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Aliments et Drogues

Contrôle judiciaire de la décision de la défenderesse de refuser d’accepter la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) de la demanderesse à l’égard d’une drogue qui contient deux ingrédients médicinaux : l’hémifumarate de ténofovir alafénamide (l’HTA) et l’emtricitabine — La défenderesse a conclu que le dépôt de la PADN de la demanderesse était interdit par les dispositions relatives à la protection des données prévues dans le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870 — Aux termes de ces dispositions, un fabricant ne peut pas déposer une PADN pour une drogue nouvelle « sur la base d’une comparaison directe ou indirecte entre celle‑ci et la drogue innovante » pour une période définie — L’HTA et l’emtricitabine sont des agents antirétroviraux utilisés dans le traitement du VIH/sida — Ils se trouvent tous les deux dans deux produits commercialisés par Gilead Sciences Canada Inc. : DESCOVY et GENVOYA — La défenderesse a considéré que GENVOYA est une « drogue innovante » aux termes des dispositions relatives à la protection des données, parce que l’utilisation de l’HTA dans une drogue n’avait pas déjà été approuvée lors de l’approbation de GENVOYA — DESCOVY, qui a par la suite été approuvée, n’est pas une drogue innovante — La PADN de la demanderesse comparait sa drogue à DESCOVY; elle a donc fait valoir qu’elle n’a fait aucune comparaison avec une drogue innovante et que les dispositions relatives à la protection des données ne l’empêchaient pas de déposer sa PADN — Les motifs invoqués par la défenderesse pour refuser la PADN de la demanderesse aux termes des dispositions relatives à la protection des données tenaient compte de l’objet de ces dispositions, qui était de mettre en œuvre certains accords commerciaux — La défenderesse a conclu que ces accords exigeaient la protection de l’HTA pendant la période de protection des données, de sorte que DESCOVY était [traduction« protégée » pendant la période de protection des données de GENVOYA, car elle contenait également de l’HTA­ — Elle a également fait remarquer que la présentation de Gilead pour DESCOVY s’appuyait sur des études comparatives sur la biodisponibilité de DESCOVY, en comparaison de GENVOYA — La défenderesse a conclu que cet appui étayait davantage la position selon laquelle DESCOVY était protégée pendant la même période de protection des données que GENVOYA — Il s’agissait de savoir si la conclusion de la défenderesse, selon laquelle le dépôt de la présentation de la demanderesse ne pouvait pas être accepté avant l’expiration de la période de protection des données pour GENVOYA, était raisonnable — La demande mettait en jeu l’art. C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues — La demanderesse a déposé une PADN en vue d’obtenir un avis de conformité pour ses comprimés NAT‑EMTRICITABINE‑TENOFOVIR, un produit qui serait une version générique de DESCOVY — La PADN de la demanderesse identifiait DESCOVY comme le produit de référence canadien (le PRC), tel que défini à l’art. C.08.001.1 du Règlement, et demandait une approbation conformément à l’art. C.08.002.1 — La défenderesse a déclaré que conformément à l’objet de l’art. C.08.004.1 du Règlement de protéger les nouvelles entités chimiques, les drogues contenant de l’HTA, comme DESCOVY, font l’objet de la même période de protection des données — La conclusion selon laquelle les dispositions relatives à la protection des données interdisaient la PADN de la demanderesse était fondée sur (i) son appréciation de l’objet du Règlement et des obligations découlant de l’ALENA et de l’Accord sur les ADPIC, et (ii) son appréciation du fait que l’approbation de DESCOVY fondée sur les données de GENVOYA appuyait davantage la position — La défenderesse a conclu que les dispositions relatives à la protection des données étaient déclenchées du fait de la comparaison faite par la demanderesse avec DESCOVY — La demanderesse a fait valoir que la défenderesse a élargi la définition de « drogue innovante » pour inclure d’autres drogues contenant le même ingrédient médicinal — Bien que le mécanisme prévu par les dispositions relatives à la protection des données soit celui de l’« exclusivité de marché » et qu’il soit fondé sur l’existence d’une « drogue innovante », l’on ne peut dire comme l’a fait la demanderesse que le seul produit qui peut déclencher la protection de l’exclusivité de marché est une version générique de la drogue innovante — Le critère prévu par le Règlement est le point de savoir, non pas si le ministre ou le génériqueur s’appuie sur les données de l’innovateur, mais s’il y a eu comparaison, directe ou indirecte, entre la drogue nouvelle du génériqueur et une drogue innovante — La défenderesse n’a pas examiné la question sur le déclencheur dans son analyse avant d’en arriver à une conclusion — Le seul déclencheur de l’« interdiction de dépôt » est une comparaison directe ou indirecte avec la drogue innovante — Pour conclure qu’une extension de la gamme de produits ou une autre drogue contenant le même ingrédient médicinal nouveau fait « nécessairement » appel à la protection des données, peu importe si cela implique une telle comparaison, l’analyse diffère du régime réglementaire tel qu’il a été promulgué — La défenderesse a examiné le fait que DESCOVY a été approuvé sur la base de données qui sous‑tendaient l’approbation de GENVOYA — Bien qu’il ait été erroné de la part de la défenderesse de décrire les obligations découlant des accords commerciaux ou l’objet de l’art. C.08.004.1 du Règlement comme consistant à « protéger l’élément chimique nouveau », tandis que les accords commerciaux prévoient l’obligation de protéger les données produites en vue d’obtenir l’approbation d’une drogue qui contient un élément chimique nouveau, plutôt que l’obligation de protéger l’élément chimique nouveau lui‑même, l’emploi de cette terminologie n’a pas rendu la décision de la défenderesse déraisonnable — Ailleurs dans sa décision, la défenderesse a mentionné de manière appropriée les obligations découlant des traités comme consistant à protéger les données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées concernant un produit pharmaceutique qui utilise un élément chimique nouveau — Après un examen global de la décision, la défenderesse n’a pas mal compris la nature des obligations découlant des traités ou l’objet du Règlement — Si la déclaration de la défenderesse selon laquelle une comparaison avec DESCOVY constitue une comparaison indirecte avec GENVOYA n’est pas claire, l’extrait en cause peut être interprété comme signifiant que la défenderesse a conclu que la PADN de la demanderesse comparait indirectement sa drogue à GENVOYA — La défenderesse a conclu, au regard des faits de l’affaire, que la présentation de drogue nouvelle pour DESCOVY faisait une comparaison avec la présentation de drogue nouvelle pour GENVOYA, et que la présentation de la demanderesse qui faisait la comparaison entre sa drogue et DESCOVY comprenait donc une « comparaison directe ou indirecte » avec GENVOYA, une drogue innovante — Cette conclusion était raisonnable, compte tenu du dossier, de l’historique et du contexte de l’instance, ainsi que des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui avaient une incidence sur la décision — Bien que le raisonnement de la défenderesse n’ait pas fait référence à tous les arguments, dispositions législatives ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, ce n’était pas la norme selon laquelle la Cour devait apprécier la décision, et cela ne constituait pas non plus un motif suffisant pour annuler la décision En ce qui concerne l’expression « comparaison directe ou indirecte » avec une drogue innovante, la présomption d’uniformité des expressions a été réfutée en l’espèce L’expression « comparaison directe ou indirecte » figurant à l’art. C.08.004.1 du Règlement doit être interprétée différemment de l’expression « directement ou indirectement, compare » figurant dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (RMB(AC)) — Toutefois, bien que les dispositions relatives à la protection des données et le RMB(AC) aient des contextes similaires, ils ont des objets différents, des libellés différents ainsi que des contextes réglementaires et jurisprudentiels différents — La structure du RMB(AC) appuie l’interprétation selon laquelle la comparaison directe ou indirecte en question ne fait référence qu’à l’« autre drogue », alors que le contexte de l’art. C.08.004.1 du Règlement donne à penser que l’emploi en soi de l’expression « comparaison directe ou indirecte » vise à inclure toute comparaison avec la « drogue innovante » — Bien que les dispositions relatives à la protection des données et le RMB(AC) aient un libellé similaire, un sens différent doit leur être donné pour refléter leurs contextes réglementaires respectifs — L’interprétation de l’art. C.08.004.01(3) du Règlement par la défenderesse était raisonnable — Après avoir examiné les questions contextuelles soulevées par la défenderesse et les arguments supplémentaires soulevés par la demanderesse, il est apparu évident que l’interaction du texte, du contexte et de l’objet ouvraient la porte à une seule interprétation raisonnable du Règlement : la « comparaison directe ou indirecte » avec une drogue innovante qui constitue le déclencheur de l’application des dispositions relatives à la protection des données peut comprendre une comparaison entre le produit d’un fabricant et un produit pharmaceutique qui, à son tour, a été comparé au produit innovant aux fins d’approbation — Étant donné que la défenderesse a conclu que la demanderesse comparait son produit à DESCOVY, et que l’approbation de DESCOVY était fondée sur une comparaison avec GENVOYA et les données mêmes présentées à l’appui de son statut de drogue innovante, le résultat voulant que le dépôt de la PADN de la demanderesse ne puisse pas être autorisé était inévitable — Demande rejetée.

Natco Pharma (Canada) Inc. c. Canada (Santé) (T-1353-19, 2020 CF 788, juge McHaffie, motifs du jugement en date du 24 juillet 2020, 50 p.)

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