Judgments

Decision Information

Decision Content

12 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1961] 1960 BETWEEN: Apr. 21 Sept. 14 GARAGE HENRI BRASSARD LIMI- APPELLANT; TEE AND THE MINISTER OF NATIONAL RESPONDENT. REVENUE Revenue Income taxBusiness lossesRight to deduct losses from profitsThe Income Tax Act, R.S.C. 1952, c. 148, s. 27(1)(e)(iii)(A). A company incorporated under the Quebec Companies Act to carry on an automobile and garage business operated at a profit from 1951 to 1953 and at a loss in 1954 and 1955. It ceased operations in 1954 and in 1955 liquidated all its assets. In 1956 its letters patent which were still in force were acquired by B by a purchase of all the issued shares. B then obtained supplementary letters patent whereby the name of the company was changed and its head office re-located in a town in which B carried on garage and automobile dealer business and which business he then sold to the company for among other consideration, the balance of its unissued and unsubscribed shares, and became the only shareholder and sole owner of the company as well as its president and manager. In its 1956 income tax return the company declared a profit from which it deducted the losses it had suffered in 1954 and 1955. The Minister disallowed the deductions and an appeal from his ruling was dismissed by the Income Tax Appeal Board. On an appeal by the company to the Court Held: That under the provisions of s. 27(1),(e) (iii) (A) of the Income Tax Act, R.S.C. 1952, c. 148, the right to deduct losses does not extend to a profit from a business other than the business in which the loss was sustained. 2. That the appellant company had ceased its business operations before the end of 1955 and disposed of all its assets and when the new shareholders obtained control in 1956 it acquired and began to operate a new business and no longer had the right to deduct from its 1956 profits the losses sustained in 1954 and 1955, because these profits did not arise from the business in the course of which the losses had been sustained. APPEAL from a decision of the Income Tax Appeal Board'. The appeal was heard before the Honourable Mr. Justice Fournier at Quebec. Raymond Decary for appellant. Paul Boivin, Q.C. and Paul 011ivier for respondent. 159 D.T.C. 409.
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 13 FOURNIER J. now (September 14, 1960) delivered the fol- 1960 lowing judgment: GARAGE HENRI Dans cette cause, il s'agit d'un appel de la décision de la BRASSARD Commission d'Appel de l'Impôt sur le Revenu en date du L E. 15 juin 1959, confirmant la cotisation du Ministre du 1VIINL9TER OF NATIONAL Revenu national du 3. mars 1958 par laquelle un impôt au REVENUE montant de $13,690.40 a été établi à l'égard du revenu de FournierJ. l'appelante pour l'année d'imposition 1956. L'appelante, dans son rapport de revenu pour l'année d'imposition 1956, avait déclaré un profit net de $34,695.07 résultant de l'opération de son entreprise, mais elle avait déduit de ce montant les pertes subies pendant les exercices financiers de 1954 et 1955. Par contre, l'intimé en cotisant le revenu de l'appelante n'a pas admis la déductibilité du mon-tant des pertes subies. La Commission d'Appel de l'Impôt sur le Revenu a confirmé cette cotisation. C'est l'appel de ce jugement qui est présentement devant la Cour. Les parties basent leurs prétentions respectives sur les dispositions de l'article 27(1) (e) (iii) (A) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui étaient en force en 1956. Ces dispositions se lisent comme suit: 27. (1) Aux fins du calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, il peut être déduit du revenu pour l'année ceux des montants suivants qui sont applicables:.. . (e) les pertes commerciales subies pendant les cinq années d'imposition qui précèdent, et dans l'année qui suit, l'année d'imposition mais... (iii) aucun montant ne peut se déduire, â l'égard des pertes, sur le revenu d'une année quelconque sauf jusqu'à concurrence du moindre des montants suivants: (A) le revenu du contribuable pour l'année d'imposition provenant des affaires dans lesquelles la perte a été subie. Les faits qui ont été admis et établis par la preuve verbale et écrite dans cette cause entrent-ils dans les cadres des dispositions citées et l'interprétation de cet article de la loi? C'est la question qui est soumise à la Cour. Dans l'affirmative, les pertes subies en 1954 et 1955 seront déductibles dans le calcul de l'impôt sur le revenu de l'appelante. Dans le cas contraire, celle-ci faillira dans son appel. Les faits d'abord. La Compagnie Ranger Motor Sales Ltée fut incorporée en vertu de la Loi des Compagnies de Québec le 22 mars 1922. Le capital-actions fut fixé à $60,000, représenté en définitive par 450 actions privilégiées d'une
14 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1961] 1960 valeur nominale de $100, 5%, non cumulatives et rache- GARAGE tables, et de 1,500 actions ordinaires de $10, total $60,000. HENRI D Les principaux objets des lettres patentes étaient l'exploita- LTÉE. tion d'un commerce d'automobiles et d'un garage. Comme il MiN sTER OF appert des déclarations d'impôt sur le revenu, ce genre NATIONE REVEN d'affaires fut exercé à Lachine, dans la province de Québec, avec profit de 1951 à 1953 et perte de $34,532.35 en 1954. Fournier J. Le 18 décembre 1954, les directeurs de la compagnie, par résolution, ont décidé de vendre à Durocher Automobile Ltée les «stocks de marchandise comprenant les pièces et accessoires d'automobile et de camion, ainsi que l'essence, l'huile et autres fournitures et lubrifiants, les pneus et tubes neufs selon l'inventaire; l'équipement et outillage du garage, l'ameublement et les accessoires de bureau; aussi deux camions usagés C'est sans doute pour cette raison que dans le bilan préparé par l'auditeur et approuvé par le con-seil d'administration il est fait mention que la compagnie a cessé d'opérer le 20 décembre 1954 et que dans la décla-ration d'impôt sur le revenu de 1954, en date du 3 octobre 1955, le président certifie qu'il a examiné le rapport, y compris les relevés et états y annexés, et qu'il est vrai, exact et complet. Selon la preuve, la mention ci-dessus aurait été faite pour avertir le Ministre du Revenu national que la compagnie avait cessé ses opérations. D'ailleurs, il ne restait plus à vendre qu'un certain nombre d'automobiles usagées, dont la dernière fut vendue à la fin de l'été 1955, ce qui compléta la liquidation de l'inven-taire. - D'après la déclaration d'impôt de 1955, produite le 22 novembre 1956, les disponibilités se composaient seulement de comptes de banque s'élevant à $75.61; d'un fonds de réserve I.A.C. de $793.64; d'un fonds de réservé.M.A.C. de $288 et de l'impôt fédéral à recevoir, soit $788.38. Selon l'état des profits et pertes, les pertes seraient élevées à $3,369.02. En somme, à la fin de l'année 1955 la compagnie avait tout liquidé. Elle n'avait plus . d'inventaire, d'outillage, de mobilier de bureau, de marchandises, de'fournitures,;d'automobiles et elle avait abandonné le garage et son bureau d'affaires. En d'autres termes, la compagnie avait. mis fin à.. son entreprise et commerce.
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 15 L'actif de la compagnie se composait des créances déjà 1 9 60 énumérées; le passif, d'une dette pour avances faites par un GARAGE des actionnaires. Le ou avant le 13 janvier 1956, la corn- BD pagnie se départit de ses créances en faveur de son créancier LTÉE. . pour le compenser de ses avances. Toutefois, les lettres MINISVT ER OF patentes d'incorporation de la Compagnie Ranger Motor IONNAL NATvE Sales étaient encore en vigueur, MM. Origène et Florian Fournier J. Ranger et M Hélène Ranger étant les seuls propriéta i res des actions émises, soit 1,147 actions ordinaires et 427 actions privilégiées. Le 13 janvier 1956, ces actionnaires ont vendu leurs actions à M. Henri Brassard pour une somme de $1,500, ce dernier devenant le seul propriétaire des actions émises de Ranger Motor Sales Ltd. Le 24 janvier 1956, des lettres patentes supplémentaires sont émises changeant le. nom de la compagnie en celui de Garage Henri Brassard, Ltée et changeant, de Lachine, P.Q., au village de St-Marc des Carrières, Co. Portneuf, P.Q., le lieu du siège social. Le lendemain, soit le 25 janvier 1956, Henri Brassard a vendu, cédé et transporté à la Compagnie Garage Henri Brassard Ltée l'actif et le passif du commerce de garagiste et de vente, d'automobiles qu'il exploitait à St-Marc des Carrières moyennant une considération de $20,376.99, payable par l'émission de 23 actions privilégiées à $100 chacune, soit $2,300; 350 actions ordinaires à $10 chacune, soit $3,500, et des billets : de l'acheteur représentant un montant de. $14,576.99, au .taux de 5% l'an, à Henri Brassard. L'actif et le passif de l'entreprise. de Henri Brassard sont donc devenus. l'actif, et le passif de la compagnie autrefois connue sous le nom de Ranger Motor Sales Ltd., devenue maintenant le Garage Henri Brassard Ltée. En achetant les actions, d'une compagnie, Henri Brassard voulait perpétuer sa propre, entreprise par l'entremise d'une corporation. Il croyait que cette manière de procéder serait plus avantageuse pour l'exploitation de son commerce. Il devint le président et gérant de la compagnie et prit charge de l'opération du garage et du commercé d'automobiles et de camions. Il est admis que l'appelante fut la même entité juridique depuis sa création jusqu'à ce jour. Il est en preuve que l'appelante, de 1951 à 1954, alors qu'elle était connue sous le nom de Ranger. Motor Sales Ltd. exploitait un garage et; un commerce de voitures-automobiles et d'accessoires pour
16 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1961] 1960 automobile. Il a été établi hors de tout doute qu'elle a cessé GARAGE d'opérer son commerce le 20 décembre 1954 et que pendant HENRI 1954 et 1955 elle a vendu son actif. Lorsque les actions sont L v T . ÉE passées en d'autres mains, l'appelante a fait l'acquisition MINISTER OF d'un autre commerce consistant dans l'opération d'un garage N R A E TI V ON E A N L IIE et d'une agence de vente d'automobiles et de camions. Elle Fournier J. a réalisé des profits en 1956, mais elle avait subi des pertes en 1954 et 1955. Il s'agit donc de déterminer si le revenu de l'appelante pour l'année 1956 provenait des affaires au cours desquelles les pertes avaient été subies en 1954 et 1955. Lorsque Henri Brassard fit l'acquisition des actions de Ranger Motor Sales Ltd., l'appelante avait tout liquidé; par conséquent, n'ayant plus de commerce, elle ne pouvait pas vendre une entreprise commerciale qui avait cessé d'exister. En fait, la transaction ne faisait que transporter à l'acquéreur un certain nombre d'actions, ce qui lui permet-tait de se servir du nom et des pouvoirs d'une compagnie limitée pour exploiter son propre commerce. Il vendit donc son commerce à l'appelante, reçut, entre autres, la balance des actions non émises et souscrites et devint le seul action-naire et propriétaire de la Compagnie. En résumé, l'appelante, sous un nouveau nom et ayant un nouveau siège social, fait l'acquisition d'une entreprise com-merciale qu'elle commence à opérer avec de nouveaux actionnaires, directeurs et officiers. Elle ne pouvait pas recommencer ses affaires antérieures, ayant définitivement discontinué l'exploitation de son commerce à Lachine et ayant disposé de tout son actif. C'est donc autre entre-prise qu'elle commence à opérer à St-Marc . des Carrières. Les pertes subies par l'appelante en 1954 et 1955 par suite de ses affaires sont-elles, d'après les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et particulièrement de l'article 27(1) (e) (iii) (A), déductibles des profits qu'elle a réalisés en 1956 et qui découlaient de son entreprise commerciale? La Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 3, décrète: 3. Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l'année de toutes provenances à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada et, sans restreindre la généralité de ce qui précède, comprend le revenu pour l'année provenant (a) d'entreprise .. .
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 17 Et l'article 4 dit: 1960 4. Sous réserve des autres dispositions de la présente Partie, le revenu GARAGE provenant, pour une année d'imposition, d'une entreprise ou de biens es t H ,H E E N N R R I I n le bénéfice en découlant pour l'année. LTÉE. V. MINIBTER OF Ainsi donc, le revenu d'un contribuable pour une année NATIONAL d'imposition est son revenu pour cette année-là; et s'il REvENuE provient d'une entreprise, c'est le bénéfice qui en découle Fournier J. pour l'année. L'article 27(1) (e) (iii) (A) crée une exception à la règle générale et donne le droit au contribuable de déduire de son revenu pour l'année d'imposition les pertes subies pendant les cinq années d'imposition qui précèdent et l'année d'imposition qui suit; mais l'exception ne s'applique qu'en tant que les faits établis rencontrent les exigences des termes exprès de la disposition. Autrefois, l'exception n'avait d'effet que si le contribuable durant l'année d'imposition exerçait la même entreprise que celle qu'il exerçait pendant l'année la perte avait été subie. Aujourd'hui, sont déductibles les pertes subies lorsque le revenu du contribuable pour l'année d'imposition provient des affaires au cours desquelles les pertes ont été subies. Il ne s'agit plus, comme sous l'ancienne loi de l'impôt de guerre sur le revenu, de l'exploitation de la même entreprise com-merciale pour bénéficier de l'exception de déduction des pertes subies, mais du fait que le revenu du contribuable provient des affaires au cours desquelles les pertes ont été subies. La cause du Ministre du Revenu National et Eastern Textile Products Ltd.1 a été citée, commentée et interprétée par les procureurs des deux parties. Les faits de cette cause et les remarques et conclusions de l'honorable J. T. Thorson, président de la Cour de l'Échiquier, seront certainement utiles à la solution du problème qui nous a été soumis. Il s'agissait d'une compagnie qui manufacturait et vendait des produits textiles. Elle opérait dans un local privé. Peu après sa période fiscale en 1950, elle vendit son établissement et, conclut un arrangement avec l'acheteur par lequel celui-ci entreprit de manufacturer ses produits, produits que la com-pagnie continua à vendre. Elle s'engagea ensuite, avec une autre compagnie, à acheter et à vendre des moteurs d'avions 1 [1957] C.T.C. 48; 57 D.T.C. 1070. 91991-0-2a
18 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1961] 1960 et des parties et en 1951 elle en a effectué la vente avec GARAGE bénéfices. De plus, la compagnie a réalisé des bénéfices quant HENRI BRA98ARD à ce qui concerne ses ventes de textiles. Pendant les années LTÉE. qui avaient précédé la vente de son usine, elle avait subi des MIN smER op pertes dans le cours de ses opérations et voulut déduire de NATIONAL REVENIIE ses profits de 1951 les pertes qu'elle avait subies durant les années précédentes. La Cour de l'Échiquier en arriva à la Fournier J. conclusion que la compagnie, ayant disposé de son entreprise et cessé ses opérations et affaires en 1950, n'avait pas droit aux déductions réclamées. A la page 58, le Président Thorson dit: ... The right to deduct losses does not extend to a profit from an activity other than the business in which the loss was sustained. It seems to me that it is contrary to the policy as declared in the section that a taxpayer should have the right to deduct. from his income for any taxation year a business loss sustained in another year in a case where his income is not from the business in which the loss was sustained. Thus, if he ceases to carry on the business in which the loss was sustained and, therefore, does not make any profit from it the right to deduct a business loss does not enure to him. The purpose of the policy no longer exists. Consequently, since the respondent ceased its manufacturing business prior to 1951 and that was the business in which its losses in 1947, 1948, 1949 and 1950 were sustained, and it did not in 1951 make any profit from such business but made it from something else, its case comes within the limitation of subsection (iii) of Section 26(d) and it is not entitled to deduct from its income for 1951, even its income from the sale of textiles in that year, any of the business losses sustained by it in 1947, 1948, 1949 and 1950: Si j'ai bien compris les remarques du savant juge inter-prétant les dispositions de l'article 26 (d) (iii)—aujourd'hui l'article 27(1) (e) (iii) (A)—, il pose le principe suivant: une personne qui, opérant une entreprise commerciale, en fait la vente ou dispose de tout son actif et cesse ses opérations, ne peut réclamer la déduction des pertes découlant de l'opération de cette affaire des bénéfices qu'elle pourrait réaliser de l'exploitation d'une nouvelle ou autre industrie, même si cette dernière est semblable à la première. Je suis d'opinion que la règle indiquée par le Président dans la cause citée supra, à l'effet que "the right to deduct losses does not extend to a profit from an activity or business other than the business in which the loss was sustained", est bien l'interprétation des termes exprès de la disposition de la loi qui est applicable au présent litige.
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 19 Ayant considéré tous les faits qui ont été admis et prouvés, 1960 j'en suis arrivé à la conclusion que l'appelante avait cessé GARAGE l'opération de son entreprise à Lachine, sous le nom de BHssnxD Ranger Motor Sales Ltd., avant la fin de l'année 1955 et LTÉE. qu'elle avait disposé de tout son actif. Avant le changement MINIEROF de son nom et du lieu de son siège social, elle s'était départie NATIONAL U E de ses quelques créances en règlement de ses dettes. Lorsque Fournier J. de nouveaux actionnaires eurent pris le contrôle de la corn- pagnie, elle fit l'acquisition d'un nouveau commerce et en commença l'opération. Au sens des termes de la disposition d'exception de la loi sous considération, qui doit être inter-prétée strictement, elle n'avait plus le droit de déduire des bénéficies résultant en 1956 de cette entreprise les pertes subies dans l'opération du commerce qu'elle exerçait en 1954 et 1955, parce que des bénéfices ne provenaient pas des affaires au cours desquelles les pertes avaient été subies. Pour ces raisons, l'appel est renvoyé avec dépens. Jugement en conséquence. 91991-0-2ia
 You are being directed to the most recent version of the statute which may not be the version considered at the time of the judgment.