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[2022] 2 R.C.F. F-13

ANTIDUMPING

Contrôle judiciaire de l’avis de décision définitive (la décision définitive) donné en janvier 2021 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) — L’ASFC a publié la version publique de l’exposé des motifs de la décision définitive (DONP 2020 IN) (l’exposé des motifs), dans lequel il est expliqué que l’ASFC a mis fin aux enquêtes de dumping et de subventionnement relativement à certains contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux originaires ou exportés de la République populaire de Chine — L’enquête de dumping a été close à l’égard de certaines des défenderesses (les défenderesses dont la marge de dumping est nulle) — Les marchandises en cause exportées par les défenderesses dont la marge de dumping est nulle représentent une fraction du volume des contreplaqués décoratifs et autres contreplaqués non structuraux importés au Canada par les exportateurs chinois visés par l’enquête de l’ASFC — L’ASFC a recensé 765 exportateurs et producteurs chinois potentiels des marchandises en cause en s’appuyant sur les documents d’importation de l’ASFC et sur l’information fournie par les demanderesses — Les demanderesses ont fait valoir que l’ASFC est allée à l’encontre de la primauté du droit en ne présentant pas les calculs des marges de dumping au président — Selon les demanderesses, l’omission de l’ASFC de fournir ces calculs constitue un manquement à l’équité procédurale conformément à l’art. 96.1(2)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. (1985), ch. S-15 (la LMSI), ou une erreur susceptible de contrôle conformément à l’art. 96.1(2)d) — Les demanderesses ont soutenu également que la décision de l’ASFC de mettre fin à l’enquête de dumping à l’égard des défenderesses était déraisonnable, parce qu’elle découlait de l’omission de l’ASFC de conclure qu’une situation particulière du marché (SPM) existait au regard des marchandises des défenderesses ou des marchandises de la République populaire de Chine — Le procureur général du Canada, une partie défenderesse, était, entre autres choses, d’avis qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale et qu’il n’était pas nécessaire que le président examine les calculs de l’ASFC — Le président a conclu qu’il n’existait pas de SPM, et il a établi les valeurs normales des marchandises des défenderesses dont la marge de dumping est nulle conformément à l’art. 29(1) pour l’ensemble des marchandises exportées, dans les cas où aucun renseignement sur les coûts de production n’avait été fourni — Les demanderesses ont demandé le contrôle judiciaire de la décision pour des motifs ayant trait à la démarche adoptée par le président pour établir s’il existait une SPM aux fins de ses enquêtes de dumping — Les demanderesses ont fait valoir quatre motifs principaux pour lesquels il était déraisonnable de la part du président de conclure qu’il n’existait pas de SPM dans l’industrie chinoise des contreplaqués décoratifs : 1) l’ASFC a limité les « programmes de soutien gouvernementaux » aux « subventions donnant lieu à une action »; 2) l’ASFC n’a pas tenu compte des montants de subvention liés aux exportateurs n’ayant pas coopéré lorsqu’elle s’est penchée sur les « programmes de soutien gouvernementaux »; 3) l’ASFC a conclu à tort que les prix des billes en Chine n’étaient pas faussés; 4) l’ASFC n’a pas examiné l’effet cumulatif des facteurs — Il s’agissait de déterminer si l’omission par le président d’inclure les calculs dans l’énoncé des motifs donnait lieu à un manquement à l’équité procédurale; si l’omission de la part de l’ASFC de fournir les calculs au président ou de les inclure dans l’énoncé des motifs rendait la décision définitive déraisonnable; et s’il était raisonnable de la part du président de conclure qu’il n’existait pas de SPM — Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale en l’espèce — La décision définitive doit être lue en parallèle avec l’énoncé des motifs et avec la version confidentielle du mémoire concernant le dumping — Dans la présente demande, les calculs ne font pas partie du dossier, n’ont pas été remis au décideur et n’ont pas été fournis aux demanderesses — L’obligation d’équité procédurale envers les demanderesses était peu élevée, étant donné que les demanderesses ont accès aux renseignements des exportateurs et vu les délais législatifs stricts dans lesquels le président doit réaliser ses enquêtes de dumping — Les demanderesses ne pouvaient invoquer les calculs pour appuyer une demande de contrôle judiciaire — La Cour peut seulement examiner la preuve dont disposait le décideur — Les calculs ne faisaient pas partie du dossier et n’ont pas été présentés au président — La décision définitive reposait sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et était justifiée au regard des contraintes juridiques auxquelles le président est assujetti — L’absence de calculs dans l’énoncé des motifs n’a pas rendu la décision inadéquate ou inintelligible — Dans la plupart des tribunaux administratifs, les calculs ou les détails de l’enquête ne sont pas soumis au décideur — Le décideur dispose généralement d’un rapport résumant les conclusions de fait et les méthodes retenues pour mener l’enquête ou pour trancher la question et parvenir à une conclusion — Tel était précisément le cas dans cette affaire — Il n’était pas déraisonnable de la part du président de se fonder sur des mémoires produits par les agents de l’ASFC, sans nécessairement consulter les calculs détaillés — Rien dans la LMSI n’exige que le président ait les calculs en main pour rendre ses décisions provisoires et ses décisions définitives — Cela dit, rien n’empêche le président de demander à avoir accès à ces calculs — En l’espèce, le pouvoir discrétionnaire du président n’a pas été exercé de façon arbitraire — Le président de l’ASFC n’a pas omis de fournir des motifs adéquats et intelligibles — L’inclusion de tableurs contenant une abondance de données aurait appelé à une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » et une nouvelle appréciation de la preuve — Il n’était pas déraisonnable de la part du président de se forger l’opinion qu’aucune SPM n’existait relativement aux marchandises des défenderesses dont la marge de dumping est nulle — Il était raisonnable de la part du président de limiter son analyse des programmes de soutien gouvernementaux aux subventions donnant lieu à une action afin de se prononcer sur l’éventuelle existence d’une SPM — L’analyse faite par le président ne restreint pas l’effet correctif des dispositions relatives aux SPM — Il était raisonnable de la part de l’ASFC de faire du terme « programmes de soutien gouvernementaux » une interprétation compatible avec le traitement réservé aux subventions en vertu de la LMSI — Le président a pris en considération l’ensemble des renseignements que contenait le dossier au sujet des programmes de soutien gouvernementaux — Malgré que l’art. 30.4(3) de la LMSI (qui empêche l’ASFC de prendre en considération des subventions ne donnant pas lieu à une action au moment d’évaluer le montant des subventions) ne s’applique pas directement à la décision rendue au sujet de la SPM, il était raisonnable de la part du président d’adopter la même méthode et les mêmes restrictions lorsqu’il évalue les programmes de soutien gouvernementaux — Bien qu’un montant de subvention ait été établi par prescription ministérielle pour la majorité des producteurs chinois de contreplaqués, il était raisonnable de la part du président de conclure que la simple existence de ces subventions ne suffisait pas pour qu’il conclue à l’existence d’une SPM — S’agissant des montants des subventions établis qui ne correspondaient pas à ceux des subventions réellement reçues, il était raisonnable de la part de l’ASFC de ne pas tenir compte des montants de subvention déterminés pour les exportateurs n’ayant pas coopéré, afin d’établir si une SPM existait en Chine — La LMSI n’exigeait pas du président qu’il demande des renseignements supplémentaires aux demanderesses — Le Guide LMSI n’impose pas d’obligations positives particulières exigeant du président qu’il recueille des renseignements et vérifie les observations — Il est à la discrétion du président de demander des renseignements supplémentaires — Il était raisonnable de la part du président de prendre en considération la preuve au dossier et de ne pas demander de renseignements supplémentaires aux demanderesses, aux exportateurs ou à d’autres pays — Les demanderesses n’ont pas expliqué comment, ni pourquoi, au vu du dossier de preuve, la combinaison de facteurs étayait l’existence d’une SPM — Le président a examiné chacun des facteurs et a pris en considération l’ensemble des éléments de preuve déposés et a expliqué pourquoi il n’était pas d’avis qu’une SPM existait en Chine — Demande rejetée.

Association Canadienne du Contreplaqué et des Placages de Bois Dur c. Canada (Procureur général) (A-52-21, 2023 CAF 74, juge Rivoalen, J.A., motifs publics du jugement en date du 5 avril 2023, 45 p. + 29 p.)

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