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Jugements et ordonnances

Jugement par défaut

Requête déposée par les défendeurs, R E Stats Inc., faisant affaire sous le nom de ReDatum, et Gabriel Stefanescu (les défendeurs), en vue de faire annuler l’ordonnance faisant droit à la requête ex parte de la demanderesse, par laquelle celle‑ci a obtenu, entre autres choses, un jugement par défaut contre les défendeurs — Le défendeur Kenneth Decena n’a pas déposé ni formulé de thèse — Les défendeurs ont sollicité également : une ordonnance visant la prorogation de l’échéance pour signifier et déposer leur défense ou toute requête de leur part liée à leur déclaration (p. ex., une requête en radiation ou pour précisions) au trentième jour suivant la date à laquelle la Cour rend une ordonnance annulant le jugement par défaut; une ordonnance visant l’octroi en leur faveur des dépens afférents à la présente requête, sur la base d’une indemnité complète; et toute autre réparation que la Cour pourrait estimer juste — La demanderesse est la plus importante chambre immobilière au Canada, comptant plus de 56 000 membres qui sont vendeurs ou courtiers immobiliers autorisés — Elle est une entité sans but lucratif, constituée sous le régime des lois de l’Ontario et exploitée à titre d’association commerciale — La demanderesse a conçu et exploite le système MLS® de la TRREB (le système) — La société défenderesse, R E Stats Inc., qui fait affaire sous le nom de ReDatum, est située à Toronto, en Ontario, et fournit des services à des parties dans le secteur immobilier — Elle exerce ses activités au moyen d’un portail en ligne — Le système serait une œuvre susceptible d’être protégée par un droit d’auteur appartenant à la demanderesse — Cette dernière a enregistré son droit d’auteur relatif à son système pour chaque année depuis 2015 — Dans l’arrêt Toronto Real Estate Board c. Commissaire de la concurrence, 2017 CAF 236, [2018] 3 R.C.F. 563 la Cour d’appel fédérale a analysé la question de savoir s’il existait un droit d’auteur relatif à la base de données du système — Cette analyse a été effectuée dans le contexte d’un appel interjeté à l’encontre de deux décisions du Tribunal de la concurrence — La Cour d’appel fédérale a conclu que le critère de l’originalité n’avait pas été rempli dans le contexte de cette instance — Dans la présente action, la demanderesse a déposé une requête en injonction interlocutoire à l’encontre des défendeurs, laquelle a été rejetée par la Cour fédérale (Toronto Regional Real Estate Board c. RE Stats Inc. (Redatum), 2021 CF 30) — La demanderesse cherchait à empêcher les défendeurs d’exercer certaines activités qui, prétendait‑elle, violaient son droit d’auteur — La Cour a tenu compte du fait que les défendeurs se fondaient sur l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence, mais elle a néanmoins conclu que le premier volet du critère applicable à la délivrance d’une injonction interlocutoire – l’existence d’une question sérieuse à juger – était satisfait — Cependant, l’existence d’un préjudice irréparable n’a pas été établie, et la demande d’injonction a été rejetée — La Cour a subséquemment délivré aux parties un avis d’examen de l’état de l’instance, puisqu’aucune déclaration, défense ou requête en jugement par défaut n’avait été déposée dans le délai prescrit — En réponse, la demanderesse a déposé une requête ex parte en jugement par défaut — La demanderesse n’en a pas avisé les défendeurs, et la Cour, parce qu’ils étaient en défaut, les a exclus de sa correspondance — Après que l’avis d’examen de l’état de l’instance eut été délivré, les avocats des défendeurs ont envoyé un courriel aux avocats de la demanderesse pour leur demander ce qui se passait, mais les avocats de la demanderesse n’ont pas répondu à ce courriel — La demanderesse a ensuite déposé une requête ex parte en jugement par défaut, laquelle requête a été accueillie (Toronto Regional Real Estate Board c. R E Stats Inc. (Redatum), 2021 CF 735 — Ce jugement par défaut a accordé une injonction permanente interdisant aux défendeurs a) de copier le système ou de violer autrement le droit d’auteur relatif à celui‑ci, b) de contourner les mesures techniques de protection du système, et c) de contribuer de quelque manière que ce soit à fournir un accès au système ou d’aider à recueillir, à afficher ou à diffuser tout renseignement provenant du système — Le jugement par défaut a aussi condamné R E Stats à payer des dommages‑intérêts de 50 000 $ et ordonné que les défendeurs divulguent l’ensemble des méthodes et des moyens utilisés pour accéder au système ou pour obtenir du contenu de celui‑ci, et qu’ils détruisent ou rendent la totalité du contenu du système qu’ils détenaient — Les défendeurs ont déposé l’avis de la présente requête peu de temps après avoir reçu copie du jugement par défaut — Ils ont communiqué avec les avocats de la demanderesse pour leur demander des documents pertinents, mais ils n’ont pas reçu de réponse — La seule question en litige était celle de savoir si le jugement par défaut devrait être annulé — Conformément au paragraphe 399(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, la Cour peut, sur requête, annuler ou modifier toute ordonnance rendue sur requête ex parte si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n’aurait pas dû être rendue — Le critère à appliquer pour annuler un jugement par défaut obtenu ex parte est bien établi : la partie qui présente la requête doit convaincre la Cour : 1) qu’elle a une explication raisonnable justifiant son omission de déposer une défense; 2) qu’elle a une défense prima facie sur le fond à opposer à la demande du demandeur, et 3) qu’elle a promptement demandé l’annulation du jugement par défaut — Le critère à trois volets est conjonctif – pour que leur requête soit accueillie, les défendeurs doivent satisfaire à tous les volets du critère — En ce qui concerne le premier volet du critère, il n’a fait aucun doute que les défendeurs n’ont pas déposé de défense, qu’ils n’ont pas demandé de prorogation du délai pour déposer une défense et qu’ils n’ont pas fourni de preuve démontrant qu’ils avaient l’intention de le faire — Néanmoins, la demande d’injonction rejetée, les conclusions de la Cour d’appel fédérale et de la Cour selon lesquelles le système n’est pas protégé par un droit d’auteur valide, et l’absence de réponse de la demanderesse au courriel des défendeurs ont fourni à ces derniers des motifs raisonnables de supposer que la demanderesse ne donnait pas activement suite à la présente action et ont constitué une sorte d’explication au fait qu’ils avaient tardé à déposer une défense — Les défendeurs ont donc satisfait au premier volet du critère à appliquer pour annuler une ordonnance de jugement de défaut — En ce qui concerne le deuxième volet du critère, bien que la requête en injonction interlocutoire de la demanderesse ait été rejetée, la Cour a conclu qu’il y avait une question sérieuse à juger — La demanderesse a établi prima facie qu’il existait un droit d’auteur relatif au système et qu’elle en était la titulaire, comme il a été affirmé dans le jugement par défaut — Toutefois, compte tenu des conclusions de la Cour d’appel fédérale et de la Cour, selon lesquelles il n’existe pas de droit d’auteur relatif au système de la TREB, de sérieuses questions se posaient concernant le bien‑fondé de la réclamation de la demanderesse dans le cadre de la présente action — Pour cette raison, les défendeurs avaient une défense prima facie et ils ont satisfait au deuxième volet du critère — Puisque les défendeurs ont promptement présenté la présente requête, le troisième volet du critère n’était pas en cause en l’espèce — En ce qui concerne l’obligation de divulgation complète et franche de la demanderesse, en présentant une requête ex parte, cette dernière a accepté l’obligation de divulgation complète et franche requise pour atténuer le risque d’injustice inhérent à une affaire dans laquelle un juge peut rendre une ordonnance après n’avoir entendu qu’une des parties — Les défendeurs ont affirmé que la demanderesse a manqué à son obligation notamment en ne divulguant pas l’avis d’examen de l’état de l’instance, ou l’état de ses observations écrites en réponse à l’avis de révision de l’état de l’instance, dans ses documents de requête en jugement par défaut — La demanderesse avait le droit de présenter la requête ex parte en jugement par défaut, mais comme il a été affirmé dans l’ordonnance et les motifs du jugement par défaut, il aurait été plus prudent d’aviser les défendeurs — Compte tenu de la preuve supplémentaire que représentait le courriel envoyé par les avocats des défendeurs, cela était encore plus vrai — De plus, le paragraphe 382(1) prévoit que, si l’action fait l’objet d’un avis d’examen de l’état de l’instance, le demandeur doit signifier et déposer, dans les quinze jours de la date de l’avis d’examen de l’état de l’instance, ses prétentions énonçant les raisons pour lesquelles l’instance ne devrait pas être rejetée pour cause de retard — La demanderesse n’a pas signifié de telles prétentions et elle n’a pas répondu au courriel dans lequel les défendeurs s’informaient de ses intentions concernant l’avis d’examen de l’état de l’instance — Bien que le jugement par défaut devait être annulé, la présente décision ne signifiait nullement qu’il était admis ou accepté que les défendeurs ne déposent pas de défense en temps opportun et conformément aux Règles — Requête accueillie.

Toronto Regional Real Estate Board c. R E Stats Inc. (ReDatum) (T-898-20, 2021 CF 1193, juge Manson, motifs du jugement en date du 8 novembre 2021, 17 p.)

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