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[2021] 3 R.C.F. F-18

 

Assurance-emploi

Contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Tribunal de la sécurité sociale — Division d’appel qui a accueilli l’appel de la Commission de l’assurance-emploi au motif que la Division générale avait erré en droit dans l’interprétation de l’expression « prestations du même genre » — Cette affaire soulève pour la première fois l’arrimage de la Loi sur l’assurance parentale, R.L.R.Q., ch. A-29.011 (la Loi québécoise) avec les dispositions de la Loi sur l’assurance emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) et du Règlement sur l’assurance-emploi (DORS/96-332) (le Règlement) — La question au cœur du présent litige consistait à déterminer si les prestations de paternité prévues par le régime québécois constituent des « prestations du même genre » que les prestations de maternité et les prestations parentales offertes par le régime fédéral au terme du paragraphe 76.19(1.1) du Règlement[1] — Le demandeur a accumulé 600 heures d’emploi assurable entre le 1er mai et 15 septembre 2017 — Il a pris un congé de paternité et a reçu des prestations aux termes de la Loi québécoise du 17 septembre au 21 octobre — Il a par la suite repris le travail mais a été mis à pied quelques semaines plus tard — Il a touché des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 3 décembre — La Commission a déterminé que le début de la période de prestations était plutôt le 17 septembre — Elle a considéré que le demandeur n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi régulières conformément au paragraphe 7(2) de la Loi, et lui a réclamé un trop-payé d’une somme de 4 400,00 $ — La Division générale a infirmé la décision de la Commission — Elle a conclu que l’art. 76.19(1.1) ne trouvait pas application en l’espèce, du fait que les prestations de paternité prévues par le Régime québécois ne sont pas des prestations du même genre que les prestations parentales prévues dans le régime d’assurance-emploi — En concluant que la Division générale avait erré en droit, la Division d’appel a déterminé que le sens ordinaire des mots « du même genre » signifie « qui a des traits communs » ou « qui exprime une ressemblance » et qu’il ne serait pas nécessaire que le prestataire soit en droit de recevoir des prestations identiques en vertu des régimes québécois et fédéral — Le demandeur a, entre autres, soutenu que la Division d’appel n’a pas tenu compte de l’intention du législateur dans son interprétation du paragraphe 76.19(1.1), qui était d’empêcher un prestataire de recevoir des prestations en vertu du Régime québécois et de la Loi pour la même période — Selon le demandeur, il est impossible pour un prestataire de recevoir des prestations de paternité en vertu de la Loi, puisque cette dernière ne prévoit que des prestations de maternité et parentales — De l’avis du demandeur, les prestations de paternité sont distinctes et différentes des prestations de maternité et parentales du RQAP et de la Loi dans la mesure où elles visent uniquement les pères et ont leurs propres conditions — Il s’agissait de déterminer si la décision de la Division d’appel d’écarter l’interprétation des mots « prestations du même genre » retenue par la Division générale était raisonnable — Il était tout à fait raisonnable pour la Division d’appel de conclure que la décision de la Division générale était erronée en droit — La Division d’appel pouvait raisonnablement conclure que le paragraphe 76.19(1.1) ne souffre d’aucune ambiguïté et que la Division générale a erré en opinant que les prestations de paternité du Régime québécois ne sont pas des prestations du même genre que les prestations parentales du seul fait que les prestations de paternité n’existent pas sous le régime fédéral — Si le législateur avait voulu que le paragraphe 76.19(1.1) ne trouve application que dans les cas où le même type de prestation est offert par les deux paliers de gouvernement, il n’aurait pas utilisé l’expression « prestations du même genre » — Les mots « du même genre » ne signifient pas « identique », mais réfèrent plutôt à la ressemblance ou au partage de caractéristiques communes — Il est clair que l’on ne s’attendait pas à ce que les prestations provinciales soient identiques aux prestations fédérales, et que l’on n’envisageait pas l’impossibilité de les cumuler dans les seuls cas où les deux régimes se chevaucheraient — L’interprétation retenue par la Division d’appel est conforme au sens ordinaire des mots, au contexte global du texte réglementaire dans lequel s’insère le paragraphe 76.19(1.1) et également à l’objet visé par le législateur — La compétence fédérale sur l’assurance-chômage autorise le Parlement à légiférer non seulement pour prévoir des prestations de maternité mais également des prestations parentales, du fait qu’elles sont toutes les deux liées « à la fonction de reproduction de la société » — Les prestations offertes aux pères sont clairement des « prestations du même genre » que les prestations de maternité et les prestations parentales et jouent le même rôle social — La Partie III.1 du Règlement, dans laquelle se trouve l’article 76.19(1.1), a été adoptée pour donner suite aux ententes conclues entre le gouvernement du Canada et celui d’une province et faciliter la coexistence des deux régimes — Les mesures relatives à l’admissibilité que l’on trouve dans le règlement visent surtout l’atteinte d’une certaine cohérence lorsqu’une entente a été conclue avec une province qui a adopté son propre régime de prestations — Toutes les prestations provinciales versées à une personne pour lui permettre de donner des soins à un nouveau-né doivent être considérées comme des « prestations du même genre » — Accepter la thèse du demandeur, comme l’a fait la Division générale, impliquerait qu’il aurait pu recevoir pour la même période des prestations de paternité en vertu de la loi québécoise et des prestations parentales en vertu de la Loi — Cela irait non seulement à l’encontre du paragraphe 76.09(1) du Règlement, mais serait inéquitable pour les autres Canadiens des autres provinces qui se trouveraient par le fait même à financer des prestations au paiement desquelles les résidents du Québec ne contribuent pas — Au surplus, le demandeur pourrait subséquemment recevoir des prestations régulières sans qu’il soit tenu compte des prestations de paternité qu’il a déjà reçues, ce qui lui procurerait un avantage indu par rapport à tous les autres prestataires résidant dans une autre province qui ne s’est pas dotée d’un régime équivalent à celui du Québec — Il était donc tout à fait raisonnable pour la Division d’appel de conclure que la décision de la Division générale était erronée en droit et que l’appel devait être accueilli — Demande rejetée.

Ouimet c. Canada (Procureur général) (A-176-19, 2021 CAF 200, juge de Montigny, J.C.A., motifs du jugement en date du 15 octobre 2021, 14 pp.)



[1] L’art 76.19(1.1) prévoit qu’une période de prestations est réputée établie au moment où la période de prestations a été établie en vertu de la loi provinciale, et elle est réputée avoir débuté la même semaine que celle établie en vertu de la loi provinciale dans le cas où le prestataire aurait été en droit de recevoir des prestations du même genre en vertu de la Loi pour la même période.

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