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DROITS DE LA PERSONNE

Contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) a rejeté la plainte selon laquelle l’Agence canadienne de développement international (ACDI) avait agi de façon discriminatoire à l’endroit de la demanderesse en raison de son sexe et d’une prétendue déficience mentale—La demanderesse alléguait également que l’ACDI avait exercé des représailles contre elle en violation de l’art. 14.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne—Elle a prétendu que son superviseur, M. Hitchfield, l’avait critiquée de façon exagérée, qu’il lui avait refusé une demande de congé, qu’il avait fait de la micro-gestion à son endroit et qu’il l’avait sous-utilisée; M. Derouin ne l’avait pas invitée à des dîners ou au bar et avait envoyé un courriel à des cadres pour suggérer qu’elle subisse un examen médical; M. Salituri avait formulé des menaces de congédiement voilées—La Commission a nommé un enquêteur qui a conduit de nombreuses entrevues et recommandé le rejet des allégations, parce qu’elles n’étaient pas corroborées par la preuve—La Commission a, de fait, traité la plainte mais l’a rejetée en se basant sur la preuve —Elle n’a pas examiné les allégations qui étaient tardives— La décision de rejeter une plainte faite plus d’une année après le dernier acte discriminatoire allégué est assujettie à la norme de la décision manifestement déraisonnable—La demande-resse a laissé entendre qu’on aurait dû examiner les alléga-tions, étant donné que la politique du Conseil du Trésor (CT) en matière de harcèlement invite les employés à exercer d’abord les recours internes—Mais la Cour a fait remarquer que la politique du CT avait pour but d’éviter la multiplication des procédures et qu’elle ne privilégiait pas un recours particulier—La demanderesse avait déposé sa plainte à l’encontre de M. Hitchfield 18 mois après le dernier incident et l’allégation avait déjà été rejetée, en vertu de la politique de l’ACDI en matière de harcèlement, ce qui fait que la décision de la Commission était raisonnable—En ce qui a trait aux autres allégations de discrimination, dans l’arrêt Bourgeois c. Banque Canadienne Impériale de Commerce, [2000] A.C.F. no 1655 (QL), la CAF a jugé que les tribunaux doivent faire preuve d’un très haut degré de déférence à l’égard des décisions de la Commission, à moins qu’il n’y ait eu violation de la justice naturelle ou de l’équité procédurale ou à moins que la décision ne soit pas étayée par la preuve—La demanderesse a soutenu que le courriel envoyé par M. Derouin avait pour but de la harceler, parce qu’elle était une femme—Quant à la plainte selon laquelle M. Hamel faisait de la micro‑gestion à son endroit, des collègues ont expliqué que celui-ci surveillait leur travail de près et qu’ils lui faisaient rapport sur une base hebdomadaire, mais la demanderesse a affirmé qu’elle devait faire rapport sur une base quotidienne—Face aux renseignements contradictoires sur la fréquence des rapports, l’enquêteur avait le droit de préférer les déclarations unanimes des collègues à celle de la demanderesse—La Commission est maître de sa propre procédure, y compris le choix des témoins à interroger—La demanderesse a également allégué des représailles, affirmant qu’elle avait demandé un jour de congé payé de façon à pouvoir rencontrer un représentant de la Commission, mais que son superviseur, M. Salituri, avait déchiré sa demande et fait des menaces voilées selon lesquelles ceux qui déposaient des plaintes à l’encontre de l’ACDI s’exposaient à des conséquences négatives—L’enquêteur a refusé de faire enquête sur cet incident puisqu’il serait antérieur au dépôt de la plainte et il s’est fondé sur l’art. 14.1 pour dire que les représailles ne peuvent survenir qu’après le dépôt d’une plainte—Cette interprétation d’une disposition législative est assujettie à la norme de la décision correcte—La demande-resse a fait valoir que l’interprétation devait être libérale et le procureur général a recommandé qu’il soit donné aux termes leur sens courant et ordinaire, l’utilisation du participe passé donnant à penser que l’intention du législateur était qu’il ne pouvait y avoir de représailles qu’après le dépôt d’une plainte —Il n’y a aucune jurisprudence portant sur la question, mais la Cour a accepté les observations de la demanderesse sur ce point—La protection qu’offre l’art. 14.1 de la Loi dans le contexte de l’exercice des droits prévus par la Loi ne se limite pas à la seule étape du dépôt de la plainte, mais vise tout comportement assimilable à l’exercice des droits, de sorte que le fait de rencontrer des représentants de la Commission est visé par l’art. 14.1—L’autre interprétation est déconnectée de la réalité de l’exercice des droits de la personne en milieu de travail et va à l’encontre de l’objet de la Loi, tel qu’il est exprimé à l’art. 2, et de l’interprétation libérale qu’il convient d’accorder aux dispositions relatives aux droits de la personne —Si l’art. 14.1 n’était pas interprété de façon libérale, des mesures de représailles prises avant le dépôt d’une plainte risqueraient de faire en sorte que la plainte ne soit jamais déposée—La Commission a commis une erreur en adoptant une interprétation aussi étroite et inappropriée de l’art. 14.1 —La question des représailles a été renvoyée à la Commission pour enquête—Demande rejetée à l’égard de la discrimina-tion, mais accueillie pour ce qui est des représailles—Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, ch. H‑6, art. 2 (mod. par L.C. 1998, ch. 9, art. 9), 14.1 (édicté, idem, art. 14).

Dubois c. Canada (Procureur général) (T-2172-04, 2005 CF 1079, juge Shore, ordonnance en date du 16‑8‑05, 15 p.)

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