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[2022] 1 R.C.F. F-13

Concurrence

Appel d’une ordonnance rendue par le Tribunal de la concurrence le 31 décembre 2022 (2023 Trib. conc. 1) — Dans un premier temps, l’appelant a sollicité auprès du Tribunal de la concurrence une ordonnance visant à interdire le fusionnement des intimées Rogers Communications Inc. et Shaw Communications Inc. — Par la suite, le dessaisissement de Freedom Mobile Inc., une filiale de Shaw, en faveur de Vidéotron Ltée a été envisagé dans le cadre de l’opération — Pour rendre l’ordonnance interdisant l’opération dans son ensemble, le Tribunal devait conclure qu’elle aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence au sens de l’art. 92 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C‑34 — Le Tribunal de la concurrence n’est pas arrivé à une telle conclusion — Il a tenu compte des nombreux témoignages, notamment de témoins experts, ainsi que d’une preuve documentaire — Il a préféré le témoignage de presque tous les experts des intimées à celui des experts de l’appelant — Certes, le Tribunal de la concurrence a traité certains points de droit, dont des questions relativement non litigieuses, mais il était surtout saisi de questions de fait — Il s’agissait de savoir si le Tribunal de la concurrence a commis une erreur susceptible de révision en rendant l’ordonnance en cause — Dans l’ensemble, le Tribunal de la concurrence a tiré deux principales conclusions mixtes de fait et de droit : les opérations n’auraient vraisemblablement pas pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence; les opérations à certains égards favorisaient en fait la concurrence — L’affaire, sur le plan de la concurrence, était loin de reposer sur des subtilités — Ces deux principales conclusions étaient amplement étayées par la preuve, avaient une importance cruciale pour l’issue de l’affaire et étaient inébranlables devant la Cour — Même si le Tribunal de la concurrence avait fait erreur sur les points de droit étroits soulevés par l’appelant, il n’a pas été établi que cette erreur aurait eu une incidence sur l’issue de l’affaire — Partant, il serait inutile de renvoyer l’affaire au Tribunal de la concurrence pour qu’il se prononce à nouveau — Cela suffisait à la Cour pour rejeter l’appel de l’appelant mais, par souci d’exhaustivité, les points de droit que l’appelant a soulevés ont été examinés — En premier lieu, l’appelant a affirmé qu’en droit, le Tribunal de la concurrence était limité à l’examen du scénario initial, à savoir le fusionnement de Rogers et Shaw, et qu’il ne devait pas examiner le fusionnement assorti d’un autre élément proposé après le début de l’instance devant le Tribunal, soit le dessaisissement de Freedom Mobile Inc. en faveur de Vidéotron — L’appelant a déclaré que la distinction importait, puisqu’il incomberait alors aux intimées de démontrer que le dessaisissement n’aurait pas pour effet de diminuer sensiblement la concurrence, dès lors qu’une telle diminution aurait été établie par l’appelant — L’argument a été rejeté; le fardeau de preuve peut importer si la preuve est lacunaire à l’égard d’un élément important ou dans les cas où les plateaux de la balance sont pour ainsi dire à égalité et qu’un poids doit y être jeté — Ce n’était toutefois pas le cas en l’espèce — À la lumière du dossier de preuve dont il était saisi, le Tribunal de la concurrence a conclu que l’issue serait inchangée même s’il acceptait la thèse de l’appelant sur le fardeau de la preuve — Cette conclusion était étayée par un raisonnement — Le Tribunal a tiré de nombreuses constatations de fait, claires et solides, en faveur de la thèse des intimées; il s’agissait là du fondement de son raisonnement — Le fardeau de la preuve peut aussi importer dans les cas où en faire fi – ou faire fi des circonstances – risquerait d’entraîner un manquement à l’équité procédurale à l’égard d’une partie — Cependant, en l’espèce, l’appelant était au courant du dessaisissement en faveur de Vidéotron et de l’avis possible du Tribunal de la concurrence sur la question du fardeau de la preuve assez tôt pour être en mesure d’ajuster le tir et de plaider pleinement sa cause — La question de savoir si le Tribunal de la concurrence pouvait connaître du véritable litige (le fusionnement et le dessaisissement plutôt que le fusionnement seul) était déterminée par le libellé de la Loi — En l’espèce, l’objet de la Loi prédominait — La Loi s’applique sur le plan de la vérité et de la réalité, et non sur celui de la fiction et de la fantaisie — Examiner le fusionnement seul constituerait une incursion dans la fiction et la fantaisie — L’efficacité est un autre objet de la Loi : une modification visant l’opération en cause nécessiterait la reprise de la procédure depuis le début — Retarder ainsi les choses, parfois longuement, risquerait de mener à l’abandon d’un projet somme toute favorable à la concurrence et qui était dans l’intérêt public — L’appelant a également fait valoir que le Tribunal a examiné à tort les ententes d’accès au réseau et les engagements relatifs aux prix sans le consentement de l’appelant, en contravention à l’art. 92(1)f)(iii)(B) de la Loi, mais il a eu tort — Le pouvoir de rendre une ordonnance que l’art. 92(1)f) confère au Tribunal n’intervenait pas, ce dernier n’ayant pas conclu à une diminution sensible de la concurrence — Enfin, peu de temps avant la tenue de l’audience dans l’appel, l’appelant a présenté une requête en vue de faire admettre de nouveaux éléments de preuve, suivant lesquels une partie a présenté au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes une demande soulevant certains aspects relatifs à la concurrence du dessaisissement visant Freedom Mobile — Toutefois, il n’a pas été satisfait au critère relatif à l’admission de nouveaux éléments de preuve — Requête en présentation de nouveaux éléments de preuve et appel rejetés.

Canada (Commissaire de la concurrence) c. Rogers Communications Inc. (A-286-22, 2023 CAF 16, juge Stratas, J.C.A., motifs du jugement en date du 24 janvier 2023, 10 p.)

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