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Impôt sur le revenu

Pratique

Appel d’une ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt (C.C.I.) (2018 CCI 55) modifiant son jugement dans la première affaire, concernant l’appel interjeté par l’intimé à l’encontre de la cotisation d’impôt sur le revenu établie par le ministre du Revenu national à l’égard de certaines années d’imposition — L’appelante a demandé que lui soient adjugés des dépens pour l’instance devant la Cour de l’impôt, en raison de l’offre de règlement qu’elle a présentée, mais qui a été rejetée — L’appel mettait en cause deux affaires qui se chevauchaient et qui avaient un élément en commun : elles portaient sur la validité et le caractère approprié des dépens adjugés par la C.C.I. dans les instances devant elle — Dans la première affaire, l’intimé a interjeté appel des cotisations d’impôt sur le revenu établies par le ministre à l’égard de certaines années d’imposition, et il a obtenu gain de cause devant la C.C.I.; des dépens calculés selon le barème habituel pour ce type d’instance lui ont été adjugés — L’appelante a interjeté appel de cette décision auprès de la Cour d’appel fédérale, et elle a obtenu gain de cause; des dépens calculés selon le barème habituel lui ont été adjugés, notamment pour l’instance devant la C.C.I. — L’intimé a interjeté appel auprès de la Cour suprême, mais son appel a été rejeté avec dépens — La décision de la Cour d’appel fédérale concernant les dépens adjugés pour l’instance devant la C.C.I. a donc été maintenue — La deuxième affaire a débuté après que l’intimé a obtenu gain de cause dans la première affaire devant la C.C.I., mais avant que la Cour d’appel fédérale n’entende l’appel de l’appelante — L’intimé a présenté une requête à la C.C.I. afin que celle‑ci modifie les dépens qu’elle avait adjugés; il a demandé que les dépens pour l’instance devant la C.C.I. soient majorés en raison de l’offre de règlement qu’il avait présentée — La C.C.I. a accueilli la requête de l’intimé et a modifié le jugement qu’elle avait rendu dans la première affaire — Il s’agissait de savoir si les dépens adjugés par la C.C.I. pour l’instance étaient valides et appropriés — Dès que la Cour suprême a statué sur la première affaire, lorsqu’elle a rejeté l’appel de l’intimé, le principe de la chose jugée a commencé à s’appliquer — Selon ce principe, les mêmes parties ne peuvent pas remettre en cause dans une autre procédure un droit à une mesure de redressement qui a fait l’objet d’une décision définitive — La question du droit aux dépens pour l’instance devant la C.C.I. a été soulevée et tranchée dans la première affaire — Cette question ne pouvait pas être remise en cause dans la deuxième affaire — L’appel dont la Cour d’appel fédérale était présentement saisie constituait une attaque indirecte inadmissible contre le jugement rendu sur cette question par la Cour suprême — La Cour suprême a rejeté l’appel interjeté contre le jugement de la Cour d’appel fédérale et a confirmé ce jugement, ce qui comprenait l’adjudication de dépens pour l’instance devant la C.C.I. — L’ordonnance de la C.C.I. dans la deuxième affaire était entièrement subordonnée à l’ordonnance que celle‑ci avait rendue dans la première affaire — La règle qui a rendu possible l’ordonnance dans la deuxième affaire figure au paragraphe 147(7) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90‑688a — Selon cette disposition, la C.C.I. peut donner des directives à l’officier taxateur à l’égard d’une ordonnance d’adjudication de dépens qu’elle a déjà rendue ou elle peut reconsidérer cette ordonnance — Lorsque la Cour d’appel fédérale a rendu son jugement accueillant l’appel de l’appelante et annulant le jugement de la C.C.I. (y compris l’adjudication de dépens), tout le fondement de l’ordonnance rendue dans la deuxième affaire en application du paragraphe 147(7) s’est écroulé, de sorte que cette ordonnance n’avait plus aucun effet juridique — Ainsi, le jugement de la Cour d’appel fédérale a rendu nuls à la fois le jugement de la C.C.I. (y compris l’adjudication des dépens) et l’ordonnance prononcée en application du paragraphe 147(7) — Pour qu’une partie puisse interjeter appel d’une ordonnance, cette ordonnance doit exister — Parce que l’ordonnance rendue en application de l’art. 147(7) – c’est-à-dire l’ordonnance de la C.C.I. dans la deuxième affaire – a été annulée, l’appel de cette ordonnance était frappé de nullité — Il n’y avait donc plus d’appel dont la Cour d’appel fédérale pouvait être saisie — Bien que ces explications suffisaient pour justifier le rejet de l’appel de l’appelante, le droit régissant les ordonnances et les jugements ainsi que leurs effets a été examiné — L’argument de l’appelante selon lequel la question des dépens majorés n’a pas été examinée dans l’appel porté devant la Cour d’appel fédérale et qu’elle pouvait par conséquent demander des dépens majorés a été rejeté parce qu’il faisait abstraction du fait que le principe interdisant la remise en cause s’applique non seulement aux questions qui ont été soulevées, mais également à celles qui auraient pu l’être; sinon, les litiges ne finiraient jamais — Les « dépens » et les « dépens majorés » ne sont pas deux questions distinctes — Lorsqu’un tribunal adjuge des dépens, il est entendu qu’il tranche la question du droit aux dépens pleinement et définitivement, sous réserve uniquement des exceptions restreintes prévues par les Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 — Lorsqu’elle a suspendu l’appel dans la deuxième affaire, avec le consentement des parties, en attendant que la première affaire soit tranchée, la Cour d’appel fédérale n’a pas admis – ou recommandé ou approuvé – que l’appel était d’une certaine manière protégé contre le principe de la chose jugée — Il était en outre trop tard pour que l’appelante se prévale du mécanisme prévu à la règle 403 des Règles des Cours fédérales, puisqu’elle n’a pas présenté de requête en vertu de cette règle; elle n’a pas non plus demandé de prorogation de délai en vertu de la règle 8 des Règles des Cours fédérales; et, même si elle l’avait fait, la prorogation de délai ne lui aurait pas été accordée — Enfin, même si les arguments de l’appelante étaient retenus, un problème insurmontable persistait : l’ordonnance portée en appel dans la deuxième affaire – c’est-à-dire l’ordonnance faisant l’objet du présent appel – n’existait plus — Notre Cour peut intervenir pour promouvoir, mettre en application et défendre certaines valeurs prisées par notre système judiciaire, notamment l’efficacité, l’économie judiciaire et le caractère définitif des décisions : règle 3 des Règles des Cours fédérales — S’il est vrai que les questions relatives au principe de la chose jugée et au caractère définitif des décisions sont habituellement invoquées par une partie, la Cour d’appel fédérale peut soulever ces questions dans une situation comme celle en l’espèce — L’« équité » n’est pas une exception au principe du caractère définitif des jugements qui s’applique en l’espèce — L’équité est un principe pertinent qui s’applique à d’autres principes interdisant la remise en cause, notamment la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et le recours abusif; il ne s’agissait toutefois pas en l’espèce d’une telle question — L’appel dans la première affaire a décidé de l’issue de la deuxième affaire — Durant la première affaire, les deux parties auraient dû informer la Cour d’appel fédérale de la deuxième affaire — Appel rejeté.

Canada c. MacDonald (A-118-18, 2021 CAF 6, juge Stratas, J.C.A., motifs du jugement en date du 19 janvier 2021, 13 p.)

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