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IMPÔT SUR LE REVENU

                                                                                       Calcul du revenu

                                                                                               Déductions

Appel d’un jugement (2004 TCC 595) de la Cour canadienne de l’impôt (C.C.I.) rejetant un recours exercé contre des nouvelles cotisations—La question en litige portait sur la déductibilité de dépenses totalisant 1 651 766 $ que le contribuable avait engagées aux fins de vendre des pierres précieuses, sommes qu’il a payées à un commissionnaire frauduleux—La C.C.I. a statué que, pour l’application de l’art. 18(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), les dépenses en question n’avaient pas été engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise, n’étaient pas raisonnables dans les circonstances et n’étaient pas déductibles sous le régime de l’art. 67—En 1987, le contribuable, copropriétaire d’une entreprise de fabrication de vêtements à Guelph, a commencé à acheter en vue de la revente des pierres précieuses à une entreprise de la région torontoise—Lorsque son contact s’est mis au service d’une autre compagnie, le contribuable a continué à acheter des pierres de la nouvelle compagnie jusqu’en juillet 1992—En 1994, le stock de pierres du contribuable lui avait coûté 529 926 $—Lorsqu’il a avisé son contact qu’il avait décidé de revendre, une personne de chez Premier Group Investments lui a téléphoné en déclarant avoir été dirigée vers lui par son contact—Au cours des années suivantes, le contribuable a entretenu des relations régulières avec des représentants de Premier—Le contribuable a vérifié les déclarations des représentants de Premier auprès d’autres investisseurs en pierres précieuses et des consultants—Premier a présenté au contribuable une offre d’un acheteur de l’étranger, assortie de conditions telles que le contribuable pouvait en escompter un bénéfice considérable, pourvu qu’il verse d’importants frais initiaux—La vente n’a pas été conclue et le même scénario s’est répété quatre fois—Les cinq offres avaient un caractère frauduleux, mais le contribuable a payé à Premier, ou sur les instructions de Premier, un total de 1 651 766 $—En 1996, le contribuable a consulté la GRC, qui a fait une descente dans les bureaux de Premier et a arrêté le représentant qui s’est volatilisé après sa libération sous caution, emportant avec lui, semble‑t‑il, les pierres du contribuable—L’intimée a autorisé le contribuable à déduire le vol comme perte d’entreprise, mais lui a refusé toute déduction pour charges payées d’avance au titre des paiements qu’il avait faits à Premier ou sur les instructions de celle‑ci— Selon l’exposé conjoint des faits, il s’agissait d’une entreprise en raison du fait que le contribuable participait à une affaire de caractère commercial—Tous les montants payés ont été vérifiés par la GRC—Les pierres n’ont jamais été assurées— Dans le cadre de cinq prétendues « offres d’achat », le contribuable a payé des sommes considérables sans mettre en doute leur légitimité et sans exiger de reçus—Il n’a pas pu expliquer à la C.C.I. pourquoi il avait maintes fois payé des frais—Confirmant l’établissement des nouvelles cotisations, le M.R.N. a conclu que les dépenses n’étaient pas raisonnables dans les circonstances—La C.C.I. a conclu que le contribuable ne pouvait avoir exploité une entreprise puisqu’il avait été victime d’une fraude du début à la fin, qu’il n’avait pas fait ses recherches et qu’il était motivé par l’avidité—La C.C.I. a conclu qu’il faut déduire de l’art. 67 de la LIR que, pour être déductibles, les dépenses doivent être raisonnables—La C.C.I. a formulé une conclusion de fait qui n’a pas été contestée, à savoir que l’appelant a été la victime d’une fraude importante du début à la fin et que les certificats produits ne suffisait pas à prouver que le montant soit la juste valeur marchande des pierres, et qui porte un coup fatal aux moyens de l’appelant touchant la question de savoir si les dépenses ont été engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise—Il ne s’agit pas ici d’un cas où la Cour devrait prendre en considération l’état d’esprit du contribuable, ni d’une affaire de détournement de fonds où une entreprise est escroquée par un employé ou un tiers et où la question devient celle de savoir si la perte qui en résulte est suffisamment dépendante des activités productrices de revenus—Une affaire qui s’avère frauduleuse du début à la fin ne peut donner naissance à une source de revenu du point de vue de la victime, et donc ne peut être considérée comme une entreprise, quelque soit la définition que l’on donne de ce terme—Mais l’appelant soutient que la C.C.I. ne pouvait conclure sur ce fondement à la non‑déductibilité des dépenses déclarées, au motif que le ministre avait concédé qu’il avait participé à une affaire de caractère commercial—L’appelant a fait valoir que la C.C.I. était liée par les faits tels qu’ils avaient été admis, même si une preuve contraire a été produite au procès—L’appelant ne s’est toutefois pas contenté d’essayer de faire trancher son appel sur l’exposé conjoint des faits, choisissant plutôt de produire devant la Cour une quantité considérable d’éléments de preuve touchant la nature et l’ampleur de l’escroquerie—Les litiges civils cités par l’appelant ne sont pas applicables en matière fiscale; comme les deniers publics sont en jeu, l’issue de l’appel ne dépend pas de la volonté des parties—Elles ne peuvent par convention dicter l’issue d’un appel en matière fiscale—La C.C.I. ne pouvait fermer les yeux sur la preuve qui lui avait été présentée—L’appelant ne pouvait pas non plus soutenir que cette conclusion était interdite à la C.C.I. au motif que le délai prévu par la loi pour les nouvelles cotisations était expiré quand elle l’a prononcée—La décision de la C.C.I. confirme les nouvelles cotisations sur le même fondement principal que celui sur lequel elles avaient été établies—L’appelant a convoqué, à titre de témoin expert, l’agent de la GRC qui avait enquêté sur l’escroquerie—Le nom de l’appelant aurait été « vendu » à Premier—Il n’existe pas de marché secondaire pour les pierres précieuses et il se peut que les premiers achats de l’appelant aient été effectués aux premières étapes de l’escroquerie—Comme la victime ne dispose pas de marché où revendre ses pierres précieuses, elle doit s’adresser à qui les lui a vendues—On lui promet alors des bénéfices importants en contrepartie de nouveaux paiements—Il était permis à la C.C.I. de conclure, sur la base de la preuve, que le contribuable avait été victime d’une fraude du début à la fin—Nul besoin d’aller plus loin pour étayer la conclusion que les dépenses n’ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise—L’appelant a invoqué deux ventes qui ont été faites à des acheteurs sans lien de dépendance avec lui en 1995 et qui ont rapporté chacune un bénéfice de 25 %—Ces ventes n’ont toutefois été déclarées qu’en 1996, soit après que le contribuable eut élaboré sa stratégie fiscale pour demander la déduction des dépenses « de vente » de 1 651 766 $ et des « coûts de stock » de 529 926 $ qu’il avait perdus par suite de l’escroquerie—C’est dans sa déclaration d’impôt pour 1996 que le contribuable révèle pour la première fois qu’il exploite une entreprise de commerce des pierres précieuses, et déclare le produit des deux ventes qui, si elles ont vraiment été effectuées, auraient dû être déclarées l’année précédente— L’absence de pièces justificatives à l’appui des transactions s’explique difficilement si les ventes ont été faites à des acquéreurs de bonne foi—De plus, il n’y a aucune indication sur l’origine des pierres précieuses qui auraient fait l’objet de ces deux ventes, alors qu’il ressort de l’exposé conjoint des faits que les escrocs se sont enfuis avec toutes les pierres précieuses—Qui plus est, à la date de ces ventes, le contribuable croyait encore pouvoir récupérer dix fois le coût de ses pierres précieuses, alors on comprend mal pourquoi il les aurait vendues pour un simple bénéfice de 25 %—En outre, ces ventes ne cadrent pas avec le témoignage d’expert selon lequel il n’existait pas de marché secondaire pour les pierres précieuses du contribuable—Bien que cette conclusion suffise à décider l’issue du recours, la Cour a commenté la portée de l’art. 67 et son application à la présente espèce— Jusqu’à maintenant, les tribunaux ont dit que le terme « raisonnable » à l’art. 67 se rapporte au montant des déductions demandées et non à la nature de la dépense; que cette règle a pour objet d’empêcher les contribuables de réduire artificiellement leur revenu en déduisant des dépenses excessivement élevées mais, dans Stewart, la C.S.C. a fait remarquer que la portée de l’art. 67 pouvait être plus large— L’arrêt Stewart a écarté le critère de l’« expectative raisonnable de profit » parce qu’il était dénué de fondement législatif et qu’il créait plus de problèmes qu’il n’en résolvait—La C.S.C. a dit que si la dépense est déraisonnable eu égard à la source de revenu, alors l’art. 67 établit un mécanisme permettant d’en réduire ou d’en supprimer le montant—Ainsi la C.S.C. a reconnu l’art. 67 comme moyen d’apprécier le caractère raisonnable d’une dépense une fois établie l’existence d’une entreprise—L’art. 67 peut être invoqué pour refuser la déduction de la totalité d’une dépense, si son caractère déraisonnable est établi—Il était loisible en l’espèce à la C.C.I. de conclure que les dépenses du contribuable avaient été déraisonnables du début à la fin— Appel rejeté—Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 18(1)a), 67, 248(1) « entreprise » (mod. par L.C.1995, ch. 21, art. 47).

Hammill c. Canada (A‑507‑04, 2005 CAF 252, juge Noël, J.C.A., jugement en date du 7‑7‑05, 26 p.)

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