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IMPÔT SUR LE REVENU

Pratique

Demande de contrôle judiciaire relative à une demande de renseignements de vérification que le ministre du Revenu national (le ministre) a formulée dans des lettres et questionnaires envoyés à chacun des demandeurs entre août et octobre 2002—Les demandeurs ont refusé de répondre à ces lettres et questionnaires, parce que l’objet de la demande n’était pas une vérification, mais plutôt une enquête criminelle—Les droits prévus dans la Charte canadienne des droits de la personne (comme l’art. 7, le droit de garder le silence) étaient touchés—Les demandeurs sollicitaient une ordonnance déclarant que les documents visant à obtenir les renseignements étaient invalides ou illégales ainsi qu’une ordonnance interdisant au ministre de prendre des mesures ou d’engager des poursuites contre eux en raison de leur refus de répondre aux lettres et questionnaires—Les demandeurs sont impliqués dans des opérations sur marchandises, mécanismes de financement—Ils ont déclaré de pertes importantes relatives aux opérations sur marchandises dans les déclarations de revenus—La présente affaire concernait également des promoteurs de stratagèmes fiscaux et d’abris fiscaux ainsi que des REÉR auxquels différentes personnes morales auraient participé—Une vérification visant à déterminer la dette fiscale des demandeurs en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu en ce qui a trait à leurs déclarations de revenus de 1998, 1999 et 2000 a été menée—En avril 2001, la vérification était désormais considérée comme une enquête criminelle—Des copies des dossiers des déclarations de revenus partiellement vérifiées de tous les contribuables ont été transférées aux Enquêtes—Des membres du personnel des Vérifications ont aidé la Division des enquêtes en fournissant des renseignements—Un vérificateur des dossiers a été détaché auprès des Enquêtes; il a également exercé des fonctions d’agent de « liaison » entre les Vérifications et les Enquêtes—En mars 2002, les Enquêtes ont autorisé les Vérifications à recommencer la vérification des déclarations de revenus des demandeurs pour l’année 1998—Des avis de nouvelle cotisation ont été envoyés aux demandeurs et ces avis faisaient état du refus des pertes déduites au titre des opérations sur marchandises et de l’imposition de pénalités—Les demandeurs ont interjeté appel de ces avis de nouvelle cotisation—La raison invoquée au soutien de l’envoi des avis de nouvelle cotisation malgré le fait que les demandeurs étaient encore sous enquête était « le problème de prescription »—En juillet 2002, les Enquêtes ont demandé aux Vérifications de recommencer la vérification des déclarations des demandeurs pour les années 1999 et 2000—Des lettres et questionnaires ont été envoyés à chacun des demandeurs; elles mentionnaient qu’une enquête criminelle concernant la promotion de transactions du type mentionné dans leur déclaration de revenus avait été entreprise et elles précisaient que les demandeurs n’étaient pas sous enquête—À une exception près, tous les demandeurs ont reçu des avis de nouvelle cotisation à l’égard de leurs déclarations de revenus pour les années 1999 et 2000—Chacun d’eux a interjeté appel de ces nouvelles cotisations—Après l’envoi des lettres et des questionnaires aux demandeurs, certains membres du personnel ont poursuivi leurs communications avec les Enquêtes principalement en rapport avec la vérification et l’enquête—Deux années complètes après la fin de l’enquête criminelle, les originaux de la plupart des dossiers des demandeurs étaient toujours entre les mains de l’enquêteur— En vertu des art. 231.1(1) et 231.2(1) de la Loi, le ministre peut mener des inspections et exiger des renseignements et documents pour vérifier si les demandeurs se sont conformés aux obligations que la Loi leur impose—Ce pouvoir ne peut être exercé lorsque l’enquête a pour objet prédominant d’établir la responsabilité pénale du contribuable—La question de savoir si l’objet prédominant des lettres et questionnaires était la tenue d’une vérification ou la tenue d’une enquête est une question mixte de fait et de droit—La norme de contrôle applicable est la décision correcte—Dans l’arrêt R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757, la Cour suprême du Canada a énoncé les facteurs à prendre en compte pour savoir si, lorsque les lettres et questionnaires ont été préparés et envoyés, l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’ADRC) exerçait une fonction de vérification ou une fonction d’enquête—Les pouvoirs de vérification de l’ADRC permettent aux vérificateurs d’examiner les déclarations de revenus et d’établir des cotisations à leur égard à l’intérieur d’un certain délai—De plus, en vertu des pouvoirs de vérification dont elle dispose, l’ADRC peut imposer des pénalités lorsque les déclarations de revenus exigées ne sont pas déposées ou que celles qui sont produites sont inexactes—Une vérification n’est pas une procédure de nature criminelle, mais plutôt une procédure administrative—Elle ne met pas en cause les droits reconnus par la Charte—L’ADRC peut également exercer des fonctions d’enquête qui sont tout à fait distinctes de ses fonctions de vérification—Les fonctions d’enquête comprennent la collecte d’éléments de preuve à des fins de poursuite—Lorsque l’ADRC exerce ses fonctions d’enquête, une « relation de nature contradictoire » existe entre elle et le contribuable, ce qui met en jeu toute la panoplie des protections constitutionnelles contre l’auto‑incrimination, y compris le droit de garder le silence— Lorsqu’un examen dans un cas particulier a pour objet prédominant d’établir la responsabilité pénale du contribuable, les fonctionnaires de l’ADRC doivent renoncer à leur faculté d’utiliser les pouvoirs d’inspection et de demande péremptoire que leur confèrent la Loi—Il n’est pas interdit aux Vérifications de transférer des renseignements aux Enquêtes, tant que l’enquête sur la responsabilité pénale n’est pas engagée—Lorsque cette enquête a débuté, puis a été arrêtée et qu’une demande de renseignements et documents est formulée dans le cadre d’une vérification, les faits doivent montrer clairement que l’enquête criminelle a vraiment été arrêtée pour que le transfert de renseignements des Vérifications aux Enquêtes soit permis—L’emplacement d’un dossier, le degré d’importance des communications échangées entre les Vérifications et les Enquêtes depuis le début de l’enquête sont également des aspects à examiner—L’objet prédominant de la demande péremptoire de production de documents et renseignements doit être évalué à la lumière de tous les facteurs liés à la demande en question—Cinq autres facteurs seront ajoutés aux facteurs mentionnés dans Jarvis—D’après l’ensemble de la preuve, l’objet prédominant de la préparation et de l’envoi des lettres et questionnaires était l’utilisation des fonctions de vérification et des renseignements en découlant aux fins des enquêteurs—La notion d’« objet prédominant » n’empêche pas l’existence d’autres objets—Les Enquêtes ont pris en main les dossiers des demandeurs et, d’après ce qui ressort de la preuve, en ont gardé le contrôle malgré le fait que certains vérificateurs s’efforçaient véritablement d’exercer leurs fonctions conformément aux exigences de la Loi—En conséquence, des droits fondamentaux reconnus par la Charte, comme ceux qui sont prévus à son art. 7, notamment le droit de garder le silence et le droit à la protection contre l’auto‑incrimination) étaient en cause—Les demandeurs n’ont pas été informés de ces droits—Une ordonnance fondée sur l’art. 24(1) de la Charte a donc été rendue, laquelle ordonnance annulera les lettres et questionnaires envoyés aux demandeurs; de plus, il fut interdit au défendeur de prendre des mesures ou d’engager des procédures contre les demandeurs à l’égard de leur omission de répondre aux lettres et questionnaires—Demande accueillie—Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), (5e suppl.), ch. 1, art. 231.1(1) (mod. par L.C. 1986, ch. 6, art. 121; 1994, ch. 21, art. 107), 231.2 (mod. par L.C. 1986, ch. 6, art. 121; 1988, ch. 55, art. 174; 1996, ch. 21, art. 58; 2000, ch. 30, art. 176)—Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 24.

Stanfield c. M.R.N. (T‑1554‑02, 2005 CF 1010, juge Noël, ordonnance en date du 21‑7‑05, 50 p.)

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