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Contenu de la décision

ENVIRONNEMENT

Bennett Environmental Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement)

T-1313-04

2004 CF 1150, juge Harrington

19-8-04

13 p.

Le ministre de l'Environnement a annoncé son intention de renvoyer l'installation d'oxydeur thermique à haute température de la demanderesse (ayant pour but de débarrasser les sols contaminés des polluants), située au Nouveau- Brunswick, à une commission d'examen pour une évaluation environnementale transfrontalière, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale--Le ministre était d'avis que les données disponibles étaient trop limitées pour être certain qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter de la santé humaine--L'avis initial a été donné sous forme de communiqué de presse et suivi d'une lettre expédiée à la demanderesse par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale--En sollicitant le contrôle judiciaire, la demanderesse affirme que, en fait, le ministre n'a pas rendu de décision, de sorte que la commission d'examen ne peut aller de l'avant--ou que s'il a rendu une décision, il n'était pas autorisé par le Parlement à le faire puisque l'installation n'était plus un «projet», la construction étant complétée à 90 p. 100--On a aussi soutenu que la décision était déraisonnable et inéquitable--En vertu de l'art. 46 de la Loi, le ministre peut renvoyer un projet provincial à une commission d'examen fédérale s'il est d'avis qu'un projet peut entraîner des effets environnementaux négatifs importants dans une autre province ou sur une réserve mise de côté pour une bande indienne--La demanderesse a fait valoir que le ministre n'a jamais renvoyé son installation à une commission d'examen puisqu'il n'a jamais signé de directive, mais qu'il a simplement émis un communiqué de presse--La Cour n'était pas de cet avis puisque ni la Loi ni la common law ne prescrivent la forme de la prise de décision--Rien n'indique que la décision d'exercer un pouvoir discrétionnaire doit être mise sous forme écrite--Unique conclusion: le ministre a donné des directives pour que l'Agence publie le communiqué de presse faisant part de sa décision--Cela constituerait une intrusion inappropriée dans le fonctionnement du ministère si la Cour exigeait un affidavit, soit du ministre ou soit de l'Agence, confirmant la décision--Le ministère et l'Agence étaient maîtres de leur propre procédure: Therrien (Re), [2001] 2 R.C.S. 3--Le communiqué de presse peut constituer un avis suffisant: Stratégies St-Laurent c. Canada (Ministre de l'Environnement) (1998), 156 F.T.R. 273 (C.F. 1re inst.)--La Loi n'autorise que les évaluations environnementales de «projets»--Selon l'art. 2 de la Loi, «projet» signifie la réalisation--y compris l'exploitation--d'un ouvrage ou la proposition d'exercice d'une activité concrète, non liée à un ouvrage, désignée par règlement--Selon le ministre, il n'a pas soumis la construction de l'installation à un examen, mais uniquement l'exploitation qui y est envisagée--Les interve-nants, dont la Première nation d'Eel River Bar, ont également fait remarquer que la délivrance du permis de construction fait l'objet d'un appel--Examen du but et de l'historique du projet--L'installation de la demanderesse utilisera un four tournant dans le but de volatiliser les hydrocarbures entraînés provenant d'emplacements de friche industrielle en Amérique du Nord--Elle traiterait jusqu'à 100 000 tonnes de sol chaque année--Après un renvoi à un comité d'examen technique et l'imposition de certaines conditions, l'autorisation de construire a été accordée en vertu de la législation provinciale en matière d'assainissement de l'air et de l'environnement-- Une coalition de citoyens du Nouveau-Brunswick et du Québec a déposé une plainte auprès du ministre au sujet de «l'incinérateur de déchets toxiques projeté», affirmant que le processus d'évaluation environne-mentale provincial comportait des failles--Les chefs indiens avaient de sérieuses préoccupations au sujet des effets négatifs qui seront causés à leurs collectivités et à la faune--L'installation de la demanderesse ne constituait plus un «projet» au moment où elle a été renvoyée à une commission d'examen par le ministre--Par conséquent, le ministre agissait illégalement et la commission d'examen ne pouvait aller de l'avant--Il n'était pas nécessaire de déterminer exactement quand l'installation a dépassé l'étape de «projet»--L'économie générale de la Loi est d'empêcher que des travaux qui peuvent être préjudiciables à l'environnement soient exécutés--Mais l'approbation d'un projet ne constitue pas un permis de polluer--Si l'installation de la demanderesse pollue, elle pourrait être fermée-- L'installation avait passé le point de non-retour lorsqu'on a présenté une requête au ministre pour qu'une commission d'examen soit établie--Les motifs du juge Linden, J.C.A. dans l'arrêt Bande indienne des Tsawwassen (Conseil) c. Canada (Ministre des Finances) (2001), 270 N.R. 145 (C.A.F.), signifient qu'une fois qu'un projet est approuvé et que la construction est commencée, l'approbation ne peut pas être réexaminée--Les évaluations environnementales doivent être effectuées lorsque les projets sont au stade de la planification--Bien que la Loi ait été modifiée après l'arrêt Tswwassen, rien n'indique que le Parlement a voulu établir une ligne temporelle différente à l'égard des projets ayant un lien fédéral occulte en raison des effets transfrontaliers, par opposition à un lien direct en vertu de l'art. 5--Quant à la question de savoir si la décision était déraisonnable, selon la demanderesse, la science est telle que la concentration maximale de polluants sera à 200 mètres de la source, ce qui est bien en-deça des limites de sa propriété--Étant donné que les conseillers du ministre ont considéré improbables les effets transfrontaliers et que le ministre, répondant à la Chambre des communes à une question d'un député du Bloc Québécois, a mentionné que l'installation de la demanderesse était une affaire locale, le ministre savait, ou aurait dû savoir, que la Loi n'avait aucune application--Le ministre n'était pas «abandonné à son sort» par la déclaration de Santé Canada qui a dit être incapable d'affirmer avec une «confiance absolue» qu'il était impossible qu'il y ait des effets transfrontaliers-- Mais compte tenu du fait que l'installation en cause n'est pas un «projet», il n'était pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si la décision était déraisonnable --Ce n'est pas à la Cour d'examiner la question de savoir si le renvoi à une commission était motivé politiquement (une élection fédérale a été déclenchée seulement deux jours après le communiqué de presse initial en l'espèce): voir les remarques du juge Dickson (alors juge à la Cour suprême du Canada) dans l'arrêt Thorne's Hardware Ltd. et autres c. La Reine et autre, [1983] 1 R.C.S. 106, à la p. 112--En ce qui a trait à l'iniquité de la décision, il est douteux que le ministre ait été justifié de commander des études après que la demanderesse eut dépensé 29 millions de dollars pour l'installation--Demande accueillie avec dépens mais non sur la base avocat-client puisque la conduite du ministre n'a pas été répréhensible ou scandaleuse et parce que c'était la première cause concernant les dispositions transfrontalières de la Loi--Il n'était pas inapproprié de la part du ministre de tenter d'établir une distinction d'avec l'arrêt Tsawwassen en raison des modifications apportées à la Loi--Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 2 «projet» (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 18), 5.

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