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CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Statut au Canada

Réfugiés au sens de la Convention

Alemu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)

IMM-3640-03

2004 CF 997, juge Layden-Stevenson

15-7-04

28 p.

Demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas qui a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention et qu'il n'était pas membre de la catégorie désignée pour considérations humanitaires et qu'il y avait des motifs raisonnables de croire qu'il était membre de la catégorie des personnes interdites de territoire décrites à l'art. 34(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (Loi)--Depuis 1997, le demandeur, un Éthiopien du groupe ethnique des Oromo, réside en Afrique du Sud où il a obtenu l'asile temporaire--Il a demandé un visa en 1999, mais sa demande a été refusée--La demande de contrôle judiciaire de cette décision a été accueillie--Le demandeur a fait une autre demande de visa mais elle a été refusée de nouveau-- Dans sa demande initiale, le demandeur a prétendu qu'il était membre du Front de libération des Oromo (FLO) quand le mouvement était autorisé par la loi et qu'il l'avait appuyé par la suite, alors qu'il était interdit--Il a dit qu'il participait aux réunions, qu'il distribuait des documents et percevait des frais pour le FLO dans sa région, mais qu'il ne faisait pas partie de l'aile militaire et n'avait participé à aucun acte de violence-- Au cours du deuxième entrevue, en avril 2001, le demandeur a prétendu qu'il n'avait jamais été membre du FLO--Il a plutôt affirmé qu'il avait participé à des réunions et obtenu des dons afin de venir en aide aux soldats du FLO uniquement pendant que le FLO faisait partie du gouvernement--L'agent des visas a décelé plusieurs incohérences dans les déclarations du demandeur au cours de la première et de la deuxième entrevues--Demande accueillie--L'analyse, tant à l'égard de ses conclusions en matière d'inclusion que celles en matière d'exclusion, est incomplète--Ni un demandeur ni le tribunal ne devrait être tenu dans l'ignorance ou être obligé de supputer les raisons pour lesquelles une demande a été refusée--L'agent des visas a jugé que le demandeur n'était pas crédible--Cette conclusion soulève un problème: celui du manque d'analyse supplémentaire--Les éléments dont l'agent disposait et sur lesquels il a fondé sa conclusion en matière de crédibilité étaient plus que suffisants mais pour comprendre la conclusion de fait de l'agent, il faut examiner sa conclusion en matière d'exclusion--L'agent des visas avait conclu qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que le FLO est un groupe décrit à l'art. 34(1)f) de la Loi et que l'appartenance du demandeur à ce groupe fait en sorte qu'il est interdit de territoire au Canada--L'art. 33 de la Loi précise que les faits, actes ou omissions sont appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu'ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir--Les motifs invoqués par l'agent des visas justifient sa décision concernant l'appartenance du demandeur au FLO, mais non sa conclusion selon laquelle il y avait des motifs raisonnables de croire que le FLO était un groupe visé à l'art. 34(1)f)--L'art. 34(1)f) prévoit l'existence de motifs raison-nables de croire que l'organisation se livre, s'est livrée ou se livrera à des actes visés à l'art. 34(1) a), b), ou c)--Dans l'arrêt Qu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 3 C.F. 3, la Cour d'appel a établi le critère applicable à la disposition comparable de l'ancienne Loi sur l'immigration--Il n'y a aucune différence fondamen-tale entre les termes des anciennes et des nouvelles dispositions, par conséquent, la décision dans l'affaire Qu s'applique--L'art. 34(1)a) requiert un critère comparatif entre une institution démocratique visée par un acte d'espionnage ou de subversion et une institution démocratique au sens où on l'entend au Canada--L'acte d'espionnage ou de subversion doit être précisé pour que les motifs soient intelligibles-- L'art. 34(1)b) est moins exigeant puisque la disposition n'exige pas une appréciation de la qualité du gouvernement renversé--Il faut une certaine spécificité--Pour que l'art. 34(1)c) s'applique, le décideur doit avoir tenu compte de la définition du terrorisme dans l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, en rapport avec les actions du groupe--On peut en outre s'inspirer de la définition de «terrorisme» dans la Loi antiterroriste--L'art. 34(1)f) mentionne expressément les art. 34(1)a), b) et c)--En raison du terme «ou», l'un ou l'autre des alinéas a), b) et c) suffit--Toutefois, le décideur doit préciser les actes auxquels l'organisation s'est livrée--Une simple affirmation générale fondée sur l'art. 34(1)f), sans plus, ne suffit pas--Quant à la question de savoir si l'affidavit de l'agent des visas peut pallier la lacune que présentent ses motifs, l'affidavit ne fait que révéler que l'agent des visas a examiné les documents annexés avant de rendre sa décision-- La conclusion exprimée dans son affidavit est la même que la conclusion que l'agent a présentée dans ses motifs-- L'affidavit n'était pas réellement utile--La preuve dont l'agent des visas a tenu compte n'étaye tout simplement pas cette conclusion--Par voie de conséquence, il n'y a aucun motif permettant de conclure que le demandeur est membre d'un groupe visé à l'art. 34(1)f)--Une conclusion d'exclusion doit être fondée sur des motifs qui permettent de connaître la nature du groupe et de conclure à la participation du demandeur au groupe--S'il n'y a ni motif, ni fondement, le résultat est loin d'être raisonnable--Parce que la décision en matière d'exclusion n'est pas fondée, il faut examiner en particulier la décision selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention--Une décision relative au statut de réfugié est un exercice de nature prospective--Il faut aborder l'examen des circonstances du point de vue du persécuteur, puisque c'est ce point de vue qui est déterminant en matière de persécution--Que le demandeur soit ou non un témoin crédible, cela ne l'empêche pas d'avoir qualité de réfugié si ses opinions et activités politiques sont susceptibles de conduire à son arrestation et à sa punition--Il doit y avoir une possibilité raisonnable que le demandeur soit persécuté s'il retourne dans son pays d'origine--Malgré le manque de crédibilité du demandeur, si une preuve objective établit qu'un groupe en particulier est à risque, le tribunal doit décider si le demandeur correspond à ce profil--Si le tribunal n'effectue pas cette analyse, il s'agira d'une erreur susceptible de contrôle--Dans les circonstances en cause, la preuve docu-mentaire mentionne à plusieurs reprises le traitement de personnes dont on soupçonne qu'elles sont membres du FLO en Éthiopie--Les mentions sont telles qu'à mon avis, l'agent des visas aurait dû être averti et incité à se demander si le demandeur était à risque s'il était renvoyé en Éthiopie-- L'omission de faire cette analyse constitue une erreur fatale-- Le document le plus récent date depuis maintenant déjà cinq ans--En conformité avec le principe de la décision prospective, il faudrait se fonder sur une preuve documentaire plus récente--Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 33, 34(1)--Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41.

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