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BREVETS

Contrefaçon

AB Hassle c. Genpharm Inc.

T-2005-01

2003 CF 1443, juge Layden-Stevenson

22-12-03

95 p. + Annexes «A» à «G»

AB Hassle et AstraZeneca ont déposé un avis de demande en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en vue d'obtenir une réparation sous forme de déclaration concernant l'avis d'allégation de Genpharm ou une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Genpharm à l'égard de neuf brevets canadiens portant sur l'oméprazole, inhibiteur de la sécrétion d'acide gastrique, essentiellement instable--À l'audience, quatre brevets demeuraient en litige--Genpharm allègue que les brevets §693 et 377 sont invalides et que les brevets 668 et 762 ne sont pas contrefaits--L'invention revendiquée par le brevet 377 concerne l'ajout de sels inorganiques à l'oméprazole à titre de stabilisants--Le brevet 688 revendique un nouvel usage de l'oméprazole en tant qu'antibactérien--Le brevet 762 concerne l'association d'une substance qui inhibe la sécrétion d'acide gastrique et d'un antibactérien dégradable en milieu acide--Trois procédures antérieures qui concernent les mêmes parties et portent sur le même médicament ont été retirées--Le premier désistement a suivi l'arrêt de la Cour d'appel fédérale statuant que la seconde personne ne pouvait s'appuyer sur une preuve supplémentaire ne figurant pas dans son avis d'allégation-- Les autres procédures ont été abandonnées lorsque le ministre a informé Genpharm que sa demande d'autorisation de son produit oméprazole était considérée comme retirée--Mais l'appel de Genpharm interjeté auprès du ministère a été accueilli et Genpharm a signifié un nouvel avis d'allégation-- Genpharm est un fabricant de médicaments génériques (la seconde personne) et souhaite distribuer au Canada un médicament d'oméprazole en comparant la drogue qu'elle veut commercialiser à celle d'Astra, déjà autorisée par le ministre--Les procédures relatives à l'article 6 ne sont pas assimilables à des actions visant à statuer sur la validité d'un brevet ou la contrefaçon--Elles ont pour but de décider s'il est loisible au ministre de délivrer l'avis de conformité--La question porte sur le point de savoir si les allégations de la seconde personne sont suffisamment étayées pour justifier une conclusion à des fins administratives portant que la commercialisation éventuelle du produit de la seconde personne ne contreferait pas le brevet du demandeur--En fait, le demandeur obtient l'équivalent d'une injonction interlocutoire du seul fait qu'il engage la procédure--La procédure en vertu de l'art. 6 n'a pas l'autorité de la chose jugée--Le breveté peut faire respecter ses droits en intentant une action en contrefaçon--Une copie intégrale de l'avis d'allégation de Genpharm est jointe aux motifs à titre d'annexe A--Le brevet 693 renferme 19 revendications (jointes aux motifs à titre d'annexe «B»)--L'allégation de Genpharm porte que l'invention revendiquée dans le brevet 693 était évidente et ne comporte donc pas le caractère inventif--Elle affirme également l'invalidité du brevet au motif de l'antériorité, de l'absence de nouveauté--Une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Genpharm avant l'expiration du brevet sera prononcée--La partie qui présente une demande en application de l'art. 6 assume la charge de la preuve initiale-- Cette charge est difficile puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des allégations de l'avis d'allégation--La première étape de l'analyse est l'interprétation des revendications du brevet--Renvoi à la décision Canamould Extrusions Ltd. c. Driangle Inc. (2003), 25 C.P.R. (4th) 343 (C.F. 1re inst.)--Renvoi à l'arrêt AB Hassle c. Apotex Inc. (2003), 312 N.R. 288 (C.A.F.), portant sur le brevet 693 --S'agissant de l'interprétation de la revendication 1, la Cour d'appel fédérale a conclu que la revendication est claire et il n'est pas justifié de se reporter à la divulgation pour interpréter la revendication: Dableh c. Ontario Hydro, [1996] 3 C.F. 751 (C.A.)--La juge est liée par l'interprétation de la revendication qu'a donnée la Cour d'appel--L'arrêt qui fait autorité en matière de critères touchant l'antériorité et l'évidence est l'arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.)--La personne versée dans l'art est un formulateur qualifé qui n'a pas d'imagination, mais fait preuve d'une diligence raisonnable pour se tenir au courant des progrès accomplis dans son domaine--La différence entre l'antériorité et l'évidence est que l'antériorité exige qu'une seule source antérieure contienne une description exacte de l'invention, alors que pour prouver l'évidence on peut se fonder sur tout, allant de la divulgation contenue dans un seul document à une «mosaïque» de l'état de la technique--Il faut faire preuve d'une extrême prudence à l'égard des opinions des experts sur la question de l'évidence--En fin de compte, la décision revient au tribunal--La Cour n'est pas convaincue, suivant la prépondérance de la preuve, qu'une personne versée dans l'art serait, directement et facilement, parvenue à l'invention--Astra s'est acquittée du fardeau d'établir que l'avis d'allégation de Genpharm invoquant l'invalidité sur la base de l'évidence n'est pas fondé--Même si les conclusions de la Cour concernant l'évidence et l'antériorité privent Genpharm de toute chance de succès à l'égard de ce brevet, les arguments sur l'insuffisance et l'ambiguïté de certaines revendications ont été examinés attentivement--On ne trouve pas la moindre mention, dans l'avis d'allégation de Genpharm, des fondements juridiques et factuels de ces arguments--Cette question est sans incidence--La contestation au motif de l'insuffisance de la divulgation se fonde sur l'art. 34 de la Loi sur les brevets--Une contestation de nature technique ne doit pas servir à faire échec au brevet pour une invention méritoire--Cette contestation sera accueillie dans les cas où le mémoire descriptif ne divulgue pas l'invention de manière telle qu'une personne versée dans l'art puisse mettre l'invention en pratique--La question est de savoir 1) si la revendication peut être interprétée de manière valable et 2) s'il y avait une description suffisante pour permettre l'utilisation de l'invention--S'agissant de l'antériorité, Genpharm a allégué que le brevet EP 495 (publié en novembre 1984) constitue une antériorité par rapport au brevet 693 du fait qu'il divulgue les trois éléments de la revendication 1--Le brevet 495 n'enseigne pas l'application d'une sous-couche inerte ou d'une couche séparatrice pour contrer le risque de dégradation de l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble--L'allégation d'invalidité pour cause d'antériorité n'est pas fondée--Le brevet 377 de Takeda--La demande qui a mené à l'octroi du brevet 377 revendiquait la priorité d'une demande japonaise déposée en février 1986--Il s'agit d'un brevet qui porte sur une formulation consistant en un ingrédient actif, un sel inorganique stabilisant et un enrobage gastrorésistant et entérosoluble--Les revendications du brevet 377 sont jointes aux motifs à titre d'annexe «D»-- La liste complète de l'état de la technique à l'égard du brevet Takeda forme l'annexe «E»--La divulgation du brevet de Takeda donne une explication des problèmes de dégradation --L'objet de l'invention est de résoudre deux problèmes de stabilité: la stabilité de l'oméprazole lui-même et la stabilité de l'oméprazole lorsqu'il vient en contact avec les ingrédients utilisés dans les formes posologiques solides administrables par voie orale, notamment dans les enrobages gastrorésistants et entérosolubles--L'invention de Takeda consiste essentiellement à ajouter un sel inorganique basique stabilisant pour stabiliser l'oméprazole--L'allégation au sujet de l'évidence n'est pas fondée--Le brevet 668 vise un nouvel usage de la substance--Il s'agit d'un nouvel usage de l'oméprazole comme antibactérien pour le traitement de l'infection causée par une bactérie qui colonise la muqueuse gastrique--Les revendications du brevet 668 sont reproduites dans l'annexe «F»--Genpharm allègue que son médicament sera utilisé pour les «anciens» usages. Il ne sera pas utilisé comme antimicrobien et ne contrefera donc pas le brevet 668--Mais Astra a invoqué des affidavits exposant que, même si le produit de Genpharm était étiqueté uniquement pour l'«ancien» usage, les médecins le prescriraient pour le «nouvel» usage--Les pharmaciens délivrent généralement la marque la moins coûteuse sur le marché et le produit d'oméprazole de Genpharm devrait être moins coûteux--Question de savoir si les Formulaires des provinces visées autorisaient la substitution--S'agissant des intentions de Genpharm, Astra s'appuie sur la monographie de produit, mais Genpharm fait valoir que les extraits auxquels renvoie Astra étaient sortis du contexte où ils figuraient--La contrefaçon d'un brevet d'utilisation, aux termes du Règlement, n'est pas le seul fait du fabricant de génériques; elle vise aussi la contrefaçon par les patients, même s'il n'y a pas d'incitation ou d'aide à la contrefaçon de la part du fabricant de génériques--La simple vente du produit par le fabricant de génériques, sans plus, ne suffit pas à créer la contrefaçon. La contrefaçon intervient quand des éléments de preuve permettent de conclure que les actes de la seconde personne conduiraient inévitablement à une nouvelle utilisation du produit de la première personne si la seconde personne obtenait un avis de conformité--Pour obtenir une ordonnance d'interdiction, la première personne doit établir que si un avis de conformité était délivré et que la seconde personne devait vendre son médicament générique, les patients ou d'autres tiers contreferaient le brevet d'utilisation de la première personne--Règles applicables à la preuve d'expert--Importance de la monographie de produit (MP)-- Elle est fournie au fabricant de médicaments auquel on accorde un avis de conformité--Elle limite les indications du produit et elle est disponible dans le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques, ouvrage de référence qui dresse la liste des posologies, ingrédients et modes d'emploi applicables à certains médicaments--Ouvrage largement consulté par les pharmaciens et médecins--La Cour conclut que le ministre ne valide pas les indications d'un médicament pour lequel un avis de conformité est délivré--La plupart des médecins ne sont pas en mesure de savoir si une préparation générique est homologuée au même titre qu'une préparation non générique--Quelques pharmaciens supposeront qu'un produit générique est approuvé pour les mêmes usages qu'un produit de marque correspondant--Il n'existe pas de mécanisme (autre que le Formulaire) qui permette d'informer les pharmaciens du fait qu'un médicament générique est approuvé pour un moins grand nombre d'usages--Il y a certains passages dans la MP de Genpharm qui prouvent l'intention de Genpharm d'obtenir que son produit soit employé pour le nouvel usage--Si un avis de conformité était délivré, les patients contreferaient le brevet d'Astra visant le nouvel usage--Le fait que Genpharm ait déclaré dans son avis d'allégation au sujet du brevet 668 que ses gélules seront étiquetées et vendues pour l'inhibition des sécrétions d'acide gastrique ne suffit pas--Il en serait autrement si son étiquette ou sa MP indiquaient expressément que le produit n'est pas approuvé pour le traitement des infections à H. pylori--L'allégation de non-contrefaçon de Genpharm n'est pas fondée--Le brevet 762--Il s'agit d'un brevet visant un nouvel usage--Il porte sur la combinaison d'une substance inhibitrice de la sécrétion d'acide gastrique et d'un antibactérien dégradable en milieu acide--En combinant les éléments de cette invention, on obtient une synergie de l'effet antibactérien des antibiotiques qui améliore l'efficacité thérapeutique--Le brevet 762 comporte 77 revendications, jointes aux motifs à titre d'annexe «G»--Association d'une substance à effet inhibiteur sur la sécrétion d'acide gastrique --L'argument d'Astra est fondé, l'avis d'allégation ne traite aucune des revendications où l'oméprazole est pris en association avec un antibiotique autrement que dans une seule composition--Le fabricant de génériques ne peut passer sous silence les revendications qui décrivent l'invention fondamentale--S'il le fait, il ne fournira pas les faits démontrant qu'aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne serait contrefaite et son avis d'allégation ne sera pas conforme à l'art. 5--L'avis d'allégation ne peut être considéré comme fondé--Il n'est pas nécessaire de trancher la question de l'abus de procédure à propos de l'avis d'allégation de Genpharm--En conclusion, les diverses allégations de Genpharm touchant l'invalidité et la contrefaçon ne sont pas fondées et Astra a droit d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité--Astra et Takeda ont droit aux dépens contre Genpharm, taxés selon l'échelle ordinaire--Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 5 (mod. par DORS/98-166, art. 4; DORS/99-379, art. 3), 6 (mod. par DORS/99-379, art. 3)--Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 34 (abrogé par L.C. 1993, ch. 15, art. 36).

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