Fiches analytiques

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Citoyenneté et Immigration

Exclusion et renvoi

Personnes interdites de territoire

Contrôle judiciaire de la décision dans laquelle la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (2018 CanLII 131134) a conclu que le demandeur ne bénéficiait pas d’un droit d’appel suivant l’art. 64(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi), à l’encontre de la décision de l’agent d’immigration de rejeter la demande de parrainage de l’époux — Le demandeur, un citoyen canadien, a épousé une citoyenne du Sri Lanka — La demande d’asile de l’épouse a été rejetée — L’agent a par la suite rejeté la demande de parrainage de l’époux pour les motifs, notamment, que le mariage n’était pas authentique et que l’épouse était interdite de territoire pour grande criminalité, aux termes de l’art. 36(1)c) de la Loi — La Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers, L.C. 2013, ch. 16 (LARCE) a modifié l’art. 64(2), élargissant la catégorie de personnes interdites de territoire pour criminalité qui ne bénéficiaient pas d’un droit d’appel devant la SAI — Le demandeur a néanmoins déposé un appel devant la SAI — Il a fait valoir notamment qu’il a « acquis » son droit d’appel devant la SAI lors du dépôt de sa demande de parrainage avant l’entrée en vigueur des modifications — La SAI a estimé toutefois que les droits d’appel s’acquéraient non pas lorsqu’il y avait dépôt de la demande de parrainage, mais quand la décision était rendue à l’égard d’une telle demande — Elle a conclu qu’aux termes des art. 63(1) à (5), un droit d’appel devant elle s’acquérait lorsqu’une décision était rendue par les autorités de l’immigration compétentes sur diverses questions — Elle a expliqué également que la date déterminante servait à l’établissement de critères d’appréciation qui sont pertinents au moment de traiter une demande et de statuer sur celle-ci, plutôt qu’à acquérir des droits d’appel — Elle a conclu que le demandeur ne pouvait faire appel devant elle, puisque les modifications à l’art. 64(2) étaient entrées en vigueur avant le rejet du parrainage présenté par le demandeur — Il s’agissait de savoir si la SAI a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a conclu que le demandeur ne bénéficiait pas d’un droit d’appel — La SAI a correctement et raisonnablement jugé que le demandeur ne jouissait d’aucun droit d’appel en l’espèce — Les termes employés à l’art. 63(1) de la Loi et à l’art. 32 de la LARCE appuient la conclusion de la SAI portant que le demandeur ne bénéficiait pas d’un droit d’appel le jour avant l’entrée en vigueur de la LARCE — Les dispositions transitoires énoncées dans la LARCE et les dispositions applicables de la Loi doivent être interprétées suivant l’approche moderne d’interprétation législative — L’adoption de l’art. 63(1) visait à s’assurer qu’un processus parallèle soit suivi  : une fois que la personne ayant présenté une demande conforme au règlement en vue de parrainer un étranger reçoit une décision défavorable, elle bénéficie du droit d’interjeter appel de la décision de l’agent — Le dépôt d’une demande conformément au règlement est une exigence pour assurer la validité de la demande même — L’exigence du dépôt « conformément au règlement » est une condition à remplir pour être considéré comme un demandeur au titre de l’art. 63(1), plutôt qu’une exigence individuelle à satisfaire pour jouir d’un droit d’appel au titre de cette loi — Les appels devant la SAI sont soumis à une condition préalable, à savoir qu’une décision défavorable doit avoir été rendue par le décideur compétent — Un droit d’appel ne peut être considéré comme prenant naissance, étant conféré ou ayant été « acquis » avant que la décision faisant l’objet de l’appel n’ait été rendue — Dans l’arrêt R. c. Puskas, [1998] 1 R.C.S. 1207 (Puskas), la Cour suprême du Canada a conclu qu’un droit ne peut pas être acquis tant que toutes les conditions préalables à son exercice n’ont pas été remplies — Ceux qui présentent une demande de parrainage n’acquièrent des droits qu’une fois que l’ensemble des conditions préalables à l’exercice du droit qu’ils espèrent obtenir ont été remplies — L’art. 32 de la LARCE a pour objet de s’assurer que toute décision par laquelle un agent rejette une demande de parrainage, qui est rendue avant l’entrée en vigueur de la modification (c.-à-d., n’importe quand avant le 19 juin 2013), est assujettie aux droits d’appel plus larges énoncés dans la version antérieure de l’art. 64(2) de la LIPR, même si la SAI est saisie de l’appel après le 19 juin 2013 — La common law n’a pas nécessairement cet effet en l’absence d’une disposition transitoire, étant donné que la Cour a invariablement conclu que la SAI devait instruire les affaires de novo, nonobstant le droit en vigueur au moment où l’agent avait rendu sa décision — L’application de l’arrêt Puskas n’est pas suffisamment claire pour rendre la disposition transitoire superflue — L’emploi de termes explicites à l’art. 33 de la LARCE ne suffit pas à créer une présomption selon laquelle le législateur souhaitait, en mentionnant « quiconque avait un droit d’appel au titre du paragraphe 63(1) de [la LIPR] », désigner quiconque avait déposé une demande de parrainage conformément au règlement — Le libellé de l’art. 63(1) de la LIPR est clair  : un droit d’appel prend naissance après que la décision de ne pas délivrer de visa a été rendue — Si le législateur avait voulu conférer aux demandeurs un droit d’appel dès la date de dépôt de la demande de parrainage, il aurait pu employer des termes concordants avec ceux de l’art. 29 de la LARCE, plutôt que de mentionner le moment auquel un « droit d’appel » prend naissance au titre de l’art. 63(1) de la LIPR — Les modifications en l’espèce ont été appliquées rétrospectivement par la législature — Dans la présente affaire, le droit d’appel du demandeur n’avait pas encore été conféré — Les modifications législatives ont eu pour effet de transformer de manière rétrospective le droit d’appel auquel il aurait pu prétendre — Cela dit, il n’est généralement pas obligatoire que les lois aient des effets prospectifs, pour autant que la législature indique qu’elle souhaite leur donner des effets rétroactifs ou rétrospectifs — En l’espèce, les effets rétrospectifs voulus étaient clairement décrits dans les dispositions transitoires en cause, en permettant uniquement à ceux ayant acquis des droits d’appel devant la SAI d’invoquer les dispositions antérieures — Le « principe du gel » analysé dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Hamid, 2006 CAF 217, n’était d’aucun secours au demandeur — Il n’y avait aucune raison de conclure que les droits d’appel à la SAI sont « gelés » une fois qu’une demande de parrainage a été déposée — Le demandeur aurait pu soumettre à la Cour fédérale une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire dans les 60 jours, conformément à l’art. 72(2)b) de la LIPR, puisque la décision avait été rendue par un agent à l’extérieur du Canada — Demande rejetée.

Lawrence c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (IMM-5201-18, 2019 CF 1248, juge Ahmed, motifs du jugement en date du 2 octobre 2019, 32 p.)

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