Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

FORCES ARMÉES

Le demandeur était membre des Forces armées depuis 13 ans lorsque, blessé à l’épaule et souffrant d’un syndrome de stress post‑traumatique (SSPT), il a demandé et obtenu sa libération des Forces armées—Bien qu’il reçoive une pleine pension d’invalidité pour ses blessures et maladie, le demandeur a d’abord déposé, avant sa libération, un grief pour tenter, sans succès, d’obtenir une compensation monétaire additionnelle, et invoque maintenant l’art. 24 de la Charte canadienne des droits et libertés pour réclamer une réparation monétaire—La Couronne prétend que la décision du chef d’état‑major à l’égard du grief déposé a l’effet de chose jugée; elle plaide subsidiairement la prescription à l’égard de la cause d’action—En 1996, le demandeur subit une blessure à l’épaule le rendant inapte à participer aux missions à l’étranger—Néanmoins, on déclare le demandeur apte à participer à titre de photographe à une mission de paix en Haïti en 1997—Là, il doit participer à une opération de récupération de cadavres provenant d’un bateau naufragé, ce qui aggravera sa blessure à l’épaule et déclenchera un SSPT— Son SSPT n’est pas adéquatement traité à son retour au Canada en octobre 1997—Se considérant victime de harcèlement visant à le pousser à quitter les Forces armées et le priver des soins médicaux auxquels il avait droit, le demandeur obtient sa libération le 23 janvier 1998—Le demandeur prétend que la défenderesse aurait violé, de façon contraire aux principes de justice fondamentale, son droit à la sécurité de sa personne (art. 7 de la Charte)—Avant sa libération, le demandeur déposait un grief en vertu de l’art. 29 de la Loi sur la défense nationale—Ce grief s’appuie essentiellement sur les mêmes faits que ceux qui donnent lieu à la présente action—Saisi du grief, le chef d’état‑major de la Défense accorde certaines des réparations demandées par le demandeur mais rejette la demande de compensation monétaire « puisque aucune disposition législative ou réglementaire ne [lui] accorde cette autorité »—Il ajoute que ses prestations représentent une compensation finale et que d’après l’art. 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif et l’art. 111 de la Loi sur les pensions, il n’est pas possible de toucher à la fois une pension et de poursuivre les Forces canadiennes suite à des blessures —Action rejetée pour cause d’abus de procédure—Pour ce qui est de la question de la chose jugée, il ne fait aucun doute que le chef d’état‑major avait la compétence requise pour déterminer, dans le cadre d’une demande de réparation ou d’un grief, du droit d’un officier de recevoir une compensation monétaire, y compris une compensation en guise de réparation sous le régime de l’art. 24 de la Charte—Ni le grief du demandeur ni la décision du chef de l’état‑major ne font mention de la Charte—Application de la décision Dumont c. Canada, [2004] 3 R.C.F. 338 (C.A.F.)—La décision rendue sur le grief n’a pas l’effet de la chose jugée ou de la préclusion résultant d’une question déjà tranchée à l’égard des droits et questions fondamentales de l’application de la Charte aux circonstances de la présente action—Toutefois, la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’applique aux déterminations factuelles et mixtes de fait et de droit auxquelles est arrivé le chef d’état‑major et rend improbable une détermination favorable au demandeur, mais ne justifie pas, en soi, le rejet de l’action—Sauf la caractérisation des actes reprochés à la Couronne à titre de violation du droit garanti par l’art. 7 de la Charte et la référence à l’art. 24 de la Charte à titre de base juridique permettant la dérogation à l’art. 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, le droit fondamental qui donne lieu au présent litige est exactement le même que celui qui a été soumis et déterminé par le chef d’état‑major—Le préjudice à réparer, la nature de la réparation demandée, ainsi que les faits et circonstances ayant causé le préjudice, sont rigoureusement les mêmes—À moins de circonstances exceptionnelles le justifiant, permettre au demandeur de procéder devant cette Cour sur une cause d’action qui aurait dû être présentée dans le cadre du grief antérieur équivaudrait à permettre à cette partie de « plaider par feuilleton », ou de scinder ses recours; cela constitue l’essence même d’un abus de procédure— L’arrêt Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, qui portait sur les relations du travail, s’applique en l’espèce—Le caractère exhaustif de la réglementation de la vie militaire va de pair avec le caractère exhaustif du mode de règlement des différends—C’est l’efficacité même de ce mode global de règlement des différends prévu par la Loi sur la défense nationale qui est attaquée si les tribunaux ne font preuve de réserve qu’en matière stricte de relations du travail—Le devoir de réserve des tribunaux envers les recours qui relèvent de la procédure de grief prévu par la Loi sur la défense nationale s’applique donc avec autant de force—En l’espèce, permettre à l’action de se poursuivre porterait atteinte au principe de la finalité des jugements et éroderait l’intégrité et l’efficacité du mécanisme exhaustif et complet de règlement des différends prévu par la Loi sur la défense nationale—En outre, vu les conclusions de fait auxquelles en est venu le chef d’état‑major, une grande partie des allégations de la déclaration ne peuvent être maintenues, laissant planer de sérieux doutes quant aux chances de succès de l’action—Dans les circonstances, le préjudice que causerait le maintien de l’action à l’administra-tion de la justice n’est aucunement justifié—Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11—Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 24—Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N‑5, art. 29 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 43; L.C. 1998, ch. 35, art. 7)—Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C‑50, art. 9 (mod. par L.C. 2001, ch. 4, art. 39(F))—Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P‑6, art. 111 (mod. par L.C. 2000, ch. 34, art. 42)—Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35.

Bernath c. Canada (T‑1683‑02, 2005 CF 1232, protonotaire Tabib, ordonnance en date du 9‑9‑05, 32 p.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.