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366 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1952 1 95 r 2 BETWEEN: Apr. 25 THE MINISTER OF NATIONAL }f A PPELLANT May 20 REVENUE AND SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE AGRICOLE RESPONDENT. DU COMTÉ DE CHATEAUGUAY .. , RevenueIncomeIncome War Tax Act, R.S.C. 1927, c. 97, s. 5(1)(b)— Agricultural co-operative associationThe Co-operative Agricultural Association Act, .R.S.Q. 1941, c. 120 Amounts paid by way of interest on shares called "preferred share?' by the Act represent interest on capital invested by subscribers and not interest on borrowed capital Appeal from the Income Tax Appeal Board allowed. The respondent, an agricultural co-operative association governed by the Co-operative Agricultural Association Act, R.S.Q. 1941, e. 120, paid 'during its 1947 and 1948 fiscal periods certain amounts by way of interest to holders of shares called "preferred shares" by section 5(1) of the Act which reads as follows: "...The Association shall have the right to issue preferred shares. The Board of Directors may fix the denomination thereof and determine the rate of interest thereon, which shall not exceed' seven per cent. Such preferred shares shall be repayable by the Association on the conditions determined by the Board of Directors and stated in the certificate of issue. The holders of preferred shares shall not be entitled to be present nor to vote at the meetings of the Association." These amounts were claimed by the respondent as deductible expenses in its income tax returns for those years. The Minister disallowed the deductions and, on an appeal from the assessments, the Income Tax Appeal Board held that the amounts so paid represented interest on borrowed capital and were deductible from income. Held: That subscribers to preferred shares are from the financial point of view of the Association on an equal footing with subscribers to ordinary shares. Bath have subscribed to the capital of the Association with the expectation of receiving a profit from their investments. This profit is represented in the case of the ordinary share by the refund mentioned in section 25, as amended, of the Co-operative Agricultural Act, R.S.Q. 1941, c. 120, and in the case of the preferred share by the interest fixed in the resolution passed by the board of directors, this interest, however, to be drawn on profits.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 367 2.—That the amounts paid by the respondent Association in 1947 and in 1952 - 1948 to its preferred shareholders represent interest on the capital MINISTEx invested by them and result from the profits made by the Association. OF NATIONAL Consequently, section 5(1)'(b) of the Income War Tax Aot, R.S.C. REVENUS V. 1927, c. 97 is not applicable. SocIÉTÉ COOPÉRATIVE APPEAL from a decision of the Income Tax Appeal A ~( COCTÉ nD U Board. CHÂTEAU- OOAY The appeal was heard before Mr. Guillaume Saint-Pierre, Q.C., Deputy Judge of the Court, at Montreal. Guy Favreau and Raymond Décary for appellant. Victor Pager, Q.C., for respondent. The facts and questions of law raised are stated in the reasons for judgment. SAINT-PIERRE D.J. now (May 20, 1952) delivered the following judgment: Il s'agit d'un appel du jugement de la Commission d'appel de l'impôt sur le revenu en date du 22 juin 1951 au sujet de l'avis de cotisation pour les années d'imposition 1947 et 1948 de la Société Coopérative Agricole du Comté de Châteauguay du village de Ste-Martine, dans la ( province de Québec. La Commission d'appel de l'impôt sur le revenu accueillit l'appel de l'intimée et ordonna à l'appelant que l'avis de cotisation soit amendé pour chacune des années d'imposition 1947 et 1948 afin que lesdites sommes payées à, titre de dividendes aux actionnaires privilégiés soient accordées en déduction du revenu de l'intimée pour les années d'imposition 1947 et 1948. L'appelant soumet comme motifs d'appel les suivants: 15. L'appelant invoque les dispositions de l'article 5(1)1 (b) de la Loi de 'l'impôt de guerre sur le revenu. 16. L'appelant soumet que les montants de $1,354.99 et de $1,467.61 qui furent payés par l'intimée aux détenteurs d'actions privilégiées h titre de dividendes au cours 'des années d'imposition 1947 et 1948 ne sont pas des montants payés pour intérêt sur le capital emprunté et employé dans le commerce pour produire le revenu. 17. L'appelant soumet que le revenu de l'intimée pour chacune des années d'imposition 1947 et 1948 a été proprement cotisé selon les dispositions de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu. 60659-2a.
368 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1952 1952 L'intimée nie les allégations de l'appel et plaide spéciale- MINISTER ment ce qui suit: OF NATIONAL REVENUE 10. L'intimée est une Société Coop p é rative A g g ricole formée en vertu v. de/et régie par la Loi des Sociétés Coopératives Agricoles (S.R. Quebec SOCIÉTÉ Chap. 120 et amendements). COOP R É ATIVE AGRICOLE DU 11. L'intimée a pa Y y é en intérêts à despersonnes désignrées par la loi COMTÉ DE susdite comme porteurs d'actions privilégiées" les sommes qui font l'objet CHATEAU- du présent appel. GIIar 12. L'intimée afin de déterminer son revenu imp p o sable pour chacune Saint-Pierre des années 1947 et 1948, a fait entrer les sommes payées par elle en DJ. intérêts sur lesdites "actions privilégiées", dans les dépenses et charges déductibles. 13. Les montants payés en intérêts tels que susdits, sont en réalité pour l'intimée une charge d'exploitation et non pas une distribution de profits, le capital obtenu par l'intimée au moyen d'actions privilégiées", au sens de ladite Société Coopérative Agricole (S.R. Quebec Chap. 120 et amendements), étant en réalité du capital emprunté et employé dans ses affaires par l'intimée pour produire le revenu. 14. Nonobstant les mots que la loi susdite emploie pour les désigner, les titres appelés "actions privilégiées" représentent des emprunts "sui generis" et ne correspondent nullement aux titres ayant la même appellation et qui sont émis en vertu des lois sur les compagnies à respon-sabilité limitée. et elle demande à ce que cet appel soit rejeté et que la décision de la Commission d'appel rendue le 22 juin 1951 soit maintenue, le tout avec dépens. La cause a été soumise et les parties ont procédé à l'en-quête. Les témoins suivants ont été entendus: 1° Émile Simard, gérant de la Société Coopérative Agri-cole du Comté de Châteauguay, témoin de l'appelant. Il produit comme exhibit A-1 les rapports de l'impôt sur le revenu pour les années 1947 et 1948, les avis de cotisation, les avis d'objection et l'avis du Ministre. Il produit comme exhibit A-2 un extrait des Minutes de la Société Agricole de Châteauguay pour les années du 27 avril 1944, 3 juin 1944 et le 19 juin 1944. Il produit comme exhibit A-3 une copie d'un certificat d'actions privilégiées. Il produit comme exhibit A-4 une liste du nombre d'actions ordinaires et d'actions privilégiées pour l'année 1947. Il produit comme exhibit A-5 une liste du nombre d'actions ordinaires et d'actions privilégiées pour l'année 1948. Il déclare que le certificat des actions privilégiées ne correspond pas aux résolutions passées par la Société. D. D'un autre côté le porteur du certificat était satisfait de prendre le certificat dans la forme qu'il était et la Société était satisfaite de lui fournir le certificat dans la forme qu'elle avait, n'est-ce pas? R. C'était la méthode employée.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 369 D. Je ne vous parle pas de valeur légale, je vous parle de garantie, le 1952 porteur d'un certificat d'actions privilégiées ne pouvait pas faire vendre ATiONR les biens de la Société s'il n épapsa y é de son certificat,à moins de O r M N ATIONAL prendre un jugement et saisir après? REVENUE R. Absolument. V. SocrLA D. Tandis que le porteur d'un prêt hypothécaire avait la garantie que CooPÉRATIvE les biens de la Société étaient pour le payer? AGRICOLE DU COMTE DE R. C'est bien cela. CHÂTEAU- QUAY L'intimée a fait entendre les témoins suivants: Saint-Pierre M. Émile Simard. Il produit comme exhibit R-1 une D.J. liste des personnes porteurs d'actions ordinaires et d'actions privilégiées pour l'année 1947 et comme R-2 la même liste pour 1948. H produit comme exhibit R-3 une formule de contrat d'achats et de ventes. Il déclare qu'à l'assemblée du 12 décembre 1947, l'assemblée de la Société Coopérative a adopté le bilan qui a été produit et que les sommes repues des actions privilégiées ont été employées pour les fins du développement de la Société. Les intérêts sur les actions privilégiées étaient payés le 15 juillet 1947 et le 15 juillet 1948. M. Raymond Houde, comptable, est celui qui a préparé le bilan et qui a indiqué dans les charges de la Société, les intérêts sur le capital ordinaire de même que sur le capital privilégié. Le procureur de l'appelant pose la question suivante: Est-ce que le capital formant la cause de l'action privilégiée est du capital emprunté ou du capital investi dans le capi-tal-action de la Société Coopérative? Il réfère tout d'abord à la cause de McCool v. Ministre du Revenu National (1) confirmé par la Cour Suprême du Canada Tax Cases Stikeman 1949 à la page 385 il a été décidé que "la section 1(b) de la Loi de l'impôt de guerre ne peut s'appliquer qu'A du capital emprunté". Il ajoute qu'il doit exister une relation juridique essentielle de prê-teur à emprunteur entre l'actionnaire qui souscrit une action privilégiée et la Société Coopérative. Cette relation juri-dique provient de la loi et c'est dans la loi que l'on doit trouver s'il s'agit d'un prêt ou d'un placement de capital. Il se base tout d'abord sur l'article 3, dernier paragraphe, qui dit que la "Société comprend également en plus des actionnaires ordinaires, les souscripteurs d'actions privi-légiées". Il ajoute que les articles 4 et 5 ne font pas de (1) (1948) Ex.C.R. 548. 60659-2}a
370 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1952 1952 distinction entre l'action ordinaire et l'action privilégiée et MINISTER que l'actionnaire privilégié n'est pas un créancier de la GF NATIONAL REVENUE Soc i e te et, par conséquent, un prêteur, mais qu'il est débi-SOCIÉTÉ teur des créanciers de la Société jusqu'à concurrence du COOPÉRATIVE montant global de la mise qu'il a souscrite ou de la mise AGRICOLE DU COMTÉ DE qu i correspond au montant de ses actions. CHÂTEAII- GUAY Il s'appuie sur les articles 13-1B et 13B qui ne fait pas de Saint-Pierre distinction entre l'action ordinaire et l'action privilégiée. D.J. L'article 5-1B de la Loi de l'impôt ne fait pas de distinc- tion quand il s'agit d'intérêts déductibles ou exempts d'im-pôt ou quand il s'agit d'intérêts ou de dividendes sur actions privilégiées et il cite la cause de Re Income War Tax Act v. Crassweller (1) il a été décidé que le bénéfice, quel qu'il soit, que retire une personne en raison et à cause de sa qualité d'actionnaire ou à raison du capital-actions qu'elle détient d'une compagnie c'est toujours un dividende, qu'on l'appelle "intérêt" ou "dividende" c'est un revenu de la nature d'un dividende. Il s'appuie sur les bilans de la Société pendant les années 1947 et 1948 la Société a porté au compte "capital" les actions ordinaires et les actions privilégiées mais ne les a pas portées au compte "emprunt". Dans l'exhibit A-2 il n'est pas question d'emprunt. Le certificat est conforme à la résolution et par conséquent conforme â la loi. Il conclut que l'émission d'actions privi-légiées est une augmentation du capital et il admet que la Société Agricole n'est pas une compagnie mais c'est une Société par actions suivant l'article 1889 du Code Civil et que dans le cas de liquidation l'actionnaire ordinaire comme l'actionnaire privilégié seraient responsables jusqu'à concurrence de leur mise et pas plus. Dans le cas de doute quant à l'interprétation de l'article 5-1B il faut l'interpréter à l'encontre de celui qui l'invoque et en faveur de la loi générale. Wilder v. Ministre du Revenu National (2) ; Lumbers v. Ministre du Revenu National (3). Dans la loi des compagnies, les actionnaires privilégiés sont propriétaires du capital-actions. Dupuis Frères v. Ministre du Revenu National (4). Dans la cause de (1) (1949-50) T.A.B. Cases p. 1. (3) (1943) Ex.C.R. p. 202. (2) (1949) Ex.C.R. p. 347. (4) (1927) Ex.C.R. p. 207.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 371 Younger v. Imperial Tobacco (1) les tout nouveaux mem-1952 bres participent de façon à être responsables vis-à-vis de MINISTRE ceux qui ne le sont plus. La disposition de la loi qui AL OFR EVENUE permet la souscription en trois parties ou en trois verse- SGC~IÉTÉ ments n'exclut pas le capital privilégié. CooPÉRATIVE AGRICOLE DU Concernant les actionnaires qui n'ont pas droit de vote il en azTÉ nE réfère à l'Édition Waganese, 1931, p. 474 et Lighthall Do- CGUA v-minion Companies Act, édition 1935, p. 104. Il réfère de saint-Pierre plus à la cause de Rubas v. Parkinson (2) pour établir qu'il D.J. faut examiner le caractère du revenu et non pas le droit de vote, et l'actionnaire privilégié est assuré à même les profits de la Société de cette partie des profits qui équivaut à 5 p. 100 de sa mise dans le capital. Il conclut au maintien de l'appel sur le principe qu'il ne s'agit pas d'un prêt mais d'une mise de capital avec expectative de profit représenté par l'intérêt. Le procureur de l'intimée pose la question suivante: Les sommes perçues au taux de 4 p. 100 sur ce qu'on appelle les actions privilégiées émises par la Société constituent-elles de l'intérêt sur de l'argent prêté oui ou non? Il dé-clare que c'est uniquement sur la nature de la transaction que porte tout le débat et qu'il faut examiner la nature de la transaction et non pas la terminologie employée pour résoudre la 'question. Il réfère à Law Reports, Queen's Bench Division, Vol. 1, Inland Revenue et à la cause du Ministre du Revenu National v. Saskatchewan Grain Growers Association en 1930. Pour déterminer la nature des rapports juridiques il faut examiner la loi et la réso-lution en vertu desquelles ces emprunts ont été versés entre les mains de la Société. Il ne faut pas tenir compte des certificats d'action car il n'y a pas de résolution qui les approuve et ces certificats contiennent des conditions qui ne sont pas autorisées par la loi. Steel v. Ramsay (3). Il fait l'historique de la loi. En 1925, c'est le chapitre 57, S.R.Q. 1925, loi concernant les sociétés coopératives agricoles. L'article 3 à cette date se lisait comme suit: La société doit se composer d'au moine 25 personnes qui signent une déclaration. (1) (1935) 58 B.R. p. 310. (2) (1929) 3 D.L.R. p. 1. (3) (1931) A.C. p. 270.
372 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1952 1952 A cette date il n'y avait pas d'actions privilégiées. L'ar-MINISTER ticle 5 ne parle pas d'actions privilégiées. OF NATIONAL REVENUE L'article 9 se lisait comme suit: O. SOCIÉTÉ La société se compose des personnes qui ont signé la déclaration men-COOPÉRATIVE tionnée dans l'article 3 et de toutes celles qui par la suite, souscrivent des AGRICOLE DU actions de cette société. COMTÉ DE CHÂTEAU - AY M Cette loi a été amendée par le chapitre 38 de 20 George V et l'article 3 a été remplacé par l'article 2 du chapitre 38 de Saint-Pierre D.J. 20 George V et l'article 2 comprend "les producteurs action-naires", "les producteurs affiliés" et les "actionnaires privi-légiés". L'article 5 a été amendé en y ajoutant "les actionnaires privilégiés". L'article 9 a été amendé en y ajoutant après le mot "actions" dans la troisième ligne le mot "ordinaires". C'est l'article 8 de la présente loi qui détermine ce qui suit: La société se compose de personnes qui ont signé la déclaration men-tionnée dans l'article 3 et de toutes celles qui, par la suite, souscrivent des actions ordinaires dans cette société. Comme conséquence de cet amendement les actionnaires privilégiés ne seraient pas les personnes qui composent la société. L'article 19 est amendé en remplaçant le mot "sociétaire" par les mots "producteur actionnaire" quant à l'assemblée générale. Par ces amendements le procureur de l'intimée conclut que l'actionnaire privilégié n'a pas droit de vote, ne peut pas être représenté aux assemblées et n'est pas même dans la catégorie des personnes dont se compose la société. Il déclare que partout dans la loi le mot "action" est employé seul il s'agit des actions des actionnaires ordinaires et il s'appuie sur l'article 14 qui déclare que dans le cas de défaut du producteur actionnaire de remplir ses obligations il est rayé de la liste des membres et ses actions sont con-verties en actions ordinaires. Il déclare de plus que les actionnaires privilégiés n'ont aucun privilège au sens de la loi. Le fait que l'action privilégiée soit rachetable l'assimile pour le moins à un prêt et il n'y a rien dans la loi qui soit prévu au cas de défaut de paiement de l'intérêt qui don-nerait un rang quelconque supérieur à celui de l'action ordinaire.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 373 Il soumet que l'émission qui a été faite est une émission 1952 d'obligation et non pas une émission de capital privilégié et M INISTER il réfère à la cause de Touquoy Gold Mining Company (1 OF ) Il admet que dans le certificat et dans les résolutions il n'est Som pas question d'emprunt. La transaction qui a été faite est CoortRATIVE vraiment un prêt ou un emprunt, et le paiement de l'intérêt A C GoM É DD U est une charge d'une façon constante et il conclut à ce que CH ÂTEAU"' GITAY l'appel soit rejeté. Saint-Pierre La question soumise est celle de savoir si les paiements D.J. faits par la Société en 1947 et en 1948 aux actionnaires privilégiés de ladite Société sont des intérêts sur un prêt fait par lesdits actionnaires ou si ce sont des intérêts sur du capital investi par lesdits actionnaires et qui résultent des profits de ladite Société. Si ces montants résultent d'un prêt, la section 5(1) (b) de la loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique pas et si ces montants proviennent de profits du capital investi, la section 5(1) (b) de l'impôt sur le revenu s'applique. Le président de la Commission d'appel de l'impôt sur le revenu base son jugement sur la décision rendue dans la cause de Tonquoy Gold Mining Company (supra) le tribunal en est arrivé à la conclusion que bien qu'on ait appelé l'émission qui avait été faite une émission d'actions privilégiées, il s'agissait véritablement d'une émission de débentures et qu'il s'agissait d'un emprunt contracté par la compagnie. Si on lit cette cause on constate les faits suivants: En vertu de sa charte, 1897, c. 108, s. 7, les actionnaires avaient le droit d'émettre des "bonds, débentures or preferred shares, under its seal" et qu'il était prévu que ces "bonds" et "débentures" seraient payables à tel temps et à telle place et qu'ils porteraient intérêt à tel taux et que ces "bonds", "débentures" ou stocks préférentiel donnaient droit au porteur à des priorités ou privilèges et seraient sujets à telles conditions que la compagnie pouvait décider. A une assemblée du 30 juillet 1903, il a été décidé d'émet-tre une série de "preferred shares" conformément à l'article 17 pour une somme n'excédant pas $12,000 et que lesdites actions privilégiées ou débentures porteraient intérêt à (1) (1906) Eastern Law Reports, Vol. 1, p. 142.
374 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1952 1952 8 p. 100 payable semi-annuellement et qu'elles seraient 'sTEs remboursées dans une, deux ou trois années à l'option de NAL °~R uNE la compagnie. v. SocrhTÉ En conformité avec cette résolution un avis a été adressé A CooPERAT~ aux actionnaires récitant la résolution et indiquant à quel GRICOLE DII CoMTÉ DE usage servirait ce montant et ajoutant de plus que ces CHÂTEAU- GUAY actions privilégiées "would constitute a first lien on all assets of the Company, including mining areas, woodland, Saint -Pierre j. machinery and plan" et que le principal et l'intérêt sera payable en plein avant que les actions ordinaires puissent participer sur les profits de la compagnie. A la suite un "trust deed" a été passé et il était prévu que le "trustee" "to hold the property of the company embraced in the deed of trust for the repayment of said loan with interest as aforesaid". Il ne fait aucun doute qu'il s'agissait dans ce cas d'un prêt représenté par des actions privilégiées comme il aurait pu être représenté par une dé-benture. Cette cause ne peut pas s'appliquer à la présente cause car ni dans la loi, ni dans les résolutions de la So-ciété, ni dans les certificats émis il n'est question de prêts. Le président après avoir fait la distinction entre la loi des compagnies et la loi visant les sociétés coopératives d'agriculture et mettant de côté le certificat émis comme ultra vires en vient à la conclusion que les montants payés aux détenteurs des "actions privilégiées" émises par l'appe-lante représentent un intérêt sur du capital emprunté et n'ont pas les caractéristiques des dividendes payés sur les actions privilégiées d'une compagnie à fonds social. Comme le chapitre 120 S.R.Q. 1941 et ses amendements est la loi qui voit à la création des sociétés coopératives d'agriculture, il me faut donc référer â cette loi. Avant d'entrer dans l'interprétation de cette loi, comme elle ne le fait pas, il nous faut se demander qu'est-ce qu'une action, qu'est-ce qu'une action ordinaire, qu'est-ce qu'une action privilégiée. Une action c'est la mise de fonds souscrite par une per-sonne au capital d'une compagnie ou d'une société avec l'expectative de retirer un revenu à même les profits. Une action ordinaire pourrait se définir comme une action qui n'a rien de spécial, on l'appelle également action commune. Une action privilégiée c'est une action à laquelle sont attachés certains privilèges déterminés soit par la loi, soit par
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 375 la résolution de l'assemblée générale des actionnaires et 1952 dans le cas de sociétés coopératives agricoles par le bureau M INISTEE de direction OF NATIONAL . REVENUE D'après la loi concernant les sociétés coopératives agri- soc iTt codes, chapitre 120, S.R.Q. 1941, il y a deux sortes d'actions, CooPÉEATIVE les actions ordinaires et les actions privilégiées. Les articles T T DEII spécifiques ayant trait aux actions privilégiées sont les CHÂTEAU suivants: 3, 5-1, 5-8, 14, 25 et 31. L'article 3 détermine la composition de la société et déclare que "la société com- SeanD.ierre prend également les souscripteurs d'actions privilégiées". L'article 5 détermine les privilèges attachés à ses actions: 1° dénomination non limitée, 2° taux d'intérêt n'excédant pas 7 p. 100, 3° rachetable aux conditions fixées par le bureau de direction ; et l'article ajoute "que les porteurs de ces actions privilégiées n'ont pas le droit d'assister ni de voter aux assemblées de la société". L'article 5-8 donne à la société agricole le droit de souscrire et d'acquérir des actions ordinaires ou privilégiées de la société coopérative fédérée de la province de Québec. L'article 14 déclare que si un producteur actionnaire fait défaut de remplir ses obligations, le bureau peut le rayer de la liste des membres et convertir ses actions ordinaires en actions privilégiées. L'article 25 avant l'amendement de la loi 11 George VI, chapitre 45 en 1947 se lisait comme suit: "L'assemblée générale se basant sur ce compte rendu, détermine le mon-tant des bénéfices dont elle fait la répartition. Après paie-ment du dividende en faveur des actions privilégiées et du montant à être versé au fonds de réserve, la société peut distribuer le surplus aux producteurs actionnaires, etc." Cet article 25 a été remplacé par le suivant: "L'assemblée générale détermine en se basant sur cet état, le montant des excédents d'opération à répartir". Elle affecte ce mon-tant à la constitution de réserves, ainsi qu'à l'attribution de ristourne aux membres, etc. L'article 31, deuxième paragraphe, dit que les dissidents ont droit d'être rem-boursés des sommes versées au capital de la société au moyen d'une action privilégiée portant intérêt à cinq pour cent. Quels sont les articles il est question des actions ordi-naires? Ce sont les articles 5-6, 5-8, 5-9, 8, et 14. L'article 5-6 dit que "pour devenir sociétaire un producteur doit souscrire au moins cinq actions ordinaires ou le nombre
3.76 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1952 1952 d'actions ordinaires supérieur à cinq fixé par règlement, MINISTER pourvu que, dans ce dernier cas, le nombre total des actions ° NATIO REEVEN E ~ n'excède pas cinq cents dollars". L'article 5-8 donne à la v. société agricole le droit de souscrire et d'acquérir des actions SGCIÉTÉ COOPÉRATIVE ordinaires ou privilégiées de la société coopérative fédérée AgZ, D u de la province de Québec. L'article 5-9 donne à la société CHÂTEAU- agricole le droit de faire des conventions avec la société GUAM fédérée des agriculteurs quant à la souscription aux actions Sain D t -j ierre ordinaires et privilégiées de ladite société. L'article 8 détermine la composition de la société en déclarant qu'elle se 'compose des personnes 'qui ont signé la déclaration men-tionnée dans l'article 3 et de toutes celles qui, par la suite, souscrivent des actions ordinaires dans la société. L'article 14 déclare que si un producteur actionnaire fait défaut de remplir ses obligations, le bureau peut le rayer de la liste de ses membres et convertir ses actions ordinaires en actions privilégiées. Quels sont les articles de la loi il est question d'actions seulement sans dire s'il est question d'actions ordinaires ou d'actions privilégiées? L'article 4 dit que "chaque société est de la nature d'une société par action". Or, comme la société par action com- prend des actionnaires ordinaires et des actionnaires privi-légiés, le mot action comprend les deux. De plus cet article dit: La responsabilité de ces membres ou actionnaires étant limitée au montant de leurs mises respectives. Cet article ne fait de distinction entre les actionnaires ordinaires et les actions privilégiées mais limite leur responsablité à leurs mises de fonds. Je suis d'opinion que cet article s'applique aux actionnaires ordinaires comme aux action- naires privilégiés ainsi que je l'expliquerai plus tard. L'article 5 dit: "que le montant de chaque action est de dix dollars payables en quatre versements annuels égaux dont le premier pas plus tard qu'un mois après la date de la souscription. Cet article s'applique sans aucun doute aux actions ordinaires mais peut également s'appliquer aux actions privilégiées, si le bureau de direction décide de fixer la dénomination des actions privilégiées 'à la somme de dix dollars. L'article 5-2 permet de remplacer les actions de vingt dollars par des actions de dix dollars. Comme l'article ne distingue pas, je suis d'opinion qu'il
Ex. C.R.) EXCHEQUER COURT OF CANADA 377 s'agit d'actions ordinaires et d'actions privilégiées. L'ar-, ticle 5-3 dit que "la société peut décider par règlement que M INISTER les actions souscrites après son adoption seront payables IONAL °F REVENUE comptant ou en moins de quatre versements" et détermine soc le montant de chacun. L'article ne mentionne pas de COOPÉRATIVE quelles actions il s'agit et je suis d'opinion que cet article A RIC DDU peut s'appliquer aux actions ordinaires et aux actions pri- CHÂTEAII- -UAY vilégiées si le règlement de la société en décide ainsi. Saint-Pierre L'article 5, parag. 5, dit que "la société peut confisquer D.J. sommairement toutes les actions sur lesquelles il n'a été fait aucun versement depuis deux ans et disposer de telles actions que les directeurs prescrivent par règlement". Cet article ne mentionne pas de quelles actions il s'agit et je crois que cet article peut s'appliquer aux actions ordinaires et aux actions privilégiées. L'article 6 dit: Les actions sont nominatrices et trans-férables en remplissant les formalités prescrites par les règlements de la société. Toutefois, elles ne peuvent être transportées qu'à un cessionnaire accepté par la société. L'article ne mentionne pas de quelles actions il s'agit et je crois que cet article peut s'appliquer aux actions ordinaires et aux actions privilégiées si le règlement de la société en décide ainsi. L'article 12 dit: La société ou son bureau de direction peut faire amender ou abroger entre autres des règlements concernant l'admission des sociétaires, le transfert des actions et le maximum des actions qu'un sociétaire peut souscrire. L'article ne mentionne pas de quelles actions il s'agit et je crois que cet article s'applique aux actions ordinaires et aux actions privilégiées si le règlement de la Société en décide ainsi. Mais quant au maximum des actions qu'un sociétaire peut souscrire, il ne s'agit que des actions privi-légiées car l'article 5-6 règle le cas des souscriptions des actions ordinaires. L'article 13-c dit ceci: Transporter en tout ou en partie à une institution financière ou à toute autre personne aux conditions jugées convenables les versements dus ou à échoir sur les actions souscrites par les sociétaires comme sûreté subsidiaire du paiement de tout prêt fait à la Société
378 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1952 1952 par billet ou autrement. Le mot "actions" n'est pas déter- MINISTER miné et par conséquent il peut s'appliquer aux actions ordi- OF NATIONAL m ires comme aux actions privilégiées parce que le mot v. "sociétaire" s'applique aux actionnaires ordinaires comme C OOPÉR A IVE aux actionnaires privilégiés, ce que 'nous verrons plus loin. AoIucoLE DU COMTÉ DE L'article 13-2 se lit comme suit: Le montant total des C G E U A I U- sommes empruntées ne doit jamais excéder quatre fois le Saint-Pierre montant des actions souscrites et celui du fonds de réserve. D.J. Le mot "actions" n'est pas déterminé et par conséquent il peut s'appliquer aux actions ordinaires comme aux actions privilégiées. L'article 20 dit: Un producteur actionnaire n'a qu'un seul vote quel que soit le nombre de ses actions, etc. Le mot "actions" ici s'applique 'à des actions ordinaires vu que les actionnaires privilégiés n'ont pas le droit de vote. L'article '24 dit ceci avec l'amendement: Cet état doit être approuvé par le vérificateur et contenir 10 La liste des sociétaires h la clôture de l'exercice, le nombre d'actions souscrites et le montant payé par chaque actionnaire; 20 Un état succinct de l'actif et du passif de la société; 30 Un état des opérations de l'année avec indication des profits et pertes; 40 Tous autres renseignements exigés à cette fin par les règlements de la société. S.R. 1925, c. 57, a. 24. Le mot "actions" n'est pas déterminé et par conséquent il peut s'appliquer aux actions ordinaires comme aux actions privilégiées. Mais, comme en vertu de l'article 22 tin état des affaires est envoyé au Ministre de l'agriculture, celui-ci est intéressé à connaître la liste des sociétaires, le nombre d'actions ordinaires et privilégiées souscrites et le montant payé pour chaque action ordinaire ou privilégiée afin de se rendre compte de la situation financière de la Société. En examinant la loi concernant les sociétés coopératives agricoles il est facile de constater que cette loi comprend deux parties. La première partie concernant la composition de la société au point de vue de son capital et la seconde partie concernant l'administration de la Société. La partie concernant la composition de la Société au point de vue de la formation de son capital ou de sa structure financière est couverte par les articles 1 à 6 inclusivement.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 379 En effet, dans ces articles le législateur a déterminé la com-1962 position de la Société, les souscriptions aux actions privi- M INISTER légiées, le montant des actions ordinaires, comment les NATIONAL N IIE actions sont souscrites, le défaut de ceux qui ont souscrit, le droit de souscrire et d'acquérir des actions de la Société coOPPRATIVE coopérative fédérée des agriculteurs de la province de Qué- A zco D II C ob DE bec et a déterminé que le capital de la Société est variable, CHÂTEAU- GIIAY que les actions sont nominatives et transférables à cer- taines conditions. La deuxième partie concernant l'admi- samd ierre nistration de la Société couvre les articles 7 à 32 et com- prend la forme de la déclaration des membres fondateurs, article 7, la composition de la Société au point de vue administratif, article 8, les pouvoirs généraux de la Société, article 9, les contrats valides, article 10, le bureau de direc- tion, article 11, les règlements de la Société, article 12, les pouvoirs du bureau de direction, article 13, inexécution des contrats, article 14, vente d'animaux, article 15, primes de conservation, article 16, choix du président du bureau de direction, article 17, engagement d'un gérant, article 18, composition de l'assemblée générale, article 19, droit de vote, article 20, décisions de l'assemblée générale, article 21, tenue de comptes, article 22, peine dans certains cas, arti- cle 23, état à faire au Ministre, article 24, fixation des bénéfices, article 25, examen des minutes par les membres, article 26, signature des contrats, article 27, responsabilité du secrétaire-trésorier, article 28, accès aux livres, article 29, exemption de taxes, article 30, coopérative formée avant 1930, article 31, usage du mot "coopérative", article 32. La loi emploie de plus des termes différents pour désigner les personnes de la société coopérative. Elle se sert des mots "fondateurs" aux articles 1 et 7, "sociétaires" aux articles 5-2, 5-3, 12, 13-c, 19, 24, et "membres" dans les articles 3, 14, 17, 18, 19, 25 amendé. Comment doit-on déterminer la signification de ces termes? Je suis d'opinion que ces termes spécifiques doivent être déterminés dans les articles oa ils sont placés; s'agit-il de la partie financière les mots "fondateur", "sociétaire", "membre" s'appliquent à toutes les personnes qui ont souscrit au capital de la Société soit comme actionnaire ordinaire ou soit comme actionnaire privilégié. Cette interprétation se justifie par l'article 22 de la loi qui dit: "un état des affaires de la Société est préparé et attesté par le secrétaire-trésorier et
380 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1952 1952 une copie de cet état doit être transmise au Ministre de MINISTER l'agriculture" et par l'article 24 qui dit: "cet état doit être OF NATIONAL approuvé par le vérificateur et contenir la liste des socié- soô taires existant au 31 décembre, le nombre d'actions sous-ÉTE CooPARATIVE crites et le montant payé par chaque actionnaire". Or, AGRICOLE DII COMTÉ n comment le Ministre de l'agriculture peut-il se rendre CHITEAII- compte de la situation financière de la Société, s'il n'a pas MAY devant lui la liste des actions souscrites tant par les action- Saint-Pierre D.J. paires ordinaires que par les actionnaires privilégiés, afin de connaître le capital de la Société et sa situation finan-cière. Je suis donc d'opinion que le mot "sociétaire" employé dans cet article 24 s'applique aux souscripteurs d'actions ordinaires comme aux souscripteurs d'actions privilégiées. C'est mon opinion que le souscripteur d'actions privilégiées au point de vue financier de la Société est sur le même pied que le souscripteur d'actions ordinaires. Tous les deux ont souscrit au capital de la Société avec l'attente de recevoir un profit de cette mise du capital. Ce profit dans le cas de l'action ordinaire devant être représenté par la ristourne de l'article 25 et dans le cas de l'action privilégiée par l'in-térêt mentionné dans la résolution qui autorise la prescription mais cet intérêt devant être pris à même les profits. Jusqu'à l'année 1947, date à lequelle l'article 25 a été amendé, cet article se lisait comme suit: "L'assemblée gé-nérale se basant sur ce compte rendu détermine le montant des bénéfices dont elle fait la répartition. Après paiement de 'dividendes en faveur des actions privilégiées et du mon-tant à être versé au fonds de réserve, la Société peut distri-buer le surplus aux producteurs actionnaires ..." Il ne fait donc pas de doute que le souscripteur d'une action privi-légiée en 1944 devait recevoir un dividende sur le montant des bénéfices. L'amendement de cet article 25 en 1947 a-t-il changé la situation? Cet amendement se lit aujour-d'hui comme suit: "L'assemblée générale détermine en se basant sur cet état le montant des excédents 'd'opérations à répartir. Elle affecte ce montant à la constitution de ré-serves ainsi qu'à l'attribution de ristournes aux membres". De quel état est-il question? C'est l'état de l'article 24 qui montre: 1° la liste des souscripteurs, 2° un état succinct de l'actif et du passif, 3° un état des opérations de l'année, 4° tous autres renseignements. Pourquoi n'est-il plus ques-
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 381 tion des dividendes aux actions privilégiées? Parce que ces 1952 dividendes sont inclus dans l'état au chapitre de l'actif et MINISTER du passif et comme ils sont fixés par résolution il n'y avait OFRxvs pas lieu comme pour les ristournes de les fixer par l'assem- socikri blée générale. COOPÉRATIVE AGRICOLE DII L'article 4 dit ceci: "La responsabilité de ces membres COMTÉ DE ou actionnaires étant limitée au montant de leur mise de CHA II-fonds". Cet article s'applique-t-il aux actionnaires ordi- Saint-Pierre haires comme aux actionnaires privilégiés? Je suis d'opi-D.J. pion que cet article s'applique aux actionnaires ordinaires comme aux actionnaires privilégiés vu que c'est la mise de fonds qui détermine la responsabilité et que cette mise de fonds est souscrite aussi bien par les actionnaires ordi-naires que par les actionnaires privilégiés. Le procureur de l'intimée soumet que l'actionnaire privi-légié n'est pas un sociétaire ou membre de la Société parce qu'en vertu de l'article 14 si un producteur-actionnaire né-glige de remplir son contrat, il cesse d'être membre de la coopérative et devient un actionnaire privilégié. J'ai répondu déjà à cette objection en admettant que ce producteur-actionnaire cesse d'être membre de la coopé-rative au point de vue de l'administration de la Société mais qu'il continue d'être membre au point de vue finan- cier. Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit de la classe agri-cole et la loi n'a pas voulu que ce producteur perde son capital et c'est la raison pour laquelle la loi le fait entrer dans la classe des actionnaires privilégiés, ce qui lui permettra de récupérer son capital et de recevoir des intérêts en attendant cette récupération. Le procureur de l'intimée soumet que l'action privilégiée souscrite ne comporte aucun privilège, voyons si cette assertion est exacte. Dans la société coopérative agricole le capital qui peut être investi par un producteur-actionnaire est limité, articles 5, 6 et 7, tandis que dans le cas de l'actionnaire privi-légié il n'y a pas de limite à sa mise de fonds, article 5-1. La dénomination des actions de l'actionnaire ordinaire est limitée tandis que dans la dénomination des actions privi-légées ceci est laissé à la discrétion du bureau de direction qui peut en fixer la dénomination à $50, $500 ou $1,000.
382 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1952 1952 L'actionnaire ordinaire recevra sur sa mise de fonds ce MINISTER qui aura été déterminé par l'article 25 tel qu'amendé tandis ORFN ATNuE que l'actionnaire privilégié recevra l'intérêt fixé par le 6GcTr, bureau de direction pourvu que cet intérêt ne dépasse pas COOPÉRATIVE 7 p. 100 et pourvu que les bénéfices de la Société le per- AGRICOLIB D17 COMTÉ DE mettent. L'actionnaire ordinaire n'a pas droit d'en exiger CHÂTEAU- le rachat tandis que l'actionnaire privilégié pourra voir GUAM ses actions être rachetées par la Société aux conditions Sain D t-P ierre J. fixe é s par la résolution et indiquées dans le certificat d'émis- sion. L'actionnaire ordinaire a le droit d'assister et de voter aux assemblées de la Société tandis que l'actionnaire privi-légié n'a pas ce droit. Il résulte donc que l'actionnaire privilégié a les privi-lèges que je viens de mentionner. Le procureur de l'intimée soumet que l'actionnaire privi-légié est un prêteur parce qu'il doit recevoir son capital à une date déterminée. Ce n'est certes pas un prêteur en vertu de la loi, car la loi ne le considère nulle part comme prêteur mais elle le considère comme un actionnaire ordi-naire avec cette différence qu'il peut être remboursé à date fixe. De plus, cet actionnaire privilégié n'a aucune garantie sur les biens de la Société à l'encontre d'un porteur de dé-bentures qui a toujours la garantie sur les biens de la société. Peut-on assimiler les intérêts payés aux actionnaires pri-vilégiés comme une charge de la Société de la même nature que les taxes ou que les intérêts payés aux porteurs de billets ou de débentures? Oui, si ces actionnaires privi-légiés étaient des prêteurs au même sens que les porteurs de débentures ou de billets et non, s'ils ne le sont pas. Or, comme je suis d'opinion que les actionnaires privilégiés ne sont pas des prêteurs comme les porteurs de débentures ou les porteurs de billets mais sont des souscripteurs au capital de la Société avec expectative de recevoir des intérêts basés sur les profits que la Société pourra réaliser, comme les actionnaires ordinaires sont des souscripteurs au capital de la Société avec expectative de recevoir la ristourne men-tionnée à l'article 25 je suis donc d'opinion que les intérêts payés aux actionnaires privilégiés ne sont pas une charge de la Société de la même nature que les taxes et les inté-rêts payés aux porteurs de billets ou de débentures.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 383 En vertu de l'article 9 de cette loi, la Société a le pouvoir 1952 d'acquérir et de posséder des immeubles et en vertu du MINISTER paragraphe (b) de Particle 13, la Société a le pouvoir d'hy- OF NAT NUE pothéquer ces immeubles pour assurer le paiement de toute v. dette et emprunt ou l'exécution de toute autre obligation. COOPÉRATivE En vertu du même paragraphe (b) la Société a le droit voio D r d'emprunter des fonds et transporter sous forme de garantie CRATEAU- °UAY les sûretés ou les biens de la Société et même de donner en garantie de tel emprunt un gage sur les produits de la Saija -Jierre ferme et les animaux reçus en consignation, mais dans ce cas il faut que le bureau de direction ait été autorisé par le vote d'au moins les deux tiers des membres présents à l'assemblée annuelle ou à une assemblée spéciale. De plus, le montant total de l'emprunt d'après le paragraphe 2 du même article ne doit jamais excéder quatre fois le montant des actions souscrites et celui du fonds de réserve. Il ressort donc de ce qui est dit ci-dessus que l'emprunt fait par la Société est sujet à une procédure particulière qui dénote bien la différence entre l'émission d'actions privi-légiées et un emprunt, car les actions privilégiées comme les actions ordinaires doivent servir à déterminer le montant de l'emprunt afin qu'il n'excède pas le montant des actions souscrites soit comme actions ordinaires, soit comme actions privilégiées. Donc en me basant sur la loi, je suis d'opinion que l'actionnaire privilégié comme l'actionnaire ordinaire est un propriétaire dans le capital de la Société jusqu'à concurrence de la mise de fonds qu'il a souscrite. Dans la cause de Dupuis Frères v. Ministre des Douanes (1) spécia-lement à la page 210 le Juge Audette dit ceci: The mere existence of some features which might in such respect make it resemble a bond or debenture is not sufficient to make the preferred share which is an actual part of the authorized capital of the company, a bond or debenture or anything like it, and thereby transform it into "borrowed capital" for the purpose of assessment. Such dividends are paid only out of profits, a bond is quite different, it is primarily a liability. Dans la présente loi les actions privilégiées sont comprises dans cette partie de la loi il est question du capital, articles 1 à 6 inclusivement, et de plus les dividendes ou intérêts sont payés à même les profits, article 25 avant l'amendement, et depuis l'amendement, et articles 22 et 24 de la loi, et ce ne sont pas des débentures ni des "bonds" en (1) (1927) Ex.C.R. p. 208. 60659-3a
384 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1952 1952 faveur des souscripteurs mais ce sont des actions. Ceci me MINISTER justifierait de maintenir l'appel vu que les deux parties NATIONAL OREVENIIE ont soumis que cette cause devait être décidée en me basant v. sur la loi concernant les sociétés coopératives agricoles, mais SOC COOPÉRATIVE examinons si dans l'émission de ces actions privilégiées la AGRICOL E Soc COMTÉ DEE i é a suivi cette loi. CHÂE Au Le 26 avril 1944 la Société passe une résolution qui est sain t-Pierre produite comme exhibit A-2 et qui déclare: D.J. Que tous les membres de cette Société soient priés et tenus de prendre une part privilégiée au montant de cent dollars ($100) le taux d'intérêt devant être de 4 p. 100. Cette résolution était conforme à l'article 5 du chapitre 120 S.R.Q. 1941, sauf qu'elle n'indiquait pas que la part privilégiée était rachetable et c'est pour couvrir ce point que le 3 juin 1944 une nouvelle résolution, exhibit A-2, fut passée se lisant comme suit: Que tous les membres porteurs d'une part privilégiée au montant de cent dollars ne pourront en demander le remboursement avant cinq ans. Toutefois, la Société se réserve le droit de racheter en tout temps cesdites parts après un avis de quatre-vingt-dix jours. A la suite de ces deux résolutions toute personne pouvait souscrire des actions privilégiées dans le capital-action de la 'Société, et la Société leur donnait un certificat dans la forme produite comme exhibit A-3. A la face du certificat il était attesté que cette personne était le détenteur d'actions privilégiées entièrement libérées du capital de ladite Société coopérative agricole d'une valeur nominale de dollars, transférables dans le livre de la Société et émises en vertu de cette résolution et étaient sujettes aux conditions énoncées au verso. Ce certificat était signé par le président et le secrétaire, conformément à l'article 27 de la loi. Au verso voici ce qui était écrit: Lesdites actions privilégiées ont les privilèges, droits et priorités et sont sujettes aux restrictions et dispositions qui suivent, savoir: 10 Le détenteur d'actions privilégiées aura droit de recevoir à même les profits de la Société un dividende préférentiel non cumulatif au taux de l'an. Cette clause était conforme à l'article 25 de la loi avant son amendement en 1947, de sorte que le souscripteur de l'action privilégiée de 1944 à 1947 et qui est encore en possession de tel certificat ne peut se plaindre qu'il n'est
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 385 pas conforme. Quant à celui qui aurait souscrit des actions 1952 privilégiées après 1947, j'ai déjà expliqué que cette clause M iNrsTEa est conforme à la loi. NATIONAL OF R , EVENU J E 2° Le détenteur d'actions privilégiées aura droit dans toute liquidation, SoiTÉ dissolution ou autre distribution de l'actif de la société entre ses action- Coor7BA E vE naires (autrement que par voie de ristourne à même le surplus) au rem- AGRICOLE DU boursement du montant capitalisé sur ses actions, avec tous dividendes COMTÉ DE déclarés et impayés, s'il y en a. CHÂTEAII- GUAY Cette clause n'est pas couverte par les résolutions mais Saint-Pierre elle ne rend pas le certificat nul. Di' 30 Les droits des détenteurs d'actions privilégiées se limitent à ceux prévus par les paragraphes 1 et 2 ci-dessus. 40 La société aura le droit de racheter en tout temps, quand il en aura été décidé par résolution de son bureau de direction, la totalité 9u partie desdites actions privilégiées. Cette clause est conforme à l'article 5 de la loi et à la résolution de la Société en date du 3 juin 1944. 50 Les détenteurs des actions privilégiées pour rachat devront pré-senter leurs certificats au bureau de la société dans l'avis de rachat et les remettre sur paiement du prix de rachat. Ces certificats seront ensuite annulés. Le droit aux dividendes sur les actions privilégiées ainsi rachetées cessera automatiquement à la date fixée pour le rachat et les porteurs desdites actions ainsi rachetées n'auront plus dans la suite aucun droit contre ou dans la société, sauf celui de recevoir le paiement du prix de rachat. Cette clause détermine la procédure pour le rachat et détermine les conséquences du rachat. C'est une clause administrative. 60 Conformément aux dispositions du deuxième paragraphe de l'article 5 de la loi des Sociétés coopératives agricoles les actions privilégiées ne confèrent pas à leurs détenteurs le droit d'assister et de voter aux assemblées générales. Cette clause n'est que du remplissage, car tout le monde est censé connaître la loi et c'est en réalité la reproduction de l'article 5 de la loi. Je suis donc d'opinion que le certificat n'est pas illégal mais qu'il est conforme aux résolutions passées par la Société, sauf le paragraphe 20, et que celle-ci avait le pouvoir de passer telles résolutions en vertu des articles 5 et 25 de la loi. Je suis également d'opinion que les paie-ments faits par la Société en 1947 et en 1948 aux action-naires privilégiés de la Société sont des intérêts sur du capital investi par les actionnaires et qui résultent des profits de la Société.
386 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1952 1952 En conséquence, le sous-paragraphe (b) du paragraphe MINISTER (1) de l'article 5 de la loi de l'impôt sur le revenu ne s'ap- OF NATIONAL REVEND plique pas, vu qu'il ne s'agit pas de paiements faits sur un y emprunt, mais de paiements faits sur du capital investi et SOTÉ COOPÉRATIVE qui résulte des profits de la Société. AyRiyoLE COMTÉ DEU Je maintiens l'appel de la décision du président de l'appel CHÂTEAU- de l'impôt sur le revenu en date du 22 juin 1951 et je GUAY déclare que les sommes de $1,354.99 pour l'année 1947 et de Sain D t-J.erre $1,467.61 pour l'année 1948 sont sujets l'impôt sur le revenu de ladite Société. Le tout avec dépens. Judgment accordingly.
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