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Brown c. Canada ( Procureur général )

T-228-98

protonotaire Hargrave

8-4-98

22 p.

Requête visant à radier la requête introductive d'instance demandant le contrôle judiciaire d'une décision prise par le directeur des carrières militaires, au motif que toutes les voies de recours et de redressement prévues dans la procédure de grief militaire n'ont pas été épuisées-La requérante s'est enrôlée dans le Programme de formation des officiers de la Force régulière et elle savait qu'en contrepartie d'une éducation universitaire, elle serait appelée à servir dans les Forces canadiennes pour une période de cinq ans après ses études-Elle aurait le droit de demander une libération volontaire si des circonstances exceptionnelles et imprévues le justifiaient et les exigences du service le permettaient, en vertu de l'art. 15-7 des Ordonnances administratives des Forces canadiennes-La requérante a demandé une libération volontaire pour occuper un poste à l'Association mondiale des éclaireuses et des Girl Scouts-Le Conseil de révision des carrières a refusé d'accorder la libération volontaire en décembre 1997-Le directeur des carrières militaires a revu et confirmé la décision du Conseil obligeant la requérante à accomplir sa période de service obligatoire-L'art. 29 de la Loi sur la défense nationale confère à l'officier qui s'estime lésé d'une manière ou d'une autre le droit d'en demander réparation auprès des autorités supérieures selon les modalités fixées par règlement-L'art. 19.26(1) des Ordonnances et règlements royaux prévoit que l'«autorité de redressement» s'entend d'un commandant, d'un officier commandant, d'une formation ou un commandement, du chef d'étatmajor de la défense et du ministre-Il prescrit qu'une plainte soit acheminée par la chaîne de commandement; une autorité de redressement doit agir aussi promptement que possible-Dans chaque cas, le plaignant peut s'adresser à l'autorité de redressement supérieure dans la chaîne de commandement-La principale raison pour laquelle la requérante s'est adressée à la Cour est sa conviction que le contrôle judiciaire serait une voie de recours plus expéditive-1) Quant à savoir si une partie intimée peut faire radier une demande de contrôle judiciaire engagée par un avis de requête introductif d'instance, la Cour d'appel a examiné ce point dans David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, et a laissé la porte ouverte à la radiation possible d'un avis de requête introductif d'instance dans le cas oú celui-ci était «manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli»-2) Quant au caractère approprié du redressement, il faut se demander si la chaîne de commandement jusqu'au palier du chef d'état-major de la défense, puis du ministre de la Défense, est une tribune appropriée pour statuer sur le cas-Il faut tenir compte de plusieurs facteurs et notamment de la procédure, de l'autorité de décision, de ses pouvoirs et de la façon dont ils seraient vraisemblablement exercés, du fardeau d'une conclusion antérieure, de la célérité et des frais-Dans Anderson c. Canada (Forces armées), [1997] 1 C.F. 273, la Cour d'appel a jugé que les éléments de délai, de coût et de tension ne légitimaient pas l'ingérence de la Cour dans la procédure de grief militaire-Elle a fait une distinction d'avec la cause Gayler c. Directeur du personnel, Administration des carrières, Personnel non officier, Quartier général de la Défense, [1995] 1 C.F. 801 (1re inst.), oú il a été jugé que la lenteur propre à une série d'appels inutiles portés d'un échelon à l'autre de la chaîne de commandement peut suffire à inciter la Cour à entendre discrétionnairement une demande-Dans l'affaire Gayler, le commandant de la formation et l'officier commandant le commandement pouvaient simplement formuler des recommandations-En l'espèce, le directeur des carrières militaires ne fait pas partie de la chaîne de commandement et prend ses propres décisions-Du fait que toute la chaîne de commandement est investie du pouvoir de redressement, il ne serait pas inutile que la requérante présente sa plainte à son commandant-Comme il a été mentionné dans la décision Anderson, la procédure est simple et directe: elle comporte simplement une plainte fondée sur un exposé écrit des faits et du redressement demandé, une déclaration rédigée par une personne fiable à l'appui de la plainte et des copies de documents-La requérante conteste également la durée de son service obligatoire-Affirmer que la procédure de grief militaire ne peut porter que sur des questions de procédure touchant une politique et non sur des questions de fond d'ordre juridique, réduirait à néant le système de grief visé à l'art. 29 de la Loi sur la défense nationale-Les tribunaux militaires de la chaîne de commandement doivent nécessairement être habilités, en matière de grief, à traiter de questions de droit essentielles-La requérante fait valoir également que les art. 15 et 24 de la Charte s'appliquent du fait qu'elle est victime de discrimination et que les préposés à la procédure de grief n'ont pas qualité pour examiner des arguments fondés sur la Charte-La Charte n'est pas en jeu ici, car la requérante ne conteste pas une loi jugée discriminatoire, mais une décision du directeur des carrières militaires-L'art. 15 protège des droits formulés par un texte de loi, et non une décision qui peut être discriminatoire-En supposant que la politique restrictive de libération soit discriminatoire, la requérante n'a pas allégué une discrimination portant sur ses signes particuliers et fondée sur des motifs analogues et la désavantageant sur le plan social, politique et juridique-En raison de l'existence d'une autre voie de recours, la demande de contrôle judiciaire est irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie-Ordonnances administratives des Forces canadiennes, art. 15-7-Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (révision de 1994), art. 19.26-Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, art. 29 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 43)-Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 15, 24.

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