Fiches analytiques

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Contenu de la décision

Citoyenneté et Immigration

Statut au Canada

Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger

Contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a décliné d’accorder l’appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) — La demanderesse est une citoyenne du Tchad qui a présenté une demande d’asile au Canada; elle était accompagnée de ses deux filles qui sont des citoyennes de la Grande‑Bretagne — Au Tchad, la demanderesse était membre de la Coordination des associations de la société civile et de défense des droits de l’homme (CASCIDHO) depuis 2009 où elle dit avoir été impliquée dans la défense des droits de la femme — Elle a dit être constamment menacée et craindre pour sa vie dans son pays d’origine, mais la preuve à l’appui était mince — En sa qualité de coordonnatrice de la CASCIDHO, la demanderesse a travaillé à la mobilisation et à la conscientisation des femmes; son action était axée sur le mariage précoce et l’excision des filles — Elle a soutenu qu’elle avait projeté un film sur l’excision dans l’enceinte de l’école du quartier et que, durant cette projection, des policiers étaient intervenus — La demanderesse a dit avoir été arrêtée et conduite au commissariat, où elle aurait été battue; elle a ensuite été relâchée — La demanderesse a quitté son pays après avoir reçu une convocation réclamant sa présence devant le Conseil supérieur des affaires islamiques — La décision de la SPR était courte — Dès le départ, la demande d’asile faite au nom des deux enfants de la demanderesse a été rejetée étant donné que celles‑ci, étant citoyennes de Grande‑Bretagne, n’avaient aucune revendication contre leur pays de citoyenneté — Quant à la demande faite par la demanderesse, elle n’était pas crédible selon la SPR — Il a été noté que deux convocations auprès du Conseil supérieur des affaires islamiques ont été faites, la seconde étant envoyée aux fins d’une convocation plus d’une année après le départ du Tchad par la demanderesse — Pour la SPR, il s’agissait là de deux convocations de complaisance — La SPR a constaté que ni l’une ni l’autre des convocations n’indiquaient la mention « madame », ce qui, a dit la SPR, était contraire à ce que l’on voit habituellement venant du Tchad La SPR a aussi reproché à la demanderesse d’être restée aux États‑Unis pendant quatre jours après son départ du Tchad sans pour autant demander l’asile — La demanderesse a soutenu que la SAR devait entendre les appels de novo et qu’elle devait analyser la preuve qui lui était présentée et tirer ses propres conclusions — Après avoir pris en considération la preuve et effectué sa propre évaluation indépendante de la preuve au dossier, y compris l’écoute de l’enregistrement, la SAR a conclu que la décision de la SPR était correcte, mais pour d’autres motifs — La SAR a dit être d’accord avec la SPR que les divergences et contradictions sur les avis de convocation, quoique pouvant sembler insignifiantes lorsque prises à la pièce, constituaient, lorsque prises ensemble, des éléments pour appuyer la conclusion d’un manque de crédibilité — La SAR a aussi relevé d’autres éléments qui ont semblé la conforter dans sa conclusion; ainsi, le film qui avait été projeté n’était pas illégal ni interdit de projection; la demanderesse n’a pu expliquer pourquoi la police l’aurait arrêtée en de pareilles circonstances; elle n’a pas plus expliqué sa peur du Conseil des affaires islamiques — Cela a fait conclure à la SAR qu’il n’a pas été établi par la demanderesse une possibilité sérieuse de persécution au Tchad — Au titre de l’équité procédurale, la demanderesse a fait valoir que la SAR avait considéré un nouveau motif du fait que les éléments supplémentaires sur lesquels s’est reposée la SAR au sujet de la crédibilité de la demande d’asile n’avaient pas fait l’objet d’une décision de la part de la SPR — La demanderesse s’est plainte à la SAR que les conclusions tirées par la SPR ne reposaient que sur des faits secondaires; il aurait fallu demander des soumissions additionnelles avant de rendre la décision à l'étude si de nouveaux éléments devaient être considérés alors qu’ils ne l’avaient pas été par la SPR — Examinant davantage cette question de la crédibilité, la SAR a fait ses propres constatations et relevé les irrégularités — De plus, d’autres éléments non avancés par la SPR sont ressortis de son écoute de l’enregistrement de l’audience — Il s’agissait de savoir si la décision de la SAR était conforme à l’équité procédurale — Suivant le principe établi, si une nouvelle question est soulevée en appel devant la SAR, il y a lieu de notifier le demandeur — La demanderesse a fait valoir que de nouveaux éléments utilisés par la SAR pour traiter de la crédibilité de la demanderesse requéraient qu’avis soit fourni pour permettre à la demanderesse de présenter ses observations — Une nuance a été apportée en ce que la décision de la SAR était dans la continuité des faits dont avait traité la SPR — La question au sujet de constatations à être faites par la SAR sur la crédibilité d’un demandeur n’était donc pas sans nuance — La jurisprudence de la Cour fédérale n’est pas monolithique et les faits continuent d’être importants — Il se peut que, dans une affaire donnée, la crédibilité d’une demanderesse prenne une autre couleur, que celle‑ci ressemble davantage à une nouvelle question qui requiert non pas une nouvelle audition, mais plutôt que la demanderesse puisse fournir ses observations — La décision dans Kwakwa c Canada (Citoyenneté et Immigration)2016 CF 600 méritait qu’on s’y arrête — Un examen de la jurisprudence récente de la Cour fédérale montre que, comme il est écrit dans Kwakwa, il y a une ligne fine (et parfois floue) entre des situations où la SAR soulève et aborde une « nouvelle question » et celles où elle fait simplement référence à un autre élément de preuve au dossier pour étayer une conclusion déjà existante de la SPR concernant une évaluation factuelle ou une question de crédibilité — Le cas d’espèce illustrait bien cette proposition — La SPR a rendu sa décision sur une base très étroite : l’avis de convocation du Conseil supérieur des affaires islamiques et une période de quatre jours aux États‑Unis avant de venir au Canada où la demande d’asile a été faite — En appel, la demanderesse s’est plainte que la décision de la SPR était basée sur des faits secondaires et non concluants et non suffisants pour rejeter la prépondérance de son témoignage sous serment La SAR est allée chercher d’autres éléments au dossier — La ligne fine et floue de Kwakwa a été franchie dans la présente affaire — Les questions soulevées par la SAR étaient sensiblement plus significatives que ce qui avait été soulevé par la SPR — La demanderesse a fait valoir en appel que la SPR ne pouvait conclure comme elle l’a fait sur des bases aussi ténues; cela a trouvé écho auprès de la SAR, qui a relevé plusieurs éléments supplémentaires pour étayer sa conclusion, éléments qu’elle a considérés comme étant probants sans avoir le bénéfice des observations de la demanderesse — En fin de compte, la décision était bien différente, allant plus loin dans l’explication, ce qui pourrait rendre une décision raisonnable au sens de Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 — Alors que la demanderesse a fondé son appel sur l’insuffisance de la justification pour conclure, la SAR a identifié des éléments ignorés par la SPR pour conclure — Mais il s’agissait là d’une décision différente, prenant en compte des éléments ignorés par la SPR — S’il ne s’agissait ici que d’étayer la conclusion de la SPR, il ne serait pas nécessaire de recueillir les observations de la demanderesse — C’est que la base sur laquelle la SPR a conclu sur la question de la crédibilité était tellement ténue (cela était la base même de l’appel) que, dans les circonstances de l’espèce, l’intervention de la SAR constituait un nouveau raisonnement — Tout nouveau raisonnement en matière de crédibilité ne peut être considéré sans en donner avis à une personne qui recherche le statut de réfugié ou de personne à protéger — La décision de la SPR était très mince, se concentrant pratiquement exclusivement sur l’avis de convocation jugé déficient; la SAR a considéré d’autres éléments qui, proportionnellement, étaient mieux élaborés et plus nombreux, ayant un meilleur poids — La résolution de la présente affaire est largement fonction des faits très particuliers de l’espèce — Lorsqu’est juxtaposée la décision de la SAR sur celle de la SPR, la SAR a essentiellement décidé sur la base d’une question nouvelle sur laquelle l’appel ne portait pas — Il serait plus prudent que la SAR effectue une nouvelle détermination de l’appel de la décision de la SPR — Si la SAR croit que la question de crédibilité soulevée par la SPR et au sujet de laquelle l’appel a été lancé requiert son examen plus complet de la preuve au dossier, elle devrait considérer donner un avis à la demanderesse pour que celle‑ci puisse offrir ses observations et commentaires — Étant donné la conclusion sur l’atteinte à l’équité procédurale, il n’était ni nécessaire ni approprié de considérer si la décision de la SAR était raisonnable — Demande accueillie

 

Bouchra c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (IMM-7563-19, 2020 CF 1063, juge Roy, motifs du jugement en date du 17 novembre 2020, 22 p.)

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