Fiches analytiques

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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Peuples autochtones

Élections

Contrôle judiciaire de la décision du chef et du conseil de la Première Nation des Chippewas de la Thames (Conseil) de retirer la demanderesse de son poste de conseillère élue de la Première Nation des Chippewas de la Thames — La demanderesse était membre du Conseil — Elle a été élue à titre de conseillère pour trois mandats consécutifs, sa dernière élection s’étant tenue le 28 juillet 2021 — Les élections de l’intimée sont régies par la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5 — Lors de la réunion extraordinaire du Conseil du 3 mai 2022, les autres membres ont adopté une motion pour ordonner la destitution de la demanderesse de son poste électif pour le reste du mandat du Conseil pour la période 2021-2023 — La décision aurait été prise au vu des plaintes de violence en milieu de travail présentées par le personnel, et de la conduite agressive, irrespectueuse et violente de la demanderesse au sein du Conseil, qui contrevient au code de conduite et au serment d’office du Conseil, ce qui a une incidence sur la capacité du Conseil de gouverner — La demanderesse a contesté les allégations portées contre elle et n’a pas accepté les conclusions du Conseil — Elle a affirmé que le Conseil n’a ni la compétence ni l’autorité légale de la destituer d’une charge élective — Le Conseil a-t-il la compétence ou l’autorité légale de destituer la demanderesse de son poste électif de conseillère? — Dans la présente affaire, l’intimée n’a pas adopté de code électoral coutumier ni adhéré à la Loi sur les élections au sein de premières nations, L.C. 2014, ch. 5 — Par conséquent, l’autorité légale de destituer un conseiller de ses fonctions découle de la Loi sur les Indiens — Le Conseil n’a pas le pouvoir, par l’adoption d’une motion, d’« ordonner » la destitution de la demanderesse — Il s’agissait de la question déterminante — L’art. 78(2)a) de la Loi sur les Indiens prévoit que le poste de chef ou de conseiller devient vacant si son titulaire, selon le cas : est déclaré coupable d’un acte criminel; meurt ou démissionne; est ou devient inhabile à détenir le poste aux termes de la Loi sur les Indiens Il n’y a aucun élément de preuve que la demanderesse rentrait dans l’une de ces catégories — Le ministre a le pouvoir de destituer la demanderesse de ses fonctions en vertu de l’art. 78(2)b) — Ainsi, le Conseil est privé de l’exercice d’un tel pouvoir — Dans la mesure où le Conseil s’appuie sur son pouvoir « inhérent » de destituer la demanderesse, il lui incombait de démontrer que la coutume lui confère un tel pouvoir — Dans la présente affaire, l’intimée n’a présenté aucun élément de preuve attestant que la coutume appuierait la destitution d’un conseiller d’une charge élective par le Conseil — L’intimée ne s’est pas penchée sur la façon dont la doctrine sur la compétence accessoire s’appliquait en l’espèce, et semblait confondre une telle doctrine avec la doctrine sur la compétence par déduction nécessaire — Le législateur s’est expressément penché sur la destitution des conseillers élus, sur les circonstances justifiant une telle mesure et sur qui a le pouvoir de prendre une telle décision — Le législateur a encadré la destitution en limitant les circonstances dans lesquelles un poste devient vacant — La doctrine sur la compétence par déduction nécessaire ne s’applique pas dans de telles circonstances — Il s’agit là d’une conclusion déterminante — Rien dans le Règlement sur le mode de procédure au conseil des bandes d’Indiens, C.R.C., ch. 950 ne confère aux conseils des Premières Nations la compétence ou le pouvoir de destituer un chef ou un conseiller d’une charge élective — Le manuel de la direction de l’intimée ne vient pas compléter le régime législatif existant, de sorte que le Conseil aurait exercé un pouvoir lui permettant de destituer des conseillers élus qui se fonde sur le manuel — Quoi qu’il en soit, le manuel de la direction traite de l’inhabilité d’occuper un poste dans des circonstances précises, mais n’autorise pas le chef ou le Conseil à destituer un conseiller — En soi, la conduite de la demanderesse ne justifiait pas l’exercice d’un pouvoir par le Conseil comportant la destitution de celle-ci d’une charge élective — La décision du Conseil de destituer la demanderesse de ses fonctions sort de sa compétence et est cassée — La demanderesse a droit à toute rémunération qu’elle aurait perçue si elle n’avait pas été destituée illégalement de ses fonctions — Demande accueillie.

Beeswax c. Première Nation des Chippewas de la Thames (T-1144-22, 2023 CF 767, juge Strickland, motifs du jugement en date du 1er juin 2023, 64 p.)

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