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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Pratique

Recours collectifs

Requête visant à obtenir une directive sur l’application de la clause sur les demandes tardives (la clause sur les demandes tardives) dans l’entente de règlement définitive (ERD) négociée entre les demandeurs et le défendeur dans deux recours collectifs — Les recours et l’ERD rassemblaient deux groupes composés de femmes et d’hommes qui ont vécu de l’inconduite sexuelle alors qu’ils servaient dans les Forces armées canadiennes, travaillaient au ministère de la Défense nationale ou faisaient partie du Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes — L’ERD prévoyait que la date limite de présentation des demandes individuelles arriverait au terme du dix‑huitième mois suivant la date de mise en œuvre du 25 mai 2020 — Elle accordait par ailleurs une période additionnelle de 60 jours pendant laquelle les membres du groupe pouvaient toujours déposer leur demande si l’administrateur était convaincu que le retard était dû à une « invalidité ou [à] d’autres circonstances exceptionnelles » (période de prolongation) — En outre, l’ERD conférait à la Cour fédérale le pouvoir discrétionnaire d’autoriser la présentation d’autres demandes tardives après l’échéance de la période de prolongation appelée la clause sur les demandes tardives — À l’audition de la présente requête, on a estimé que l’administrateur avait reçu environ 640 demandes tardives après l’échéance de la période de prolongation — Les parties aux présentes ne s’entendaient pas sur le critère à appliquer pour autoriser les demandes tardives et sur la façon dont la clause sur les demandes tardives devait être appliquée — En plus de la requête visant à obtenir une directive, les demandeurs ont sollicité l’autorisation, au nom de 13 membres du groupe, de déposer leur demande après l’échéance de la période de prolongation — Les demandeurs ont soutenu que la clause sur les demandes tardives prévue dans l’ERD permet expressément d’accorder l’autorisation aux réclamants tardifs; ils ont soutenu que la Cour fédérale a compétence pour charger l’administrateur de déterminer s’il y a lieu d’accepter les demandes tardives — Les demandeurs ont invoqué en outre les Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et plus particulièrement la règle 8, qui permet de proroger tout délai fixé par ordonnance — Toute requête déposée sous le régime de la règle 8 peut être accueillie s’il est dans « l’intérêt de la justice » de le faire — Les défendeurs ont fait valoir plus particulièrement que la fonction de surveillance judiciaire concernant l’administration d’une entente de règlement se limite à combler les lacunes ou à faire exécuter les modalités de l’entente, que la cour qui exerce la fonction de surveillance n’a pas compétence pour modifier les modalités d’une entente à moins que le pouvoir ne lui soit expressément conféré par l’entente — Ils ont également soutenu qu’une fois le règlement conclu, aucune disposition de l’entente ou de l’ordonnance d’approbation de l’entente de règlement ne peut être modifiée sans le consentement de toutes les parties; sinon, la disposition est invalide — Selon le défendeur, la directive que les demandeurs souhaitaient obtenir ne visait aucune lacune dans l’entente de règlement — Il s’agissait de savoir quel critère devrait être appliqué pour déterminer s’il faut accorder l’autorisation de présenter une demande tardive; de quelle façon la clause sur les demandes tardives doit être appliquée; s’il y a lieu d’autoriser 13 membres du groupe à déposer leur demande après l’échéance de la période de prolongation — L’ERD confère le pouvoir discrétionnaire général d’autoriser les demandes tardives après l’échéance de la période de prolongation — Mais elle ne précise pas le critère qui doit être appliqué — Elle ne précise pas si le pouvoir discrétionnaire doit être exercé au cas par cas ou si une directive peut être fournie à l’administrateur ou aux évaluateurs pour définir les circonstances dans lesquelles les demandes tardives présentées après l’échéance de la période de prolongation peuvent être acceptées — C’est l’affaire Guglietti c. Toronto Area Transit Operating Authority[2000] O.J. no 2144 (C.S.) (QL), que la Cour supérieure de justice de l’Ontario a tranchée, qui ressemble le plus à la présente affaire — Dans cette affaire, le critère de l’« intérêt de la justice » a été appliqué pour autoriser une demande tardive — En l’espèce, l’ERD prévoyait la possibilité de présenter une demande après l’échéance de la période de prolongation, avec autorisation — Il n’y avait aucune raison de déroger à l’application du critère de l’« intérêt de la justice » énoncé dans l’affaire Guglietti dans des circonstances comparables — Lorsqu’on applique le critère de l’« intérêt de la justice » sous le régime de la règle 8, il faut déterminer si la partie qui demande l’autorisation a démontré : 1) qu’elle a une intention constante de poursuivre sa demande; 2) que la demande est bien fondée; 3) qu’aucun préjudice ne naît du délai; 4) qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai — Le défaut de démontrer l’un ou l’autre des critères précédents n’est pas déterminant, puisque le véritable critère est, en fin de compte, que la justice soit rendue entre les parties — En ce qui concerne l’application de la clause sur les demandes tardives, il est raisonnable de déduire que les parties s’attendaient à ce que le nombre de demandes présentées après la date limite de présentation des demandes individuelles et après l’échéance de la période de prorogation soit peu élevé — En réalité, ce nombre était toutefois important — Les obligations de l’entente doivent être interprétées en fonction de l’esprit de l’entente de façon à réparer les torts causés par le défendeur ou imputables à ce dernier — Il serait incompatible avec les principes fondamentaux de l’ERD de trancher de nombreuses demandes d’autorisation pour prendre part au règlement de façon publique et contradictoire, comme le prévoient les Règles — En outre, l’art. 10.03 de l’ERD stipule que les fonctions et responsabilités de l’administrateur incluent « les autres fonctions et responsabilités que la Cour pourra de temps à autre requérir par ordonnance » — Quant à savoir s’il est possible, tant aux termes des clauses de l’ERD que de la règle 334.26, de confier à l’administrateur ou aux évaluateurs les fonctions et responsabilités additionnelles de déterminer s’il y a lieu d’accepter les demandes tardives présentées après l’échéance de la période de prolongation, c’est l’administrateur qui est le mieux placé pour s’acquitter de ces fonctions et responsabilités additionnelles — L’administrateur a examiné et accepté environ 19 000 demandes, incluant les demandes tardives lorsque des circonstances atténuantes le justifiaient, qu’il a ensuite transmises aux évaluateurs — En ce qui concerne les demandes tardives de 13 membres du groupe, l’ERD ne prévoyait pas de date finale au règlement des réclamations — Il doit y avoir une date finale pour accepter les demandes — Bien que le défendeur n’ait pas établi que l’autorisation de présenter des demandes au‑delà de la période de prolongation causera un préjudice, il y aura un préjudice à moins qu’une directive précise soit donnée sur l’acceptation des demandes tardives et qu’une date finale où toutes les demandes devront avoir été présentées soit fixée — Les 13 réclamants qui ont demandé l’autorisation de déposer leur demande après l’échéance de la période de prolongation l’ont fait sans savoir le critère qui serait appliqué pour déterminer si l’autorisation serait accordée ou non — L’administrateur est le mieux placé pour décider s’il y a lieu d’accepter les demandes tardives — Par conséquent, l’administrateur doit déterminer s’il y a lieu d’accepter les 12 demandes tardives visées par la présente requête pour obtenir une autorisation ainsi que toute autre demande reçue après l’échéance de la période de prolongation conformément à la directive donnée dans l’ordonnance qui accompagne les présents motifs — L’administrateur doit refuser toute demande présentée après les 30 jours suivant la date de l’ordonnance — Une ordonnance distincte sera rendue pour autoriser la seule réclamante dont la demande d’autorisation n’a pas été opposée et garantir la confidentialité des 13 demandes d’autorisation visées par la présente requête.

Heyder c. Canada (Procureur général) (T-2111-16, T-460-17, 2023 CF 28, juge Fothergill, motifs de l’ordonnance en date du 6 janvier 2023, 20 p.)

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