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T‑1517‑04

2006 CF 1378

Maurice Philipps (demandeur)

c.

Bibliothécaire et Archiviste du Canada (défendeur)

Répertorié : Philipps c. Canada (Bibliothécaire et Archiviste) (C.F.)

Cour fédérale, juge Noël—Montréal, 17 octobre; Ottawa, 14 novembre 2006.

Biens culturels — Contrôle judiciaire de la décision du défendeur de maintenir les restrictions d’accès aux archives privées déposées par Me Louis M. Bloomfield (donateur) à Bibliothèque et Archives Canada (BAC) en 1979, 1980 — Les documents ont été cédés à la condition qu’ils ne soient pas rendus publics pendant une période de 20 ans après le décès du donateur — Le donateur est décédé le 7 novembre 1984 — Son épouse, qui a été nommée « exécutrice littéraire » du fonds, a accepté les modalités de l’entente conclue entre BAC et le donateur, mais elle a demandé le 31 août 2004 une prolongation de la période de restriction d’accès, afin que celle‑ci ne se termine que 10 ans après son propre décès, puis elle a fait passer cette période à 25 ans — La demande d’accès présentée par le demandeur en 2004 a été refusée — La collection Bloomfield fait partie du « patrimoine documentaire » du Canada, au sens de l’art. 2 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada — La mission, prévue à l’art. 7 de la Loi, est notamment de rendre le partrimoine documentaire accessible — L’administrateur général de BAC a été investi du pouvoir discrétionnaire nécessaire à l’atteinte des objectifs fixés à l’art. 7, et plus spécifiquement le contrôle de l’accès aux documents privés conservés par BAC — Le demandeur n’a pas un droit d’accès inconditionnel aux documents du fonds Bloomfield — En outre, il n’a aucun droit d’accès inconditionnel au titre de la Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels, parce que les documents du fonds Bloomfield ont été aliénés de façon irrévocable conformément aux art. 26, 27 de cette loi — Le défendeur a commis une erreur de droit lorsqu’il a refusé la demande initiale d’accès présentée par le demandeur en 2004 en prolongeant la période de restriction d’accès, puisque le donateur n’avait pas confié à son épouse le pouvoir général de gestion de la collection — La décision du 8 août 2005 n’était pas raisonnable — Demande accueillie.

Code civil — Contrôle judiciaire de la décision du défendeur de maintenir les restrictions d’accès aux archives privées déposées par Me Louis M. Bloomfield à Bibliothèque et Archives Canada — Suivant les art. 1806, 1807 du Code civil du Québec (CCQ), le donateur peut imposer des conditions à une donation, et notamment restreindre l’accès pendant une période précise lors du transfert de propriété — L’épouse avait la responsabilité de contrôler l’accès au fonds de documents pendant une période de 20 ans après le décès du donateur; elle avait donc un mandat spécial pour cette période, suivant les règles sur le mandat prévues au CCQ (art. 2130 à 2185) — N’ayant pas été investie de pouvoirs généraux, l’épouse n’avait pas le pouvoir de prolonger la période de restriction d’accès.

Accès à l’information — Contrôle judiciaire de la décision du défendeur de maintenir les restrictions d’accès aux archives privées déposées par Me Louis M. Bloomfield à Bibliothèque et Archives Canada (BAC)— Aux termes de l’art. 68c) de la Loi sur l’accès à l’information, certains documents déposés à BAC sont soustraits au régime de la Loi — Par conséquent, parce que les documents du fonds Bloomfield tombaient sous le coup de l’art. 68c), le demandeur ne pouvait y avoir accès au titre de cette loi.

Compétence de la Cour fédérale — Contrôle judiciaire de la décision du défendeur de maintenir les restrictions d’accès aux archives privées déposées par Me Louis M. Bloomfield à Bibliothèque et Archives Canada — La lettre en date du 8 août 2005 du défendeur constituait une décision au sens de la Loi sur les Cours fédérales — La lettre confirmait la nouvelle évaluation de la demande d’accès aux documents du fonds Bloomfield — Il s’agissait d’un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire à la lumière de faits nouveaux — La décision « finale » était susceptible de contrôle judiciaire par la Cour.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du défendeur de maintenir les restrictions d’accès aux archives privées déposées par Me Louis M. Bloomfield, éminent avocat montréalais, à Bibliothèque et Archives Canada (BAC) entre 1979 et 1980. Comme condition de donation, Me Bloomfield a exigé que ses archives ne soient pas rendues publiques pendant une période de 20 ans après son décès. De plus, il a confié à son épouse le rôle d’« exécutrice littéraire » et a prévu qu’elle et certaines autres personnes de sa famille auraient accès en tout temps aux documents du fonds. À la suite du décès de Me Bloomfield le 19 juillet 1984, Mme Bloomfield a accepté les modalités de l’entente conclue entre BAC et Me Bloomfield, mais a déclaré qu’il pourrait y avoir révision de la restriction d’accès à une date ultérieure. Selon la base de données de BAC, la période de restriction d’accès aux documents du fonds Bloomfield était de 20 ans à compter du 19 juillet 1984.

Lorsqu’il a initialement demandé l’accès au fonds Bloomfield le 10 août 2004, le demandeur a appris qu’il fallait toujours une autorisation pour consulter le fonds. Entre‑temps, Mme Bloomfield a demandé et obtenu qu’une nouvelle restriction d’accès au fonds Bloomfield soit imposée pour une période ne se terminant que 10 ans après son propre décès, et ce, pour des raisons de protection de la vie privée et de sauvegarde de la réputation de Me Bloomfield. Le demandeur a été informé de cette nouvelle restriction lorsqu’il a présenté une nouvelle demande d’accès aux documents du fonds en janvier 2005. Par la suite, on a fait passer la période de restriction d’accès au fonds Bloomfield à 25 ans après le décès de Mme Bloomfield. Après avoir revu le dossier une autre fois, le 8 août 2005, le défendeur a envoyé au demandeur une lettre l’informant du maintien des « restrictions » d’accès au fonds Bloomfield et du caractère final du refus. Le demandeur demande le contrôle judiciaire de cette décision du défendeur.

Étaient en litige les questions suivantes : 1) Mme Bloomfield avait‑elle la capacité de réviser les restrictions d’accès au fonds Bloomfield? 2) La lettre de BAC en date du 8 août 2005 constituait‑elle une décision susceptible de contrôle judiciaire? 3) Le demandeur aurait‑il dû avoir accès au fonds Bloomfield en application de la Loi sur l’accès à l’information, de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada ou de la Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels? 4) Le défendeur a‑t‑il eu tort de refuser la demande initiale d’accès au fonds Bloomfield présentée par le demandeur? 5) Le défendeur a‑t‑il eu tort de décider de prolonger la restriction d’accès au fonds Bloomfield?

Jugement : la demande doit être accueillie.

1) Étant donné que le donateur était domicilié au Québec au moment de la donation, ce sont les règles de donation prévues au Code civil du Québec (CCQ) (articles 1806 à 1841) qui s’appliquaient. L’accès aux documents personnels a été restreint pendant une période de 20 ans dès le transfert de leur propriété à BAC. Les articles 1806 et 1807 du CCQ prévoient une telle restriction. Toutefois, le donateur n’avait pas prévu la révision de cette période de restriction d’accès, mais avait nommé une exécutrice littéraire ayant pour mandat de contrôler l’accès au fonds pendant cette période de restriction. Suivant les règles sur le mandat prévues au CCQ (articles 2130 à 2185), l’exécutrice littéraire ne peut avoir plus de pouvoirs que ceux que le donateur lui a attribués. Le mandat de l’épouse avait un objectif précis et expirait à la fin de la période de restriction d’accès de 20 ans; elle avait donc un mandat spécial et son pouvoir de contrôler l’accès s’éteignait à ce moment. Il ressort clairement de la jurispru-dence québécoise que l’intention du donateur doit être respectée. Par conséquent, le donateur ne lui ayant pas attribué de pouvoirs généraux, dont celui de prolonger la période de restriction d’accès, l’exécutrice littéraire ne pouvait accaparer un pouvoir que le donateur ne lui avait pas confié.

2) La lettre du défendeur en date du 8 août 2005 n’était pas une lettre de courtoisie, qui n’aurait pas constitué une décision ou une ordonnance au sens de la Loi sur les Cours fédérales. Lorsqu’il a décidé de réviser sa décision de refuser au demandeur l’accès au fonds Bloomfield, le défendeur a procédé à une nouvelle évaluation de la situation en tenant compte des arguments soulevés par le demandeur et a confirmé sa démarche en envoyant au demandeur la lettre du 8 août 2005. Par conséquent, comme il s’agissait d’un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire à la lumière de faits nouveaux et que la décision était « finale », comme le précisait la lettre, cette décision était susceptible de contrôle judiciaire par la Cour.

3) Le demandeur ne pouvait avoir accès aux documents du fonds Bloomfield, parce qu’aux termes de l’alinéa 68c) de la Loi sur l’accès à l’information, certains documents déposés à BAC, dont ceux‑ci, sont soustraits au régime de la Loi. L’objet de l’alinéa 68c) est de traiter différemment, en matière d’accès à l’information, les documents qui se trouvent en possession de certaines institutions fédérales comme BAC, si ces documents ont été déposés par une personne ou un organisme extérieur à l’administration fédérale.

La Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada n’aborde pas de façon directe le dépôt de documents privés à BAC ou les conditions d’accès aux documents en possession de BAC. Toutefois, le préambule de la Loi précise clairement l’objectif du législateur de rendre accessible le patrimoine documentaire. Suivant la définition de « patrimoine documentaire » donnée à l’article 2, les documents du fonds Bloomfield sont donc considérés comme faisant partie du patrimoine documentaire du Canada. La mission, prévue à l’article 7 de la Loi, est notamment de rendre le partrimoine documentaire accessible, et l’article 8 précise les moyens que BAC peut utiliser pour remplir sa mission. Il doit donc y avoir un exercice de pondération entre l’objectif d’accès et l’observation des conditions de la donation et autres considérations légitimes. En somme, l’administrateur général de BAC a été investi du pouvoir discrétionnaire de prendre les mesures nécessaires pour permettre à BAC d’atteindre les objectifs fixés à l’article 7. Puisque la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada ne limite d’aucune manière la liberté accordée à l’administrateur général pour réaliser la mission de BAC, et plus spécifiquement le contrôle de l’accès aux documents privés conservés par BAC, le demandeur n’avait pas un droit d’accès inconditionnel sans restriction aux documents personnels de Me Bloomfield.

Le demandeur n’avait pas non plus le droit d’accès aux documents du fonds Bloomfield au titre de la Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels. Aux termes des articles 26 et 27 de cette loi, les biens culturels aliénés sous son régime doivent être aliénés de façon irrévocable pour que le donateur bénéficie des avantages fiscaux prévus par la loi. Les documents du fonds Bloomfield ont été aliénés de façon irrévocable, et l’entente ultérieure conclue entre Mme Bloomfield et BAC en vue de restreindre l’accès du public au fonds Bloomfield n’a changé en rien la nature de la propriété des documents constituant le fonds.

4) Le défendeur a eu tort de refuser la demande initiale d’accès au fonds Bloomfield présentée par le demandeur. Les lignes directrices prévoient une procédure à suivre lors de l’échéance de la restriction d’accès, à savoir qu’un document avec restriction d’accès devient accessible au public le 1er janvier de l’année où cesse la restriction d’accès, mais elles n’ont pas force de loi ni n’imposent d’obligations au défendeur. Ce dernier n’a pas motivé son refus initial d’accès au fonds Bloomfield. Les motifs de son refus ont été précisés dans une correspondance ultérieure, qui semble indiquer que BAC considérait Mme Bloomfield comme étant la gestionnaire de la période de restriction d’accès et que sa décision était donc déterminante quant à la prolongation de la période de non‑accès. Toutefois, le donateur n’avait pas confié ce pouvoir de gestion à Mme Bloomfield et, partant, l’interprétation de son rôle par le BAC constituait une erreur de droit.

5) Le défendeur a également eu tort de décider de prolonger la période de restriction d’accès au fonds Bloomfield. Bien que la prolongation de 10 ans de la période de restriction en septembre 2004 ait été bien documentée et que les raisons aient été clairement précisées, il n’en allait pas de même pour celle de 25 ans. En outre, cette décision allait à l’encontre des lignes directrices de BAC, selon lesquelles la révision d’une période de restriction se fait à l’échéance. Le renouvellement de la période de restriction ayant été fait en septembre 2004 pour une période de 10 ans, il ne pouvait donc pas, suivant les lignes directrices, y avoir révision de cette période de restriction avant 2014. Compte tenu de l’absence de motifs justifiant la nouvelle prolongation d’une durée de 25 ans et des faits du dossier, la décision du 8 août 2005 n’était pas raisonnable et, partant, était susceptible de contrôle judiciaire.

lois et règlements cités

Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 1806 à 1841, 2130 à 2185.

Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11, préambule, art. 2 « patrimoine documentaire », 5, 7, 8, 22, 23, 24.

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‑1, art. 68c) (mod. par L.C. 2004, ch. 11, art. 22), ann. I (mod., idem, art. 23, 24).

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1(3) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, L.R.C. (1985), ch. C‑51.

Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, S.C. 1974‑75‑76, ch. 50, art. 26, 27.

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Moresby Explorers Ltd. c. Réserve du parc national de Gwaii Haanas, [2000] A.C.F. no 1944 (1re inst.) (QL); Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; motifs modifiés [1998] 1 R.C.S. 1222; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; 2003 CSC 19; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

décisions citées :

M.B. c. F.G., 2006 QCCS 3215; Denis c. Denis, [1999] J.Q. no 6363 (C.S.) (QL); Centre hospitalier Baie‑des‑Chaleurs c. Hayes, 2006 QCCS 4697; Bélanger c. Bélanger, [2002] J.Q. no 5240 (C.S.) (QL); Vout c. Hay, [1995] 2 R.C.S. 876; Dhaliwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 982 (1re inst.) (QL); Hughes c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CF 1055; St‑Onge c. Canada, [1995] A.C.F. no 961 (C.A.) (QL); De‑Nobile c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 1727 (1re inst.) (QL); Balfour c. Nation Crie de Norway House, 2006 CF 616; Mackin c. Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances); Rice c. Nouveau‑Brunswick, [2002] 1 R.C.S. 405; 2002 CSC 13.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision du défendeur de maintenir les restrictions d’accès aux archives privées cédées par Me Louis M. Bloomfield. Demande accueillie.

ont comparu :

Maurice Philipps pour son propre compte.

Michel Pépin et Anne‑Marie Desgens pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier :

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Voici les motifs du jugement et du jugement rendus en français par

[1]Le juge Noël : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire du demandeur (Maurice Philipps) à l’encontre d’une décision du Bibliothécaire et Archiviste du Canada (défendeur), l’administrateur général de Bibliothèque et Archives Canada (BAC), datée du 8 août 2005 qui maintient des restrictions d’accès au fonds de Me Louis M. Bloomfield.

I. Les Faits

[2]Le fonds Louis M. Bloomfield (fonds Bloomfield) est une collection d’archives privées déposées entre 1979 et 1980 à BAC (anciennement Archives Canada) par Me Louis Mortimer Bloomfield (M. Bloomfield), un éminent avocat montréalais décédé en 1984.

[3]Dans une lettre du 24 février 1978, M. Bloomfield a posé comme condition à la cession de ses archives que les documents cédés soient retenus pour une période de 20 ans après son décès avant que ce matériel (ou une partie de celui‑ci) ne soit rendu public. La lettre de M. Bloomfield se lit comme suit (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 3) :

[traduction]

Le 24 février 1978

Archives Canada,

Ottawa (Ontario)

À l’attention de : Lawrence Tapper

Messieurs,

Les documents que je vous cède pour former la collection Bloomfield des archives doivent être retenus pour une période de 20 ans après mon décès avant qu’ils soient rendus publics.

Ma femme, Mme Justine Stern Bloomfield, sera mon exécutrice testamentaire litéraire. Elle aura accès en tout temps aux documents, de même que les personnes suivantes :

1. Moi-même

2. Mon frère Bernard M. Bloomfield

3. XXXX

4. XXXX

J’aimerais recevoir une confirmation de la présente entente.

Veuillez agréer, Messieurs, mes salutations distinguées,

 Louis M. Bloomfield

Les noms apparaissant aux notes 3 et 4 ont été initialement exclus par BAC pour des raisons de droit à la vie privée.

[4]Dans cette lettre, M. Bloomfield indique que son épouse, Mme Justine Stern Bloomfield (maintenant Mme Justine Stern Cartier) (Mme Bloomfield), soit nommée « exécutrice littéraire » (« literary executrix  » en anglais) et qu’elle ait accès en tout temps aux documents du fonds Bloomfield avec certaines autres personnes de sa famille. Dans une autre lettre datée du 30 juillet 1979, M. Bloomfield spécifie qu’aucune autre condition ne soit rattachée à la cession du fonds Bloomfield et il réitère à nouveau que les documents ne seront accessibles que 20 ans après son décès sauf pour les personnes énumérées dans sa lettre du 24 février 1978 (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 12).

[5]M. Bloomfield est décédé le 19 juillet 1984.

[6]À la suite du décès de M. Bloomfield, le 7 novembre 1984, BAC communique avec Mme Bloomfield afin d’informer cette dernière des termes de l’entente intervenue entre BAC et M. Bloomfield concernant le fonds Bloomfield. Le 19 novembre 1984, Mme Bloomfield répond à la lettre et confirme être d’accord avec les termes de l’entente. La lettre du 19 novembre 1984 se lit comme suit (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce P-1.) :

[traduction]

M. Lawrence F. Tapper

Archiviste du personnel

Archives ethniques

ARCHIVES PUBLIQUES

395, rue Wellington

Ottawa (Ontario) K1A 0N3

Monsieur Tapper,

J’ai reçu votre lettre du 7 novembre 1984 et, pour faire suite à notre conversation téléphonique du 16 novembre 1984, en tant qu’exécutrice pour mon mari, Louis M. Bloomfield, j’accepte que l’accès à la collection de ses documents personnels (MG 31 E25) soit restreint aux chercheurs qui auront obtenu mon autorisation expresse par écrit.

Cette entente sera en vigueur pour une période de 20 ans à partir de la date du décès de mon mari—le 19 juillet 1984. Bien entendu, nous réexaminerons la question à une date ultérieure.

Dans le cas où je serais absente ou frappée d’incapacité, ma sœur agira à ma place :

Mme Stephanie Glaymon

28 Harbour Lane

Margate, New Jersey 08402

États-Unis

No tél. 609-822-4205

J’espère avoir répondu à vos questions et que tout est clair.

Veuillez agréer, Monsieur Tapper, l’expression de mes sentiments distingués.

               Justine S. Bloomfield

[7]Maurice Philipps a pris connaissance de l’existence du fonds Bloomfield en 1996 par l’entremise de la base de données de BAC. Celle‑ci indiquait que le fonds Bloomfield était restreint pour une période de 20 ans débutant le 19 juillet 1984 (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce X, page 25).

[8]Le 10 août 2004 (soit plus de 20 ans après le décès de M. Bloomfield), le demandeur adresse par courriel le service de référence de BAC afin d’avoir accès au fonds Bloomfield (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, page 26, paragraphe 29).

[9]Le 3 septembre 2004, M. Daniel Somers (M. Somers) du service de référence de BAC répond au demandeur et lui indique que l’autorisation pour consulter le fonds Bloomfield était toujours nécessaire (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 17).

[10]M. Lawrence Tapper (M. Tapper), archiviste de BAC, a reçu une lettre de Mme Bloomfield datée du 31 août 2004. Dans cette lettre, Mme Bloomfield demande qu’une nouvelle restriction d’accès au fonds Bloomfield soit imposée pour une période ne se terminant que 10 ans après son propre décès, les raisons de cette demande d’extension étant des préoccupations de vie privée ainsi que la sauvegarde de la réputation de M. Bloomfield (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 19). Une décision par BAC fut prise en date du 8 septembre 2004 de prolonger la restriction d’accès au fonds jusqu’à 10 ans après le décès de Mme Bloomfield.

[11]Le 6 janvier 2005, le demandeur adresse M. Somers de BAC par courriel, lui demandant de confirmer que le fonds Bloomfield était maintenant ouvert au public (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 22). Par la suite, le 17 janvier 2005, le demandeur écrit à M. Tapper par courriel, lui demandant formellement accès au fonds Bloomfield (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 23).

[12]Le 17 janvier 2005, le demandeur, en réponse à ses courriels, reçoit un courriel de Normand Laplante (M. Laplante), Directeur des Archives sociales et culturelles de BAC. M. Laplante l’informa qu’une nouvelle restriction d’accès au fonds Bloomfield de 10 ans après le décès de Mme Bloomfield avait été imposée et ce, à la demande de celle‑ci (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 24).

[13]Le 18 janvier 2005, dans un second courriel, M. Laplante écrit au demandeur que la gestion des restrictions d’accès au fonds Bloomfield fut léguée à l’exécutrice littéraire du fonds, Mme Bloomfield au décès de M. Bloomfield en 1984. De plus, M. Laplante indique dans sa lettre qu’il a été convenu entre Mme Bloomfield et BAC, en 1984, que Mme Bloomfield et BAC peuvent revoir les restrictions d’accès du fonds Bloomfield ultérieurement (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 25).

[14]Le 28 janvier 2005, le demandeur s’est adressé à l’archiviste en chef, Ian E. Wilson, dans une lettre de cinq pages afin de lui demander de réviser la décision d’imposer une nouvelle restriction d’accès au fonds Bloomfield et de communiquer la documentation à la base de l’extension de la restriction d’accès (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 27).

[15]Le 16 février 2005, le défendeur fait parvenir au demandeur une réponse dans laquelle il dit avoir revu le processus de décision concernant l’accès au fonds Bloomfield (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 28). Le défendeur réitère ce que M. Laplante a écrit en ce qui a trait à la gestion des restrictions d’accès au fonds Bloomfield et justifie la nouvelle restriction d’accès au fonds Bloomfield comme découlant d’une entente conclue avec Mme Bloomfield.

[16]Le 20 avril 2005, BAC émet une nouvelle restriction faisant passer la restriction d’accès au fonds Bloomfield à 25 ans après le décès de Mme Bloomfield (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 33). On ne retrouve au dossier aucune documenta-tion pouvant nous permettre de comprendre le pourquoi de cette nouvelle extension de restriction. Le demandeur prendra connaissance de cette nouvelle extension de restriction ultérieurement.

[17]Le 25 avril 2005, le demandeur demanda à nouveau au défendeur de réviser la décision d’imposer une restriction d’accès au fonds Bloomfield et de répondre à plusieurs questions reliées à certains documents qui lui furent communiqués mais avec plusieurs extraits n’y apparaissant pas pour des raisons de protection de renseignements personnels (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 35).

[18]Le 10 mai 2005, le défendeur répond au demandeur qu’il évaluait les arguments soulevés par celui‑ci dans son envoi du 25 avril 2005 et qu’il considérait la possibilité de lui fournir accès au fonds Bloomfield (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 36).

[19]Le 8 août 2005, le défendeur avise le demandeur par lettre (lettre du 8 août 2005) qu’il maintenait « les restrictions  » d’accès au fonds Bloomfield et que la décision est finale, ayant revu l’ensemble du dossier et consulté les services juridiques. Il écrit ce qui suit (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 37) :

Dans le présent cas, j’ai revu les raisons invoquées à l’appui d’une prolongation et je suis convaincu qu’elle était pleinement justifiée. Les restrictions d’accès sont donc maintenues pour la période indiquée.

[20]Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision du défendeur en date du 8 août 2005.

II. Questions en litiges

1) Mme Bloomfield, l’exécutrice littéraire du fonds Bloomfield, a‑t‑elle la capacité de réviser les restrictions d’accès au fonds Bloomfield?

2) La lettre du 8 août 2005 est‑elle une décision susceptible de contrôle judiciaire?

3) Dans l’affirmative, quelle est la norme de contrôle applicable à la décision en question?

4) Est‑ce que le demandeur aurait dû avoir accès au fonds Bloomfield en vertu de : la Loi sur l’accès à l’information [L.R.C. (1985), ch. A-1]; la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada [L.C. 2004, ch. 11]; ou la Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels [L.R.C. (1985), ch. C-51]?

5) Le défendeur a‑t‑il erré en refusant la demande initiale du demandeur d’accès au fonds Bloomfield?

6) Le défendeur a‑t‑il erré en décidant de prolonger la restriction d’accès au fonds Bloomfield?

III. Analyse

1) Mme Bloomfield, l’exécutrice littéraire du fonds Bloomfield, a‑t‑elle la capacité de réviser les restric-tions d’accès au fonds Bloomfield?

[21]M. Bloomfield fit une donation de ses documents personnels en deux étapes (1979 et 1980) à Sa Majesté la Reine. Ses documents personnels furent évalués et une valeur leur fut attribuée, ladite valeur pouvant être utilisée pour des fins fiscales. L’établissement désigné qui est devenu propriétaire des documents personnels sur réception de ceux‑ci en 1979 et 1980 était les Archives publiques du Canada maintenant connu par le nom Bibliothèque et Archives Canada (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièces 5, 9 et 11).

[22]Le 24 février 1978, Louis Bloomfield a écrit une lettre à BAC pour leur annoncer que sa femme, Mme Bloomfield, serait l’exécutrice littéraire du fonds Bloomfield et qu’elle aurait accès aux documents avec d’autres personnes choisies par le donateur et que la restriction d’accès serait pour une période de 20 ans débutant à son décès (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 3). Le 30 juillet 1979, M. Bloomfield précise qu’il n’y aura pas d’autres conditions sauf la restriction d’accès de 20 ans et que certaines personnes auraient accès tel que mentionné dans la lettre du 24 février 1978 (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 12). Dans une lettre du 19 novembre 1984 à Lawrence Tapper, Mme Bloomfield confirme qu’elle acceptait le rôle d’exécutrice littéraire pour le fonds Bloomfield et que la restriction d’accès est de 20 ans mais révisable à une date ultérieure : [traduction] « Bien entendu, nous réexaminerons la question à une date ultérieure  » (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce P‑1).

[23]Le demandeur soumet que M. Bloomfield, un éminent avocat, a clairement exprimé dans sa lettre datée du 30 juillet 1979, qu’aucune autre condition n’était rattachée à la transmission de ses documents à BAC. Donc, le demandeur est de l’avis que même si M. Bloomfield a désigné Mme Bloomfield à titre d’exécu-trice littéraire du fonds Bloomfield, celle‑ci n’a pas la capacité de prolonger les restrictions d’accès à ce fonds comme le soutient BAC. Le demandeur soumet que Mme Bloomfield, en tant qu’exécutrice littéraire, n’avait que la capacité de donner un droit d’accès au fonds Bloomfield pendant la période de 20 ans, un pouvoir prévu dans la lettre du 24 février 1978 de M. Bloomfield.

[24]En contrepartie, le défendeur plaide que le rôle d’exécutrice littéraire assigné à Mme Bloomfield lui donne une capacité totale d’assumer la gestion du fonds Bloomfield, un point de vue partagé par Mme Bloomfield dans sa lettre du 19 novembre 1984.

[25]On sait qu’il y a eu transfert de propriété des documents en 1979 et 1980 à Archives Canada. L’intention du donateur clairement exprimée est qu’il voulait que l’accès aux documents soit limité à certaines personnes dont son épouse, et que ladite restriction d’accès soit en vigueur pour une période de 20 ans après son décès. Il a pris la peine dans la lettre du 30 juillet 1979 de préciser  (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 12) :

[traduction] Il n’y aura aucune condition pour le dépôt que les conditions initiales selon lesquelles les documents ne seront accessibles au public que 20 ans après mon décès. Entre-temps, ils seront accessible aux personnes nommées dans ma première lettre d’instructions que, je crois, M. Tapper a reçue.

[26]Tenant compte de la claire intention du donateur, est‑ce que Mme Bloomfield, exécutrice littéraire du fonds Bloomfield, peut ajouter des restrictions d’accès au‑delà de la période prévue par le donateur soit 20 ans suivant son décès?

[27]Étant donné que le donateur était domicilié à Montréal, province de Québec au moment de la donation, il va de soi que les règles de donation prévues au Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, aux articles 1806 à 1841, s’appliquent pour les fins de la présente question. Les dispositions concernant le testament ou le mandat peuvent aussi être d’une certaine utilité.

[28]Le donateur a transféré en deux étapes (1979‑ 1980) à BAC des documents personnels et dès ce moment, il y a eu un transfert de propriété. Il peut y avoir une charge associée à une donation (voir les articles 1806 et 1807 du Code civil du Québec). Dans notre cas, il y en a une soit le non‑accès pour une période de 20 ans. Il n’était pas prévu par le donateur que cette période soit révisable.

[29]Quant au rôle de l’exécutrice littéraire prévu par le donateur, elle a la responsabilité de contrôler l’accès pendant la période de restriction. Elle ne peut pas avoir plus de pouvoirs que ceux que le donateur lui a attribués (voir les règles sur le mandat prévues au Code civil du Québec, aux articles 2130 à 2185). Son mandat se termine à la fin de la période de non‑accès de 20 ans. Si le donateur avait voulu attribuer un pouvoir d’extension de la période de non‑accès, il l’aurait prévu, ce qu’il n’a pas fait. Au contraire, à deux reprises, le donateur a spécifié que la période de non‑accès était de 20 ans.

[30]La situation de faits décrite s’apparente à un mandat spécial et non à un mandat général car il y est pour un objectif précis, tel que l’a voulu le donateur. Le mandat se termine par l’extinction du pouvoir qui lui a été octroyé. Le terme de 20 ans étant acquis, le pouvoir de contrôler l’accès se termine car le donateur a prévu que la restriction était pour 20 ans et qu’il n’y avait aucun pouvoir de prolonger ce pouvoir au‑delà du terme prévu par le donateur. La jurisprudence québécoise énonce clairement que dans le contexte de donation et de mandat, de même que dans le contexte de testament, la volonté du donateur, mandant ou testateur respectivement, doit être respectée (dans le contexte de mandat voir la cause M.B. c. F.G., 2006 QCCS 3215,  au paragraphe 19; dans le contexte de donation et de testament voir Denis c. Denis, [1999] J.Q. no 6363 (C.S.) (QL), au paragraphe 21; et dans le contexte de testament voir les causes Centre hospitalier Baie‑des‑Chaleurs c. Hayes, 2006 QCCS 4697 aux paragraphes 42 et 51; Bélanger c. Bélanger, [2002] J.Q. no 5240 (C.S.) (QL), au paragraphe 14; et Vout c. Hay, [1995] 2 R.C.S. 876, au paragraphe 28).

[31]Il me semble à la lumière des règles de donation et du mandat du Code civil du Québec que lorsqu’un donateur a clairement établi une condition dans le cadre de la donation que celle‑ci doit être respectée à moins que celle‑ci soit assujettie à d’autres conditions, ce qui n’est pas le cas ici. Encore plus, le donateur n’a pas prévu de pouvoirs généraux pour son exécutrice littéraire sauf celui de contrôler l’accès aux documents personnels pendant la période de restriction d’accès de 20 ans. Donc, l’exécutrice littéraire a les pouvoirs que lui donne le donateur. Il ne lui a pas attribué celui de prolonger la période de restriction d’accès. Elle ne peut donc pas s’accaparer d’un pouvoir que le donateur ne lui a pas accordé.

2) La lettre du 8 août 2005 est‑elle une décision susceptible de contrôle judiciaire?

[32]Premièrement, le défendeur prétend que la lettre du 8 août 2005 n’est pas une décision susceptible de contrôle judiciaire, mais qu’elle est plutôt une lettre de courtoisie ou de politesse faisant suite au courriel de M. Laplante du 17 janvier 2005, refusant au demandeur l’accès au fonds Bloomfield. Sur ce point, cette Cour a clairement établi qu’une lettre de politesse écrite en réponse à une demande de révision ou de réexamen ne constitue pas une décision ou une ordonnance au sens de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)], et par conséquent, ne peut pas être contestée par voie de contrôle judiciaire (Dhaliwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 982 (1re inst.) (QL); Moresby Explorers Ltd. c. Réserve du parc national de Gwaii Haanas, [2000] A.C.F. no 1944 (1re inst.) (QL); Hughes c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CF 1055, au paragraphe 6). De fait, le juge Pelletier (maintenant juge de la Cour d’appel) dans l’affaire Moresby énonce ce qui suit (Moresby Explorers, ci‑haut, au paragraphe 12) :

Dans le jugement Dumbrava c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1995), 101 F.T.R. 230, [1995] A.C.F. no 1238, le juge Noël (maintenant juge de la Cour d’appel) a examiné une série de décisions portant sur l’effet de la correspondance échangée avec l’auteur de la décision après que celle‑ci a été prise. Dans ces décisions, le tribunal avait jugé qu’une « réponse faite par courtoisie » ne crée pas une nouvelle décision ouvrant droit à un contrôle judiciaire. Ainsi que le juge McKeown l’a déclaré dans le jugement Dhaliwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 982 : « un procureur ne peut reporter la date d’une décision en envoyant une lettre dans l’intention de susciter une réponse  ». Avant qu’il y ait une nouvelle décision susceptible d’un contrôle judiciaire, il doit y avoir un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire, tel que le réexamen d’une décision antérieure à la lumière de faits nouveaux. [Je souligne.]

[33]Dans le cas en espèce, je ne suis pas d’avis que la lettre du 8 août 2005 est une lettre de politesse. Plutôt, il apparaît que le défendeur a décidé par sa lettre du 10 mai 2005, de réviser la décision de refuser au demandeur l’accès au fonds Bloomfield. Ainsi, le défendeur a décidé par cette lettre d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour réviser la décision antérieure de refuser au demandeur l’accès au fonds Bloomfield. La lettre du 10 mai 2005 énonce ce qui suit (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, page 36) :

M. Philipps :

À la lumière des arguments que vous avez soulevé [sic] lors de votre récent courriel électronique (le 25 avril), nous examinons attentivement votre demande. La situation est complexe. Nous souhaiterions avoir un peu plus de temps afin de considérer la possibilité de fournir l’accès à cette collection. Soyez assuré qu’une réponse vous sera acheminée dans un proche avenir.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Ian E. Wilson, CM, D. Litt.,

Bibliothécaire et Archiviste du Canada

[34]À la lecture de cette correspondance et des nouveaux documents créés depuis le 17 janvier 2005 (voir notamment le dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps : formulaire daté du 20 avril 2005 du BAC prolongeant la restriction de 10 à 25 ans, pièce 33; note de l’analyste ATIP datée du 25 avril 2005, pièce 34; lettre du demandeur en date du 25 avril 2005 demandant une nouvelle décision à la lumière de nouvelles informations, pièce 36), on constate que le défendeur procède à une nouvelle évaluation de la situation en considérant les arguments soulevés par le demandeur. Le défendeur exerce donc son pouvoir discrétionnaire pour rendre une nouvelle décision à l’égard de la restriction d’accès au fonds Bloomfield. Ceci est confirmé par la lettre du 8 août 2005 envoyée par le défendeur au demandeur, presque trois mois après que le défendeur ait indiqué qu’il examinerait attentivement la demande d’accès du demandeur. Dans cette lettre le défendeur écrit (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 37) :

                                                                                                                                                                          Our file/Notre dossier

                                                                                                                                                                                       127106/8310

Le 8 août 2005

Monsieur Maurice Philipps

1‑1115, rue St‑Georges # 1

Longueuil, Québec

J4K3Z5

Monsieur Philipps,

J’accuse réception de votre courriel du 28 juillet 2005 concernant l’accès au fonds Louis M. Bloomfield (MG31E25).

Comme je vous l’indiquais précédemment, Bibliothèque et Archives Canada se voit dans l’impossibilité de donner accès à ce fonds. Après avoir de nouveau revu attentivement l’ensemble du dossier et consulté nos services juridiques, j’en suis venu à la conclusion que les restrictions d’accès à ce fonds ont été prolongées dans le respect intégral de la loi, à l’intérieur des pouvoirs accordés à Bibliothèque et Archives Canada par sa loi constitutive et en conformité avec ses procédures normales. Je comprends votre déception et je tiens à vous assurer que ni la gestion de ce dossier et ni votre demande d’accès au fonds n’ont été traités de façon arbitraire ou discriminatoire.

La pratique en vigueur dans l’institution, lorsqu’une restriction vient à échéance, est de contacter le donateur ou son exécuteur littéraire, normalement à l’occasion d’une demande d’accès, pour lui signaler la fin de la restriction et le consulter sur d’éventuelles circonstances qui exigeraient leur prolongation ou modification. Je tiens à vous assurer que l’intérêt public et la mission de l’institution de donner le plus large accès possible au patrimoine documentaire du Canada sont toujours considérés lors de ces discussions. Les conventions avec les donateurs sur les restrictions temporaires vont dans le sens de cette mission et de l’intérêt public en ce qu’elles permettent à Bibliothèque et Archives Canada d’acquérir, pour traitement immédiat, de fonds d’archives privés importants qui autrement risqueraient de n’être traités que beaucoup plus tard, retardant ainsi leur diffusion, ou même de rester à tout jamais hors d’atteinte des Canadiens.

Dans le présent cas, j’ai revu les raisons invoquées à l’appui d’une prolongation, et je suis convaincu qu’elle est pleinement justifiée. Les restrictions d’accès sont maintenues pour la période indiquée. Elles constituent une entente contractuelle qui lie Bibliothèque et Archives Canada.

Veuillez prendre note que cette décision est finale et que la présente lettre constitue la réponse plus détaillée mentionnée dans ma lettre du 20 juillet 2005.

La seule personne autorisée à lever cette restriction et à donner accès au fonds Bloomfield est son exécutrice littéraire et si vous désirez nous pouvons faire une demande en ce sens en votre nom. Si tel est le cas, veuillez contacter par écrit Robert McIntosh, Directeur général, Direction des archives canadiennes et des collections spéciales, 344, rue Wellington, Ottawa, K1A 0N4, robert.mcintosh@lac‑bac.gc.ca

Veuillez agréer, Monsieur Philipps, l’expression de mes sentiments distingués.

Ian E. Wilson

Maka Kotto, M.P., Saint‑Lambert [Emphasis added.]

c.c. :       L’honorable Liza Frulla, Ministre du Patrimoine canadien

Monsieur Maka Kotto, Député de Saint‑Lambert [Je souligne.]

[35]Pour en arriver à une telle décision « finale  », le défendeur consulta le dossier, les documents ainsi que les services juridiques et conclua que la période d’extension de restriction (maintenant de 25 ans depuis le 20 avril 2005) a été décidée dans le respect intégral de la loi, à l’intérieur des pouvoirs accordés à BAC et en conformité avec les procédures normales.

[36]Ce sont là des constatations qui me permettent de conclure que la décision du 8 août 2005 prise par le défendeur est susceptible de contrôle judiciaire par cette Cour, le tout conformément aux principes mis de l’avant dans l’arrêt Moresby, précité. En effet, il s’agit d’un nouvel exercice de pouvoir discrétionnaire à la lumière de faits nouveaux et elle est « finale  ».

3) Dans l’affirmative, quelle est la norme de contrôle applicable à la décision en question?

[37]Selon le test pragmatique et fonctionnel qui a été accepté sans équivoque par la Cour suprême du Canada afin de déterminer la norme de contrôle judiciaire applicable aux décisions administratives, la Cour doit examiner quatre facteurs : le mécanisme de contrôle prévu par la loi; l’expertise relative de l’organisme décisionnel; l’objet de la loi et la nature du problème (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; motifs modifiés [1998] 1 R.C.S. 1222; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226). Dans les prochains paragraphes, j’analyse le présent dossier à la lumière des facteurs mentionnés au présent paragraphe.

a. Le mécanisme de contrôle prévu par la loi

[38]En l’espèce, la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11 (Loi), qui confère au défendeur la discrétion de prendre toute mesure pour protéger les documents en possession de BAC et de fournir tous les services permettant d’avoir accès au patrimoine documentaire canadien est muette sur le mécanisme de contrôle. Ce facteur est donc neutre.

b. L’expertise relative du décideur

[39]Dans le cas présent, le défendeur a une expertise en ce qui a trait aux questions de faits relatives aux mesures pour réaliser la mission de BAC. Pour les questions de droit pur et les questions mixtes de droit et de fait, cette Cour a une expertise plus élevée que le défendeur. Conséquemment, un degré de déférence devrait être accordé au défendeur pour toutes questions de faits relatives à l’administration de BAC.

c. L’objet de la loi

[40]La Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada et les directives émises sous l’égide de la loi confère un vaste pouvoir discrétionnaire au défendeur pour garantir que BAC puisse conserver le patrimoine canadien. Selon l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S 817, au paragraphe 56, ceci justifie une norme de contrôle moins exigeante et conséquemment pour ce qui est de ce facteur, un degré de déférence plus élevé devrait être accordé au défendeur.

d. Nature du problème

[41]L’objet du contrôle judiciaire en question comporte deux analyses distinctes : la première consiste à déterminer si Mme Bloomfield, dans sa capacité d’exécutrice littéraire, a le pouvoir de restreindre l’accès au fonds Bloomfield, ce qui est une question de droit; la deuxième question consiste à déterminer si le défendeur a erré en refusant au demandeur l’accès au fonds Bloomfield, ce qui est une question mixte de faits et de droit. Conséquemment, pour ce qui est de ce facteur, un degré de déférence moins élevé devrait être accordé au défendeur.

e. Conclusion

[42]Dans le présent cas, une analyse pragmatique et fonctionnelle indique que la norme de contrôle applica-ble à la décision du défendeur est celui de la décision raisonnable, car les facteurs du test pragmatique et fonctionnel indiquent des degrés de déférence différents pour ce qui est des divers facteurs du test. Toutefois, la norme de la décision correcte sera celle utilisée pour les questions de droit. Ainsi, les questions 1, 4 et 5 sont assujetties à la norme de la décision correcte tandis que les autres questions seront assujetties à la norme de la décision raisonnable.

4) Est‑ce que le demandeur aurait dû avoir accès au fonds Bloomfield en vertu de : la Loi sur l’accès à l’information; la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada; ou la Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels?

(a) Accès au fonds en vertu de la Loi sur l’accès à l’information

[43]La Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‑1 ([art. 68, ann. I] mod. par L.C. 2004, ch. 11, art. 22 à 24), est un code complet de procédure ayant comme but la sauvegarde du droit d’accès aux documents en possession des institutions fédérales (St‑Onge c. Canada, [1995] A.C.F. no 961 (C.A.) (QL), au paragraphe 3). En outre, la Loi sur l’accès à l’information prévoit expressément à son paragraphe 68c) que certains documents déposés à BAC sont soustraits au régime juridique prévu par ladite loi.

68. La présente loi ne s’applique pas aux documents suivants :

c) les documents déposés à Bibliothèque et Archives du Canada, au Musée des beaux‑arts du Canada, au Musée canadien des civilisations, au Musée canadien de la nature ou au Musée national des sciences et de la technologie par des  personnes ou organisations extérieures aux institutions fédérales   ou   pour   ces   personnes   ou   organisations. [Je souligne.]

[44]En adoptant le paragraphe 68c), le législateur fédéral a témoigné de sa volonté de traiter différemment, en matière d’accès à l’information, les documents qui se trouvent en possession de certaines institutions fédérales comme BAC, si ces documents ont été déposés par une personne ou un organisme extérieur à l’administration fédérale.

[45]Les documents du fonds Bloomfield sont le type de documents visés par le paragraphe 68c) de la Loi sur l’accès à l’information. Par conséquent, le demandeur ne peut avoir accès aux documents du fonds Bloomfield en vertu d’une demande sous ladite Loi.

(b) Accès au fonds en vertu de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada.

[46]La Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada n’adresse pas de façon directe le dépôt de documents privés à BAC ou les termes d’accès aux documents en possession de BAC. Toutefois, l’objectif de rendre accessible le patrimoine documentaire est clairement exprimé par le législateur dans le préambule de la Loi :

Attendu qu’il est nécessaire :

a) que le patrimoine documentaire du Canada soit préservé pour les générations présentes et futures;

b) que le Canada se dote d’une institution qui soit une source de savoir permanent accessible à tous et qui contribue à l’épanouissement culturel, social et économique de la société libre et démocratique que constitue le Canada;

c) que cette institution puisse faciliter au Canada la concertation des divers milieux intéressés à l’acquisition, à la préservation et à la diffusion du savoir;

d) que cette institution soit la mémoire permanente de l’administration fédérale et de ses institutions, [Je souligne.]

[47]En outre, la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada définit le « patrimoine documentaire du Canada  » à l’article 2 comme suit :

2. Les  définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[. . .]

« patrimoine documentaire  » Les publications et les documents qui présentent un intérêt pour le Canada.

Les documents du fonds Bloomfield peuvent donc être considérés comme faisant partie du patrimoine documentaire du Canada.

[48]L’article 5 de la Loi permet au Gouverneur en conseil de nommer à titre amovible l’administrateur général de BAC :

5. (1) L’administrateur général, dont le titre est « bibliothécaire et archiviste du Canada  » , est nommé, à titre amovible, par le gouverneur en conseil et a rang et pouvoirs d’administrateur général de ministère.

[49]L’article 7 de la Loi explique la mission de BAC. Cet article spécifie notamment que :

7. Bibliothèque et Archives du Canada a pour mission :

a) de constituer et de préserver le patrimoine documentaire;

b) de faire connaître ce patrimoine aux Canadiens et à quiconque s’intéresse au Canada, et de le rendre accessible; [Je souligne.]

[50]L’article 7 ne précise pas les moyens que peut utiliser BAC pour remplir sa mission. Ces moyens sont plutôt spécifiés à l’article 8 qui identifie de façon concrète les pouvoirs de l’administrateur général de BAC :

8. (1) L’administrateur général peut prendre toute mesure qui concourt à la réalisation de la mission de Bibliothèque et Archives du Canada et, notamment :

a) acquérir des publications et des documents ou en obtenir la possession, la garde ou la responsabilité;

b) prendre toute mesure de catalogage, de classement, de description, de protection et de restauration des publications et documents;

c) compiler et maintenir des sources d’information et notamment une bibliographie et un catalogue collectif nationaux;

d) fournir des services d’information, de consultation, de recherche et de prêt, ainsi que tous autres services permettant d’avoir accès au patrimoine documentaire;

e) mettre en place des programmes visant à faire connaître et comprendre le patrimoine documentaire et encourager ou organiser des activités—notamment des expositions, des publications et des spectacles—à cette fin;

f) conclure des accords avec d’autres bibliothèques, archives ou institutions au Canada ou à l’étranger;

g) conseiller les institutions fédérales sur la gestion de l’information qu’elles produisent et utilisent et leur fournir des services à cette fin;

h) déterminer les orientations des services bibliothécaires des institutions fédérales et, à cette fin, fixer des lignes directrices;

i) apporter un appui professionnel, technique et financier aux milieux chargés de promouvoir et de préserver le patrimoine documentaire et d’assurer l’accès à celui‑ci;

j) s’acquitter de toute autre fonction que lui confie le gouverneur en conseil. [Je souligne.]

[51]Selon le paragraphe 8(1)h) de la Loi, BAC a fixé des lignes directrices. On y retrouve les « lignes directrices et procédures relatives à l’établissement de la gestion des conditions d’accès aux fonds conservées à la division des manuscrits  » (lignes directrices) qui furent émises en 1995 (lignes directrices). Elles ont pour objectif d’expliquer la gestion des conditions d’accès. À nouveau, celles‑ci exemplifient l’objectif du législateur de « rendre accessible  » le patrimoine documentaire. Il y est même précisé que l’accès aux documents est l’une des principales responsabilités des Archives nationales du Canada (maintenant BAC). Toutefois, il y a aussi un souci fort légitime de s’assurer que l’objectif d’accès ne doit pas empêcher la collection de documents privés et qu’il y a consultation avec les donateurs pour élaborer les restrictions d’accès tout en tenant compte des besoins des chercheurs. Il y a donc une pondération à être faite dans de telles circonstances. Pour les fins de la présente, je cite certains passages des lignes directrices (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 18, lignes directrices 4 et 5) :

PRINCIPES FONDAMENTAUX

Les principes fondamentaux relatifs aux conditions d’accès à la Division des manuscrits peuvent être énoncés comme suit :

1.             La Division des manuscrits reconnaît la nécessité des restrictions d’accès liées aux documents privés de nature délicate et reconnaît que, dans bien des cas, son désir de restreindre l’accès facilite l’acquisition de documents privés d’importance nationale.

2.             Même si la Division reconnaît la nécessité des restrictions d’accès et sa propre responsabilité en la matière, son objectif ultime consiste à accroître et à élargir l’accès lorsque cela est possible. C’est pourquoi elle fait tout son possible pour éviter les restrictions d’une durée indéfinie et pour prévoir le réexamen régulier des restrictions imposées.

3.             L’identification des exigences d’accès est considérée comme une partie importante des fonctions d’acquisition et de contrôle, alors que la gestion subséquente de l’accès fait intégralement partie du service public.

4.             Les archivistes doivent élaborer des restrictions d’accès en consultation avec les donateurs, tout en répondant aux besoins des chercheurs et en assumant les responsabilités de la Division telles que définies par les textes officiels et les documents de référence indiqués précédemment.

5.             L’accès aux documents privés appartenant à l’État et déposés dans un établissement public est considéré comme un service public qui doit, dans la mesure du possible, être fourni également à tous les clients (y compris par les employés). Les restrictions qui s’appliquent à un groupe de chercheurs et non à d’autres doivent être évitées si possible. Alors que les donateurs ou leurs représentants peuvent contrôler l’accès pendant une période donnée, les archivistes doivent collaborer avec les donateurs afin de tenter d’obtenir une approche équitable en matière de prise de décisions relatives à l’accès. [Je souligne]

2. ANALYSE SUBSÉQUENTE AU TRAITEMENT

Analyse plus détaillée des documents de nature délicate afin de déterminer les catégories spécifiques en cause et les restrictions d’accès recommandées. Le personnel chargé d’analyser des documents du Cabinet et l’information gouvernementale classifiée doit avoir la cote de sécurité appropriée.

C’est également à cette étape que les archivistes doivent consulter le dossier SNAP relativement au fonds et examiner la correspondance et les ententes préalables susceptibles d’avoir une incidence sur la question de l’accès.

EXAMEN, RÉVISION ET RETRAIT DES RESTRICTIONS D’ACCÈS

Dans la majorité des cas, les documents dont l’accès est interdit ou restreint pendant une période donnée doivent être mis à la disposition des chercheurs le 1er janvier de l’année où l’interdiction de consultation cesse. Par exemple, les dossiers remontant à 1965, dont l’accès est interdit pendant 30 ans, doivent être accessibles le premier jour de 1995. Si un examen ou une révision des documents s’impose, il faut y procéder avant l’échéance.

Les documents dont l’accès est interdit pendant une période indéfinie (habituellement, par suite d’une recommandation ministérielle) doivent être examinés régulièrement tous les 10 ans (habituellement, par des agents de l’examen de l’accès).

Le système Trakker comprend un système de rappel que la Division doit utiliser pour garantir que les restrictions d’accès sont régulièrement mises à jour ou réexaminées. Au moment d’attribuer un code d’accès du système Trakker à un volume de documents à accès restreint, les archivistes doivent indiquer une date de rappel, à laquelle la Division de la garde des fonds préviendra les chefs de section de revoir les restrictions applicables à un volume de documents. (La date d’examen des documents à accès interdit ou à accès restreint pendant une période donnée doit être une année complète avant l’expiration de la restriction). Les chefs de section doivent à leur tour assigner les documents à examiner aux archivistes.

Lorsque les restrictions d’accès exigent une révision et qu’elles ne sont pas entièrement enlevées, l’archiviste doit prévenir la Division de la garde des fonds des éventuels changements liés aux codes du système Trakker, en fonction des dispositions énoncées ci‑dessus. L’archiviste doit également remplir une nouvelle FFR, en suivant les étapes exposées ci‑dessous (voir « préparation d’une formule des fonds réservés  »).

Lorsque toutes les restrictions d’accès liées à un fonds sont périmées, l’archiviste devrait réviser l’inventaire en indiquant que le code d’accès O (champ C180) s’applique dorénavant au fonds. Une copie de la Formule des fonds réservés désignée « maintenant ouvert  » devrait être annexée à la FCI révisée.  [Je souligne.]

[52]En somme, le législateur confie à l’administra-teur général de BAC le pouvoir discrétionnaire de prendre les mesures appropriées pour permettre à BAC d’atteindre les objectifs fixés par l’article 7. À la lecture des articles 7 et 8 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada on constate que le législateur fédéral a voulu laisser à l’administrateur général une certaine liberté pour concrétiser la mission de BAC. En effet, bien que l’un des objectifs de BAC soit de permettre au public l’accès au patrimoine documentaire, il y a aussi une préoccupation compréhensible de prendre en considération les volontés du donateur. Il doit donc y avoir un exercice de pondération entre l’objectif d’accès et les conditions de la donation et autres considérations légitimes. Les lignes directrices démontrent cette préoccupation.

[53]En l’espèce, puisqu’aucune disposition de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada n’enfreint la liberté accordée à l’administrateur général pour réaliser la mission de BAC et plus spécifiquement le contrôle de l’accès aux documents privés conservés par BAC, je suis de l’avis que le demandeur n’a pas un droit d’accès inconditionnel sans restriction aux documents personnels de M. Bloomfield. Selon la loi et les lignes directives, BAC doit exercer une pondération entre l’accès, les conditions de la donation et les considéra-tions légitimes de l’organisme. Un tel exercice doit se faire par analyse démontrant une pondération entre les intérêts en jeu et la justification pour la conclusion.

(c) Accès au fonds en vertu de la Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels

[54]En 1978, lorsque M. Bloomfield a déposé ses documents privés à BAC, il a bénéficié de certains avantages fiscaux en vertu de la Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels, S.C. 1974-75-76, ch. 50.

[55]La Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels aux articles 26 et 27 demande que les biens culturels aliénés sous ladite loi soient aliénés de façon irrévocable pour bénéficier des avantages fiscaux prévus par la loi. En effet, il y est prévu que l’établisse-ment désigné devient propriétaire au plus tard le dernier jour de l’année civile suivant celle où le certificat fiscal visant des biens culturels est délivré. Dans notre cas, les certificats visant les documents ont été émis le 5 juillet 1979 et le 28 mars 1980. Selon le demandeur, l’imposition d’une nouvelle restriction d’accès aux documents Bloomfield par Mme Bloomfield est en effet une tentative de contrôle de la propriété des documents du fonds Bloomfield qui ont été transférés irrévocablement et que cette tentative de contrôle est à l’encontre de ladite Loi.

[56]Je suis d’avis que le fait que les documents du fonds Bloomfield ont été aliénés de façon irrévocable ne donne pas au public un accès inconditionnel aux documents. En tenant compte de l’ensemble de la preuve déposée par les parties, il s’ensuit que Mme Bloomfield n’a pas tenté de reprendre possession des documents ou d’annuler le transfert irrévocable à BAC du fonds Bloomfield. Le fait que BAC a conclu une entente avec Mme Bloomfield pour restreindre l’accès du public au fonds Bloomfield ne change en rien la nature de la propriété des documents constituant le fonds. Par conséquent, le demandeur n’a aucun droit d’accès aux documents Bloomfield en raison des avantages fiscaux réalisés par l’aliénation des documents du fonds Bloomfield sous la Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels.

5) Le défendeur a‑t‑il erré en refusant la demande initiale du demandeur d’accès au fonds Bloomfield?

[57]M. Bloomfield est mort le 19 juillet 1984. À titre de rappel, ce dernier a cédé les documents qui constituent le fonds Bloomfield sous condition qu’ils ne soient rendus public que 20 ans après sa mort.

[58]Comme nous l’avons vu précédemment au paragraphe 51 de la présente décision, sous la rubrique « Examen, révision et retrait des restrictions d’accès  », les lignes directrices prévoient une procédure à suivre lors de l’échéance de la restriction d’accès. En général, selon ces lignes directrices, un document avec restriction d’accès devient accessible au public le 1er janvier de l’année où cesse la restriction d’accès. Dans notre cas, le terme de la restriction d’accès était le 19 juillet 2004, donc selon les lignes directrices, l’accès aux documents était en date du 1er janvier 2004, le tout sujet aux autres considérations découlant de la Loi et des lignes directrices.

[59]Ces lignes directrices n’ont pas force de loi. Cependant, elles servent comme outils pour créer des pratiques générales. En l’espèce les lignes directrices définissent une pratique au sein de l’administration de BAC. Cependant, le fait que les lignes directrices suggèrent qu’un document avec restriction d’accès deviendra accessible au public le 1er janvier de l’année où cesse la restriction d’accès n’a aucun impact sur la compétence discrétionnaire de l’administrateur général de BAC de décider de rendre public les documents placés sous son contrôle. Ces lignes directrices n’imposent pas d’obligations sur les épaules du défendeur.

[60]De plus, même si BAC a pour mission générale de rendre accessible le patrimoine documentaire canadien, ceci n’assujettit pas BAC ou son administrateur général à une obligation légale de rendre accessible chacun des documents en sa possession. Le législateur fédéral n’a pas jugé bon de lui imposer une telle obligation, mise à part les dispositions applicables de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada. L’administrateur général de BAC a donc une obligation « de le rendre accessible  » et « d’assurer l’accès  » (voir les paragraphes 7b) et 8i) de la Loi).

[61]Le refus initial d’accès au fonds Bloomfield du 3 septembre 2004 était très succinct et ne contenait pas de motifs (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 17) :

Notre référence 2004‑2005/14376

Maurice Philipps

Cher M. Philipps :

Réponse à votre demande du 10 août concernant les fonds Louis M. Bloomfield (MG 31, E 25), il faut noter que l’autorisation pour consulter des fonds est toujours nécessaire de Mme Justine Cartier, 110 Bloor St. West, Apt 1105, TORONTO, ON M5S 2W7 (Tel. 416‑922‑2092). Cet [sic] permission devrais [sic] être envoyer [sic] à M. Lawrence Tapper au [sic] Bibliothèque et Archives Canada, 395 rue Wellington, OTTAWA, ON K1A 0N3. M. Tapper pourrait être rejoindre [sic] par courriel à Lawrence.Tapper@lac‑bac. gc.ca

Dan Somers

Division de Référence et Genealogie

Bibliothèque et Archives Canada

(613) 992‑0452

Ce premier refus ne présente aucun motif. Ce n’est que par la suite que le défendeur justifia son refus.

[62]Premièrement, le 18 janvier 2005, M. Normand Laplante, le Directeur des Archives sociales et culturel-les de BAC, écrit un courriel au demandeur expliquant les raisons pour lesquelles l’accès aux documents a été refusé (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 25) :

Au décès de M. Bloomfield en 1984, la gestion des restrictions d’accès à son fonds d’archives aux Archives publiques du Canada a été léguée à son exécutrice littéraire, Mme Justine Cartier, avec laquelle les APC en ont venu à l’entente suivante concernant les restrictions pour le fonds :

“Access to the collection is restricted for a period of twenty years from July 19, 1984 to researchers who have obtained the specific written permission of Mme Cartier”

Cette entente se retrouve dans une lettre de Mme Cartier datée du 19 novembre 1984* où elle indique également que ces restrictions d’accès devront être revues à une date ultérieure. Or, comme il est souvent la pratique à Bibliothèque et Archives Canada en raison du nombre considérable de fonds et de collections sous la responsabilité de l’institution, la révision des restrictions pour le fonds ne s’est fait qu’à la fin de la période de 20 ans, c’est‑à‑dire au cours de l’été 2004. Il a été convenu entre Mme Cartier et BAC à ce moment que la révision suivante serait apportée aux restrictions d’accès pour le fonds Bloomfield :

Originals

Vols. 1‑31—Restricted—Access is restricted until ten years after the death of Justine Stern Cartier

Les chercheurs qui désirent obtenir accès au fonds Bloomfield doivent obtenir la permission écrite de Mme Cartier. Cette entente se retrouve dans une lettre de Mme Cartier à BAC datée du 31 août 2004.** Veuillez notez que nous ne pouvons vous fournir une copie de ces lettres qui contiennent de l’information protégée concernant les négociations du gouvernement fédéral avec un donateur.

Il est important de noter que les restrictions d’accès pour le fonds n’ont jamais “expiré” et que le fonds n’a jamais été ouvert à la consultation sans restriction. Toutefois, je vous encourage à contacter Mme Cartier pour obtenir sa permission écrite pour consulter le fonds [. . .]1

[63]Deuxièmement, dans une lettre datée du 16 février 2005 envoyée au demandeur par le défendeur, ce dernier explique les motifs pour lesquelles la demande d’accès au fonds Bloomfield a été refusée (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 28) :

J’ai également revu le processus de décision concernant les restrictions d’accès pour le fonds Louis M. Bloomfield. Un des objectifs de Bibliothèque et Archives Canada dans l’acquisition et la mise en disposition de fonds d’archives d’origine privée est d’assurer un équilibre entre notre mission de rendre accessible ces documents, notre responsabilité de protéger la vie privée des individus et de respecter nos ententes avec les donateurs de tels fonds.

Dans le case [sic] du fonds Bloomfield, la gestion des restrictions d’accès avait été léguée, au décès de M. Bloomfield en 1984, à Mme Justine Cartier, l’exécutrice littéraire, avec laquelle les Archives publiques du Canada avait convenu de la restriction de 20 ans jusqu’en été 2004. Nous nous étions également entendus à l’effet que cette restriction serait revue ultérieurement. La revue des conditions d’accès à un fond [sic] est pratique courante à BAC, elle permet de tenir compte de l’évolution de la situation du donateur ou de ses représentants. C’est lors de cet exercice de revue à la fin de l’été 2004 que BAC et Mme Cartier ont convenu que le fonds serait restreint pour une période de 10 ans après le décès de cette dernière pour assurer la protection de la vie privée d’individus. Cette révision des restrictions d’accès à été faite selon les procédures institutionnelles établies pour les fonds et collections d’origine privée.

[64]Troisièmement, dans la lettre du 8 août 2005 envoyée par le défendeur, ce dernier explique à la lumière de la nouvelle information et de la consultation faite, les raisons pour lesquelles l’accès au fonds Bloomfield a été refusé et qu’il s’agissait d’une décision finale, à savoir (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 37) :

La pratique en vigueur dans l’institution, lorsqu’une restriction vient à échéance, est de contacter le donateur ou son exécuteur littéraire, normalement à l’occasion d’une demande d’accès, pour lui signaler la fin de la restriction et le consulter sur d’éventuelles circonstances qui exigeraient leur prolongation ou modification. Je tiens à vous assurer que l’intérêt public et la mission de l’institution de donner le plus large accès possible au patrimoine documentaire du Canada sont toujours considérés lors de ces discussions. Les conventions avec les donateurs sur les restrictions temporaires vont dans le sens de cette mission et de l’intérêt public en ce qu’elles permettent à Bibliothèque et Archives Canada d’acquérir, pour traitement immédiat, des fonds d’archives privés importants qui autrement risqueraient de n’être traités que beaucoup plus tard, retardant ainsi leur diffusion, ou même de rester à tout jamais hors d’atteinte des Canadiens.

Dans le présent cas, j’ai revu les raisons invoquées à l’appui d’une prolongation et je suis convaincu qu’elle était pleinement justifiée. Les restrictions d’accès sont maintenues pour la période indiquée. Elles constituent maintenant une entente contractuelle qui lie Bibliothèque et Archives Canada.

[65]À la lumière de cette correspondance, il apparaît que BAC considère Mme Bloomfield comme étant la gestionnaire des restrictions de période d’accès et qu’à ce titre, sa décision est déterminante quant à une prolongation de la période de non accès. Le donateur, M. Bloomfield, n’avait pas donné ce pouvoir de gestion à Mme Bloomfield. À deux reprises, il avait précisé que la période de non accès était de 20 ans. Ceci était son intention et elle doit être respectée. L’interprétation du rôle de Mme Bloomfield par le BAC est une erreur de droit.

6) Le défendeur a‑t‑il erré en décidant de prolonger la restriction d’accès au fonds Bloomfield?

[66]À l’expiration de la restriction d’accès au fonds Bloomfield imposée par M. Bloomfield, BAC a conclu, le 8 septembre 2004, une nouvelle entente avec Mme Bloomfield, l’exécutrice littéraire du fonds Bloomfield, imposant une nouvelle restriction d’accès au fonds Bloomfield afin que les documents ne soient pas rendus accessibles au public que 10 ans après la mort de Madame. Par la suite, le 20 avril 2005, la nouvelle restriction d’accès au fonds Bloomfield fut prolongée à une période de 25 ans après la mort de Mme Bloomfield. On ne retrouve au dossier aucune explication pour cette extension et la lettre du 8 août 2005 est silencieuse à ce sujet.

[67]Les lignes directrices énoncent ce qui suit au sujet de la consultation avec les donateurs et d’autres responsables, en ce qui concerne les restrictions d’accès au fonds de BAC (dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce 18) :

CONSULTATION AVEC LES DONATEURS ET D’AUTRES RESPONSABLES

L’analyse doit être suivie, si nécessaire, par la consultation du donateur, d’autres responsables (comme les agents ministériels de l’examen de l’accès) ou des collègues ayant l’expérience de documents semblables. Comme nous l’avons fait remarquer précédemment, dans le cas d’information personnelle de nature délicate ou très délicate, les donateurs ou leurs représentants peuvent exiger l’application de l’accès avec autorisation ou d’une interdiction de consulter plus longue que ne pourrait le recommander l’archiviste. Au moment de négocier ces restrictions, l’archiviste doit faire l’équilibre entre les droits légitimes du donateur et le désir des Archives nationales de faciliter l’accès aux documents dans la mesure du possible.

[68]De plus, l’administrateur général de BAC explique dans ses lettres au demandeur, la politique de consultation avec le donateur ou son représentant lorsqu’une restriction d’accès devient échue. Par conséquent, on constate l’existence d’une pratique bien établie de BAC de consulter les donateurs et leurs représentants pour déterminer la longueur et les détails d’une restriction d’accès avant et après la cession des documents à BAC. Il est important de noter que même si, en pratique, BAC négocie des restrictions d’accès avec les donateurs et leurs représentants, une fois les documents en possession de BAC, l’administrateur général a un pouvoir discrétionnaire de conclure des ententes de restrictions d’accès avec les donateurs et leurs représentants en vertu de la Loi et du mandat qui leur est accordé.

[69]Bien que l’extension de la période de restriction à 10 ans en septembre 2004 est bien documentée, Mme Bloomfield ayant exprimé le désir que ladite extension soit prolongée de 10 ans après sa mort (voir dossier du demandeur, page 150) pour des raisons de vie privée et de réputation de son mari, il n’en va pas de même pour celle de 25 ans, décision prise le 20 avril 2005 (voir dossier du demandeur, page 114). Il n’y a aucune explication donnée pour comprendre un tel changement. En plus, cette décision va à l’encontre des lignes directrices du BAC à l’effet que la révision d’une période de restriction se fait à l’échéance. Il semble y avoir contradiction dans la lettre du 8 août 2005. Le renouvellement de l’extension de la restriction a été fait en septembre 2004 pour une période de 10 ans, il n’y avait donc pas d’échéance car celle‑ci ne pouvait survenir qu’en 2014.

[70]La décision du 8 août 2005 expliquant la période de restriction sans la dévoiler n’est pas raisonnable dans les circonstances, tenant compte des faits du dossier et de l’absence de motifs pouvant permettre cette nouvelle extension qui allait à l’encontre des lignes directrices. Elle est donc révisable, n’étant pas correcte.

IV. Conclusion

[71]Le demandeur demande des dommages intérêts. La procédure est une demande de contrôle judiciaire et aucun dommage ne peut être accordé (voir le paragraphe 18.1(3) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales; De‑Nobile c. Canada (Procureur‑général), [1999] A.C.F. no 1727(1re inst.) (QL)).

[72]En plus, le demandeur demande une ordonnance d’accès sans restriction au fonds Bloomfield. Tenant compte de la Loi et des lignes directrices, il fut constaté que le BAC a une discrétion au sujet des demandes d’accès mais qu’il doit l’exécuter en tenant compte de l’objectif d’accès de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, les conditions exprimées par le donateur des documents personnels et autres considérations légitimes. Cet exercice doit être fait en tenant compte de la présente décision, de la Loi et des lignes directrices. Le dossier doit donc être retourné afin qu’il y ait une nouvelle étude de la demande d’accès.

V. Les frais

[73]Étant donné le résultat auquel j’arrive, les frais sont en faveur du demandeur.

[74]Le demandeur demande les frais avocat‑client. Pour en arriver à une telle conclusion, la jurisprudence exige que la preuve démontre un comportement reprochable de la partie ayant la charge des dépens. (Balfour c. Nation Crie de Norway House,  2006 FC 616, aux paragraphes 17 à 19; Mackin c. Nouveau‑ Brunswick (Ministre des Finances); Rice c. Nouveau-Brunswick [2002] 1 R.C.S. 405, au paragraphe 86). Ce n’est aucunement le cas dans le présent dossier.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

‑ La demande de contrôle judiciaire de la décision du 8 août 2005 est accordée, le dossier doit retourner devant le décideur afin qu’une nouvelle décision soit prise tenant compte des motifs de la présente.

‑ Les frais sont en faveur du demandeur.

Image

1 * Le dossier révèle le contenu de cette lettre à l’effet que suite au décès de son mari, Mme Bloomfield (Mme Cartier) constate que la restriction sera de 20 ans mais que celle‑ci sera révisé à une date ultérieure (voir dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce P‑1).

** Il est important de noter que depuis, la lettre de Mme Bloomfield (Mme Cartier), en date du 31 août 2004, a été obtenue par le demandeur. Elle explique que l’extension de la restriction de 10 ans est justifiée pour des raisons de vie privée et de la réputation de Louis M. Bloomfield (voir dossier du demandeur, affidavit de Maurice Philipps, pièce P-2).

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