Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

DROIT INTERNATIONAL

Khadr c. Canada (Ministre des Affaires étrangères)

T-686-04

2004 CF 1145, juge von Finckenstein

18-8-04

15 p.

Omar Khadr est un Canadien de 17 ans détenu dans le camp Delta à la baie de Guantánamo par les États-Unis en raison de sa participation alléguée aux activités d'Al-Qaida en Afghanistan--Les demandeurs soutiennent que Khadr a été interrogé à plusieurs reprises, qu'il n'a pas été traduit devant un tribunal, qu'il s'est vu refuser l'accès à un avocat et à des représentants consulaires--Il fait face maintenant à des poursuites devant un tribunal militaire et pourrait être condamné à mort pour des événements survenus quand il avait 15 ans--La famille de Khadr a présenté à la C.F. une demande en vue d'obtenir une ordonnance obligeant le gouvernement à lui fournir des services consulaires et diplomatiques--Les demandeurs soutiennent que l'omission de fournir ces services est contraire à la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (LAECI), et porte atteinte aux droits reconnus par la Charte--Il est également allégué que des représentants du gouvernement canadien ont interrogé Khadr à la baie de Guantánamo, et qu'ils ont ensuite transmis les renseignements ainsi obtenus à des agents américains--Le ministre sollicite maintenant la radiation de l'avis de demande parce qu'elle contrevient à la règle 302 des Règles de la Cour fédérale (1998), étant donné qu'il constitue un abus de procédure, la demande étant semblable à la déclaration déposée dans une action en responsabilité découlant des interrogatoires et ne révélant aucune cause d'action--Le demandeur recherche les mesures de réparation suivantes: 1) une ordonnance de mandamus concernant la prestation de services consulaires; 2) une ordonnance interdisant aux agents du gouvernement canadien d'interroger Khadr et déclarant que les interrogatoires déjà effectués étaient contraires à la Charte--La mesure de réparation 2) est la même que celle qui est sollicitée dans la demande connexe--Il est contraire à la règle 302 de contester deux décisions dans le cadre d'une seule demande à moins que la décision fasse partie d'une même série d'actes: Truehope Nutritional Support Ltd. c. Canada (Procureur général) (2004), 251 F.T.R. 155 (C.F.)-- La première série de décisions contestées concerne l'omission de fournir des services consulaires--La seconde série de décisions vise les interrogatoires d'Omar par des agents canadiens--Les deux séries de décisions ont été prises à des époques différentes, touchent des aspects différents et ne constituent donc pas une même série d'actes--L'avis de demande serait contraire à la règle 302 s'il n'était pas modifié et le fait de demander la même réparation dans deux instances parallèles constitue un abus de procédure--La bonne administration de la justice, le souci d'utiliser efficacement les ressources judiciaires exigent que soient radiées les parties de l'avis de la demande qui concernent les interrogatoires--De cette façon, la demande ne portera que sur une seule décision; cela évitera le dédoublement des instances puisque toutes les questions touchant les interrogatoires seront abordées dans l'action, et les autres sujets dans la demande--Quant à la violation de la Charte alléguée, les demanderesses n'ont pas démontré que la décision du ministre constituait un «préalable nécessaire» (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3) aux actions du gouvernement et au traitement actuel et futur d'Omar Khadr par le gouvernement américain--Absence de preuve indiquant que sa situation est identique à celle d'autres détenus du camp Delta qui ont été libérés à la suite de l'intervention des gouvernements du R.-U., de la France et de l'Afghanistan--Il n'est donc pas «parfaitement prévisible» (Suresh) que l'intervention du gouvernement du Canada entraînerait les mêmes résultats--L'art. 7 de la Charte restreint la capacité de l'État de porter atteinte à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et n'impose à l'État aucune obligation positive de garantir à chacun le respect de ses droits: Gosselin c. Québec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429--Contrairement à l'affaire États-Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283, Khadr n'a jamais été sous la garde de fonctionnaires canadiens de sorte que le raisonnement tenu dans Gosselin s'applique en l'espèce--Les demandeurs n'ont pas établi le «lien causal suffisant» exigé par les arrêts Burns et Suresh--Les parties de l'avis de demande concernant les violations de la Charte sont radiées--Les demandeurs invoquent l'art. 10 de la LAECI: «Dans le cadre des pouvoirs et fonctions que lui confère la présente Loi, le ministre dirige (a) les relations diplomatiques et consulaires du Canada»--Ils soutiennent que cette disposition impose au ministre l'obligation de fournir les services qu'a demandés Khadr en raison de la notion d'attente légitime ou des principes du droit international--La publication intitulée «Guide à l'intention des Canadiens emprisonnés à l'étranger» énonce que le gouvernement «fera tout en son pouvoir pour s'assurer qu'un» Canadien détenu à l'étranger est traité «de manière équitable»--Ce guide énonce aussi que les fonctionnaires consulaires sont tenus de faciliter la communication entre le détenu et son avocat, et contient une liste des services supplémentaires fournis--Existence d'arguments convaincants établissant que la LAECI et le Guide créent des attentes légitimes chez les citoyens canadiens détenus à l'étranger qui peuvent s'attendre à recevoir la plupart des services demandés par Khadr--En l'espèce, les attentes comportent des éléments procéduraux et substantiels --Dans Centre hospitalier Mont-Sinaï v. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), [2001] 2 R.C.S. 281, la majorité n'a pas abordé la question de savoir si une attente peut viser certains résultats substantiels--Le juge Binnie, dissident, note que la distinction aspect procédural/aspect substantiel a été supprimée en Angleterre et en Australie-- Dans l'affaire Abbasi v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, [2002] E.W.J. No. 4947 (C.A.) du R.-U., la Cour a jugé que diverses mesures et déclarations faites par le gouvernement avaient créé une attente légitime à l'égard des services consulaires--Le raisonnement tenu dans cette affaire est applicable à la présente espèce--Argument selon lequel il convient d'interpréter l'art. 10 en tenant compte de la Convention de Vienne sur les relations consulaires dont le Canada est signataire--Il faut donner aux lois une interprétation qui soit conforme aux obligations internatio-nales du Canada--L'arrêt de la Cour internationale de justice LaGrand (Allemagne c. États-Unis d'Amérique), [2001] I.C.J. 3 énonce que la Convention accorde effectivement aux individus le droit de recevoir les services sollicités par les demandeurs en l'espèce--Les demandeurs devraient avoir la possibilité de présenter des preuves de l'existence d'une coutume internationale à l'égard de la prestation de certains services consulaires--La Cour n'est pas disposée à radier la demande parce qu'elle ne révèle pas une cause d'action--Les demandeurs sont invités à présenter un projet d'ordonnance, à modifier l'avis de demande conformément à la présente décision--Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, L.R.C. (1985), ch. E-22, art. 1 (mod. par L.C. 1995, ch. 5, art. 2) 10 (mod., idem, art. 7)--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7--Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98- 106, règle 302--Convention de Vienne sur les relations consulaires, 19 mars 1967, 596 R.T.N.U. 261.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.