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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

IMPÔT SUR LE REVENU

Application et exécution

Requête visant à obtenir une décision sur deux points de droit au titre de la règle 220 des Règles des Cours fédérales, DORS/98106 — Ces points ou questions portaient sur l’interprétation des dispositions sur les fiducies réputées de l’article 227 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la Loi) qui s’appliquent aux retenues au titre de l’impôt sur le revenu des employés que les employeurs effectuent, mais omettent de verser — Ces questions se posaient dans le contexte de l’action sousjacente intentée par le demandeur (la Couronne), contre la défenderesse relativement au produit que la défenderesse a reçu de son client H.N.J. enterprises Ltd. (le débiteur) après que ce dernier eut omis de verser des retenues salariales à la Couronne — Ce produit représentait la somme que le débiteur a tirée de la vente de son entreprise et que la défenderesse a appliquée en paiement du découvert bancaire du débiteur — La défenderesse, un créancier non garanti du débiteur, a invoqué qu’elle n’était pas visée par les dispositions sur les fiducies réputées de l’article 227 de la Loi; et qu’en contrepartie du produit reçu du débiteur, elle avait réduit le découvert du débiteur — Le débiteur a exploité un restaurant pendant 15 ans et avait des employés à qui il versait un salaire — Au cours des années d’imposition 2013, 2014 et 2015, le débiteur a retenu, mais a omis de verser à l’Agence du revenu du Canada (ARC), la somme de 74 518,17 $ payable au titre de la Loi, etc. — Une somme de 36 250,86 $ correspondait aux cotisations des employés au Régime de pensions du Canada ou à l’assuranceemploi, et à l’impôt fédéral et provincial sur le revenu des employés, et était donc assujettie à une fiducie réputée créée en faveur de la Couronne en vertu des articles 222 et 227 de la Loi — Le débiteur a éventuellement cessé d’exploiter l’entreprise et l’a vendue pour la somme de 100 000 $ à un tiers non lié — La défenderesse a fourni des services bancaires au débiteur et à son administrateur — Le débiteur avait préalablement ouvert un compte d’affaires (compte d’entreprise) avec la défenderesse en 2004 — Le débiteur a accumulé les découverts sur le compte d’entreprise avant et après la vente de celleci, en octobre 2015, et ce, jusqu’à ce que le compte soit fermé en mars 2016 — La défenderesse est ainsi devenue créancière non garantie du débiteur — La défenderesse ne savait pas que le débiteur n’avait pas versé les retenues à la source avant de recevoir un avis de l’ARC, le 8 janvier 2018 — Après avoir reçu un avis de l’ARC qui lui réclamait 36 250,86 $ plus les intérêts, la défenderesse n’a pas payé la Couronne; la Couronne a donc intenté la présente action — Il s’agissait de déterminer les questions de droit suivantes  : 1) Les dispositions sur les fiducies réputées de l’article 227 de la Loi s’appliquentelles aux créanciers non garantis? 2) Un créancier non garanti peutil invoquer en défense à une réclamation relative à une fiducie réputée qu’il est un acquéreur de bonne foi à titre onéreux? — En ce qui concerne la première question, le litige qui opposait les parties en l’espèce portait sur l’application du paragraphe 227(4.1) — La fiducie réputée ainsi créée s’appliquait à la fois aux biens du débiteur fiscal et aux biens détenus par tout créancier garanti du débiteur fiscal qui, en l’absence de la garantie, seraient ceux du débiteur fiscal — Le litige en l’espèce concernait une situation où le débiteur ne détenait plus ses biens — La défenderesse était d’avis que lorsque le débiteur a transféré l’argent à la défenderesse, la fiducie réputée ne s’appliquait plus, et que les dispositions de l’article 227 ne s’appliquaient pas aux créanciers non garantis dans ce contexte — La Couronne n’a pas souscrit à la position de la défenderesse — Elle s’est appuyée sur les derniers mots du paragraphe 227(4.1) de la Loi, à savoir que le produit des biens d’une fiducie réputée doit être payé à la Couronne — Elle a soutenu que cet argent représentait le produit des biens de la fiducie et que le créancier garanti qui le recevait devait donc le remettre à la Couronne conformément à l’obligation statutaire — Le désaccord entre les parties découlait de l’affirmation selon laquelle la fiducie réputée participait de la nature d’une charge flottante, assortie de l’obligation statutaire de payer le produit des biens de la fiducie à la Couronne — Les observations de la défenderesse n’avaient aucun lien avec la position de la Couronne quant à la façon dont le paragraphe 227(4.1) s’applique lorsque les biens d’un débiteur fiscal ont été vendus — Les décisions Canada c. Banque Toronto-Dominion, 2018 CF 538, [2018] 4 R.C.F. F-11 (Banque TD CF), conf. par 2020 CAF 80, [2020] 3 R.C.F. 201 (Banque TD CAF) sont plus éclairantes pour l’examen de l’applicabilité de l’obligation statutaire — Dans la décision Banque TD CF, la Cour d’appel a expliqué, dans son analyse d’une disposition semblable à celle à l’étude, l’article 222 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 (la LTA), que cette obligation est souvent appelée « obligation statutaire », pour la distinguer de ce qui soustend la fiducie réputée ellemême — Dans l’arrêt Banque TD CAF, la Cour d’appel a effectué l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique requise des dispositions sur les fiducies réputées dans la LTA, y compris du libellé de l’obligation statutaire — Elle a conclu que, lorsque la Banque a prêté de l’argent au débiteur et obtenu sa garantie, les biens de ce dernier étaient déjà, jusqu’à concurrence de la dette fiscale, réputés être des biens dans lesquels la Couronne avait un droit de bénéficiaire en vertu de la fiducie réputée — Par conséquent, au moment de la vente des biens du débiteur, la banque était tenue par la loi de remettre le produit de cette vente à la Couronne — Ces conclusions favorisaient la position de la Couronne sur le premier point de droit soulevé — Lorsque la banque a prêté de l’argent au débiteur et obtenu sa garantie, les biens de ce dernier étaient déjà, jusqu’à concurrence de la dette fiscale, réputés être des biens dans lesquels la Couronne avait un droit de bénéficiaire — Au moment de la vente des biens du débiteur, la banque était tenue par la loi de remettre le produit de cette vente à la Couronne —— La première question de droit a été tranchée par l’affirmative — En ce qui concerne la deuxième question de droit, la défenderesse a affirmé qu’elle était un acquéreur de bonne foi à titre onéreux lors des opérations par lesquelles elle a octroyé du crédit au débiteur, que celuici a remboursé par la suite, de sorte qu’elle pouvait invoquer ce moyen de défense à l’encontre de la réclamation de la Couronne en vertu du paragraphe 227(4.1) de la Loi — Dans la décision Banque TD CF, la Couronne a examiné la possibilité d’invoquer des moyens de défense en equity et a conclu qu’il est en général possible d’invoquer ces moyens de défense, pourvu qu’on réponde aux conditions de ces moyens de défense et que la défense ne soit pas incohérente avec le régime législatif — La conclusion en ce qui concerne la deuxième question de droit ne reposait pas sur l’argument que la Couronne a fait valoir quant à l’impossibilité générale de recourir aux moyens de défense en equity, mais plutôt sur le fait que le recours à ces moyens de défense était incompatible avec l’intention du législateur et la jurisprudence — Dans l’arrêt Banque TD CAF, la Cour d’appel a décrit l’objet de la disposition sur la fiducie réputée comme étant la perception des taxes non versées; elle a affirmé que cet objet est atteint grâce à la priorité accordée à la fiducie réputée à l’égard de biens qui sont également grevés d’une garantie — Cette analyse téléologique reconnaissait l’intention du législateur de donner à la Couronne un accès prioritaire à la valeur des actifs du débiteur fiscal, malgré l’existence d’une garantie — Cette analyse ne dépendait pas de l’existence de la garantie mais au contraire, elle s’appliquait même s’il en existait une — Cette analyse appliquée maintenant à la deuxième question de droit, il serait incompatible avec l’intention du législateur d’adopter les dispositions sur les fiducies réputées de permettre aux créanciers non garantis de se prévaloir de la défense fondée sur la qualité d’acquéreur de bonne foi — Par conséquent, la deuxième question de droit a été répondue par la négative.

Canada c. Banque Toronto-Dominion (TD Canada Trust) (T-1841-21, 2024 CF 441, juge Southcott , motifs d’ordonnance en date du 19 mars 2024, 42 p.)

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