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CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Exclusion et renvoi

Personnes interdites de territoire

Harkat (Re)

DES-4-02

2005 CF 393, juge Dawson

22-3-05

74 p.

Dépôt à la Cour en vertu de l'art. 77(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) d'un certificat attestant qu'une personne est interdite de territoire pour raisons de sécurité afin qu'elle se prononce sur son caractère raisonnable--Certificat raisonnable, mise en cause de la validité constitutionnelle des dispositions législatives rejetée--Étapes procédurales régissant la divulgation de renseignements--Chronologie des ordonnances et directives émises par la Cour--Dans les sept jours suivant le dépôt du certificat, la juge s'est penchée sur le rapport du renseignement de sécurité le justifiant--Le récit et les index occupaient au total 10 volumes--La juge a recueilli le témoignage oral d'un représentant du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et a interrogé le témoin--On a fourni à Harkat un résumé du rapport narratif, ainsi qu'une copie de certains documents devant lui permettre d'être raisonnablement informé--Environ six volumes de documents lui ont été remis--Seule la divulgation de renseignements portant atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui a été refusée--Les ministres ont à trois reprises demandé à la Cour d'accueillir certains renseigne-ments additionnels en l'absence d'Harkat et de son avocat-- La première demande concernait des renseignements transmis par un service étranger--On a remis un résumé à Harkat après avoir obtenu l'autorisation du service étranger--Selon ces renseignements, Harkat avait été désigné comme ayant tenu, au Pakistan, un lieu d'hébergement pour moudjahiddines se rendant en Tchétchénie--La seconde demande se rapportait à deux contacts entre Harkat et le SCRS--Un résumé ne contenant pas de renseignements permettant d'identifier certaines personnes ni de renseignements concernant des détails opérationnels a été remis à Harkat--D'autres questions de divulgation ont fait l'objet de litiges: Harkat (Re) (2003), 231 F.T.R. 19 (C.F. 1re inst.); Harkat (Re) (2003), 243 F.T.R. 161 (C.F.); Harkat (Re), [2005] 2 R.C.F. 416 (C.F.)--En raison du temps écoulé, la Cour a convenu de tenir une audience afin de décider s'il serait possible de fournir d'autres renseignements à Harkat--On a ensuite remis à Harkat un résumé complémentaire concernant un certain Odeh, un terroriste qui avait joué un rôle dans l'attentat à la bombe perpétré contre l'ambassade des États-Unis à Nairobi--La Cour a reçu des ministres une autre demande appelant la Cour à siéger à huis clos pour recueillir des témoignages--Pour aider Harkat à préciser les arguments auxquels il serait tenu de répondre, la Cour a rendu une décision selon laquelle elle ne parviendrait à aucune conclusion défavorable au vu des renseignements fournis par Ahmed Ressam, Maher Arar ou Odeh--Harkat a déposé un avis de question constitutionnelle --Ordonnance annulant les art. 77 à 81 de la LIPR sollicitée --Dans les conclusions écrites, le recours invoqué a été plus avant précisé de manière à solliciter un jugement déclaratoire affirmant que les art. 78 à 80 sont contraires aux principes de justice fondamentale garantis à l'art. 7 de la Charte, ou une modification de la mise en application des dispositions en cause en exigeant qu'un défenseur spécial soit nommé (à l'instar de la procédure de la Special Immigration Appeals Commission du Royaume-Uni) pour représenter Harkat lors des séances tenues à huis clos hors de sa présence et de celle de son avocat--L'arrêt Charkaoui (Re), [2005] 2 R.C.F. 299 (C.A.), constitue l'autorité à l'appui de la proposition que les juges désignés sont effectivement compétents pour se prononcer sur des questions d'ordre constitutionnel--L'avocat d'Harkat a reconnu que la Cour est liée par l'arrêt Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (C.A.), selon lequel la procédure prévue à l'art. 40.1 de l'ancienne Loi sur l'immigration était conforme aux principes de justice fondamentale--Dans l'arrêt Charkaoui, la Cour d'appel fédérale a estimé que la procédure prévue aux art. 77 et 78 de la LIPR respecte les impératifs minimums des principes de justice fondamentale--La Cour d'appel fédérale a également jugé que la nomination d'un défenseur spécial, ou amicus curiae, n'est pas indispensable pour assurer que les audiences se déroulent conformément aux principes de justice fondamentale--Demande de recours constitutionnel par conséquent rejeté--Économie de la Loi, norme de preuve, ce que les ministres sont tenus de démontrer, principes juridiques applicables--Examen, présentation de l'économie de la Loi, jurisprudence pertinente--Seuls les citoyens ont le droit absolu d'entrer au Canada et d'y séjourner--Les résidents permanents possèdent un droit conditionnel--Les résidents permanents et les ressortissants étrangers peuvent être interdits de territoire s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'ils sont membres d'une organisation qui se livre à des actes de terrorisme--Le résident permanent qui fait l'objet d'un certificat de sécurité se voit reconnaître des droits procéduraux dont ne bénéficie pas le ressortissant étranger--Pour démontrer l'existence de ces « motifs raisonnables de croire », la preuve doit établir que ces motifs ont un fondement objectif: les simples soupçons ou croyances subjectives ne suffisent pas--La norme de preuve est une preuve selon la prépondérance des probabilités--En ce qui concerne le sens des termes « terrorisme » et « membre » d'un groupe, voir l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3-- Allégations visant Harkat--A dissimulé qu'il avait soutenu des islamistes extrémistes et s'était rendu en Afghanistan-- Membre du Réseau ben Laden (qui comprend Al-Qaida)--Le Réseau se livre à des actes de terrorisme dans la poursuite de son objectif qui est de fonder des États islamiques basés sur une interprétation intégriste de la loi coranique--Soupçonné d'avoir pris part à la destruction du World Trade Center de New York en 2001--Al-Qaida a dirigé des camps d'entraînement et des lieux d'hébergement pour terroristes en Afghanistan, au Pakistan et au Soudan--Quelque 5 000 militants y auraient subi un entraînement avant d'essaimer dans une cinquantaine de pays--Le Réseau a recours à des « agents dormants » ainsi qu'à des commandos suicides--En Algérie, Harkat était un partisan du Front islamique du salut--A menti à plusieurs reprises aux autorités canadiennes pour tenter de se dissocier des groupes qui soutiennent le terrorisme--Est lié à Abu Zubaida, un des principaux lieutenants d'Oussama ben Laden--Harkat a affirmé n'avoir jamais même rencontré Abu Zubaida-- Témoignages publics examinés--Pour ce qui est des renseignements confidentiels, renvoi à la jurisprudence canadienne et étrangère quant à la nécessité d'assurer la confidentialité de certains renseignements de sécurité--Les enquêtes de renseignement de sécurité visent des événements susceptibles de se produire à l'avenir, et tentent de les prévoir en décelant, à partir d'événements tant passés qu'actuels, des faisceaux de circonstances et de liens--Il faut recouper des éléments d'information qui, à première vue, n'ont rien à voir les uns avec les autres--Les enquêtes en matière de renseignement de sécurité, contrairement aux enquêtes criminelles, ne se terminent pas après l'arrestation d'un membre du groupe--Les principes applicables en matière de droit criminel ne s'appliquent pas aux affaires de certificats de sécurité--Des éléments d'information qui ne paraissent pas liés, et qui peuvent ne revêtir aucun caractère sensible, pourraient indiquer la portée ou le stade d'avancement d'une opération de renseignement en cours--Pourraient avertir les personnes visées par une enquête de l'existence d'une fuite au sein même de l'organisation, ce qui pourrait les amener à agir --Pourrait permettre de savoir que certaines activités échappent à toute surveillance--Exemples de genres de renseignements dont on doit préserver le caractère confidentiel --La question de la divulgation étant toujours liée aux faits de l'espèce, il n'est guère utile de comparer d'une affaire à une autre les résumés publics--Les principes applicables à l'évaluation de renseignements confidentiels ont été énoncés par le juge Blanchard dans la décision Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 4 R.C.F. 327 (C.F.)--Les principes applicables dans le contexte du contrôle des motifs de détention au titre de l'art. 84(2) de la Loi s'appliquent également à l'appréciation du caractère raisonnable d'un certificat de sécurité--Exemples de questions que la Cour peut légitimement poser lorsque les renseignements confidentiels proviennent d'une source humaine--S'agissant d'informations confidentielles transmises par un autre service de renseignement, on peut légitimement demander dans quelle mesure ce service respecte les droits de la personne, si ce service n'a servi que d'intermédiaire pour transmettre des renseignements provenant d'un service moins fiable, etc.--Questions que l'on peut poser lorsque les renseignements proviennent de sources techniques (écoute électronique)--Quelle que soit la source, il convient de s'interroger quant à l'existence éventuelle de preuves exculpatoires--Le juge doit demeurer très attentif à cette obligation de sonder la fiabilité de la preuve--On a exigé des ministres qu'ils s'expliquent sur la source de chaque élément d'information mis en avant, sur la fiabilité de chacune des sources de renseignements et sur la présence, ou l'absence, d'éléments indépendants permettant de confirmer l'exactitude du renseignement en cause--Les ministres ont fourni, à titre de pièce confidentielle, un schéma indiquant la source de tous les renseignements--Après s'être livrée à un examen détaillé et complet du dossier, la juge à demandé à deux reprises aux avocats des ministres et à un témoin de comparaître à nouveau à huis clos pour répondre à certaines questions--Analyse de la preuve--Renvoi à l'arrêt R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, dans lequel la Cour suprême du Canada a réaffirmé l'importance de la motivation des jugements, qui constitue un « aspect fondamental de la légitimité des institutions judiciaires aux yeux du public »--L'obligation de motiver son jugement amène le juge à centrer son attention sur les difficultés soulevées--Afin d'assurer la rigueur de sa démarche, la juge a écrit de sa propre main des notes en bas de page qui ont été versées au dossier confidentiel de la Cour--Il y a trois aspects du témoignage d'Harkat qui donnent à penser que celui-ci n'avait pas l'accent de vérité--Le fait qu'il ait reconnu avoir à deux reprises menti au SCRS a nui à sa crédibilité--Il ne fait aucun doute qu'Harkat, qui témoignait sous serment, a menti à la Cour sur plusieurs points importants--Harkat a laissé entendre que les renseignements obtenus d'Abu Zubaida l'ont été sous l'effet de la torture et qu'ils ne pouvaient par conséquent être admis en preuve--Les ministres ont affirmé qu'aucune preuve tendant à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les renseigne-ments ont été obtenus par l'emploi de la torture n'a été produite--Harkat a cité des articles du New York Times et du Globe and Mail faisant état de conseils donnés à la CIA quant à savoir jusqu'où ses agents pouvaient aller dans l'emploi de techniques musclées d'interrogation pour obliger Abu Zubaida à livrer ce qu'il savait--Selon le mémorandum Gonzales rédigé par le ministère américain de la Justice, ces actes devaient [] « pour être considérés comme des actes de torture [. . .] revêtir un caractère extrême [. . .] certains actes peuvent être cruels, inhumains ou dégradants sans pour cela entraîner une douleur ou une souffrance suffisamment intense pour relever de » la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. no 36--La souffrance psychologique est autorisée si elle n'entraîne pas d'importants maux psychiques qui persistent pendant des mois ou des années--L'emploi de techniques de privation sensorielles est légitime--Dans le contexte de [] « la guerre actuellement menée contre Al-Qaida [. . .] des poursuites intentées en vertu de l'article 2340 pourraient être irrecevables étant donné que la mise en application [. . .] entraînerait une atteinte inconstitutionnelle aux pouvoirs de guerre du président [. . .] compte tenu des circonstances actuelles, la nécessité ou la légitime défense pourrait justifier des méthodes d'interrogation considérées comme contraires à l'article 2340A »--Harkat a également attiré l'attention sur la déclaration solennelle de M. Watt du Centre for Constitutional Rights, qui a estimé que, depuis les attentats du 11 septembre, [] « le pouvoir exécutif des États-Unis, par une interprétation forcée des dispositions internes et internationa-les applicables en ce domaine, a autorisé des mesures de détention et des techniques d'interrogation qui constituent des actes de torture »--Les autorités américaines, en plus d'avoir eu recours à des méthodes d'interrogation entraînant de graves atteintes physiques et même la mort, ont [] « remis » des détenus à d'autres pays qui se chargent de les torturer--Abu Zubaida aurait été pris au Pakistan, et serait maintenant détenu en Jordanie--Un représentant de l'armée américaine a reconnu que les États-Unis envisageaient de le remettre à un service de renseignement étranger qui utiliserait des techniques plus brutales que celles qui sont autorisées aux É.-U.--Il a été blessé par balle lors de sa capture, et il semblerait que, parmi les techniques d'interrogation utilisées, on ait refusé de lui donner des analgésiques--La Cour a conclu que la documentation constituant du ouï-dire incitait à se préoccuper des méthodes employées pour interroger Abu Zubaida-- L'art. 78j) de la Loi reconnaît une marge de manoeuvre au juge, qui peut admettre des éléments de preuve qui sont généralement inadmissibles--Abstraction faite de la question de la torture, la Cour ne disposait d'aucun élément concernant ce qu'Abu Zubaida avait effectivement dit et ne pouvait donc savoir quel poids accorder aux renseignements en cause-- Dans tous les cas, aucun poids n'a été accordé aux renseignements qu'il a fournis--Renvoi aux rapports du Comité de surveillance des activités de renseignement de sésurity (CSARS) critiquant le SCRS, notamment la mauvaise gestion du projet Sidewinder (dont le but était de recueillir des renseignements sur les efforts des bandes criminelles asiatiques pour influencer les milieux canadiens des affaires et de la politique), qui aurait nui aux relations entre le SCRS et la GRC--La première ébauche du rapport Sidewinder du SCRS dérogeait aux normes de rigueur professionnelle et analytique les plus élémentaires--Mais aucun signe que les désaccords survenus entre le SCRS et la GRC au cours du projet Sidewinder aient suscité des difficultés sur d'autres plans de leurs relations mutuelles ou soient symptomatiques de telles difficultés--La juge a lu le rapport du CSARS sur le rôle du SCRS dans l'affaire Maher Arar, qui a été rédigé par des personnes ayant accès à des renseignements « très secrets »--Le rapport du CSARS ne permettait aucunement de reprocher au SCRS son incompétence ou son manque d'efficacité, et indique que les conclusions tirées dans le cadre d'un examen ne doivent pas être considérées comme portant un jugement sur l'ensemble du SCRS--Les renseignements confidentiels fournis à la Cour par le SCRS sont généralement fiables--Ces renseignements se suffisent à eux-mêmes, et la Cour n'a pas besoin de s'en remettre à l'évaluation qu'en a faite le SCRS--Vu l'ensemble de la preuve, la Cour était convaincue qu'Harkat a soutenu des activités terroristes en tant que membre du Réseau ben Laden, soutient le Groupe islamique armée (qui entend établir un État islamiste en Algérie par la violence) et a aidé des extrémistes islamiques arrivés au Canada--En tant que personne visée par les art. 34(1)c) et f) de la LIPR, Harkat est interdit de territoire --Dans une instance antérieure, la Cour a écarté l'argument avancé par Harkat qui faisait valoir que les ministres n'avaient pas divulgué de manière intégrale la situation politique ayant cours en Algérie et avaient, à tort, affirmé que les faux passeports saoudiens étaient des passeports de prédilection uniquement pour les extrémistes islamiques--Les certificats de sécurité étaient raisonnables-- Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 40.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31)--Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 33, 34, 76 à 81 (art. 76, 77, 79 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194)--Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. no 36-- Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

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