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Bourque, Pierre & Fils Ltée c. Canada

T-1-95

juge MacKay

20-1-99

26 p.

Déclaration réclamant à la défenderesse des dommages-intérêts pour rupture présumée de contrat ou de garantie collatérale ou pour responsabilité délictuelle présumée de préposés de Sa Majesté, à la suite de la présentation par la demanderesse d'une soumission en réponse à un appel d'offres pour des locaux loués-La défenderesse a présenté une requête en jugement sommaire-En 1988, le ministère des Travaux publics (le MTP) a institué un appel d'offres pour la location de locaux dans un immeuble dans la grande région d'Ottawa-Hull-La demanderesse allègue que la requérante, par l'intermédiaire de son représentant, a signalé qu'elle conclurait certainement un bail pour des locaux avec une compagnie qui a soumis une proposition satisfaisant aux Normes relatives aux locaux loués et qu'il s'agissait d'une véritable invitation en vue d'obtenir des soumissions-La demanderesse allègue que sa proposition a été la proposition gagnante parce qu'elle satisfaisait aux exigences des Normes relatives aux locaux loués au coût global minimum-La défenderesse a annulé le projet de soumission, avant d'amorcer des négociations pour reconduire le bail des locaux qu'elle occupait à l'époque-1) Une question préliminaire a été soulevée quant à l'admissibilité d'un document qui émanait de la défenderesse, mais auquel la défenderesse s'était opposée lorsqu'il avait été présenté précédemment au cours du contre-interrogatoire du souscripteur d'un affidavit en faveur de la défenderesse, opposition qui était fondée sur une revendication de privilège en vertu de l'art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada-La demanderesse soutient que le fait de décider que le document n'est pas admissible l'empêchera de signifier une demande de reconnaissance conformément à la règle 255 des Règles de la Cour fédérale (1998) et d'entamer une contestation conformément à la Charte canadienne des droits et libertés, qui, prétend-elle, devrait avoir lieu à l'étape de l'interrogatoire préalable-Les circonstances de l'espèce ne se comparent pas à celles de l'affaire Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine, [1985] 2 C.F. 293, oú la Cour d'appel a refusé d'admettre qu'un certificat prévu à l'art. 39 interdisait la production de renseignements provenant d'un document du Conseil du Trésor auquel le certificat se rapportait-Dans l'affaire Best, le document avait été présenté à l'interrogatoire préliminaire par la défenderesse, la Couronne ellemême, sans opposition et sans revendication de privilège-En l'espèce, le document, tout en émanant de la Couronne, n'a pas été produit par la défenderesse, et l'opposition à sa production par la demanderesse a été continuelle, mais en contreinterrogatoire et lorsque la question a été soulevée à l'audition de la requête-Le fait que le certificat ait été déposé après que la question eut été soulevée à l'audience ne réduit pas la valeur de la revendication de privilège-Cette revendication est attestée en conformité avec l'art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada avant que n'ait été rendue la décision d'admettre ou d'examiner le document en question, après l'audience mais avant la décision relative à cette question pendant qu'elle était en suspens-Conformément à l'art. 39(1), il est interdit à la Cour d'examiner le document ou de tenir une audition au sujet des renseignements qu'il contient-Le document ne peut pas être admis-2) Il s'agit de savoir s'il y a une véritable question à trancher-Selon la règle 215 des Règles de la Cour fédérale (1998), le défendeur dans le cadre d'une requête en jugement sommaire a l'obligation d'établir les faits, par affidavit, pour montrer qu'il y a une véritable question à trancher-Les principes applicables lors de l'examen d'une requête en jugement sommaire sont énoncés dans la décision Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853 (1re inst.): en l'absence de toute question de crédibilité, en vertu de la règle 216(3) de la Cour, celle-ci doit examiner et déterminer les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit si c'est possible à partir de l'ensemble de la preuve présentée-Cette responsabilité distingue le rôle du juge de la Cour fédérale qui traite une requête en jugement sommaire du rôle de son homologue qui examine une requête similaire en vertu de la règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario-La responsabilité sous le régime de la règle de l'Ontario ne va pas jusqu'à établir «si elle [la Cour] parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit»-i) Aucun élément de preuve ne vient étayer la réclamation de la demanderesse pour rupture de contrat-Dans son exposé des faits et du droit, elle fait valoir que, comme sa soumission satisfaisait à toutes les spécifications requises par la proposition de bail au prix le plus bas, elle créait un contrat de bail exécutoire comme dans l'affaire Canada Square Corp. v. Versafood Services Ltd. (1981), 34 O.R. (2d) 250 (C.A.)-Il faut établir une distinction avec cette affaire parce qu'elle ne portait pas sur un appel d'offres en vue de la conclusion d'un bail mais sur une entente en vue de la location d'un espace bien déterminé-La défenderesse affirme que le MTP n'a jamais conclu que la soumission de la demanderesse était «la proposition gagnante» comme il est allégué dans la déclaration, ou que le prix proposé par la demanderesse était le plus bas-Elle avance plutôt qu'au moment de l'annulation du projet, l'évaluation des soumissions présentées par des promoteurs qualifiés n'était pas terminée-Elle savait au moment de l'annulation du projet que la soumission de la demanderesse figurait parmi les trois ou quatre plus basses-L'annonce invitant les parties intéressées à la rencontre de décembre 1988 mentionnait précisément: «La plus basse ou n'importe quelle soumission non nécessairement acceptée», et les instructions soumissionnaires comprenaient la disposition suivante: «Le prix le plus bas ou tout autre prix au mètre carré auquel tout local est offert ne sera pas nécessairement accepté»-Une distinction est faite avec la décision rendue dans Martel Building Ltd. c. Canada, [1998] 4 C.F. 300 (C.A.) car, dans le cas présent, il n'y a pas de preuve contradictoire qui vienne appuyer la prétention de demanderesse selon laquelle sa soumission était la plus basse-Mais même si la soumission de la demanderesse était la plus basse, il n'existe aucune obligation de conclure un contrat, si l'on tient compte du déni précis d'une telle obligation dans les documents communiqués aux soumissionnaires éventuels-ii) La garantie alléguée se fonde sur la réponse positive donnée verbalement par le représentant de la Couronne lorsqu'on lui a demandé si cette proposition serait accordée à quelqu'un-L'intention nécessaire pour qu'une partie considère de façon sérieuse ce qui est présenté comme une promesse est minée si la garantie alléguée contredit les termes précis d'un contrat ou d'une offre-Toute déclaration qui contredit les termes précis figurant dans la proposition de bail ne peut pas constituer une garantie collatérale, tout particulièrement dans des circonstances oú l'annonce de l'appel d'offres et les observations faites lors de la réunion de décembre signalaient que l'acceptation de toute soumission exigeait en dernier lieu l'approbation du Conseil du Trésor-iii) Aucune réclamation en responsabilité délictuelle pour négociations de mauvaise foi n'est encore établie comme l'une des réclamations reconnues en droit-iv) Une action en responsabilité délictuelle ne peut pas être maintenue contre la Couronne lorsqu'elle a pris naissance à la suite d'une décision de politique du gouvernement-v) Dans Just c. Colombie-Britannique, [1989] 2 R.C.S. 1228, la Cour suprême du Canada a établi une distinction entre les décisions de politique et les décisions opérationnelles, en faisant remarquer que les véritables décisions de politique devraient être à l'abri des poursuites en responsabilité délictuelle, de sorte que les gouvernements soient libres de prendre leurs décisions en fonction de facteurs sociaux, politiques ou économiques, et en déclarant de façon générale que les décisions concernant l'allocation de ressources budgétaires à des ministères ou organismes gouvernementaux seront rangées dans la catégorie des décisions de politique-La seule preuve portée à la connaissance de la Cour est celle fournie par l'affidavit qui dit que la décision a été prise afin d'annuler le projet, décision confirmée par les documents budgétaires déposés à la Chambre des communes et suivie de la décision de renégocier le bail des locaux déjà occupés-Bien que la demanderesse allègue ne pas être d'accord avec le gouvernement pour décrire la décision comme ayant été faite pour des raisons de restriction, il n'y a aucun élément de preuve à partir duquel la Cour puisse sérieusement mettre la décision en question-L'annulation du plan en vue de louer de nouveaux locaux pour le ministère des Transports était manifestement une décision de politique qui ne donne naissance à aucune réclamation en responsabilité délictuelle contre la Couronne en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif-Les réclamations de la demanderesse en responsabilité délictuelle sont également écartées en raison de l'application de l'art. 7(1) de la Loi sur l'immunité des personnes exerçant des attributions d'ordre public de l'Ontario, qui interdit d'intenter une action six mois après que la cause d'action a pris naissance-L'action a été intentée six ans après la décision et l'acte qui auraient donner naissance à la réclamation-Aucune des réclamations de la demanderesse ne divulgue de véritable question de fait à trancher-Requête accueillie-Loi sur l'immunité des personnes exerçant des attributions d'ordre public, L.R.O. 1990, ch. P. 38, art. 7(1)-Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144(F))-Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 215, 216, 255-Règles de procédure civile de l'Ontario, R.R.O. 1990, Règl. 194, Règle 20.

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