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330 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948. 1944 B ETWEEN : Mar.__ 2 _ 4, 25 LOUVIGNY DE MONTIGNY DEMANDEUR 1948 ET Mar. 15 RÉVÉREND PÈRE COUSINEAU, 8.3. DÉFENDEUR. CopyrightInfringement actionCustodian of Enemy Property vested with the rights of enemy authorsThe Consolidated Regulations respecting Trading with Enemy, 1939, s. 24Author of a work unless he expressly assigns his right retains the ownership of copyright therein and may take action for an infringement thereofSection of the Copyright Act, R.S.C., 1927, c. 32 remains in force notwithstanding a state of warCopyright subsists in works of enemy authors but ownership thereof is vested in the CustodianThe Patents, Designs, Copyright and Trade Marks Emergency Order, 1939 (P.C. 3362) Action dismissed. Plaintiff, the general representative in Canada of a society of French authors whose rights in their works were vested, in June 1940, in the Custodian of Enemy Property pursuant to the Consolidated Regulations respecting Trading with the Enemy, 1939, was authorized by the Custodian to institute action against the defendant for having illegally reproduced certain writings in a magazine of which the latter was the owner. Held: That unless he expressly assigns his right to a society of which he is a member and whose main object is the defence of the members' private interests, the author of a work retains the ownership of copyright therein and may take an action for the infringement thereof. 2. That on the 21st of June 1940 the Custodian of Enemy Property became the sole representative in Canada of the Société des Gens de Lettres de France and the members thereof and, in that capacity, may have had the power to exercise the rights of the injured authors but only in his own name and quality, no one except the Crown having the right to plead by an agent. 3. That by virtue of the War Measures Act, R.S.C. 1927, c. 206 the provisions of the Berne and Rome Conventions pertaining to copyright are no more in force and an enemy author may not become the owner of copyright, in Canada during a state of war. 4. That the result of the Patents, Designs, Copyright and Trade Marks Emergency Order, 1939 (P.C. 3362) by providing that the provisions of s. 4 of the Copyright Act, R S.C., 1927, c. 32 shall be deemed, for the purposes of that Act, to continue in force notwithstanding a state of war, is that copyright shall subsist in works of enemy authors but the ownership thereof shall be vested in the Custodian of Enemy Property.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 331 ACTION for a declaration that the defendant has 1948 infringed the copyright of certain authors mentioned in Lo uVIc DE the action, for an injunction and for damages resulting MONv ONY from the infringement. RÉVÉREND PÈRE COUSINEAU, The action was tried before the Honourable Mr. Justice S.N. Angers at Montreal. Angers J. Jean Genest, K.C. for plaintiff. Jacques Perrault for defendant. The facts and questions of law raised are stated in the reasons for judgment. ANGERS J. now (March 15, 1948) delivered the following judgment: Le demandeur poursuit le défendeur, faisant affaires sous la raison sociale AUJOURD'HUI, ENR., pour prétendues contrefaçons et reproductions illicites dans la revue Au-jourd'hui d'articles d'auteurs protégés au Canada par l'effet de la Convention internationale de Berne et la Loi du droit d'auteur du Canada, pour dommages-intérêts au montant de $359.55 et les dépens. Dans son exposé de réclamation le demandeur déclare: il est homme de lettres, résidant en la Cité d'Ottawa, et le représentant général au Canada de la Société des Gens de Lettres de France, association corporative d'écrivains fondée à Paris, France, en 1838 et reconnue comme établis-sement d'utilité publique par décret du Président de la République Française en date du 20 décembre 1891; la dite société, qui a son siège à Paris, est commise à la sauvegarde des droits de ses adhérents et par eux autorisée à les repré-senter en justice; elle réclame aussi les droits d'écrivains français qui, n'étant pas ses adhérents, appartiennent à des groupements ou des périodiques de France qui l'ont chargée de revendiquer les droits de leurs membres et colla-borateurs; depuis 1940, sous le régime des Règlements de guerre établis par le Gouvernement canadien, le demandeur exerce cette représentation des auteurs français conformément aux 10594-51a
332 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1948 instructions du séquestre du Canada et sous son contrôle, et Lou N v Y DI il est autorisé aux présentes par celui-ci en vertu d'une auto-MDNVTIONY r isat ion spéciale du 17 avril 1943; RÉV É R R E END l'article 21 (2) des Règlements revisés sur le commerce cousIN EAII, avec l'ennemi (C.P. 3959 et 5353) attribue au dit séquestre S.J. et assujettit à son contrôle tous les biens au Canada appar- Angers J. tenant aux personnes, corporations, fiduciaires ou adminis-trateurs visés par la définition de "ennemi" contenue dans les dits Règlements; le séquestre possède ainsi le droit d'auteur sur tous les ouvrages protégés au Canada et dont les auteurs, leurs héritiers ou ayants droit résident en France ou en quelque autre pays couvert par les défini-tions de "Territoire ennemi" ou de "Territoire prohibé" contenues au premier article des dits Règlements; le défendeur tient son bureau principal au numéro 1961 est, rue Rachel, à Montréal, Province de Québec; le ou vers le ler février 1942 il s'est porté acquéreur du nom, de la revue et de la clientèle de la société enregistrée Les Editions d'Aujourd'hui, jusqu'alors propriétaire-éditrice de la revue mensuelle intitulée Aujourd'hui et publiée à Montréal, et le défendeur a continué à publier pour son compte la dite revue sous la raison sociale Editions d'Aujourd'hui, Enr.; le défendeur a reproduit illégalement et sans autorisation, dans la revue Aujourd'hui, les compositions d'auteurs protégés au Canada par l'effet des lois nationales et interna-tionales en vigueur; ces compositions, avec le numéro de la revue elles ont été reproduites, le nom de l'auteur et le nombre de lignes qu'elles comportent, sont les suivantes: Numéro de janvier 1942 La révolution française de 1940, par André Desqueyrat 600 lignes M. Hitler a tout compris, par Georges Bernanos 180 lignes Art et travail, par Louis Hourticq 140 lignes Le char dans la guerre moderne, par Jacques Darcy (reproduit du Figaro) 200 lignes L'astrologue Nostradamus, par Bernard de Vaulx 200 lignes Famille et patrie, par Henry de Montherlant (reproduit du Figaro) 200 lignes
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 333 Numéro de février 1942 1948 Situation de la peinture française, Lou vlG N Y DE par André Warnod 100 lignes MONTIGNY Le vieil Hindenberg, v par Bernard de Vaulx 180 lignes RÉVÉREND PÈRE Le bombardier en piqué, C (Y O ~ U SINEAU, par Bernard le Pecq S.J. (reproduit de l'Écho de Paris) 200 lignes Angers J. Les timides sont des forts, par Charles Fiessinger 270 lignes Numéro de mars 1942 L'Islam d'aujourd'hui, par J -E. Janot 700 lignes Numéro d'avril 1942 L'Art du théâtre, par Henri Ghéon 375 lignes Numéro de mars 1943 Maritain intime, par Yves-R. Simon 250 lignes Total 3,595 lignes le demandeur a souvent prévenu le défendeur des récla-mations auxquelles il s'exposait en reproduisant ainsi, sans l'autorisation des auteurs, des compositions littéraires que les lois en vigueur lui interdisaient de reproduire, mais le défendeur a toujours persisté dans son refus de se mettre en règle; le droit d'auteur sur ces compositions constitue une pro-priété qui tombe sous le coup des Règlements canadiens sur le commerce avec l'ennemi; les auteurs des compositions susdites sont français et, à ce titre, sont protégés au Canada par la Convention inter-tionale de Berne; le défendeur n'a obtenu ni des auteurs, ni de leurs ayants droit, ni de la Société des Gens de Lettres, ni du demandeur, ni du séquestre, l'autorisation de reproduire ces compositions dont la reproduction sans autorisation est interdite par les lois en vigueur au Canada; en pratiquant cette reproduction, le défendeur a causé des torts aux auteurs particuliers dont il a reproduit les compositions, et il cause généralement un tort considérable aux écrivains en les frustrant du légitime revenu de leurs tra-
334 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1948 vaux, en les décourageant de travailler avec l'espoir d'ob- LoN Y DI tenir quelque rémunération, et surtout en répandant le perm "' n icieux exemple de l' exploitation littéraire; R PÉREND les abus et violations du défendeur ne peuvent être répri-CousiNEnu, més que par ordonnance judiciaire et, à moins que la cour sau. n'enjoigne au défendeur de cesser toute reproduction non Angers J. autorisée de compositions littéraires dont les auteurs sont protégés au 'Canada, le défendeur continuera à violer le droit de ces auteurs qui, par les actes illégaux du défendeur, ont déjà subi des dommages considérables; le défendeur continuera également à frustrer le séquestre en tant que cessionnaire et détenteur, par l'effet des Règlements de guerre, des droits des auteurs protégés au Canada; la reproduction des compositions susdites constitue au-tant de contrefaçons, et les exemplaires de la revue Au-jourd'hui qui contiennent ces contrefaçons ou reproductions illicites sont, aux termes des lois en vigueur, la propriété du demandeur et celui-ci est fondé à en réclamer la remise ou une valeur équivalente; pour ces causes, le demandeur réclame: 1) une déclaration que les auteurs susmentionnés sont les premiers titulaires du droit d'auteur sur les compositions qui portent leurs signatures, et que ces ou-vrages sont protégés au Canada sans l'accomplisse-ment d'aucune formalité et doivent rester protégés jusqu'à l'expiration d'une période de cinquante ans après la mort de leurs auteurs; (2) une déclaration que le défendeur, en reproduisant ces compositions sans autorisation des auteurs, a violé le droit de ceux-ci et qu'il a également frustré le sé-questre du Canada en tant que cessionnaire et dé-tenteur, par l'effet des Règlements en temps de guerre susdits, des droits des auteurs dont le défendeur a reproduit les compositions; (3) une ordonnance de cessation (Frit of Injunction) interdisant au défendeur toute reproduction, dans sa revue Aujourd'hui, de compositions d'auteurs protégés au Canada; (4) des dommages-intérêts au montant de $359.50, repré-sentant 10 sous par ligne des reproductions illégale-ment publiées par le défendeur;
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 335 (5) une déclaration que les exemplaires de la revue Au- 1948 jourd'hui contenant des reproductions illicites, c'est- LouvI Ÿ DE à-dire des contrefaçons des ouvrages susdits, sont la Mo N TIGNY v. propriété des auteurs qui sont les titulaires du droit RÉvEEND $E d'auteur sur iceux, et une ordonnance obligeant le couPsE EAu, défendeur à remettre au demandeur ces exemplaires s a _ . contrefaits des ouvrages faisant l'objet de la présente Angers J. réclamation, ou de lui en payer la valeur équiva- lente; (6) les frais de la présente réclamation. Pour défense à l'action du demandeur, le défendeur plaide en substance ce qui suit: le demandeur n'a pas droit d'agir pour les personnes men-tionnées dans l'exposé de réclamation; les Règlements (C.P. 3959 et 5353) mentionnés dans l'exposé de réclamation et l'autorisation spéciale du 17 avril 1943 ne donnent pas au demandeur le droit d'intenter la présente action; en parti-culier la dite autorisation est illégale et ultra vires; il admet qu'il édite la publication Aujourd'hui et dit que cette publication n'est pas une revue, tel que mentionné au paragraphe 2 de l'exposé de réclamation; le défendeur a reproduit les compositions des auteurs R. P. Desqueyrat, jésuite, R. P. J.-E. Janot, jésuite, Henri Ghéon, Georges Bernanos et Yves-R. Simon avec leur auto-risation et nulle action ne pouvait être intentée au défen-deur à ce sujet; les reproductions mentionnées au paragraphe 3 de l'ex-posé de réclamation sont permises par les lois en vigueur au Canada concernant le droit d'auteur, étant faites dans un but de recherche, de critique et de compte rendu; au surplus, lors de la publication des articles mentionnés au dit paragraphe 3, le défendeur croyait et avait motif raisonnable de croire qu'à raison de l'état de guerre existant depuis septembre 1939 ces articles ne faisaient l'objet d'au-cun droit d'auteur et que leur reproduction pouvait être faite, sans violation de droit d'auteur, dans une publication du caractère d'Aujourd'hui; le demandeur, prié par le défendeur de lui faire con-naître le mandat qu'il invoquait, a été incapable de lui communiquer l'information requise;
336 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1948 il nie toutes les autres allégations de l'exposé de récla-LO JVIGNY DI mation. MONvTIGNY Pour réponse à la défense, le demandeur allègue en sub- RÉVÉREND stance ce qui suit: PÈRE CousINEAu, il nie les allégations de ladite défense, sauf celles ci-après S.J.. spécifiquement admises; Angers J. aucun des auteurs mentionnés dans le paragraphe 3 (a) de la défense n'avait qualité pour donner autorisation quel-conque tant qu'il se trouvait en territoire ennemi tel que défini par les Règlements de guerre, et tous leurs droits sont, en vertu desdits règlements, détenus par le séquestre officiel du Canada ou son représentant; les articles mentionnés dans le paragraphe 3 (b) de la défense ne peuvent être considérés comme étant faits dans un but de recherche, de critique ou de compte rendu; l'état de guerre n'a aucunement suspendu le droit d'au-teur ou l'effet de la Convention de Berne. Le procureur du demandeur a produit comme pièce 1 une autorisation, en date du 17 avril 1943, par le sous-secrétaire d'État et l'assistant séquestre au demandeur d'intenter une action contre le défendeur pour avoir reproduit sans auto-risation les articles y énumérés dans le magazine Aujourd'-hui durant la période de janvier 1942 à mars 1943. Cette autorisation se lit ainsi: The Custodian of Enemy Property, by his duly authorized Deputy, Ephraim Herbert Coleman, under the Consolidated Regulations Respecting Trading with the Enemy (1939) being vested with the rights of André Desqueyrat, Georges Bernanos, Louis Hourticq, Jacques Darcy, Bernard de Vaulx, Henry de Montherlant, André Warnod, Bernard de Pecq, Charles Fiessinger, J.-E. Janot, Henri Ghéon and Yves-R. Simon, their heirs and assigns, and/or La Société des Gens de Lettres, a body politic and corporate duly incorporated under the laws of the Republic of France and having its head office and principal place of business in the City of Paris, France, hereby authorizes Mr. Louvigny de Montigny, of the City of Ottawa, in the Province of Ontario, general representative and attorney in Canada of the said La Société des Gens de Lettres, to institute action in the Exchequer Court of Canada against Reverend Father Jacques Cousi-neau, of the Society of Jesus, for having reproduced without authority the following writings in the magazine Aujourd'hui during the period from January 1942 to March 1943: January 1942: La révolution française de 1940, by André Desqueyrat M. Hitler a tout compris, by Georges Bernanos Art et travail, by Louis Hourticq
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 337 Le char dans la guerre moderne, 1948 by Jacques Darcy LOUVIGNY DE (Reproduced from Figaro, a French newspaper) MONTIGNY L'astrologue Nostradamus, V. by Bernard de Vaulx RÉVÉREND Famille et patrie, PÈRE by Henry de Montherlant COUSINEAU, S J. February 1042: Angers J. Situation de la peinture française, by André Warnod , Le vieil Hindenberg, by Bernard de Vaulx Le bombardier en piqué, by Bernard de Pecq (Reproduced from l'Echo de Paris, a French newspaper) Les timides sont des forts, by Charles Fiessinger March 1942: L'Islam d'aujourd'hui, by J. E Janot April 1942 : L'Art du théâtre, by Henri Ghéon March 1943: Maritain intime, by Yves R. Simon. Pour établir les droits du séquestre dans les oeuvres des auteurs énumérés au paragraphe 3 de l'exposé de réclama-tion, le procureur du demandeur a invoqué la clause (f) du premier paragraphe de l'article 3 de la Loi des mesures de guerre (S.R.C. 1927, chap. 206). La partie pertinente de cet article se lit ainsi: 3. Le gouverneur en son conseil a le pouvoir de faire et autoriser tels actes et choses et d'édicter quand il y a lieu les arrêtés et règlements qu'il peut, en raison de l'existence réelle ou appréhendée de l'état de guerre, d'invasion ou d'insurrection, juger nécessaires ou opportuns pour la sécurité, la défense, la paix, l'ordre et le bien-être du Canada; et pour plus de certitude, mais non pas de façon à restreindre la généralité des termes qui précèdent, il est par la présente loi déclaré que les pouvoirs du gouverneur en son conseil s'étendent à toutes les matières tombant dans la catégorie des sujets ci-après énumérés, savoir: f) la prise de possession, le contrôle, la confiscation et la disposition de biens et de leur usage. Des règlements ont été adoptés conformément à cette loi par un arrêté en conseil en date du 21 août 1940 (C.P. 3959), lesquels ont été abrogés et remplacés par un arrêté en conseil
338 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1948 en date du 13 novembre 1943 (C.P. 8526). Une copie des Lou c Y DI premiers (version anglaise) a été produite comme pièce 2 MONTIGNY et une copie des seconds comme pièce 3. RÉVÉREND Le procureur du demandeur a produit comme pièce 4 une PÉRE CousINEAu, copie de la Gazette du Canada (version anglaise) du 14 dé- S.S. cembre 1940, contenant à la page 2138 un arrêté en conseil Angers J. en date du 31 juillet 1940 (C.P. 3515). La version française de cet arrêté en conseil, qui se trouve dans la Gazette du Canada du 21 décembre 1940 (p. 2258), est ainsi conçue: Attendu que le Secrétaire d'Etat, avec l'agrément du ministre des Finances, signale que par suite de l'invasion de la France par des armées ennemies, et de la possibilité que l'ennemi exerce sa domination sur tout le territoire français en Europe, sur les territoires adjacents d'Andorre et de Monaco, la zone française au Maroc, la Corse, l'Algérie et la Tunisie, il est nécessaire et opportun, en vue d'empêcher les richesses que les habitants de ces territoires possèdent au Canada de tomber au pouvoir de l'ennemi, de placer, temporairement, sous séquestration protectrice tous les biens, droits et intérêts au Canada des personnes de ces territoires et de régle-menter le commerce avec ces personnes; et Que la mesure la plus propre à assurer cette protection et cette régle-mentation est d'utiliser le bureau du séquestre établi sous le régime des Règlements sur le commerce avec l'ennemi (1939), et de conférer au Secré-taire d'Etat, relativement auxdits biens, droits et intérêts au Canada des personnes résidant dans ces territoires, le pouvoir qu'il peut exercer à titre de Secrétaire d'Etat et de séquestre, en vertu des Règlements sur le commerce avec l'ennemi (1939) à l'égard de territoires interdits; A ces causes, il plaît à Son Excellence le Gouverneur général en conseil, sur la recommandation du Secrétaire d'Etat du Canada, avec l'agrément susmentionné, et en vertu de la Loi des mesures de guerre (S.R.C. 1927, chapitre 206) de rendre l'ordonnance suivante: A partir du 21 juin 1940 inclusivement, les dispositions des Règle- ments sur le commerce avec l'ennemi (1939) sont par les présentes étendues et censées applicables à tout le territoire français en Europe, aux territoires adjacents d'Andorre et de Monaco, et à la zone fran-çaise au Maroc, à la Corse, l'Algérie et la Tunisie; Toutefois, les dispositions de la présente ordonnance ne s'applique- ront pas aux biens, droits et intérêts déclarés exempts par le ministre des Finances, mais dans ce cas la permission du ministre des Finances ou d'un agent désigné par lui sera nécessaire pour transférer toute pro-priété ou possession, ou pour exercer tout commerce ou pour disposer de ces droits de propriété ou intérêts au Canada. Le procureur du demandeur a invoqué le règlement 21. Ce règlement, dans les "Règlements revisés sur le commerce avec l'ennemi, 1939", décrétés en vertu de l'arrêté en conseil du 21 août 1940 (C.P. 3959), se lit ainsi: 21. (1) Tout bien au Canada appartenant à des ennemis au commencement ou postérieurement au commencement de la présente guerre, que ce bien ait été ou non divulgué au Séquestre selon les prescriptions des présents règlements, est par les présentes attribué au Séquestre et assujetti à son contrôle.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 339 (2) Le présent règlement constitue une ordonnance d'attribution et 1948 confère au Séquestre tous les droits appartenant auxdits ennemis, y compris LOUVIGNY DE le pouvoir de disposer dudit bien de la manière dont il peut en décider à sa MONTIGNY seule discrétion. V. RÉVÉREND Le règlement 26 détermine la durée de l'ordonnance d'at-PÈRE tribution ainsi: COUSINEAU, s.J. 26. Lorsque le bien de toute personne est attribué au Séquestre en conformité des présents règlements. ladite attribution ni toutes procédures Angers J. s'y rattachant ou en découlant ne doivent être annulées ni atteintes par le seul fait que ladite personne serait, antérieurement ou postérieurement à la date de l'attribution, décédée ou aurait cessé d'être un ennemi, ou lorsque le bien est attribué par une ordonnance de la cour en conformité du règlement 25, par le fait qu'on aurait constaté subséquemment que ladite personne n'était pas un ennemi. La définition des "biens" contenue dans ces règlements se trouve dans le paragraph (h) de l'article 1: h) "biens" aux termes des présents règlements vise et comprend toute propriété foncière et personnelle de quelque nature que ce soit ainsi que tous les droits et intérêts qui s'y rattachent, en droit ou en équité, et, sans restreindre la portée de ce qui précède, toutes valeurs, dettes, créances, comptes et droits incorporels. L'on trouve dans les sous-paragraphes (i) à (v) du para-graphe (b) de l'article 1 des mêmes règlements la définition du mot "ennemi". Il me semble à propos d'en citer la partie pertinente: b) "ennemi" vise et comprend (i) tout Etat, ou tout souverain d'un Etat de guerre avec Sa Ma-jesté; (ii) toute personne qui réside ou exerce des affaires sur un territoire ennemi ou prohibé, ainsi qu'une personne, à quelque endroit qu'elle réside ou exerce des affaires, qui est un ennemi ou considérée comme un ennemi et avec laquelle tout commerce est alors interdit par les présents règlements, par statut ou par proclamation de Sa Majesté, sur l'avis du Conseil privé de Sa Majesté pour le Canada, ou par le droit coutumier; Le règlement 21, compris dans les "Règlements revisés sur le commerce avec l'ennemi, 1943", décrétés en vertu de l'arrêté en conseil du 13 novembre 1943 (C.P. 8526), plus élaboré, est ainsi conçu : 21. (1) Tous les biens ennemis sont par les présentes attribués au Séquestre et assujettis à son contrôle, qu'ils aient ou non été signalés au Séquestre selon les prescriptions des présents règlements. (2) Le présent article constitue une ordonnance d'attribution et con-fère au Séquestre tous les droits d'un ennemi, y compris le pouvoir de disposer desdits biens, de la manière dont il peut décider à sa seule discré-tion. (3) Lorsque des biens sont détenus, inscrits ou enregistrés au Canada pour le compte ou au nom d'une personne dont l'adresse figurant dans le registre ou autre livre se trouve en territoire ennemi ou prohibé, ces biens
340 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1948 sont par les présentes attribués au Séquestre et assuj ettis à son contrôle, qu'ils aient été ou non signalés au Séquestre selon les prescriptions des LOIIVYaNY DI MOVIGNY D présents règlements, et le Séquestre peut disposer de ces biens comme s'ils y. avaient, avant l'attribution, entièrement appartenu à un ennemi. RÉVÉREND (4) Le Gouverneur en conseil peut, par décret, déclarer que les biens PÈRE spécifiés sont des biens ennemis, et faire publier une copie de CousINEAII, ce décret S.J. dans la Gazette du Canada; dès lors, les biens ainsi spécifiés sont censés être des biens ennemis, attribués au Séquestre à compter de la date de Angers J. l'arrêté en conseil, mais l'émission ou la publication d'un tel décret ne porte en aucune manière atteinte à l'attribution de biens prévue au para-graphe (1) du présent article. Le règlement 26 déterminant la durée de l'ordonnance d'attribution est en ces termes: 28. Lorsque les biens d'une personne sont attribués au Séquestre en vertu des présents ou d'autres règlements, ou de quelque arrêté en conseil ou loi, cette attribution ne doit pas, non plus que les procédures relatives à l'attribution ou en d'écoulant, être annulée ou atteinte par le seul fait que ladite personne serait, antérieurement ou postérieurement à la date de l'attribution, décédée ou aurait cessé d'être un ennemi, si les biens ont été attri-bués en vertu des dispositions de l'article 21, paragraphe (3) ou (4), ou de l'article 25 des présents règlements, en raison du fait qu'il a subséquemment été prouvé que ladite personne n'était pas un ennemi. La définition des "biens" contenue dans ces derniers règle-ments se trouve dans le paragraphe (i) de l'article 1, qui se lit comme suit: 2) "biens" vise et comprend toute propriété mobilière ou immobilière, ainsi que tous les droits et intérêts y afférents, en droit ou en équité; et sans restreindre la portée générale de ce qui précède, l'expression "biens" comprend les valeurs, dividendes, intérêts ou parts de bénéfices, dettes, créances, comptes, brevets, droits d'au-teur, marques de commerce, dessins ou tout intérêt y afférent, et les droits incorporels; L'on trouve dans le paragraphe (d) de l'article 1 des mêmes règlements la définition du mot "ennemi". La partie de cette définition qui offre quelque intérêt en l'espèce est en ces termes: d) "ennemi" vise et comprend (i) tout Etat, ou tout souverain d'un Etat, en guerre avec Sa Ma-jesté; (ii) toute personne résidant dans un territoire ennemi ou prohibé; (iii) toute personne exerçant des affaires dans un territoire ennemi ou prohibé; Les mots "territoire ennemi" et "territoire prohibé" sont définis dans les paragraphes (b) et (c) de l'article 1, qui se lisent comme suit: b) "territoire ennemi" désigne toute étendue de pays qui se trouve sous l'autorité suprême d'un Etat ou souverain ou occupé par un Etat ou souverain alors en guerre avec Sa Majesté;
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 341 c) "territoire prohibé" signifie toute étendue de pays à l'égard de 1948 laquelle le Gouverneur en conseil, par suite de l'état de guerre réel Louvl N ou appréhendé ou autrement, ordonne la garde préventive des MONTI o O Y N D Y E biens des personnes résidant dans ce territoire, la réglementation v. du commerce avec de telles personnes, ou les deux à la fois; RÉVÉREND PÉRE Dans l'appendice aux règlements de 1943 on peut voir, C OUBINEAU, S.J. entre autres, les noms des pays déclarés territoires ennemis, parmi lesquels se trouve la France. Angers J. Le procureur du demandeur a produit comme pièce 18 une copie d'un acte de dépôt par le demandeur d'une procuration à lui donnée par la Société des Gens de Lettres le 21 novem-bre 1930, ledit acte fait et passé devant Me Victor Morin, N.P., le 26 août 1943. Il est dit dans cet acte de dépôt que le comparant (Lou-vigny de Montigny) déclare que ladite procuration n'a pas été révoquée et qu'elle est en pleine force et vigueur. L'acte stipule que cette déclaration ainsi qu'une autre indifférente en l'espèce ont été faites solennellement par le comparant comme équivalentes à un serment en vertu de l'Acte de la Preuve en Canada. Ladite procuration faite et passée à Paris, France, le 21 novembre 1930, devant Me André Oudard, notaire, par monsieur Georges Robert, agissant en sa qualité de délégué général du comité de la Société des Gens de Lettres, auto-risé à cet effet par une délibération dudit comité tenue le 7 juillet 1930, constitue pour fondé de pouvoir et repré-sentant général de ladite Société pour le Canada le deman-deur et lui donne, entre autres, pouvoir : de représenter la Société des 'Gens de Lettres et chacun de ses membres et adhérents en particulier, et les héritiers et ayants droit de ses membres ou adhérents décédés, ainsi que les organisations d'auteurs ou d'éditeurs affiliés à la Société des Gens de Lettres pour les fins particulières de la protection des oeuvres leur ressortissant respectivement dans le Dominion du Canada. de prendre les mesures et exercer les procédures qu'il jugera nécessaires ou opportunes pour sauvegarder, défendre ou revendiquer les droits de la Société des Gens de Lettres ou des organisations à elle affiliées comme susdit, ou ceux des membres adhérents ou ayants droit de la Société des Gens de Lettres ou desdites organisations affiliées, et d'exercer tous les recours possibles, d'après les législations nationales et internationales en vigueur au pays, afin d'empêcher la contrefaçon des oeuvres ressortissant aux auteurs en cause ou à leurs ayants droit. d'autoriser ou défendre selon le cas, la reproduction des ouvrages ressor-tissant aux auteurs en cause, quelle que soit la forme ou les procédés de reproduction, de formuler et faire valoir des réclamations devant lee tribu-
342 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1948 eaux canadiens dans le cas de reproduction non autorisée ou autrement illicite, d'exercer toute action judiciaire pour prévenir pareille reproduction, LOIIVIONY DE MONTIGNY pour la faire cesser ou pour réclamer les dommages-intérêts auxquels elle v. pourra donner lieu, d'exécuter tout jugement rendu, et de transiger, s'il y RÉVÉREND a lieu, soit avant soit après jugement. PÈRE COUSINEAII, * * * * * S.J. La Société des Gens de Lettres, tant pour elle-même que pour ses propres Angers J. membres et adhérents et que pour ceux des organisations à elle affiliées, ratifie par les présentes et confirme tout ce que fera ledit Monsieur Lou-vigny de Montigny ou ce qu'il fera faire dans l'exercice légitime des pou-voirs qui lui sont conférés, elle s'engage aussi à fournir audit Monsieur Louvigny de Montigny, au besoin, la preuve complète et recevable devant les cours de justice du Canada, des titres qu'elle possède, ou que possèdent ses membres adhérents ou affiliés, sur la propriété des oeuvres pour la reproduction desquelles des droits d'auteur ou redevances seront réclamés. Le procureur du demandeur a produit comme pièce 5 une déclaration de raison sociale Editions d'Aujourd'hui (enrg.), signée par le défendeur, datée le 30 janvier 1942. A la suite de cette déclaration est un certificat signé par Wilfrid Guérin, N.P., à l'effet que l'original a été enregistré au greffe de la Cour Supérieure pour le district de Montréal le 9 février 1942. Le procureur du demandeur a produit un exemplaire de chacun des numéros d'Aujourd'hui de janvier, février, mars et avril 1942 et mars 1943, dans lesquels ont été reproduits les articles énumérés dans l'exposé de réclamation. Tel que susdit, le défendeur a plaidé que le demandeur n'était pas qualifié pour intenter une action au profit des auteurs mentionnés dans l'exposé de réclamation et parti-culièrement que les règlements invoqués (C.P. 3959 et 5353) et l'autorisation du 17 avril 1943 (pièce 1) ne don-naient pas au demandeur le droit d'intenter cette action. Avant de déterminer si le défendeur avait droit de repro-duire dans la revue Aujourd'hui les articles dont il s'agit, il me semble opportun de décider: (1) si la Société des Gens de Lettres de France avait qualité pour intenter une action pour le bénéfice des auteurs de ces articles; (2) si le séquestre était investi des droits de ces auteurs ou de leurs héritiers ou ayants cause; (3) assumant qu'il l'était, s'il pouvait céder ses droits au demandeur et si celui-ci avait le droit de poursuivre en son nom personnel.
Ex.C.R.] EXCHEQUER 'COURT OF CANADA 343 Relativement à la première question, il est avantageux de 1948 se reporter à l'arrêt de la Cour de Cassation, confirmant le LouvIa DE jugement de la Cour d'Appel de Paris, dans la cause de la MoNTIONY V. Société des Gens de Lettres et Théodore Cahu c. Rouf et RAVÉREND Phu; Cie (1 J ) . COUSINEAU, Le sommaire de l'arrêt se lit en partie comme suit: S.T. La Société des Gens de Lettres constitue une association ayant pour Angers J. objet la défense des intérêts privés des adhérents; et, si elle a été reconnue comme établissement d'utilité publique, cette reconnaissance n'a pas eu pour effet d'en modifier la nature. (1) Pandectes françaises, 1917, tome 32, p. 41. Il rentre dans les pouvoirs souverains des juges du fond de décider, par interprétation des statuts et du règlement intérieur de la Société des Gens de Lettres, et par appréciation de l'intention commune des contractants, qu'en entrant dans ladite société, un auteur ne s'est pas dessaisi du droit de reproduire ses oeuvres, qu'il est resté propriétaire et maître de ce droit, et que la société est seulement chargée pour un temps contractuellement fixé, et moyennant un salaire déterminé, d'en encaisser le produit. Il ressort du rapport que la Société des Gens de Lettres a été reconnue comme établissement d'utilité publique par décret du 10 décembre 1891; que l'article 20 des statuts prévoyait l'élaboration d'un règlement intérieur, obliga-toire pour les sociétaires; que celui-ci a été voté par l'as-semblée générale de la société le 21 février 1892 et revêtu, peu après, de l'approbation ministérielle; qu'aux termes de l'article 1er des statuts de la société a pour but "de prêter, dans les conditions prévues au règlement, aide et assistance à ses sociétaires par tous les moyens qui sont en son pouvoir et dans toutes les occasions cela pourrait leur être utile, notamment en ce qui concerne la reproduction de leurs oeuvres littéraires"; que l'article 23 du règlement dispose "que chaque sociétaire, en vertu du droit qui lui est reconnu par la loi du 19 juillet 1793, apporte dans la société, pour la durée de sa vie et pour être exploité en commun, son droit d'autoriser les journaux, revues et recueils périodiques fran-çais ou publiés en langue française à l'étranger et à repro-duire ses oeuvres publiées dans d'autres journaux, recueils ou volumes"; que le droit de reproduction passe ainsi, en principe, 'des auteurs à la société; que les auteurs peuvent cependant se réserver le droit de reproduction et que, pour ce faire, ils doivent mettre en tête de la publication la mention "Publication interdite" et en aviser la société.
344 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1948 Le rapport relate que le 4 janvier 1884 Jules Mary, Loue G Y DI membre de la Société des Gens de Lettres depuis 1881, a m' u. Y cédé à la Société des publications Rouff et Cie la toute pro-RÉVÉREND priété illustrée de son roman "Le Docteur rouge" et que le PÈRE Cous NEAU, 7 décembre 1896 Théodore Cahu a cédé à la même Société _s'• la toute propriété illustrée de son roman "Vendus à l'En- Angers J. nemi". Le rapport déclare qu'en 1903 la Société des publications Rouff et Cie a fait paraître dans un journal illustré, intitulé Les grands Romanciers, les romans de MM. Mary et Cahu. Le rapport dit que la Société des Gens de Lettres, tout en reconnaissant que les sociétaires conservent le droit de traiter directement en ce qui concerne l'illustration, a con-sidéré que les traités faits par MM. Mary et Cahu, portant aussi sur la reproduction du texte, dépassaient les droits qu'ils s'étaient réservés. Par exploit du 23 novembre 1903 la Société des Gens de Lettres et MM. Mary et Cahu ont assigné MM. Rouff et Cie pour voir dire qu'ils avaient reproduit illicitement Le Docteur rouge et Vendus à l'Ennemi, s'entendre condamner à des dommages-intérêts à fixer par état et se voir faire défense de continuer la reproduction. A cette demande, MM. Rouff et Cie ont opposé qu'ils avaient acquis l'entière disposition des romans pour la reproduction illustrée et que, si la Société des Gens de Lettres pouvait, en thèse générale, se prévaloir contre les tiers contractants de l'apport stipulé dans l'article 2.3 du règlement intérieur, c'était à la condition que l'apport fût matériellement réalisé par une inscription de l'eeuvre à la chronique ou au catalogue qui en est l'an-nexe, ce qui, d'après eux, n'avait pas eu lieu. Le rapport note qu'il y avait erreur de fait sur ce point en ce qui con-cerne le roman de Jules Mary, dont l'inscription à la chro-nique remontait à 1883. Le rapport relate que le tribunal de la Seine a, par juge-ment du 22 juin 1906, décidé que le transport du droit de reproduction de l'auteur à la Société des Gens de Lettres s'opère par la remise d'une nomenclature des ouvrages sur lesquels le sociétaire fait abandon de son droit, nomenclature qui est portée à la connaissance des tiers par l'inscription au catalogue et à la chronique de la société. Le tribunal a rejeté la demande de la Société des Gens de Lettres
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 345 et de Théodore Cahu quant au roman Vendus à l'Ennemi, 1948 qui n'avait pas été inscrit au catalogue, mais il a accueilli la LOUVIGNY Dl demande de la société et de Jules Mary quant au roman MONTIGNY V. Le Docteur rouge, qui figurait au catalogue à l'époque du RÉVÉREND PÈRE traité passé par M. Mary avec MM. Rouff et Cie. Toute-COUSINEAU, fois, en raison des termes du traité, le tribunal a estimé que S.J. la société était seule fondée à réclamer sa part dans les Angers J. droits d'auteur et il s'est borné, après avoir prononcé, pour le préjudice passé, une condamnation à des dommages-inté-rêts, à faire défense à MM. Rouff et Cie de continuer la reproduction sans payer la redevance due à la Société des Gens de Lettres. Par exploit du 13 octobre 1906 la Société des Gens de Lettres et MM. Mary et Cahu ont fait appel devant la Cour de Paris. Plus tard, Jules Mary et la Société des Gens de Lettres ont accepté les dispositions du jugement concernant le roman Le Docteur rouge, en sorte que l'inté-rêt du litige s'est concentré sur la question de savoir si MM. Rouff et Cie avaient pu publier librement le roman de Théodore Cahu à raison de ce que ce roman n'était pas encore inscrit au catalogue de la Société lors du traité de cession. Par arrêt rendu le 29 mars 1907 la Cour de Paris a con-firmé le jugement du tribunal de la Seine, exprimant, entre autres, les considérations suivantes (p. 43) : Considérant, en effet, qu'aux termes de l'art. ler des statuts annexés au décret du 10 décembre 1891, qui l'a reconnue comme un établissement d'utilité publique, la Société des Gens de Lettres a notamment pour but "de procurer aux gens de lettres les avantages qui doivent résulter de leurs travaux", et, plus particulièrement, en ce qui touche "la reproduction de leurs oeuvres littéraires", de prêter "aide et assistance" à ses sociétaires; qu'il n'est aucunement question, dans ces statuts, de l'apport du droit de reproduction dans le fonds social, et qu'à cet égard, l'art. 10 énonce seule-ment que les ressources de la société se composent chaque année des "recettes" relatives au droit de reproduction; qu'à la suite de l'art. 13, qui établit l'inaliénabilité du capital social, l'art. 18, en cas de disssolution, applique, après paiement du passif, tout le surplus de l'actif au service des rentes et des charges imposées à la société ou à la création d'établissements en faveur des gens de lettres, et que, dans une liquidation ainsi réglée, il n'est pas possible de retrouver, dans une mesure quelconque, la propriété du droit de reproduction; qu'à la vérité, l'appelante ne sépare pas ces statuts d'un règlement intérieur du 21 février 1892, "dressé en conformité des statuts", et dont l'art. 23 est ainsi conçu: "Chaque sociétaire, en vertu du droit qui lui est reconnu par la loi du 19 juillet 1793, apporte dans la société, pour 1a durée de sa vie, et pour être exploité en commun, son droit d'autoriser les journaux, revues et recueils périodiques français ou 10594-6a
346 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1948 publiés en langue française à l'étranger, à reproduire ses oeuvres publiées dans d'autres journaux, recueils ou volumes"; que, sans qu'il y ait lieu de LOUVIGNY of MONTIGNY s'arrêter à certaines autres considérations contenues dans divers articles du V. règlement, et qui ne sont visiblement autre chose que l'application appa- RÉVÉREND rente de la stipulation précédente, il s'agit de rechercher si, en réalité, PÈRE l'auteur a, malgré son adhésion aux statuts et au règlement de la société, CGI B IB .J I . N EAII, conservé la propriété de son droit de reproduction, ou si, au contraire, i1 y a eu de sa part, selon la lettre de l'art. 23, un véritable apport social de Angers J. son droit, en vue d'une exploitation en commun; qu'il convient d'abord de noter que l'interprétation proposée par l'appelante est contraire au sens manifeste des statuts, dont le règlement intérieur a pour objet d'assurer l'exécution; qu'elle tend à admettre l'addition à la société civile des gens de lettres d'une association commerciale pour l'exploitation du droit de reproduction, et à soumettre ainsi l'institution elle-même à des éventualités auxquelles les contractants n'ont certainement pas entendu s'exposer; qu'aussi bien, et quelles que soient les explications de l'art. 32 sur la clause et les bases du paiement fait à l'auteur, il n'en est pas moins formellement stipulé qu'il touche la part afférente à la reproduction de ses oeuvres, seul, et sans aucun partage avec les autres membres de la société; qu'il est, de plus constant en fait que, sur le montant des sommes perçues, da société retient quinze pour cent et remet quatre-vingt-cinq pour cent à l'auteur; que la seule comparaison de ces chiffres démontre nettement que le prélè-vement opéré par l'appelante n'est autre chose que la rémunération de ses soins et démarches, et que, dans tous les cas, c'est seulement la retenue ou la "recette" de quinze pour cent qui tombe dans l'actif social;... Pourvoi en cassation par la Société des Gens de Lettres et Cahu soulevant deux moyens: ler Moyen. Violation de la loi des 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13, de la Constitution du 3 septembre 1791, tit. 3, chap. 5, art. 3, de la loi du 16 fruct. an 3, du décret décla-ratif d'utilité publique de la société exposante du 10 décem-bre 1891, et du principe de la séparation des pouvoirs, en ce que la Cour s'est livrée, pour la solution d'un litige concer-nant la cession d'une propriété littéraire, à l'interprétation des statuts et du règlement intérieur formant annexe des statuts d'un établissement d'utilité publique, alors que cette interprétation n'appartient qu'à la juridiction administrative. Il est évident que ce moyen n'offre aucun intérêt en l'espèce. 2e Moyen. Violation des art. 1134, 1599, 1833, 1841, 1851, C. civ., des statuts, et du règlement intérieur de la société exposante, notamment des art. 2, 7, 11, 18 et 20 des statuts, 14, 18, 23 à 34, 36, 69 et 87 du règlement intérieur : 1° en ce que la Cour a décidé, par l'interprétation incriminée dans le premier moyen, que la Société des gens de lettres n'est ni propriétaire, ni usufruitière du droit d'autoriser les repro-
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 347 ductions des oeuvres de ses membres, et qu'en conséquence 1948 tout auteur, malgré son adhésion aux statuts et au règle-LOUVIGNY DE ment intérieur, peut valablement céder ce droit à un tiers, MONTIGNY V. au détriment de la société, alors que le règlement intérieur, RÉVÉREND PÉRE prévu par les statuts, stipule, dans son art. 23, que "chaque COU6INEAU, sociétaire, en vertu du droit qui lui est reconnu par la loi S.J. du 19 juillet 1793, apporte dans société, pour la durée de Angers J. sa vie et pour être exploité en commun, son droit d'auto-riser les journaux, revues et recueils périodiques français ou publiés en langue française à l'étranger, à reproduire ses oeuvres publiées dans d'autres journaux, recueils ou volumes"; et 2° en ce que la Cour a jugé que, dans l'hypothèse même chaque membre de la société exposante lui ferait apport en propriété ou en usufruit de son droit d'autoriser les reproductions, cet apport ne serait opposable aux tiers acquéreurs de la propriété littéraire qu'à la condition d'avoir été porté à leur connaissance par une mesure de publicité, alors qu'en matière de cession de droits incorporels, tels que les droits des auteurs sur leurs oeuvres, la première cession s'oppose par sa seule antériorité, sans qu'il soit besoin d'au-cune mesure de publicité, à la validité de toute cession ulté-rieure. La Cour de Cassation a rejeté l'appel et dans son arrêt, relativement au deuxième moyen, le seul qui nous intéresse, a énoncé, entre autres, les motifs suivants (p. 44) : Attendu que, des constatations de l'arrêt attaqué, il résulte que Théo-dore Cahu, membre de la Société des Gens de Lettres depuis 1886, a, par traité du 7 décembre 1896, cédé à la Société Rouff et ICie "le droit de publier avec illustration, sous quelque forme que ce soit", le roman Vendu à l'ennemi, dont il est l'auteur; Attendu que, Rouff et Cie ayant entrepris la reproduction de cet ouvrage, la Société des Gens de Lettres les assigna devant le tribunal civil de la Seine, à l'effet de faire interdire cette publication, soutenant que, par suite de son adhésion aux statuts et règlements sociaux, Théodore Cahu avait apporté, dans la société, la propriété de son droit de reproduction, et qu'il ne pouvait plus, sans le consentement de ladite société, traiter valablement pour le texte avec Rouff et Cie; Attendu que l'arrêt attaqué a repoussé cette prétention; que, par interprétation de divers articles des statuts du 10 décembre 1891, rapprochés de plusieurs articles du règlement intérieur du 21 février 1892, et par appréciation de l'intention commune des contractants, il décide que "ces dispositions sont exclusives d'un dessaisissement de la propriété du droit de reproduire au profit de la Société des Gens de Lettres"; que l'auteur est resté propriétaire et maître de ce droit, et que la société est seulement chargée, pour un temps contractuellement fixé, et moyennant un. salaire déterminé, d'en encaisser le produit pour le compte de ses adhérents;... 10594-6ja
348 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1948 Cette opinion a été adoptée par la Cour du Banc du Roi LOIINYDE de la Province de Québec dans la cause de Joubert v. Géra-MONTI(}NY v. c i mo et autres (1). Le sommaire du jugement contient, RÉVÉREND ÈRE entre autres, le 'dispositif suivant: CoupNEnu, La Société des Gens de Lettres, la Société des auteurs et compositeurs S.J. dramatiques, et la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musi- que, en France, ne sont pas les cessionnaires du droit de propriété litté-Angers J. raire de leurs membres; elles ne sont, chacune dans sa sphère, que les agences de perception de leurs droits d'auteur. I'l s'ensuit que chaque auteur peut poursuivre, au Canada, pour la violation ou la conservation de ses droits. Dans les notes du juge Carroll l'on trouve ces déclara-tions (p. 98) : L'appelant Joubert est éditeur de musique et d'oeuvres dramatiques à Paris. Il est propriétaire, entre autres choses, de quatorze comédies en un acte, dont les titres sont mentionnés dans son action. Il se plaint: 1. de ce que les intimés ont représenté, sans autorisation, ces pièces à Montréal, à certaines dates qu'il indique; 2. de ce qu'ils ne les ont pas représentés sous les noms de leurs auteurs; 3. de ce qu'ils en ont représenté trois sous de faux titres. * * * Les principales allégations de l'action ont été prouvées, mais la de-mande de Joubert a été rejetée en première instance (M. le juge Monet) sur le motif principal, que, étant membre de la Société des auteurs, com-positeurs et éditeurs de musique de Paris, il n'avait aucun statut pour poursuivre et que la Société seule pouvait faire valoir ses droits. Deux motifs additionnels appuient le jugement de première instance: 1. Il n'y a pas de droits d'auteur à percevoir dans une salle de vues animées qui n'est pas un théâtre au sens propre du mot; 2. Les intimés ont agi de bonne foi. Aucun de ces motifs ne me parait fondé. D'abord sur la question de procédure, je crois que Joubert, quoique membre de la Société des 'auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, pouvait poursuivre en son nom personnel pour atteinte portée à des droits dont il est seul titulaire. Quand le présent litige aura été finalement décidé au fond, il y aura chose jugée à l'égard de 'la Société aussi bien qu'entre Joubert et Géracimo. Il existe en France trois associations organisées pour surveiller les intérêts des auteurs: ce sont la Société des gens de lettres, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, et la Société des auteurs, composi-teurs et éditeurs de musique. Ces sociétés ne sont pas cessionnaires des droits de propriété litté-raire de leurs membres. Chacune fait seulement, dans sa sphère spéciale,, fonction de mandataire. Ce sont des agences de perception de droits d'auteurs, et de distribution subséquente de ces droits suivant des conditions déterminées aux règlements respectifs. C'est sous cet aspect que ces trois sociétés ont été envisagées par les tribunaux français qui ont été appelés à étudier leurs statuts. Le juge 'Carroll, après s'être référé à trois arrêts, l'un de la Cour d'appel de Paris, un autre de la Cour d'appel de (1) (1916) R.J.Q. 26 BR. 97.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 349 Rouen et un troisième du tribunal de Caen, ajoute (p. 99) : 1948 Il y a un peu d'incertitude dans la jurisprudence lorsq l u e, dans le cas I~GIIVIGNY DE spécial de conflit entre une de ces sociétés et quelqu'un de ses membres, MONTIGNY il s'est agi d'établir une priorité de pouvoirs relativement à l'autorisation V. ou à l'interdiction de certaines représentations dramatiques ou de cer-RÉVÉREND PÉaE taines reproductions de textes, mais, dans la cause actuelle, est pour-COIIBINEAII, suivi un tiers auquel on demande indemnité pour des représentations non S.J. autorisées, il me paraît hors de doute que Joubert avait capacité juri-dique pour se porter personnellement demandeur. D'ailleurs, si l'action Angers J. avait été intentée par l'intermédiaire de la Société des auteurs, compo-siteurs et éditeurs de musique, Joubert y aurait également figuré à titre de demandeur. Pouillet, dans son Traité théorique et pratique de la pro-priété littéraire et artistique, exprime la même opinion: je crois opportun de reproduire quelques passages de son traité: 621. Le droit de poursuite appartient au propriétaire de l'oeuvre ori-ginale; nous disons: le propriétaire, et non l'auteur; il est, en effet, certain que le droit de poursuivre la contrefaçon passa aux cessionnaires ou héri-tiers en même temps que la propriété de l'oeuvre. C'est ce que le décret du 5 février 1810 disait expressément dans son article 39 ainsi conçu: "Les auteurs peuvent céder leur droit à un imprimeur ou libraire ou à toute autre personne qui est alors substituée en leur lieu et place". 827. Droit de poursuite.—Il appartient en principe à l'auteur de l'oeu-vre, et après lui à ses ayants cause, héritiers, légataires ou cessionnaires. Il appartient également au ministère public. Nous n'avons rien à ajouter aux développements que nous avons donnés plus haut sur ce point en ce qui touche le délit de contrefaçon. Tout ce que nous avons dit alors s'applique ici. 828, Quid de la Société des auteurs$--Nous avons rappelé qu'il existe deux Sociétés instituées pour la défense des droits des auteurs et nous avons brièvement défini leur objet, d'ailleurs tout à fait distinct. Il est clair que ces Sociétés parfaitement régulières peuvent poursuivre les faits qui portent atteinte à leurs droits. 11 faut toutefois distinguer entre les faits qui font grief à la Société et ceux qui feraient grief aux auteurs, membres de la Société. Les premiers la Société peut naturellement les poursuivre en son nom; c'est l'être moral qui est blessé; c'est à lui à se défendre. Les seconds ne peuvent être poursuivis que par les auteurs qui en ont victimes, en leur propre et privé nom. La Société, pour cette catégorie de faits, ne pourrait se substituer à eux. Il s'ensuit que le délit de représentation illicite doit être poursuivi au nom de l'auteur, dont le consentement était nécessaire. La Société ne pourrait poursuivre que si la propriété de l'ceuvre ou tout au moins le droit de l'exploiter lui avait été constitué en apport par l'auteur. Voir dans le même sens: Pandectes françaises, tome 48, Propriété littéraire, artistique et industrielle, n°a 1365 et 1695; Pandectes françaises, supplément, tome 4, même sujet, nos 278 et 279; Huard et Mack, Propriété littéraire et artistique, n° 215; Bry, Propriété industrielle, littéraire et
350 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1948 artistique, n°s 786 et 892; Gazette des Tribunaux, 1913, LouVI yDE tome 1, première partie, p. 170; Dalloz, Répertoire Prati-M0NTIGNY v que, tome 10, Propriété littéraire et artistique, n° 170. R PÉR END RE Depuis la défaite de la France et l'armistice, survenu au CousINEAII, mois de juin 1940, le demandeur ne représente pas la Société s_.I . des Gens de Lettres de France mais le séquestre. Celui-ci Angers J. pouvait peut-être exercer les droits des auteurs des articles en question, mais il devait le faire en son propre nom. Personne ne peut plaider par procureur, si ce n'est le sou-verain. Ce principe est reconnu, entre autres, clans les Provinces de Québec et de l'Ontario et en France. L'article 81 du Code de procédure civile de Québec con-tient, entre autres, la disposition suivante: 81. Personne ne peut plaider avec le nom d'autrui si ce n'est le sou-verain par ses officiers reconnus. Plusieurs jugements ont été rendus en conformité de cette disposition; il suffira d'en citer quelques-uns: Nesbitt et al. v. Turgeon et al. (1) ; Porteous et al. v. Reynar (2) ; Cartier v. Laviolette et al. (3) ; Lalonde ès quai, v. Legault (4) ; Berman v. La Société d'Administration Générale (5) ; Pa-quette v. Grondin (6) ; Letellier v. Leduc (7) ; Motherwell ès quai, v. Laganière (8) ; Bouchard v. Gagné et al. et Corporation du village de Mistassini (9) ; Bélanger v. Caron et al. et Morin et al., t.s. et Caron, contestant (10). Dans le droit anglais ou "common law" la même doctrine prévaut, tel qu'on peut le constater dans les auteurs et les arrêts suivants: Jenk's Digest of English Civil Law, tome 1, n° 65; Halsbury's Laws of England, 2e édition, tome 26, v1e Practice and Procedure, p. 12, n° 3; Odgers on the Common Law, 3e édition, tome 1, p. 617; Corpus Juris, v° action, p. 982, nO 8 84 et s.,; Fairlie v. Fenton et al. (11) ; Paice v. Walker et al. (12); Harper & Co. v. Vigers Brothers (13). La même doctrine a cours en France: Dalloz, Répertoire Pratique, tome 1, v° action, n°s 64, 65, 66, 86, 87 et 88; Pigeau, La procédure civile des tribunaux de France, tome 1, (1) (1845) 2 R. de L. 43. (8) (1925) 28 R.P.Q. 97. (2) (1887) 11 L.N. 9. (9) (1933) 36 R.P.Q. 353. (3) (1862) 6 LC.J. 309. (10) (1940) R.J.Q. 78 CS. 429. (4) (1898) R.J.Q. 15 C.S. 297. (11) (1870) L.R. 5 Ex. 169. '(5) (1916) RJ.Q. 51 CS. 132. (12) (1870) L.R. 5 Ex. 173. (6) (1920) 26 R.L. n.s. 447. (13) (1909) 2 K.B. 549. (7) (1921) 23 R.P.Q. 232.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 351 pp. 51 et 52; Garsonnet et Cézar-Bru, Traité théorique et 1948 pratique de procédure, 3e édition, tome 1, n°a 365 et s.; LOUVIGNYDE Rousseau et Laisney, Dictionnaire théorique et pratique de MONvTIGNY procédure, 2e éd., v'a action en justice, n° 101. La doctrine R VÉREND est ici exposée avec clarté et précision; je crois à propos de CoUSINEAU, S.J. citer le paragraphe: Angers J. 101. Le mandataire est sans qualité pour exercer en son nom l'action de son mandant. Ainsi le veut l'ancienne maxime que nul en France, excepté le roi, ne plaide par procureur. En d'autres termes, le maître de l'action a seul qualité pour l'intenter. La loi n'admet pas qu'un manda-taire simple, ordinaire, volontaire puisse figurer en son nom, comme man-dataire, dans les qualités de l'instance La violation de cette règle entraîne la non-recevabilité de l'action, et la nullité de tous les actes de procédure signifiés à la requête du mandataire ou procureur, bien qu'il déclare au nom de qui il agit, et que les actes fassent connaître le mandant par ses nom et prénoms (Cass., 30 nov. 1849; Nîmes, 23 déc. 1830, S. 31. 2. 225; D 31. 2 181; Paris, 21 janv. 1861, S. 61. 2. 508; Contrà, Merlin, v° Prescript., t. 4, p. 96; Carré, Quest. 90; Berriat-Saint-Prix. Proc. civ. n° 196, note 9; Favard, t. 1, p. 136; Boitard, t. 1, p. 242; Boncenne, t. 2, p. 128; Bordeaux, 21 fév. 1851, S. 51. 2 245; D 51. 2 191; Rennes, 26 mars 1849, S 51. 2. 705; D. 51. 2. 154) . Le paragraphe 101 bis déclare que par application de la même maxime il a été décidé que le cessionnaire d'une créance doit poursuivre le débiteur en son nom personnel et qu'il ne peut exercer aucune poursuite au nom du cédant. Il n'y a pas de preuve au dossier que les articles repro-duits dans la revue Aujourd'hui aient été inscrits à la Chronique de la Société des Gens de Lettres ou au catalogue qui en est l'annexe. A mon avis, il résulte de cette absence d'inscription que les auteurs ont conservé leur droit de pro-priété dans leurs oeuvres. Les raisons énoncées ci-dessus suffiraient, il me semble, pour justifier le rejet de l'action. Je crois bon néanmoins de résumer brièvement quelques autres moyens de défense invoqués de la part du défendeur. En vertu de la Loi des mesures de guerre les dispositions des Conventions de Berne et de Rome, relatives au droit d'auteur, sont suspendues et l'écrivain d'un Etat ennemi ne peut acquérir un droit d'auteur pendant la durée de la guerre. Tous les droits d'auteur invoqués par le deman-deur ont été acquis durant la guerre par des ennemis. La France et les citoyens français sont devenus pays et sujets
352 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1948 ennemis le 21 juin 1940 par un arrêté en conseil adopté le LOUVIGNYDE 31 juillet 1940 (C.P. 3515) en vertu de la Loi des mesures MONTIGNY v. de guerre. RPEND Je ne crois pas que l'article 8 de l'arrêté en conseil sur les COUSINEAU, brevets, les dessins de fabrique, le droit d'auteur et les mar- sa_ . ques de commerce (C.P. 3362) ait aucune portée sur le Angers J. présent litige. La présente action est basée sur la Convention interna-tionale pour la protection des oeuvres littéraires et artisti-ques, signée à Rome le 2 juin 1928, dont la ratification cana-dienne a été déposée le 27 juin 1931, et sur l'article 20 de la Loi du droit d'auteur. L'article 4 de la Convention de Rome contient les dispo- sitions suivantes: (1) Les auteurs ressortissant à l'un des pays de l'Union jouissent, dans les pays autres que le pays d'origine de 'l'oeuvre, pour leurs oeuvres, soit non publiées, soit publiées pour la première fois dans un pays de l'Union, des droits que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux, ainsi que des droits spécialement accordés par la présente Convention. (2) La jouissance et l'exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité; cette jouissance et cet exercice sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine de l'oeuvre. Par suite, en dehors dés stipulations de la présente Convention, l'étendue de la protection, ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauve-garder ses droits, se règlent exclusivement d'après la législation du pays la protection est réclamée. L'article 7 de cette Convention stipule, entre autres, ceci: (1) La durée de la protection accordée par la présente Convention comprend la vie de l'auteur et cinquante ans après sa mort. (2) Toutefois, dans le cas cette durée ne serait pas uniformément adoptée par tous les pays de l'Union, la durée sera réglée par la loi du pays la protection sera réclamée et elle ne pourra excéder la durée fixée dans le pays d'origine de l'oeuvre. Les pays de l'Union ne seront, en conséquence, tenus d'appliquer la disposition de l'alinéa précédent que dans la mesure elle se concilie avec leur droit interne. Le premier paragraphe de l'article 4 de la Loi du droit d'auteur décrète ce qui suit: 4. Subordonnément aux dispositions de la présente loi, le droit d'au-teur existe au Canada, pendant la durée mentionnée ci-après, sur toute oeuvre originale littéraire, dramatique, musicale ou artistique, si, à l'époque de la création de l'oeuvre, l'auteur était sujet britannique, citoyen ou sujet d'un pays étranger ayant adhéré à la Convention et au Protocole addition-nel de cette même Convention, publiés dans la seconde annexe de la pré-sente loi,, ou avait son domicile dans les possessions de Sa Majesté; et si, dans le cas d'une oeuvre publiée, l'oeuvre a été publiée en premier lieu dans les possessions de Sa Majesté ou dans l'un de ces pays étrangers; mais ce
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 353 droit n'existera sur aucune autre oeuvre, sauf dans la mesure la protec-1948 tion garantie par la présente loi sera étendue, conformément aux pres- LO DE criptions qui suivent, à des pays étrangers auxquels la présente loi ne MoN T m IO a NY s'applique pas. y. RÉVÉREND L'article 5, concernant la durée du droit d'auteur, se lit PÈRE COÜSINEAU, ainsi : S.S. 5. A moins de dispositions contraires et formelles contenues dans la An présente loi, la durée du droit d'auteur comprendra la vie de l'auteur et Angers J. une période de cinquante ans après sa mort. L'article 20 de la Loi du droit d'auteur, sur lequel s'appuie le demandeur, contient, entre autres, les dispositions sui-vantes: 20. Lorsque le droit d'auteur sur une oeuvre aura été violé, le titulaire du droit pourra recourir, sauf disposition contraire de la présente loi, à tous moyens de réparation, par voie d'ordonnance de cessation ou d'interdiction, de dommages-intérêts, de décomptes (accounts) ou autrement, moyens qui sont ou seront garantis par la loi en vue de la violation d'un droit. 2. Les frais des parties dans toute action en violation du droit d'auteur seront librement déterminés par la cour. L'arrêté en conseil sur les brevets d'invention, les dessins, le droit d'auteur et les marques de commerce (C.P. 3362), invoqué par le demandeur, n'a pas pour effet de maintenir en vigueur pendant la guerre cet article ni aucun autre article de la Loi du droit d'auteur, à l'exception de l'article 4. Il a été décrété particulièrement pour permettre au regis-traire des droits d'auteur d'émettre des licences autorisant la reproduction d'oeuvres composées par un ennemi durant la guerre; hors ce cas le droit commun subsiste intégrale-ment. L'article 48 de la Loi du droit d'auteur, qui stipule que le Gouverneur en conseil "peut prendre les mesures néces-saires pour assurer l'adhésion du Canada à la Convention revisée de Berne, signée le treizième jour de novembre 1908, et au Protocole additionnel signé à Berne, le vingtième jour de mars 1914", et l'article 12 de la Loi modificatrice du droit d'auteur, 1931 (21-22 Geo. V, chap. 8) qui décrète que le Gouverneur en conseil "peut prendre les mesures nécessaires pour assurer l'adhésion du Canada à la Convention revisée pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, signée à Rome, le deuxième jour de juin 1928", sont les seules dispositions législatives en vertu desquelles les Conventions de Berne et de Rome s'appliquent au Canada. 12850la
354 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1948 L'arrêté en conseil du 27 octobre 1939 (C.P. 3362) ne Lou a Y DE mentionne point les articles 20 et 48 et par conséquent ne Mo N TIONY les maintient pas en vigueur pendant la durée de la guerre. RÉVÉREND La prétention du procureur du défendeur qu'un auteur PÈRE COusINEAII, ennemi, qui a écrit une oeuvre pendant la guerre, ne peut 8'J' se prévaloir de l'article 20 de la Loi du droit d'auteur me Angers J. paraît bien fondé. Relativement à la portée de l'arrêté en conseil du 27 octo-bre 1939 (C.P. 3362) Fox, dans son ouvrage The Canadian Law of Copyright, exprime l'opinion suivante (p. 554) : Provisions enabling the Minister and the Commissioner of Patents or the Registrar of Copyright to deal in and make regulations affecting copyright and licenses thereunder, are contained in the Patents, Designs, Copyright and Trade Marks Emergency Order, 1939. The Emergency Order, 1939, contains regulations which have a direct effect upon Canada's international position respecting copyright. It is provided that, notwithstanding the provisions of the Regulations Respecting Trading with the Enemy, 1939, the Defence of Canada Regulations, 1939, or any rule or law relating to intercourse or dealings with or for the benefit of enemies, the provisions of s. 4 of the Copyright Act shall be deemed, for the purposes of that Act, to continue in force nothwithstanding the state of war, subject to any alteration, or variation thereof under that Act. Furthermore, any copyright that would have subsisted under s. 4 of the Copyright Act if the owner of the copyright had not been an enemy, shall so subsist where an enemy is, whether alone or jointly with any other person, the owner thereof. Plus loin (ibid.) l'auteur ajoute: The result of the above regulations contained in the Emergency Order, 1939, is that the effect of s. 4 of the Copyright Act remains undiminished in that copyright shall subsist in works made or published by enemy citizens or subjects notwithstanding the existence of a state of war but that, nevertheless, the ownership of such copyright shall be vested in the Custodian under the Regulations Respecting Trading with the Enemy, 1939, s. 24 above referred to. Ces commentaires de Fox me paraissent soutenir la pré-tention du défendeur. La décision rendue dans la cause de Zamacois c. Douville et al. (1) ne peut faire autorité en l'espèce. Les faits qui y ont donné naissance se sont produits en février 1940, avant que la France et ses citoyens eussent été déclarés ennemis, ce qui n'eut lieu que le 21 juin 1940, par arrêté en conseil (C.P. 3515). L'action de. Zamacois a été intentée le 14 juin 1940. Au surplus, c'est l'auteur lui-même qui a poursuivi. (1) (1944) Ex. C.R. 208.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA Pour ces motifs additionnels je crois que l'action ne peut être maintenue. Il ne me semble pas utile dans les circon- stances de m'attarder à discuter le droit du défendeur de reproduire les articles incriminés. Je me contenterai de noter que dans le cas des articles des Pères Desqueyrat et Janot, tous deux jésuites, la situation a été nettement éclair-cie. Le Père Albert Le Roy, jésuite de la province de Paris et représentant des jésuites français au Canada, a déclaré qu'il connaissait les Pères Desqueyrat et Janot et qu'il sait qu'ils écrivent et publient des articles dans des revues fran-çaises. Il a affirmé que les membres de la Compagnie de Jésus peuvent reproduire, sans autorisation spéciale et sans droit d'auteur, les articles de leurs confrères. Il a produit comme pièce D une lettre en date du 9 juin 1943, signée par lui, qui se lit ainsi: A qui de droit, Je soussigné, Albert Le Roy, membre de la province de Paris de la Compagnie de Jésus et membre de l'Action Populaire de Paris, seul repré-sentant des Jésuites français en terre canadienne, certifie que le P. Jacques Cousineau, S.J., est autorisé à reproduire librement dans les articles publiés par les Jésuites français. Il ne saurait être question de droits d'auteur à réclamer. Je certifie également que nul au Canada n'a reçu autorisation d'au-cune sorte pour percevoir des droits d'auteur au nom des Jésuites français. Je crois opportun de signaler en outre que la publication de l'article d'Yves-R. Simon, intitulé Maritain intime, autorisée par l'auteur lui-même par lettre du 11 février 1943 ainsi que par Robert Charbonneau, éditeur de La Nouvelle Relève, par lettre du 27 mai 1943 confirmant l'autorisation déjà donnée par téléphone. Ces deux lettres ont été pro-duites comme pièce 12. J'ajouterai que par lettre en date du 9 juin 1943, produite comme pièce E, Jean-Marie Parent, des a confirmé l'autorisation verbale donnée au défendeur en février 1942 de reproduire dans la revue article d'Henri Ghéon L'art du théâtre, ans après. Je ne crois pas que le défendeur ait en l'occurrence fait preuve de mauvaise foi, nonobstant les affirmations du demandeur et de son avocat à cet effet. L'action est rejetée, avec dépens. Judgment accordingly. 12850-1$a 355 Y948 Lo uvldNY DE MozcTIQNY R M ÉV e ÉR END RF C0IP S INEAII, aJ Angers Jr. Aujourd'hui tous a été Editions du Cep, Aujourd'hui un appendice Quinze
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