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Élections

Contrôle judiciaire des décisions du directeur général des élections (DGE), qui a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour recommander une autre date pour la tenue de l’élection fédérale prévue le 21 octobre 2019 — Les demandeurs, des juifs orthodoxes, ont fait valoir que la date de l’élection fédérale entrait en conflit avec la grande fête juive de Chemini Atseret — Au cours de cette période, les juifs orthodoxes pratiquants doivent s’abstenir de nombreuses activités, notamment celles de voter et de faire campagne — En raison de ces obstacles, les électeurs juifs orthodoxes et les candidats juifs orthodoxes avaient une capacité limitée à participer aux activités électorales qui précèdent le scrutin ou ont lieu le jour même du scrutin — Les demandeurs ont soutenu que leurs droits garantis par les art. 2, 3 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) étaient violés — Le DGE a fait valoir qu’Élections Canada ne décide pas de la date des élections et que le directeur général des élections ne peut recommander à l’heure actuelle le report de la date de l’élection — Le report de la date de l’élection de 2019 aurait une incidence négative sur la tenue de l’élection générale et présentait des problèmes d’ordre logistique — Élections Canada s’est employée à fournir à la communauté juive pratiquante des moments propices pour voter — Il s’agissait de savoir si la décision du directeur général des élections de ne pas recommander de déplacer la date de l’élection était raisonnable — La décision du DGE n’a pas abordé les questions relatives à la Charte soulevées par les demandeurs et ne les a pas mises en balance — La décision n’est donc pas justifiée, transparente ou intelligible — Les décideurs administratifs doivent agir conformément à la Charte lorsqu’ils exercent leur pouvoir discrétionnaire — Les considérations liées à la Charte dans les affaires Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395, et Law Society of British Columbia c. Trinity Western University, 2018 CSC 32, [2018] 2 R.C.S. 293 s’appliquent au DGE dans l’exercice des fonctions dont il doit s’acquitter par application de l’art. 56.2(1) de la Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch. 9 — Le DGE devait prendre pleinement en considération les contextes législatif et factuel — Il devait se demander si le respect de la liberté religieuse des demandeurs interférait avec leurs droits à une « participation significative » à l’élection générale — La thèse du DGE était fondée sur l’hypothèse que la date de l’élection, fixée au 21 octobre 2019, était inaltérable — Le DGE avait l’obligation d’évaluer les conséquences du fait que le jour du scrutin coïncidait avec un jour revêtant une « importance religieuse » et celle d’envisager d’exercer le pouvoir que le législateur lui a conféré à l’art. 56.2(1) — Le dossier ne révélait pas si le DGE a véritablement envisagé d’exercer ce pouvoir discrétionnaire — Le DGE devait voir son pouvoir discrétionnaire comme une possibilité ou une solution à envisager de façon raisonnable dans le but de réduire l’incidence sur les droits des demandeurs conférés par la Charte et de permettre en même temps au DGE de faire avancer les objectifs pertinents de son mandat — La Cour ne peut pas s’en remettre à une décision qui ne fournit aucun élément de preuve explicite ou implicite d’une mise en balance proportionnée des droits garantis par la Charte — La Cour était dans l’impossibilité de déterminer si la mise en balance a été proportionnée — L’issue était disproportionnée, car elle ne protégeait pas les valeurs consacrées par la Charte autant qu’il est possible de le faire à la lumière de ces objectifs — L’affaire a été renvoyée au DGE pour une nouvelle détermination — L’ordonnance de mandamus n’était pas la mesure qui convenait — Demande accueillie.

Aryeh-Bain c. Canada (Directeur général des élections) (T-948-19, 2019 CF 964, juge McDonald, motifs de jugement modifiés en date du 26 juillet 2019, 24 p.)

 

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