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PÉNITENCIERS

Grenier c. Canada

T-954-01

2004 CF 132, protonotaire Morneau

28-1-04

32 p.

Par voie d'action simplifiée, le demandeur a poursuivi la défenderesse en responsabilité délictuelle par suite de deux événements s'étant déroulés respectivement le 29 mai 1998 et le 12 mai 1999 alors que le demandeur était détenu à l'établissement pénitentiaire à sécurité maximale de Donnacona--En ce qui a trait aux faits entourant l'événement du 12 mai 1999, la Cour a visionné l'enregistrement vidéo faisant état de l'entrée des agents dans la cellule du demandeur ainsi que des paroles et gestes qui ont alors été posés de part et d'autre--Le demandeur a affirmé ne pas avoir compris pourquoi les agents se sont présentés à sa cellule pour lui retirer le privilège d'utiliser la radio--Il a toutefois reconnu avoir été «tannant» avec sa radio et avoir été averti de baisser le volume--Le demandeur soutient que les agents correctionnels se seraient jetés sur lui pour le maîtriser en employant une force excessive et en faisant usage à outrance d'une bonbonne de poivre de cayenne alors que le demandeur n'offrait aucune résistance--Le directeur de l'établissement a noté que ses agents n'étaient pas casqués ou armés d'une façon extraordinaire--Relativement à la bonbonne de poivre de cayenne, il a indiqué que c'est une pratique normale que des agents aient en tout temps de telles bonbonnes sur eux--Relativement au visionnement de l'enregistrement vidéo, c'est avec justification que les agents se sont présentés à la cellule du demandeur--L'agent a interpellé le demandeur en le vouvoyant et en empruntant un ton, une attitude et des paroles non agressives invitant à la coopération--Une fois dans la cellule, les agents ont demandé au demandeur de s'éloigner vers le fond de la cellule--Plutôt que de se retirer, le demandeur a avancé quelque peu vers les agents en déclarant qu'il n'y aurait pas de saisie de sa radio--Dès cet instant, le demandeur a commencé à se placer dans une position fâcheuse à cause de son manque de coopération--Par la suite, les agents ont agi de manière raisonnable eu égard aux circonstances et la défenderesse via ses préposés n'a commis aucune faute à l'égard du demandeur relativement à quelque aspect de l'événement du 12 mai 1999--Relativement aux faits entourant l'événement du 29 mai 1998, alors que le demandeur quittait sa cellule pour se rendre à un cours, l'agent Lafontaine avisa le demandeur qu'il ne pouvait circuler en pantoufles et qu'il devait retourner à sa cellule pour changer de chaussures--Le demandeur refusa d'obtempérer et poursuivit son chemin--C'est alors qu'un autre agent indiqua au demandeur de rebrousser chemin vers sa cellule, ce que fit le demandeur--Lors de son retour, il recroisa l'agent Lafontaine et il posa un geste que les deux parties voient sous un jour fort différent--Le demandeur soutient avoir lançé les feuilles qu'il tenait en guise de simple geste de frustation et d'exaspération vu qu'il considérait qu'on lui faisait manquer un cours de formation pour une simple histoire de pantoufles --De son côté, l'agent a perçu le geste comme une tentative par le demandeur de la frapper--Ensuite, le directeur décida de placer le demandeur en isolement préventif pendant 14 jours--La défenderesse devait justifier cette mise en isolement préventif--La mise en isolement préventif ne peut s'effectuer de façon arbitraire et, à cette fin, elle est régie par les art. 31 à 37 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition--L'art. 31(2) de la Loi indique que le détenu en isolement doit être replacé le plus tôt possible parmi les autres détenus--C'est essentiellement en raison du fait que le demandeur maintenait sa version des faits que l'on garda ce dernier en isolement préventif--Cette position du demandeur ne justifie en rien son maintien en isolement préventif--La défenderesse ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de convaincre la Cour que l'isolement préventif était justifié--Le demandeur fut emprisonné de façon arbitraire et il a donc droit à des dommages-intérêts compensatoires et exemplaires--Quant aux dommages-intérêts compensatoires, en raison des inconvénients dont fait état le demandeur dans son affidavit et qui découlent de la période d'isolement préventif, il était raisonnable d'augmenter la somme à 3000 $--C'est sur la base de l'affaire Brandon c. Canada (Service correctionnel) (1996), 131 D.L.R. (4th) 761 (C.F. 1re inst.) que l'on doit déterminer le montant des dommages-intérêts exemplaires à attribuer--On doit évaluer si l'omission (le fait de ne pas avoir vérifié avec les agents ayant vécu l'événement si le geste du demandeur avait été posé en présence d'autres détenus) du gérant de l'unité du demandeur constitue une faute génératrice de responsabilité-- La preuve ne démontre pas que le gérant de l'unité du demandeur a agi envers celui-ci avec malveillance ou dans un but illégitime dans le processus entourant la mise en accusation sous le régime de l'art. 40m) de la Loi--En l'espèce, on ne peut retenir de faute dans les faits entourant la mise en accusation--L'action du demandeur est accueillie en partie, la défenderesse est condamnée à payer au demandeur la somme de 3000 $ à titre de dommages-intérêts compensa-toires et la somme de 2000 $ à titre de dommages-intérêts exemplaires--Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 31, 32, 33 (mod. par L.C. 1995, ch. 42, art. 12), 34, 35, 36, 37, 40m).

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