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Brant c. Canada

T-528-98

juge Rothstein

16-9-98

23 p.

Décisions relatives à des questions de droit-Le demandeur, qui est indien, est propriétaire d'un poste d'essence sur le territoire de la Première Nation Tiendinaga Mohawk, qui constitue une réserve en vertu de la Loi sur les Indiens-Il vend de l'essence tant aux Indiens qu'aux non-Indiens-Il achète l'essence à un prix qui comprend la taxe sur l'essence de l'Ontario de 14,7 cents par litre-Pour les ventes aux Indiens inscrits qui ont leur preuve d'identité et qui achètent de l'essence à des fins personnelles, le demandeur réduit son prix de 14,7 cents le litre-Il transmet une demande de remboursement au ministre des Finances de l'Ontario-Le ministre du Revenu national a cotisé le demandeur pour le montant de 474 825,83 $, incluant les intérêts et les pénalités, à l'égard de la TPS relative aux ventes d'essence effectuées à des non-Indiens-Dans le cadre d'une action sur compte, le ministre du Revenu national a saisi les remboursements de taxe sur l'essence de l'Ontario, qui étaient payables par le ministre des Finances de l'Ontario-1) Ces remboursements de taxe sur l'essence font-ils partie des biens personnels du demandeur qui sont situés sur une réserve et sont-ils en conséquence exempts de saisie en vertu de l'art. 89 de la Loi sur les Indiens?-La question de savoir si les biens d'un Indien sont situés sur une réserve à des fins fiscales ou de saisie doit être tranchée par l'application du critère des facteurs de rattachement, qui a été établi dans Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877-Il est nécessaire d'identifier les facteurs de rattachement pertinents et de les analyser pour déterminer le poids à leur accorder dans l'identification de l'emplacement du bien, en tenant compte de trois choses: l'objet de la disposition d'exemption, le genre de biens que l'on veut imposer et la nature de l'imposition-En l'espèce, c'est la nature des biens saisis et la nature et les effets de cette saisie qui sont pertinents-(i) Le lieu de résidence du demandeur tend à démontrer que les remboursements ne peuvent être considérés comme ayant lieu sur la réserve-Comme le demandeur passe six jours par semaine à l'extérieur de la réserve, les remboursements de taxe sur l'essence sont peu reliés à son utilisation et à son occupation de la réserve à titre d'Indien-(ii) L'entreprise est située sur la réserve-C'est l'exploitation de l'entreprise sur la réserve et les ventes aux Indiens sur celle-ci qui, en fin de compte, ont donné lieu à la dette du ministre des Finances de l'Ontario-Ce facteur rattache les remboursements à la réserve et doit se voir attribuer une grande importance-(iii) Lorsqu'il n'y a aucune preuve relative à l'existence d'une politique d'emploi particulière liant l'entreprise à la réserve, le fait que la moitié des employés soient des Indiens inscrits résidant sur la réserve peut n'être qu'une simple coïncidence-On ne peut attribuer que peu d'importance à ce facteur-(iv) Lorsqu'une entreprise sert tant des Indiens que des non-Indiens, cela indique qu'elle fait partie du marché commercial-Comme 50 % des clients sont des Indiens et que 50 % des clients sont des non-Indiens, la nature de la clientèle est un facteur qui tend à démontrer que les biens en question ne peuvent être considérés comme situés sur la réserve-(v) Le demandeur a droit au remboursement non pas parce qu'il est exonéré du paiement des taxes en vertu de l'art. 87(1), mais plutôt parce que ses clients le sont-Le fait que tout détaillant situé sur la réserve aurait droit au remboursement situe le demandeur dans le marché commercial, ce qui tend à démontrer qu'il ne peut être considéré comme se trouvant sur la réserve-(vi) Dans les affaires de saisie, les biens doivent se trouver en possession du débiteur pour que la saisie soit exécutoire-L'emplacement du débiteur tend à constituer un facteur plus important-Le fait que le bureau du gouvernement ait été situé à l'extérieur de la réserve au moment oú la saisie a eu lieu est un facteur qui tend à démontrer que les biens ne peuvent être considérés comme se trouvant sur la réserve-(vii) Le fait que l'essence provienne de l'extérieur de la réserve est une considération de marché commercial qui tend à affaiblir le lien existant entre les remboursements et la réserve-(viii) La pratique commerciale habituelle du demandeur étant le paiement par chèque à partir de son compte situé à l'extérieur de la réserve, cela tend à démontrer que les remboursements ne peuvent être considérés comme ayant lieu sur la réserve-La remarque incidente faite par le juge La Forest dans Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, est pertinente: puisque les biens acquis par des Indiens au cours d'opérations commerciales ordinaires constituent simplement des biens que toute autre personne aurait pu acquérir, il n'y a aucune raison pour laquelle, dans ces circonstances, les Indiens ne devraient pas être traités de la même façon que toute autre personne-Le situs du remboursement était à l'extérieur de la réserve, de sorte que ce dernier était saisissable et qu'il n'était pas protégé en vertu de l'art. 89(1)-À la lumière du critère des facteurs de rattachement, les remboursements de taxe sur l'essence de l'Ontario ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 89(1) de la Loi sur les Indiens-(2) Le terme «personne», au sens de l'art. 317(1) de la Loi sur la taxe d'accise, inclut-il le ministère des Finances de la province de l'Ontario?-L'art. 317 prévoit que dans les cas oú le ministre sait ou soupçonne qu'une personne est tenue de faire un paiement à une autre personne, il peut exiger de cette personne qu'elle lui paie immédiatement les sommes par ailleurs payables au débiteur fiscal-Sachant ou soupçonnant que l'Ontario serait tenue de faire un paiement au demandeur, le ministre a signifié à la province une lettre intimant à cette dernière de lui verser les sommes dues au demandeur-L'art. 17 de la Loi d'interprétation prévoit que nul texte ne lie Sa Majesté, sauf indication contraire y figurant-Sauf indication contraire dans la Loi sur la taxe d'accise visant Sa Majesté du chef d'une province, l'Ontario n'est pas lié et l'art. 317(1) ne s'applique pas-Les termes «mentionnée ou prévue» comportent (i) des termes qui lient expressément; (ii) une intention claire de lier; (iii) une intention de lier lorsque l'objet de la loi serait «privé de toute efficacité» si le gouvernement n'était pas lié: Alberta Government Telephones c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 2 R.C.S. 225-Ni la définition de «personne» figurant à l'art. 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise, ni l'art. 317 ne visent expressément la Couronne-L'objet de la Loi sur la taxe d'accise ne serait pas privé de toute efficacité si les provinces n'étaient pas liées par elle-La référence, contenue à l'art. 122, selon laquelle ce paragraphe «lie Sa Majesté du chef d'une province» pour une fin précise indique que le Parlement n'a pas eu l'intention de lier Sa Majesté du chef d'une province de façon générale, pour d'autres obligations, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise-Le terme «personne», au sens de l'art. 317 de la Loi sur la taxe d'accise, n'inclut pas le ministère des Finances-Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, art. 122 (édicté par L.C. 1990, ch. 45, art. 12), 123 (édicté, idem), 317 (édicté, idem)-Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, art. 87, 89-Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 17.

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