Fiches analytiques

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CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Exclusion et renvoi

Personnes interdites de territoire

Appel d’une décision de la Cour fédérale ([2005] 2 R.C.F. 78) statuant que les conclusions de fait de l’arbitre n’étaient pas déraisonnables ni entachées d’erreurs justifiant intervention—La Cour fédérale a certifié une question demandant si la définition de « crime contre l’humanité » figurant à l’art. 6(3) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre (LCCHCG) vise la complicité dans de tels crimes—La Cour d’appel a donné une réponse affirmative —L’appelant est un citoyen afghan qui a revendiqué le statut de réfugié sous l’ancienne Loi sur l’immigration—La Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié l’a refusée, estimant qu’il y avait des raisons sérieuses de penser qu’il avait commis des crimes contre l’humanité et qu’il était donc exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention—L’appelant a présenté une demande d’établissement en tant que demandeur non reconnu du statut de réfugié, mais l’arbitre l’a jugé inadmissible et a pris une mesure d’expulsion contre lui—La Cour fédérale a rejeté l’argument de l’appelant que, bien que la jurisprudence de la Cour ait établi que la complicité dans la commission d’un crime contre l’humanité justifie l’exclusion du régime de protection applicable aux réfugiés, elle ne fait pas autorité lorsqu’il s’agit, dans des circonstances semblables, d’interdire une personne de territoire au Canada en vertu de l’art. 35(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)—Elle a également souligné l’incongruité que son acceptation entraînerait dans l’application des lois pertinentes —L’objet premier de la LCCHCG est la répression des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis au Canada ou à l’étranger—Aux termes de l’art. 6(1)b) de la LCCHCG, quiconque commet à l’étranger un crime contre l’humanité est coupable d’un acte criminel punissable au Canada—La LCCHCG ne prévoit pas le crime de complicité parce que la complicité n’est pas un crime—En common law et en droit pénal canadien, la complicité est toujours considérée comme une modalité de la perpétration d’un crime—Elle s’entend de l’acte ou de l’omission de celui qui aide ou facilite la réalisation d’un crime—Le complice est donc accusé du crime qui a été effectivement commis et il est jugé pour ce crime, dont il a aidé ou facilité la perpétration—Il ne faut pas confondre la complicité avec les crimes inchoatifs de complot, de tentative et d’incitation à commettre un crime —Ces crimes inchoatifs, que l’on trouve à l’art. 6(1.1) de la LCCHCG, constituent des infractions matérielles en elles‑mêmes, des infractions distinctes—Ce ne sont pas des modalités ou des modes de perpétration d’un crime—Le concept de complicité existe aussi en droit pénal international —L’abrogation des art. 7(3.76) et 7(3.77) du Code criminel et leur remplacement par les art. 4 et 6 de la LCCHCG ne peut fonder l’argument de l’appelant que la LIPR et la LCCHCG ne punissent pas la complicité—L’ancien art. 7(3.76) renfermait une définition du crime contre l’humanité— L’ancien art. 7(3.77 ) précisait que la complicité sous forme d’aide ou d’encouragement à commettre un acte ou une omission était assimilée à un crime—L’abrogation de l’art. 7(3.77) n’a rien changé sur le plan légal en ce qui concerne la complicité, sauf créer de la confusion ou engendrer des procès—L’abrogation n’a pas modifié le droit, parce que, s’agissant d’un crime, le mot « commet » tel qu’il est employé à l’art. 6(1)b) de la LCCHCG vise et englobe les divers moyens employés pour perpétrer ce crime—Celui qui « commet » le crime peut être la personne qui en est personnellement l’auteur ou qui agit par l’entremise d’un tiers de bonne foi, ou encore qui fournit aide, encouragement ou conseil—L’abrogation de cette disposition du Code criminel n’a aucune incidence sur les règles de common law qui régissent la question ni sur la jurisprudence pénale canadienne —L’art. 6(1) de la LCCHCG, qui emploie le mot « commet » pour parler des crimes contre l’humanité, ne fait pas exception à la règle suivant laquelle la complicité s’entend des méthodes ou moyens employés pour commettre un crime et engage la responsabilité criminelle de ceux qui sont jugés complices—Il ne faut pas non plus confondre la complicité avec le crime inchoatif d’incitation—La notion de complicité est plus vaste que celle d’aide et d’encouragement à commettre un crime, étant donné que la Cour d’appel fédérale a reconnu et accepté la notion de complicité par association—La simple apparte-nance à une organisation qui a commis des crimes contre l’humanité à l’extérieur du Canada ne suffit pas pour déclencher l’application de l’art. 6(1)b) de la LCCHCG—Elle n’entraîne donc pas de déclaration d’interdiction de territoire en vertu de l’art. 35(1)a) de la LIPR—L’appelant n’apparte-nait pas simplement à une organisation; il a sciemment et volontairement été pendant cinq ans membre d’un service de renseignement secret relevant du ministère de la Sécurité d’État (KHAD), qui a torturé et supprimé des opposants au régime—Il s’est élevé dans la hiérarchie d’une organisation brutale et il en a épousé les vues, il a assisté à des séances de formation et fourni le nom de ceux qui refusaient de collaborer —L’appelant était de son propre gré et à des fins intéressées membre d’une organisation qui visait des fins limitées et brutales—Il savait que l’organisation pratiquait la torture et le meurtre—Tant selon la jurisprudence canadienne que suivant la jurisprudence internationale, les agissements de l’appelant constituaient de la complicité dans la perpétration de crimes contre l’humanité—La Cour fédérale était fondée de confirmer la décision de l’arbitre portant que l’appelant n’était pas admissible en vertu de l’ancienne Loi (nouvelle LIPR, art. 35(1)a))—Appel rejeté—Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24, art. 6—Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 35—Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 7(3.76), (3.77) (abrogé par L.C. 2000, ch. 24, art. 42)—Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I‑2 (abrogée par L.C. 2001, ch. 27, art. 274).

Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (A‑539‑04, 2005 CAF 303, juge Létourneau, J.C.A., jugement en date du 20‑9‑05, 12 p.)

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