qui contreviennent à la loi adoptée par le Parlement et par la bande de Sakimay, dans la Loi sur les Indiens, et au code d’appartenance à la bande de Sakimay adopté en vertu de la Loi, ne sont pas conformes à la justice fondamentale. Donc, si mon interprétation de l’étendue du droit à la liberté protégé par l’article 7 est erronée, je conviendrais que Sakimay a enfreint les droits de Mme Scrimbitt protégés par l’article 7.

L’article premier

[64]      Pour ce qui a trait aux contraventions à l’article 7 ou au paragraphe 15(1) de la Charte, il est nécessaire de se demander si la contravention alléguée se situe dans des « limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique », comme le prévoit l’article premier de la Charte. La Cour doit se demander si la contravention résulte d’une « règle de droit » et si, le cas échéant, cette limite est raisonnable et que sa justification peut se démontrer d’après l’analyse énoncée dans La Reine c. Oakes[29].

[65]      La demanderesse soutient que le refus opposé à l’exercice de son droit de vote, fondé sur la politique de Sakimay relative au projet de loi C-31, ne résulte pas d’une règle de droit. Dans l’arrêt R. c. Therens et autres[30], le juge Le Dain, dissident sur d’autres motifs, a énoncé le raisonnement suivant au sujet de l’article premier, raisonnement que la Cour suprême a subséquemment endossé :

L’exigence que la restriction soit prescrite par une règle de droit vise surtout à faire la distinction entre une restriction imposée par la loi et une restriction arbitraire. Une restriction est prescrite par une règle de droit au sens de l’art. 1 si elle est prévue expressément par une loi ou un règlement, ou si elle découle nécessairement des termes d’une loi ou d’un règlement, ou de ses conditions d’application. La restriction peut aussi résulter de l’application d’une règle de common law.

[66]      En l’espèce, ni la Loi sur les Indiens ni le code d’appartenance à la bande de Sakimay adopté en vertu de la Loi n’incorporent la politique de Sakimay relative au projet de loi C-31, et cette politique de même que les mesures qui se fondent sur elle ne sont pas prescrites par une règle de droit au sens défini par le juge Le Dain. En fait, la Loi sur les Indiens exclut expressément les dispositions du code d’appartenance qui incorporeraient la politique de Sakimay qui va à l’encontre de l’intention du législateur et des mesures qu’il a prises en adoptant le projet de loi C-31. Il n’existe aucune résolution du conseil de bande de Sakimay ni aucun procès-verbal d’une réunion du conseil ou de ses décisions, du moins aucune n’a été produite devant la Cour, qui autorise le conseil à refuser à la demanderesse le droit de voter.

[67]      On prétend que Sakimay a simplement adopté la politique de l’Assemblée des Premières Nations et de la Federation of Saskatchewan Indian Nations. Ces politiques ne sont pas des règles de droit et, qui plus est, il n’y a pas de résolution de la bande ni aucun avis officiel attestant que Sakimay a adopté ces politiques, pas plus qu’il n’y a de preuve de la date à laquelle Sakimay a adopté sa politique.

[68]      L’avocat de Sakimay a également fait valoir, dans son argumentation orale, que le fait de refuser à Mme Scrimbitt ses droits d’appartenance à la bande était prescrit par une règle de droit parce qu’en agissant ainsi Sakimay se conformait à sa coutume. À mon avis, comme j’en ferai mention ci-dessous en examinant l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, Sakimay n’a pas déposé une preuve suffisante pour établir cette prétendue coutume. Si la coutume peut constituer le fondement d’une limite prescrite par une règle de droit au sens de l’article premier de la Charte, en l’espèce la coutume alléguée n’a pas les attributs d’une règle de droit.

[69]      Au nom de Sakimay, on a fait valoir dans les observations écrites et à l’audience que la justification de toute atteinte à ses droits alléguée par la demanderesse peut être démontrée en vertu de l’article premier de la Charte du fait des préoccupations du conseil de bande au sujet du logement et d’autres services à offrir au nombre considérable de membres de la bande qui ont été réintégrés dans leurs droits en vertu du projet de loi C-31, compte tenu des ressources limitées dont il dispose. Je ne suis pas convaincu que ces préoccupations économiques puissent appuyer la conclusion que l’article premier autoriserait qu’il soit porté atteinte aux droits de Mme Scrimbitt protégés par le paragraphe 15(1). La question en l’espèce concerne le refus du droit de vote lors d’une élection du conseil de bande, et non pas d’autres droits des membres de la bande ni l’affectation de ressources limitées destinées aux besoins de ceux-ci.

[70]      À mon avis, la limite imposée aux droits de la demanderesse, c’est-à-dire le refus opposé à l’exercice de son droit de voter aux élections de 1997, ne résulte pas d’une règle de droit. Que le fondement de cette limite soit, comme le défendeur le prétend, la politique de la bande, la coutume de la bande ou les préoccupations économiques du conseil de bande, celle-ci n’est pas autorisée par l’article premier de la Charte.

Les droits ancestraux protégés par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 et les articles 25 et 28 de la Charte.

[71]      Sakimay prétend également que l’article 35 de la partie II de la Loi constitutionnelle de 1982 lui reconnaît des droits autochtones qui, aux termes de l’article 25 de la Charte, sont protégés contre les effets de toute atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte que le respect des droits ancestraux peut entraîner. Au nom de la demanderesse, on fait instamment valoir que la preuve n’établit pas des droits ancestraux au sens de l’article 35, mais que, même si des droits ancestraux étaient établis, ils n’auraient pas priorité sur les droits garantis par la Charte, étant donné que l’article 25 est assujetti à l’application de l’article 28 dans un cas comme en l’espèce où la mesure contestée constitue de la discrimination fondée sur le sexe. Il est allégué que l’article 28 fait en sorte que les dispositions de la Charte, y compris l’article 25, sont assujetties à l’égalité de garantie des droits pour les personnes des deux sexes. En outre, le paragraphe 35(4) stipule que les droits ancestraux sont garantis également aux personnes des deux sexes. Les dispositions citées par les parties sont les suivantes :

[Charte canadienne des droits et libertés]

25. Le fait que la présente charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés— ancestraux, issus de traités ou autres—des peuples autochtones du Canada, notamment :

a) aux droits ou libertés reconnus par la Proclamation royale du 7 octobre 1763;

b) aux droits ou libertés existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

[…]

28. Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.

[Loi constitutionnelle de 1982]

35. (1) Les droits existants—ancestraux ou issus de traités—des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

(2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s’entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

(4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits—ancestraux ou issus de traités—visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.

[72]      L’argument de Sakimay est fondé sur sa perception que le droit réclamé en l’espèce est le droit de la bande de fixer les règles d’appartenance à ses effectifs. Ce droit serait d’une importance fondamentale pour la nation de Sakimay puisque son exercice permettrait de déterminer qui en fait partie. On fait valoir que le contrôle exercé par l’application de la coutume de la bande est un droit ancestral au sens du paragraphe 35(1). On prétend que, même s’il ne peut être prouvé que cette coutume remonte à une époque antérieure au contact avec les colons d’origine européenne, une période moindre attestant une coutume qui est essentielle à son existence et qui se reflète dans la vie de la nation concernée suffit pour établir adéquatement ce droit.

[73]      Pour le compte de Sakimay, on fait donc valoir qu’il n’est pas nécessaire de respecter l’exigence relative à la preuve qui a été établie par la majorité de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Van der Peet[31], et que la norme subsidiaire énoncée par Mme le juge L’Heureux-Dubé dans cet arrêt[32] est plus appropriée en l’espèce. Dans le cas qui nous occupe, le droit en cause est celui d’un peuple qui était à l’origine nomade jusqu’à ce que les troupeaux de buffles ne soient plus suffisants pour subvenir aux besoins des peuples vivant dans les plaines. Dans les termes utilisés par le juge L’Heureux-Dubé, le droit de fixer les règles d’appartenance est un droit coutumier et traditionnel de Sakimay et il est « important et fondamental] pour l’organisation sociale et la culture d’un groupe particulier d’autochtones »[33], en l’espèce la nation Sakimay.

[74]      Mes réticences à l’égard de cet argument ont deux volets. Tout d’abord, le droit principal réclamé en l’espèce par la demanderesse est le droit de vote. Le droit d’appartenance à la bande est une question secondaire parce que Sakimay nie essentiellement que Mme Scrimbitt est membre de la bande, alors que la demanderesse a présumé qu’elle était membre de la bande, particulièrement à la lumière des assurances que lui ont données le MAINC et le ministre. En fait, son appartenance continue à la bande en vertu de la coutume Sakimay a été reconnue par l’auteur d’un affidavit, qui était alors le chef de la bande, au cours du contre-interrogatoire au sujet de son affidavit déposé au nom de la bande. Qui plus est, en vertu de la loi adoptée par le législateur, le projet de loi C-31, elle a été réintégrée comme membre de la bande, et le droit que la bande détient en vertu d’une loi de fixer les règles d’appartenance à ses effectifs, droit qu’elle exerce même quand elle prétend exercer ses droits coutumiers, l’empêchait de retrancher le nom de la demanderesse de la liste des membres. Le fondement allégué pour lui refuser son droit de vote était qu’elle faisait partie des membres de la bande visés par le projet de loi C-31.

[75]      À mon avis, le droit principalement contesté en l’espèce n’est pas le droit d’appartenir à la bande. Son statut de membre de la bande a été réglé par le projet de loi C-31, sa demande subséquente au MAINC et le rétablissement de son statut par le Ministère. La Cour n’était saisie d’aucune preuve d’une coutume par laquelle la bande pourrait refuser le droit de voter aux élections du conseil de bande aux membres de la bande qui vivent dans la réserve. Je ne suis donc pas convaincu qu’on a établi en l’espèce un droit ancestral de refuser le droit de vote à un membre de la bande.

[76]      Étant donné que je suis d’avis que la preuve est insuffisante pour conclure à l’existence d’un droit ancestral aux termes du paragraphe 35(1) et parce que l’argument était limité au lien entre les articles 25, 28 [de la Charte] et l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, il ne serait pas approprié de trancher le litige entre les parties en s’appuyant sur ce lien. L’interprétation de ces articles à la lumière de leur interrelation pourra être déterminée dans une affaire où ce point sera clairement invoqué. En différant le règlement de cette question à une autre cause, je suis le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans Corbiere[34].

[77]      Je résume le résultat de mes conclusions sur les arguments relatifs à la Charte soulevés en l’espèce. À mon avis, la négation du droit de vote de la demanderesse aux élections du conseil de bande de 1997 a porté atteinte au droit de Mme Scrimbitt à la même protection et au même bénéfice de la loi qui lui est garanti par le paragraphe 15(1) de la Charte. Cette négation n’est pas protégée par une limite prescrite par une règle de droit et elle n’est donc pas autorisée en vertu de l’article premier. Finalement, ces droits, à mon avis, ne sont pas subordonnés à des droits ancestraux incompatibles garantis par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, étant donné que ces droits incompatibles n’ont pas été établis par la preuve dont je suis saisi.

Les réparations

[78]      Les réparations demandées par la demanderesse dans son avis de requête introductif d’instance incluaient certaines réparations qu’elle ne peut, de façon ordinaire ou autre, obtenir de la Cour. Les réparations initialement demandées ont par la suite été modifiées dans un avis de requête introductif d’instance modifié et par l’ordonnance[35] du juge Rothstein qui a restreint la portée de la présente instance. Les demandes de réparations ont de nouveau été modifiées dans les observations écrites et orales de la demanderesse lors de l’audition de l’affaire. En résumé, je statue sur ces demandes de réparations, selon la forme qu’elles ont finalement prise à l’audience, de la façon suivante :

(i) La demande de certiorari de la demanderesse pour faire annuler la décision de 1997 de Sakimay de lui refuser le droit de voter est rejetée, parce qu’à mon avis la question est théorique puisque la réparation demandée ne pourrait à l’heure actuelle changer la situation.

(ii) La demande d’un jugement déclaratoire que la politique de Sakimay relative au projet de loi C-31 est ultra vires dans ce sens qu’elle contrevient aux articles 7 et 15 de la Charte, aux articles 6, 10 et 77 de la Loi sur les Indiens et aux obligations de fiduciaire du conseil est accueillie en partie, par l’ordonnance qui est rendue en même temps que les présents motifs, et qui déclare que la négation des droits de la demanderesse comme membre de la bande de Sakimay, en particulier le droit de voter aux élections du conseil de bande de 1997, en raison de son statut de membre visé par le projet de loi C-31, est contraire à l’article 77 de la Loi sur les Indiens et au code d’appartenance à la bande de Sakimay adopté en vertu de la Loi et porte atteinte à ses droits garantis par le paragraphe 15(1) de la Charte dont la contravention n’est pas justifiée par l’article premier et qui ne sont pas touchés par une prétention fondée sur le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

(iii) La demande d’un bref de mandamus obligeant Sakimay à réinscrire le nom de la demanderesse sur la liste de bande à compter de la date à laquelle son nom en a été retranché, est accueillie en partie. Il est clair que le nom de la demanderesse figurait sur la liste de bande au moment où la bande a assumé la responsabilité de tenir la liste des membres de la bande. Le pouvoir de la bande de retrancher son nom de la liste pour la simple raison qu’elle était visée par le projet de loi C-31 était prescrit en raison de l’adoption de l’article 10 de la Loi sur les Indiens édicté par le projet de loi C-31; les parties ont convenu qu’au moment où l’affaire a été entendue le nom de la demanderesse ne figurait pas sur la liste des membres de la bande. Si son nom ne figure pas à l’heure actuelle sur la liste de bande, j’ordonne à la bande d’inscrire le nom de la demanderesse sur la liste et que cette mesure prenne effet à compter de la date à laquelle la bande a assumé la responsabilité de fixer les règles d’appartenance à ses effectifs et de tenir la liste de ceux-ci.

(iv) La demande d’un bref de mandamus obligeant le conseil de la bande de Sakimay à inscrire le nom de la demanderesse sur la liste des électeurs pour les élections de 1999 et toutes les élections futures du conseil de bande est accueillie en partie. Étant donné que, si je comprends bien, les élections de 1999 ont déjà eu lieu, l’ordonnance ne fera pas référence en particulier à la liste des électeurs pour ces élections. Tant et aussi longtemps que Mme Scrimbitt continue d’être membre de la bande, elle a le droit en vertu de l’article 77 de la Loi sur les Indiens, au même titre que les autres membres de la bande, de voter aux élections à venir et elle ne doit pas être privée de son droit de voter, sauf dans la mesure où tous les autres membres en seront également privés. L’ordonnance décernée accorde cette réparation.

[79]      La demanderesse réclame que les dépens lui soient adjugés sur la base avocat-client, ou selon la colonne V du tarif établi dans les Règles de la Cour [Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106]. À mon avis, il ne s’agit pas d’un cas qui justifie l’octroi des dépens sur la base avocat-client. Les questions soulevées en l’espèce ont été débattues par les parties au cours de longues instances devant la Cour de la Saskatchewan et devant la présente Cour, initialement dans le cadre d’une action et plus récemment dans une demande de contrôle judiciaire. Bien entendu, je ne me prononce maintenant que sur les dépens ayant trait à la présente procédure de contrôle judiciaire. Dans cette instance, le défendeur Sakimay n’a pas pris de mesures inutiles ou erronées qui puissent justifier l’octroi des dépens sur la base avocat-client[36].

[80]      Les dépens suivent habituellement l’issue du contrôle judiciaire ou du procès. La demanderesse a généralement obtenu gain de cause au sujet de certaines des réparations qu’elle recherchait et qu’elle a modifiées quand cette affaire a été entendue. Je suis persuadé que la demanderesse a engagé des frais plus élevés que ceux qu’elle aurait engagés dans une procédure habituelle de contrôle judiciaire, parce que le fondement du refus du défendeur d’autoriser Mme Scrimbitt à voter était incertain et qu’il a été modifié de temps à autre. Tout d’abord, ce refus a été fondé sur la propre politique de Sakimay relative au projet de loi C-31, puis sur la politique d’autres organismes régionaux et nationaux, puis sur l’allégation d’une coutume Sakimay, et ensuite sur le fait que le nom de la demanderesse n’était pas inscrit sur la liste des membres de la bande, argument qui n’a été abandonné qu’à l’audience, et finalement sur le fait, débattu par le défendeur à l’audience, que la demanderesse n’avait pas demandé à être membre de la bande et qu’elle n’avait pas été acceptée à ce titre par un vote de la bande conformément à la coutume sakimay. Le temps de préparation d’une réfutation de ces différents motifs allégués par Sakimay comme justification des mesures prises par le conseil dépasse de beaucoup, d’après l’avocat de la demanderesse, le temps normal de préparation. Je suis d’accord. J’accorde à la demanderesse les dépens d’après l’échelle établie à la colonne IV pour deux avocats dans la mesure où ils ont tous deux participé au contre-interrogatoire des auteurs des affidavits déposés au nom de Sakimay, à la préparation du mémoire des faits et du droit de la demanderesse, et à l’audition de la demande. Les parties peuvent s’entendre sur des frais qui tiennent compte de ces considérations ou alors les frais peuvent être taxés sur demande de l’une ou l’autre des parties.

Conclusion

[81]      L’ordonnance rendue accueille en partie la demande de contrôle judiciaire, comme il a été indiqué ci-dessus relativement à certaines des réparations demandées, et les dépens sont accordés à la demanderesse selon ce qui est indiqué ci-dessus.

[82]      L’ordonnance prévoit également que l’intitulé de la cause dans la présente instance est identique à celui qui figure au début de l’ordonnance et des présents motifs, conformément à l’ordonnance du juge Rothstein en date du 2 décembre 1998, qui prévoit que « le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien [est] radi[é] de ce dossier en tant que défendeu[r] ».



[1]  Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

[2]  L.R.C. (1985), ch. I-5, et ses modifications.

[3]  [1999] 1 R.C.S. 497.

[4]  [1999] 2 R.C.S. 203; modifiant [sub nom Bande indienne de Batchewana (membres non-résident) c. Bande indienne de Batchewana] [1997] 1 C.F. 689 (C.A.).

[5]  S.R.C. 1970, ch. I-6, art. 12(1)b).

[6]  Loi modifiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, ch. 27. Cette Loi est devenue L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 32.

[7]  L.R.C. (1985), ch. I-5.

[8]  Aux termes de l'art. 5 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 32, art. 4] de la Loi, le registraire du MAINC est autorisé à ajouter au registre des Indiens le nom d'une personne qui a le droit, en vertu du projet de loi C-31, d'être inscrite et qui demande son inscription.

[9]  Voir Scrimbitt c. Canada, [1998] F.C.J. no 1786 (1re inst.) (QL).

[10]  L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications [art. 18(1) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4)].

[11]  Canatonquin c. Gabriel, [1980] 2 C.F. 792 (C.A.).

[12]  (1995), 96 F.T.R. 181 (C.F. 1re inst.).

[13]  [1994] 2 C.N.L.R. 45 (C.F. 1re inst.).

[14]  Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

[15]  [1989] 1 C.N.L.R. 110 (C.F. 1re inst.).

[16]  Précité, note 4.

[17]  [1984] 2 R.C.S. 335, à la p. 385.

[18]  [1999] 2 C.F. 48 (1re inst.).

[19]  [1999] 1 R.C.S. 497.

[20]  Ibid., au par. 39 [p. 524].

[21]  (1999), 175 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.), aux par. 74 et 75 [p. 233].

[22]  Voir l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Bande indienne de Batchewana, précitée, note 4, au par. 37 [p. 724], où la Cour a cité avec approbation l'étude d'impact du projet de loi C-31 notant que l'un des objectifs de ce projet de loi était de « supprimer de la Loi toute discrimination fondée sur le sexe, de redonner le statut d'Indien aux personnes admissibles et de les réintégrer dans leurs droits en tant que membres de la bande (particulièrement les femmes qui ont perdu leur statut par suite de leur mariage à un non-Indien) ».

[23]  [1990] 1 R.C.S. 1123.

[24]  [1995] 1 R.C.S. 315.

[25]  [1997] 3 R.C.S. 844, à la p. 893.

[26]  Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.) (1999), 177 D.L.R. (4th) 124 (C.S.C.).

[27]  Ibid., au par. 117 et suiv., le juge L'Heureux-Dubé, les juges Gonthier et McLachlin souscrivant à son opinion.

[28]  [1997] 3 C.N.L.R. 76 (C.F. 1re inst.), à la p. 87.

[29]  [1986] 1 R.C.S. 103.

[30]  [1985] 1 R.C.S. 613, à la p. 645. Le critère du juge Le Dain concernant la « règle de droit » a été suivi à l'unanimité par la Cour suprême dans R. c. Thomsen, [1988] 1 R.C.S. 640, à la p. 650, et dans les jugements distincts et concordants des juges McLachlin et L'Heureux-Dubé dans Comité pour la République du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139.

[31]  [1996] 2 R.C.S. 507.

[32]  Ibid., au par. 95 [p. 572] et suiv.

[33]  Ibid., au par. 160 [p. 594].

[34]  Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), précité, note 4, aux par. 20 et 51 à 53 [p. 18 et 36 à 38].

[35]  Ordonnance en date du 2 décembre 1998 [[1998] F.C.J. no 1786 (1re inst.) (QL)].

[36]  Voir, p. ex., Keramchemie GmbH c. Keramchemie (Canada) Ltd. (1998), 83 C.P.R. (3d) 223 (C.A.F.).

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