NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
ENVIRONNEMENT
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur en vue d’obtenir une déclaration selon laquelle le retard déraisonnable du ministre à faire la recommandation de prendre un décret d’urgence prévoyant des mesures destinées à protéger la chouette tachetée, une espèce en voie de disparition, est contraire à la Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002, ch. 29 (Loi), para 80(2).— L’habitat essentiel de la chouette tachetée représente une menace à sa survie— La perte d’habitat dans de vieux peuplements d’arbres matures en raison de l’exploitation forestière est désignée comme la raison principale du déclin de la chouette tachetée — Dans l’affaire en question, il ne restait que trois individus à l’état sauvage lors du fondement de l’arrêté; en date de mai 2023, il ne semblait en rester qu’un seul — En octobre 2020, le demandeur a demandé que le ministre fasse la recommandation conformément au paragraphe 80(2) — Le ministre a fondé son arrêté le 17 janvier 2023 en convenant dans une note de service que la chouette tachetée faisait face à une menace imminente — Il a recommandé au gouverneur en conseil la prise d’un décret d’urgence le 26 septembre 2023 — Il s’agit donc de savoir pourquoi il a fallu attendre du 17 janvier 2023 au 26 septembre 2023 pour que la recommandation soit faite au gouverneur en conseil de prendre un décret d’urgence — Il s’agit de savoir si le fait d’avoir pris plus de huit mois pour présenter une recommandation et se conformer aux critères du paragraphe 80(2) concernant les faits de la présente affaire — En substance, le demandeur avait demandé que la recommandation soit faite en temps opportun; toutefois, la notion de « temps opportun » dans le contexte de l’article 80, signifie « de toute urgence » — Le demandeur a revendiqué que les seuls facteurs à prendre en considération dans le choix du moment pour faire la recommandation sont l’imminence et la gravité des menaces — Il a admis que le ministre doit tenir compte des droits des peuples autochtones dans la prise de décision concernant des menaces imminentes à la survie d’une espèce en voie de disparition — Les intimés ont cherché à justifier le choix du moment de la recommandation par des facteurs autres que la nature des menaces — Ils ont cherché à déterminer deux étapes : celle de l’arrêté et celle de la recommandation, alors que cette dernière exigeait des renseignements différents de l’étape de l’arrêté — En fin de compte, selon les intimés, la nature de la menace à laquelle l’espèce fait face et le choix du moment de la recommandation ne peuvent être les seuls facteurs à prendre en considération; La capacité du ministre à recueillir les renseignements nécessaires auprès du gouverneur en conseil ne peut pas être entravée par ces deux facteurs — Le demandeur est en droit de déclarer que le retard du ministre à faire la recommandation de prendre un décret d’urgence n’est pas, en l’espèce, conforme aux exigences du paragraphe 80(2) — Les observations des intimés doivent être modulées selon le libellé, le contexte et l’objet de la Loi — Les mécanismes gouvernementaux ne peuvent pas compromettre les obligations statutaires évidentes du ministre — De toute évidence, l’objet de la loi et l’intention du Parlement sont la protection des espèces en voie de disparition — Il est difficile de comprendre en quoi la protection d’une espèce n’exige pas la prise d’une mesure d’urgence — L’esprit de la loi prévoit qu’une mesure, sous forme de décret d’urgence, soit prise lorsque d’autres mesures s’avèrent moins efficaces que prévu — L’existence de l’article 82, la recommandation d’abrogation lorsque la menace n’est plus imminente, fait également en sorte que le ministre a l’obligation d’agir — Cela indique ici encore que la recommandation initiale doit être faite très rapidement, sous réserve d’un décret d’urgence qui pourra être abrogé lorsqu’il aura été conclu que les menaces ne sont plus présentes — Il est difficile de concevoir qu’un délai de huit mois puisse être raisonnable lorsqu’un arrêté concluant à l’existence de menaces imminentes à la survie ou au rétablissement d’une espèce a été fondé — Un délai de plus de huit mois pour formuler une recommandation prescrite au paragraphe 80(2) ne respecte pas l’esprit de la Loi — En l’espèce, on ignore comment le ministre peut croire qu’un délai de plus de huit mois puisse satisfaire à l’obligation légale qui lui est imposée au titre du paragraphe 80(2) — Le ministre a dû tenir compte des contraintes juridiques imposées par la jurisprudence des tribunaux fédéraux — En ce qui concerne la déclaration que demande le demandeur, il n’est pas nécessaire d’établir quel serait un délai raisonnable entre le fondement d’un arrêté et la formulation d’une recommandation — Néanmoins, le délai devrait tenir compte de nature et de la gravité de la menace — En l’espèce, avec seulement trois individus restant à l’état sauvage au moment de déterminer l’imminence de la menace, alors que des consultations avec la province ne sont pas une condition préalable, un long délai n’était pas justifiable — Le demandeur a le droit de demandé une déclaration — La demande a été accueillie.
Western Canada Wilderness Committee c. Canada (Environnement et Changement Climatique) (T-1177-23, 2024 CF 870, juge Roy, motifs de jugement en date du 7 juin 2024, 33 p.)