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PREUVE

Ottawa Citizen Group Inc. c. Canada (Procureur général)

DES-1-04

2004 CF 1052, juge en chef Lutfy

30-7-04

35 p.

En novembre 2003, The Ottawa Citizen Group Inc., l'une de ses journalistes, Kate Jaimet, et la Société Radio-Canada, déposaient devant la Cour de justice de l'Ontario (C.J.O.), en application de l'art. 487.3 du Code criminel, une requête la priant d'annuler ou de modifier une ordonnance de confidentialité qu'elle avait rendue à l'égard de documents portant sur sept mandats de perquisition--Le procureur général du Canada avait été informé que les documents en cause renfermaient des «renseignements sensibles» (Loi sur la preuve au Canada, art. 38)--Avant que ne soit rendue la décision concernant la requête présentée selon l'art. 487.3, les demanderesses ont introduit la procédure prévue par l'art. 38 en vue d'obtenir une ordonnance autorisant la communication des documents--Après le début de l'audience, la Cour a mis en doute l'opportunité de poursuivre l'instance alors que l'instance parallèle introduite devant la C.J.O. n'avait pas été menée à son terme, mais toutes les parties ont insisté pour que se poursuive l'instance introduite devant la C.F.--La demande a été présentée prématurément--L'économie des ressources judiciaires et le dispositif institué par l'art. 38 permettent d'affirmer que la procédure prévue par le Code criminel devrait d'abord être menée à son terme--Aucune des parties n'a contesté que la requête en annulation ou en modification de l'ordonnance de confidentialité était une instance au sens de l'art. 38--La présente affaire était quelque peu inédite, en ce que le tribunal devant lequel la requête a été introduite a la possession des dossiers en cause--Les documents en cause devant la C.J.O. et la C.F. sont les mêmes--Ils ont été déposés devant les deux juridictions dans leur version non expurgée-- La position adoptée devant la C.J.O. par le procureur général du Canada est qu'il s'opposera à la requête en annulation ou en modification de l'ordonnance de confidentialité en invoquant l'un ou plusieurs des moyens prévus par l'art. 487.3(1), (2) du Code criminel--Il fera valoir que la communication des documents mettrait en péril une enquête en cours--Devant la Cour fédérale, le procureur général du Canada fera valoir que la communication des renseignements secrets serait préjudiciable à la sécurité nationale et à l'enquête en cours sur des infractions intéressant la sécurité nationale--L'enquête criminelle se rapportait censément au terrorisme international--Les intérêts en matière de sécurité nationale sont l'objet d'une requête présentée selon l'art. 38-- L'aspect «sécurité nationale» de cette enquête criminelle ne saurait cependant dissuader la C.J.O. de prononcer sur la requête en annulation ou en modification-- L'invocation de l'art. 38 avait pu faire dévier l'instruction de la demande présentée en vertu de l'art. 487.3--Le point de savoir si l'instance introduite en vertu de l'art. 38 doit ou non se poursuivre dépendra de l'issue de la demande présentée à la C.J.O.-- L'examen de l'application de l'art. 38 sera à propos lorsque la C.J.O. se sera prononcée au regard de l'art. 487.3 --La C.F. doit s'en rapporter à la C.J.O.-- L'argument principal du procureur général est le même devant les deux juridictions-- Selon l'art. 38.06(2), si la C.F. est d'avis que la divulgation serait préjudiciable à la sécurité nationale, elle doit alors se demander si les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation--Les demanderesses invoqueront leurs libertés fondamentales garanties par la Charte: liberté de la presse et liberté d'expression--Elles invoqueront aussi l'intérêt public dans la publicité des débats judiciaires et dans la surveillance générale qui s'attache à la conduite des policiers et autres représentants de l'État--Les intérêts de toutes les parties seront mieux servis si la mise en équilibre a lieu après que la C.J.O. aura rendu sa décision dans l'instance introduite selon l'art. 487.3--Même si la C.F. devait ordonner la divulgation d'une partie ou de la totalité des renseignements secrets, ces renseignements ne pourraient pas être validement divulgués avant que la C.J.O. n'ait achevé son analyse dans le contexte de l'art. 487.3--Les avocats auraient dû signaler à la C.J.O. la possibilité d'application de l'art. 38 et continuer l'instance introduite en vertu de l'art. 487.3(4) jusqu'à ce que le juge de la C.J.O. indique son intention d'annuler ou de modifier son ordonnance de confidentialité--Le procureur général du Canada ne peut, en vertu de l'art. 38.13(1), délivrer un certificat interdisant la divulgation de renseignements qu'après qu'a été rendue une décision entraînant la divulgation des renseignements--Selon la loi actuelle, nul ne peut même divulguer le fait qu'une demande a été présentée à la C.F. en vertu de l'art. 38--Cette règle peut entraîner des conséquences absurdes--L'opacité envisagée dans l'art. 38.02 sans doute justifiée dans les cas exceptionnels--Il est incongru qu'il puisse y avoir incertitude sur la distribution de jugements intéressant l'art. 38 et portés en appel, à plus forte raison parmi les juges de la C.F. qui sont désignés pour conduire de telles instances--Lors de son récent examen d'une autre disposition de la Loi antiterroriste, la Cour suprême du Canada a réitéré l'importance de l'accès du public aux débats judiciaires, «une pierre angulaire de notre démocratie» et un principe qui «ne saurait être modifié à la légère»: Vancouver Sun (Re), [2004] 2 R.C.S. 332--L'art. 38 est l'antithèse de ce principe fondamental--Ceux qui ont pour tâche d'examiner la législation antiterroriste voudront peut-être se demander si certaines dispositions de l'art. 38 font inutilement obstacle au principe de la publicité des débats judiciaires--Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 487.3 (édicté par L.C. 1997, ch. 23, art. 14, ch. 39, art. 1)--Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 38 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 43, 141), 38.06(2) (édicté, idem, art. 43), 38.13(1) (édicté, idem)--Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41.

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