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[2022] 1 R.C.F. F-16

Pratique

Recours collectifs

Requête visant à faire autoriser une action sous‑jacente comme étant un recours collectif pour le compte d’environ 10 000 anciens combattants admissibles à une prestation de retraite supplémentaire en 2019, qui pourraient ne pas avoir reçu cette prestation ou qui pourraient avoir reçu à ce titre un montant moins élevé que, de l’avis du demandeur, ils auraient dû toucher en raison de la conduite alléguée du défendeur — Le demandeur était le représentant demandeur proposé et membre du groupe — Il a été libéré des Forces armées canadiennes pour des raisons médicales en 1996 — Il a allégué une négligence systémique (subsidiairement, de fausses déclarations négligentes), le manquement à une obligation fiduciaire et un enrichissement sans cause par le Canada, plus particulièrement par Anciens Combattants Canada (ACC) — Le demandeur et d’autres anciens combattants ont fourni des affidavits par lesquels ils ont attesté qu’en raison de blessures associées au service, ils ont eu de la difficulté à réintégrer la vie civile — Les déposants ont décrit les expériences vécues lorsqu’ils ont demandé des renseignements au sujet de l’allocation pour perte de revenus (APR) et de la prestation de retraite supplémentaire (PRS) et obtenu ceux‑ci d’ACC — Le demandeur a allégué notamment que les anciens combattants ne sont pas suffisamment soutenus — Il a fait valoir qu’ACC a systématiquement mal conseillé les membres du groupe proposé au sujet de leur admissibilité aux prestations, n’a pas informé les membres du groupe proposé de la manière dont la PRS serait calculée ou du fait que la PRS dépendait de l’admissibilité à l’APR et de l’approbation de celle‑ci — Il a soutenu que l’allégation de négligence systémique était une cause d’action raisonnable — Le défendeur a fait valoir que les allégations du demandeur ne satisfaisaient pas au critère applicable pour autoriser un recours collectif et que ses allégations de manquement à une obligation fiduciaire et d’enrichissement sans cause ne peuvent être retenues — Il s’agissait de savoir si le demandeur a établi les éléments du critère applicable pour autoriser une action comme étant un recours collectif, autrement dit 1) si les actes de procédure révélaient une cause d’action raisonnable, et 2) si un certain fondement factuel a été établi pour toutes les autres conditions préalables à l’autorisation d’un recours collectif — Pour déterminer si un acte de procédure révèle une cause d’action raisonnable, il faut savoir s’il est évident et manifeste que l’acte de procédure ne révèle aucune cause d’action raisonnable, autrement dit qu’il n’y a aucune chance raisonnable de succès — L’allégation de négligence systémique du demandeur n’avait aucune chance raisonnable d’être retenue et devrait être radiée — Le demandeur n’a invoqué aucun fait à l’appui de l’affirmation selon laquelle AAC n’avait pas de procédures de gestion ou opérationnelles adéquates — Concernant la question de savoir s’il était évident et manifeste que la cause d’action liée aux fausses déclarations négligentes n’avait aucune chance raisonnable de succès, l’obligation de diligence dont il était question dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Jost, 2020 CAF 212, n’est pas analogue et ne devrait pas être élargie pour s’appliquer à l’égard des administrateurs d’autres régimes d’avantages sociaux — Les pensionnés qui ont contribué à un régime de pension au cours de nombreuses années, qui subissent toutefois des retards avant de toucher cette pension, sont différents des membres du groupe proposé qui pourraient être ou non admissibles à diverses prestations selon des critères d’admissibilité déterminés — Il n’est cependant pas évident et manifeste qu’ACC n’a aucune obligation de diligence envers les anciens combattants qui relèvent du groupe proposé — Les faits permettent de conclure à l’existence d’un lien de proximité entre les membres du groupe proposé, qui tous touchaient une APR et disposaient des services d’un gestionnaire de dossier d’ACC ou avaient des contacts périodiques avec des représentants d’ACC — Par conséquent, l’allégation de fausses déclarations négligentes est une cause d’action raisonnable et peut aller de l’avant — Concernant la question de savoir si l’allégation de manquement à une obligation fiduciaire est une cause d’action raisonnable, le versement de prestations de pension n’est pas en cause et les allégations faites contre ACC ne concernent pas un rôle qu’il pourrait jouer en tant qu’administrateur du régime de pension, mais plutôt en tant qu’administrateur de diverses prestations sociales assorties de critères d’admissibilité déterminés — Dans la présente affaire, il n’y a dans la loi aucun engagement de faire passer les intérêts des membres du groupe proposé avant ceux d’autres anciens combattants — La vulnérabilité alléguée du fait du contrôle d’ACC n’est pas suffisante pour établir l’existence d’une obligation fiduciaire — La cause d’action du demandeur pour manquement à une obligation fiduciaire n’avait aucune chance raisonnable de succès — La cause d’action du demandeur pour enrichissement sans cause n’avait elle non plus aucune chance raisonnable de succès — Le demandeur n’a invoqué aucune disposition législative ayant mené à l’enrichissement sans cause allégué du Canada — Concernant la question de savoir si le demandeur a prouvé l’existence d’un « certain fondement factuel » en ce qui concerne le reste des conditions préalables à une autorisation, le demandeur a satisfait au fardeau de définir le groupe proposé de manière qu’il reprenne les critères établis dans la jurisprudence — Les questions courantes se rapportent uniquement à la cause d’action en ce qui concerne les fausses déclarations négligentes — Le défendeur n’a offert aucune solution de rechange viable à un recours collectif — Dans le contexte de l’action dans son ensemble, comparativement aux autres solutions de rechange suggérées et compte tenu des coûts‑avantages et des aspects pratiques, le recours collectif est la procédure préférable — Le demandeur est un représentant demandeur approprié — Il satisfait aux critères prescrits par l‘alinéa 334.16(1)e) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 — Requête accueillie, action autorisée comme recours collectif.

Bruyea c. Canada (T-1106-20, 2022 CF 1409, juge Kane, motifs de l’ordonnance en date du 17 octobre 2022, 83 p.)

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