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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Impôt sur le revenu

Pratique

Appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (2022 CCI 43), qui a accordé à l’intimée des dépens indemnitaires partiels équivalant à 75 p. 100 de ses frais judiciaires réels et la totalité de ses débours — La Cour de l’impôt avait auparavant fait droit à l’appel interjeté par l’intimée à l’encontre de l’imposition par le ministre du Revenu national d’une pénalité pour faute lourde au motif qu’elle avait fait une fausse déclaration dans une déclaration de l’impôt sur le revenu — Il s’agissait de savoir en l’espèce si la Cour de l’impôt : 1) a fait entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en décidant a priori que les dépens devaient se situer dans une fourchette donnée; 2) a commis une erreur de principe dans la façon dont elle a traité trois facteurs à prendre en considération dans l’adjudication des dépens (c’est‑à‑dire le résultat de l’instance, toute offre de règlement, la conduite avant le litige); 3) a violé le droit de l’appelant à une procédure équitable en prenant en considération un facteur non soulevé dans les observations — La Cour de l’impôt a d’abord examiné la base sur laquelle des dépens sous la forme d’une somme globale pouvaient être adjugés et a conclu que la fourchette de 50 à 75 p. 100 des dépens procureur‑client devait être utilisée — La Cour de l’impôt a ensuite examiné les facteurs énoncés à l’art. 147 des Règles de la Cour de l’impôt du Canada (procédure générale), DORS/90‑688a, et a conclu que le succès remporté par l’intimée au procès et l’importance du montant en litige pour elle pesaient lourdement en faveur d’une adjudication des dépens à la limite supérieure de la fourchette des dépens indemnitaires partiels, et que l’importance de la question en litige tranchée, l’offre de règlement faite par l’intimée et la conduite du ministre avant le début de l’instance étaient autant d’éléments qui militaient en faveur d’une majoration des dépens indemnitaires partiels adjugés — La Cour de l’impôt a fait entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et a commis une erreur en droit en établissant une fourchette avant même d’examiner les facteurs énoncés à l’art. 147(3) — Une telle approche a exclu la possibilité d’une fourchette inférieure, compte tenu de l’examen d’affaires similaires — En outre, les fourchettes prises en considération n’étaient pas uniformes — La Cour de l’impôt a commis une erreur de principe en ne tenant pas compte de sa propre jurisprudence pour établir une fourchette des dépens qu’elle pourrait adjuger — En ce qui concerne le résultat de l’instance, la Cour de l’impôt a cité Lux Operating Limited Partnership c. La Reine, 2018 CCI 214 — Toutefois, elle a ensuite adopté une position allant à l’encontre de l’affaire Lux, jugeant que le fait que l’intimée avait obtenu gain de cause à 100 p. 100 pesait lourdement en faveur d’une majoration des dépens — Le succès de l’intimée était un facteur qui pouvait être pris en considération, mais uniquement en ce qui concerne la question du droit à des dépens, puisque les facteurs qui pourraient jouer en faveur d’une majoration ou d’une diminution des dépens de la partie ayant obtenu gain de cause sont énoncés dans les autres facteurs énoncés à l’art. 147(3) — La Cour de l’impôt a donc commis une erreur en déterminant la portée de ce facteur — La Cour de l’impôt a commis une erreur également en omettant de justifier sa décision de déroger à l’affaire Lux comme elle était tenue de le faire en vertu du principe de la courtoisie judiciaire — En ce qui concerne l’offre de règlement faite par l’intimée, la Cour de l’impôt a eu tort de dire qu’elle était fondée sur des principes — L’offre de l’intimée exigeait que le ministre annule les pénalités imposées en vertu de l’art. 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 — Selon l’intimée, elle était passible, en raison de sa négligence, d’une pénalité moindre prévue à l’art. 162(7) de la Loi — L’intimée a fait valoir en outre que, puisqu’il n’y avait pas d’autre disposition dans la Loi qui prévoyait une pénalité pour avoir fait de fausses déclarations par négligence dans une déclaration de revenus, l’art. 162(7)b) s’appliquait — Toutefois, le libellé général de l’art. 162(7)b) est limité aux cas d’omission de produire des déclarations ou de fournir des renseignements qui ne sont pas spécifiquement énumérés dans le reste de l’article 162 — Par conséquent, nonobstant son libellé général, l’art. 162(7)b) est limité aux obligations de produire des déclarations ou de fournir des renseignements au besoin — L’art. 162(7)b) ne s’appliquerait pas aux déclarations qui ont été déposées au moment requis, mais qui ont été préparées de façon négligente — Par conséquent, le ministre n’aurait pas pu accepter la proposition de règlement de l’intimée puisque l’intimée ne pouvait pas bénéficier de la pénalité plus faible prévue à l’art. 162(7)b)— L’offre de l’intimée n’était pas fondée sur des principes non plus, puisque l’intimée n’était pas disposée à admettre qu’elle avait en fait été négligente, mais seulement qu’elle avait pu l’être — Dans ces circonstances, l’offre de l’intimée consistait à souligner les faiblesses de la preuve de l’appelant et à lui offrir, pour une pénalité moindre, un compromis basé sur la possibilité de sa responsabilité —Il était donc difficile de voir comment l’offre de l’intimée pouvait être fondée sur des principes — L’intimée a fait valoir à titre subsidiaire que l’affaire pourrait être réglée sur le fondement de l’annulation par le ministre de la pénalité imposée sous le régime de l’art. 163(2) de la Loi en vertu de l’art. 220(3.1) de la Loi compte tenu du fait que la pénalité était lourdement excessive et disproportionnée et excessivement punitive — Toutefois, la pénalité prévue à l’art. 163(2) est une pénalité prescrite par la loi et elle n’est pas une pénalité discrétionnaire qui peut être imposée ou non à la discrétion du ministre — On doit supposer dans les présentes que, lorsque l’appelant a établi une cotisation à l’égard de l’intimée de la manière dont elle l’a fait, et compte tenu du fait que l’affaire a été instruite malgré l’offre de règlement, l’appelant estimait que les faits et la loi justifiaient la conclusion selon laquelle la conduite de l’intimée relativement à sa déclaration de revenus constituait une faute lourde — Dès lors qu’il était convaincu que l’intimée avait commis une faute lourde, l’appelant était tenu de donner effet à la pénalité prévue par la loi — L’offre de règlement de l’intimée n’était pas une offre fondée sur des principes en ce sens qu’elle n’était pas une offre que l’appelant pouvait accepter — Par conséquent, le refus d’accepter l’offre était un facteur neutre dans la décision relative à l’adjudication des dépens appropriés — Donc, la conclusion de la Cour de l’impôt selon laquelle le refus de l’appelant d’accepter l’offre de règlement de l’intimée justifiait une majoration des dépens contenait une erreur de droit isolable, à savoir la portée de l’art. 162(7)(b) — En ce qui concerne la conduite antérieure au litige, la Cour de l’impôt a conclu que l’omission des représentants du ministre d’interroger l’intimée avant le début de l’instance était une conduite antérieure au litige qui a prolongé la durée de l’instance et qui pesait lourdement en faveur d’une majoration des dépens — L’appelant a fait valoir que la Cour de l’impôt a manqué à l’obligation d’équité procédurale en le privant de la possibilité d’aborder cette question avant qu’elle ne l’invoque comme facteur justifiant une majoration des dépens — Dans la présente affaire, les deux parties savaient sans doute que la Cour de l’impôt avait le droit de passer en revue chaque facteur énoncé à l’art. 147(3) et qu’il n’était pas inhabituel pour la Cour de l’impôt d’aborder des facteurs qui n’avaient pas été expressément invoqués par les parties — La Cour de l’impôt s’est appuyée sur l’arrêt Canada c. Martin, 2015 CAF 95 pour faire valoir que, dans des circonstances exceptionnelles, la conduite d’une partie avant l’instance peut être prise en considération — Cependant, le passage cité par la Cour de l’impôt n’autorise pas l’examen de la conduite antérieure au litige — La conduite antérieure au litige n’est pas une étape de l’instance — Dans les circonstances, on ne peut reprocher à l’appelant de ne pas avoir reconnu que la Cour de l’impôt prendrait en considération une conduite antérieure au litige pour fixer les dépens — Si un tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour ne pas accorder de mesure de réparation en cas de violation de l’équité procédurale lorsque le résultat est inévitable, la question de la conduite antérieure au litige a toutefois pesé lourdement en faveur de la majoration des dépens — On a jugé que d’autres facteurs ayant pesé lourdement en faveur d’une majoration des dépens avaient été mal compris ou appliqués incorrectement — Par conséquent, on ne pouvait dire que le résultat après réexamen était inévitable — Le manquement à l’équité procédurale justifiait le renvoi de l’affaire à la Cour de l’impôt pour réexamen — D’autres erreurs examinées ci‑dessus (entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire sur la question de la fourchette des dépens indemnitaires partiels, effet du succès remporté au procès, conclusion selon laquelle l’offre de règlement de l’intimée était fondée sur des principes) justifiaient aussi le renvoi de l’affaire à la Cour de l’impôt — Appel accueilli.

Canada c. Bowker (A-82-22, 2023 CAF 133, juge Pelletier, J.C.A., motifs du jugement en date du 8 juin 2023, 29 p.)

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