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Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc.

T-2408-91

juge MacKay

14-12-94

63 p.

Action engagée pour la violation des droits exclusifs accordés par un brevet portant sur le maléate d'énalapril utilisé pour le traitement de l'hypertension et de l'insuffisance cardiaque globale et commercialisé sous l'appellation Vasotec -- L'une des demanderesses est titulaire du brevet en cause et l'autre, porteur d'une licence exclusive pour l'exploitation du brevet au Canada -- La défenderesse, fabricant et distributeur de produits pharmaceutiques génériques, a acquis du maléate d'énalapril en vrac (produit en vrac) avant que le brevet ait été délivré à la demanderesse, a fabriqué des comprimés semblables et a commercialisé ces comprimés sous la marque Apo-Enalapril -- La défenderesse a stocké des quantités du produit en vrac obtenues (1) d'un fournisseur porteur de licence obligatoire (Delmar) et assignées à l'acheteur (la défenderesse) avant l'octroi du brevet (lots acquis); (2) de Delmar, mais qui devaient être repurifiées par Delmar après l'octroi du brevet afin qu'elles satisfassent aux normes de pureté de la défenderesse (lots refabriqués) -- La défenderesse soutient que l'art. 56 de la Loi lui donne le droit d'utiliser et de vendre son produit Apo-Enalapril parce qu'elle ne fait qu'utiliser et vendre un produit en vrac fait au Canada qu'elle a acquis avant l'octroi du brevet -- La question est de savoir si l'immunité prévue par l'art. 56 s'offre à la défenderesse si, après l'octroi du brevet, elle a fabriqué le produit en vrac acquis auparavant, ou si elle en a modifié la forme selon un procédé de fabrication, pour produire des comprimés destinés à la vente -- Le but de l'art. 56 est de protéger le droit reconnu en common law d'utiliser et de vendre tout article, machine, objet manufacturé ou composition de matières qui n'est pas, au moment oú il est acquis, l'objet de droits exclusifs aux termes d'un brevet -- Ce serait aller au delà du but exprimé par le libellé de l'art. 56 que d'étendre la protection afin que la défenderesse puisse utiliser le produit en vrac pour produire un produit sous une autre forme, contenant la composition de matières brevetée, et pour vendre le second produit en vue d'une utilisation revendiquée dans le brevet des demanderesses -- L'art. 56 ne protège pas la défenderesse contre l'action en contrefaçon intentée par les demanderesses, d'une part, pour son utilisation de l'invention pour produire les comprimés pharmaceutiques destinés à l'utilisation revendiquée dans le brevet de la demanderesse et, d'autre part, pour la vente de l'Apo-Enalapril sous forme de comprimés, tirés par elle, après l'octroi du brevet, du produit en vrac acquis avant l'octroi du brevet -- Le produit en vrac contenu dans les lots refabriqués n'existait pas aux fins de l'immunité accordée par la Loi tant qu'il n'avait pas été jugé conforme aux normes de qualité de la défenderesse -- En conséquence, l'immunité sous le régime de l'art. 56 ne s'étend pas à l'utilisation ou à la vente du maléate d'énalapril contenu dans les lots refabriqués, qu'il s'agisse du produit en vrac ou sous forme de comprimés, si le but final de l'utilisation ou de la vente est une utilisation revendiquée dans le brevet des demanderesses (Lido Industrial Products Ltd. c. Teledyne Industries Inc. et autre (1981), 57 C.P.R. (2d) 29 (C.A.F.)); toute utilisation ou vente dont le but final serait autre et la simple acquisition et la détention d'un stock du produit en vrac ne constitueraient pas une contrefaçon -- Les demanderesses font valoir que la défenderesse ne peut pas revendiquer la protection de l'art. 56 parce qu'elle était de mauvaise foi lorsqu'elle a fait l'acquisition du produit en vrac avant l'octroi du brevet -- Ce n'est que lorsqu'il est clairement établi que le fait pour l'une des parties qui entretiennent des relations suivies de s'appuyer sur l'art. 56 participerait de la fraude, que les principes de l'équité peuvent interdire l'application de cette disposition -- Les demanderesses n'avaient pas, au Canada, la propriété reconnue de l'invention du maléate d'énalapril tant que le brevet n'avait pas été délivré; la conduite de la défenderesse ne lui interdit pas d'invoquer l'art. 56 -- Les demanderesses soutiennent que la défenderesse a violé les droits exclusifs que leur accorde leur brevet en produisant des comprimés pour Delmar -- En plus de lui permettre de réaliser, d'utiliser et de vendre l'invention concernant le médicament, la licence de Delmar l'autorisait implicitement à sous-traiter la fabrication du produit sous sa forme posologique définitive -- La défenderesse, agissant en conformité avec un contrat conclu avec Delmar et non en son propre nom, ne contrefaisait pas les revendications du brevet des demanderesses en tirant de la matière en vrac détenue seulement en commission (par un droit de production) le produit sous sa forme posologique définitive, pendant que la licence de Delmar était valide -- Le droit de production de la défenderesse a pris fin, par suite de la modification apportée à la loi qui a mis fin à la licence de Delmar, non pas à cause de l'extinction des droits conférés à Delmar par la licence, mais du fait que la défenderesse n'a pas le droit d'utiliser l'invention après l'octroi du brevet -- La défenderesse ne bénéficiera donc d'aucune immunité contre les poursuites pour la contrefaçon si elle tire des comprimés du produit en vrac qu'elle a acquis après la fin de la licence de Delmar, même si cette matière en vrac a été produite par Delmar au moment oú elle détenait une licence obligatoire -- La défenderesse prétend en outre que les revendications du brevet des demanderesses sont invalides -- Des revendications pour des composés et des revendications pour des compositions incluant ces composés incorporés à un véhicule peuvent coexister, comme revendications valides, dans le même brevet, sauf si (1) les revendications pour la composition ne comportent pas d'activité inventive, mis à part celle intégrée au composé déjà revendiqué, et ne sont pas nécessaires pour donner une forme pratique à l'utilisation de l'invention revendiquée; ou (2) si elles ne satisfont pas aux exigences énoncées à l'art. 34 de la Loi relativement au mémoire descriptif -- La réserve formulée dans l'arrêt Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets, [1982] 2 R.C.S. 536, est applicable: les revendications pour la composition en cause, bien que n'impliquant pas d'activité inventive, sont nécessaires pour donner une forme pratique à l'utilisation du composé -- Les revendications en cause ne sont pas invalides suivant le principe énoncé dans l'arrêt Tennessee Eastman Co. c. Commissaire des brevets, [1974] R.C.S. 111: les revendications d'un brevet qui portent sur un traitement médical ne sont pas visées par la définition du mot «invention» à l'art. 2 de la Loi -- Les revendications en cause satisfaisaient aux exigences énoncées à l'art. 34 à la date de délivrance du brevet -- La Loi n'exige pas que chaque revendication d'un brevet comporte une activité inventive indépendamment de toute autre revendication: les revendications en cause ne sont pas invalides en raison de leur redondance -- La demande reconventionnelle de la défenderesse attaquant la validité du brevet des demanderesses est rejetée -- L'action en contrefaçon du brevet des demanderesses est accueillie -- Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 2, 34, 56.

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