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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Peuples autochtones

Sujet connexe : Environnement

Appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2022 CF 102) rejetant la demande de contrôle judiciaire de l’appelante visant à annuler la décision du 15 février 2019 de l’honorable Catherine McKenna, alors ministre fédérale de l’Environnement et Changement climatique — Dans sa décision, la ministre a refusé de désigner le projet d’agrandissement de la mine de sables bitumineux Horizon (la mine Horizon) appartenant à l’intimée, Canadian Natural Resources Limited (CNRL), comme projet susceptible de contrôle en vertu du paragraphe 14(2) de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, ch. 19, art. 52 (LCEE, 2012), qui est maintenant abrogée — L’appelante est la successeure des groupes autochtones qui ont signé le Traité n° 8 en 1899 — Le territoire traditionnel de l’appelante est situé dans le nord-est de l’Alberta et comprend les terres et les eaux entourant le lac Athabasca et le delta des rivières de la Paix et Athabasca — L’appelante utilise actuellement et a traditionnellement utilisé le delta des rivières de la Paix et Athabasca ainsi que la rivière Athabasca et ses affluents pour la pêche, la récolte et d’autres activités — Le projet en cause dans cet appel était l’agrandissement du puits nord de la mine de sables bitumineux Horizon de CNRL (le projet d’agrandissement), qui prévoit l’agrandissement de la zone d’exploitation minière de l’actuelle mine Horizon de CNRL — La mine est située sur le territoire traditionnel de l’appelante — Le projet d’agrandissement prévoit un agrandissement de la mine Horizon de l’ordre de 3 448 hectares à l’intérieur des limites actuelles de son bail, ce qui permettrait de prolonger la durée d’exploitation de la mine d’environ sept ans — Le projet d’agrandissement a fait l’objet d’une évaluation environnementale par l’Alberta Energy Regulator en vertu de l’Alberta Environmental Protection and Enhancement Act, R.S.A. 2000, ch. E-12 (l’AEPEA) — Le projet d’agrandissement n’était pas automatiquement assujetti à une évaluation environnementale fédérale en vertu de la LCEE, 2012 — Cependant, la ministre aurait pu exercer son pouvoir discrétionnaire pour désigner le projet d’agrandissement en vertu du paragraphe 14(2) de la LCEE, 2012, ce qui aurait déclenché l’exigence d’évaluation fédérale au titre du paragraphe 14(1) — Le 18 juillet 2018, l’appelante et d’autres groupes autochtones ont transmis une lettre à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (Agence) pour lui demander d’informer la ministre qu’elle aurait avantage à désigner le projet d’agrandissement en vertu du paragraphe 14(2) — La demande était fondée sur la conviction que le projet d’agrandissement entraînerait une dégradation accrue de l’environnement et aurait un effet préjudiciable sur leurs droits ancestraux et issus de traités ou leurs revendications autochtones — Au moment de rejeter la demande de contrôle judiciaire de l’appelante, la Cour fédérale a conclu que l’obligation de consulter n’avait pas été déclenchée et que la décision de la ministre était raisonnable — Il s’agissait de déterminer si la Cour fédérale a décidé à tort que l’obligation de consulter n’avait pas été déclenchée, et de déterminer si la décision de la ministre était raisonnable — Dans l’arrêt Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43 [2010] 2 R.C.S. 650 un critère à trois volets a été établi pour déterminer si l’obligation de consulter est déclenchée dans une situation donnée : 1) la Couronne doit avoir connaissance, réelle ou imputée, de l’existence possible d’une revendication autochtone ou d’un droit ancestral; 2) il doit y avoir une mesure envisagée par la Couronne; 3) il doit être possible que la mesure de la Couronne ait un effet préjudiciable sur une revendication autochtone ou un droit ancestral — À la suite de la lettre invitant la ministre à examiner la possible désignation du projet d’agrandissement, l’Agence a terminé son rapport d’analyse et a fourni des recommandations à la ministre dans un mémoire — Selon l’Agence, à la lumière des renseignements qu’elle avait reçus des ministères fédéraux et de l’existence d’autres mécanismes fédéraux et provinciaux déjà en place pour évaluer et gérer d’éventuels effets préjudiciables associés au projet d’agrandissement, la désignation n’était pas justifiée — La ministre a souscrit aux conseils que lui a fourni l’Agence — En l’espèce, la mesure envisagée en cause concernait la décision de la ministre de désigner ou non le projet en vertu du paragraphe 14(2) de la LCEE 2012 — La décision supposait que la ministre a examiné la question de savoir si elle exercerait ou non le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi — En l’espèce, la Cour fédérale a conclu que le deuxième volet du critère a été satisfait, sans analyser l’incidence potentielle de la décision de la ministre — Toutefois, le deuxième volet du critère établi dans Rio Tinto n’a pas été satisfait en l’espèce — Une évaluation environnementale provinciale obligatoire était en cours et l’appelante était en droit d’y participer et d’être consultée — Par conséquent, la décision de la ministre rendue en vertu du paragraphe 14(2) n’avait pas d’incidence potentielle sur les droits ancestraux ou issus de traités ou les revendications autochtones de l’appelante — Toute incidence éventuelle sur ces droits ou revendications aurait découlé de la décision d’Alberta Energy Regulator d’approuver ou non le projet d’agrandissement — La Cour fédérale a donc conclu à tort que le deuxième volet du critère établi dans l’arrêt Rio Tinto était satisfait en l’espèce — La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en concluant que le troisième volet du critère était satisfait; en indiquant que toute incidence sur les droits ancestraux ou issus de traités ou les revendications autochtones ne pouvait découler que de la décision d’approuver le projet d’agrandissement — Par conséquent, il n’y avait donc aucune relation de cause à effet entre l’incidence alléguée et la décision de la ministre — Étant donné la nature de la décision en cause, la ministre n’était pas tenue de consulter l’appelante avant de trancher sa demande de désignation — Par conséquent, le premier motif d’appel de l’appelante a été rejeté — Quant au caractère raisonnable de la décision de la ministre, cette dernière n’a nulle part déclaré qu’elle estimait probables plutôt que possibles les effets environnementaux négatifs — Ni le mémoire de l’Agence ni le rapport ne faisaient partie de la décision visée par le contrôle — L’emploi du mot « peut » deux fois dans le libellé du paragraphe 14(2) met en lumière l’étendue du pouvoir discrétionnaire dont jouit la ministre — En l’espèce, la ministre devait bénéficier d’une marge d’appréciation importante dans sa décision — Bien que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la ministre en vertu du paragraphe 14(2) de la LCEE, 2012 ne repose pas sur une conclusion de probabilité, il ne s’ensuit pas que la probabilité ne puisse jamais être prise en compte par la ministre pour décider si un projet doit être désigné — La distinction entre la possibilité et la probabilité n’était pas futile dans ce contexte — Les évaluations environnementales sont des processus fondés sur des données probantes qui permettent de déterminer, de prédire et d’évaluer la probabilité qu’un projet proposé ait des effets environnementaux négatifs et d’y répondre — Lorsque la ministre examine la question de savoir s’il y a lieu de déterminer l’activité physique en vertu du paragraphe 14(2), il n’y a aucun processus fondé sur des données probantes qui soit aussi approfondi pour déterminer, prédire et évaluer la probabilité que le projet proposé aura des effets environnementaux négatifs — L’emploi malheureux du terme « probabilité » par l’Agence dans son mémoire et son rapport ne permettait pas de conclure que la décision de la ministre de ne pas désigner le projet d’agrandissement devait être annulée en l’espèce — La ministre n’a pas agi sur la base de la probabilité, mais elle a plutôt fondé sa décision sur l’existence d’autres processus provinciaux et fédéraux — L’emploi par l’Agence du mot « probabilité » dans son mémoire et son rapport devait être interprété en contexte — L’emploi inadéquat du terme ne constituait pas une erreur suffisamment importante pour entacher la décision de la ministre de ne pas désigner le projet d’agrandissement — Par conséquent, le deuxième argument de l’appelant quant au caractère raisonnable ne suffisait pas pour annuler la décision de la ministre — En résumé, il n’y avait aucun motif justifiant la modification de la décision de la ministre sur le fondement des contestations de l’appelant à l’égard du caractère raisonnable de la décision — Appel rejeté.

Première Nation Crie Mikisew c. Canada (Agence canadienne d’évaluation environnementale) (A-52-22, 2023 CAF 191, juge Gleason, J.C.A., motifs du jugement en date du 21 septembre 2023, 51 p.

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