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Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 21 BETWEEN : 1939 Feb.14. MARTHE FIEL PLAINTIFF; Nov. 21. AND DORIA LEMAIRE, WIDOW OF THE LATE CAMILLE DUGUAY DEFENDANT. CopyrightInfringementGood faith or ignorance in copyright as defenceInjunctionDamages. Plaintiff is the author of and owner of the copyright in a short story entitled "Le sang-froid de Marie," which was first published in the Bayard, a publication edited in Paris, France, at the end of which her naine appeared. The Publishers Holding Corporation Limited, of Canada, prints and edits supplements which, by agreement with the owners of various newspapers, are furnished to the latter free, on condition that the said supplements be distributed by them with their newspapers to their subscribers, and which supplements bear the name of the newspaper with which they are to be distributed. Defendant entered into such an agreement with the P. H. Corporation Limited, and on July 29, 1937, she distributed to her subscribers with her newspaper a supplement in which was reproduced the story aforesaid and on which supplement was printed the name of her newspaper and the words "Founder, Camille Duguay," Duguay being the naine of her late husband and partner. Hence this action asking for a declaration of infringement, an injunction, damages and costs. Defendant, in substance, alleged most of the above facts, inter alia, that the printing and editing was not done by her; that she did not "publish" the work aforesaid; that she acted in good faith and in ignorance of any copyright in the work, and referred to Section 22 of the Copyright Act. The copyright was not registered under the provisions of the Act. Held: That the plaintiff was the owner of the copyright in the work in question, and that registration of a copyright, under the provisions of the Act, is a formality not necessary to the existence of copyright. 2. That ignorance of existence of copyright, or the good faith of defendant is no answer to an action like the present one. 3. That the proper attitude of mind of a copyist toward the work that he copies is that copyright in the latter exists, unless he has evidence to the contrary. (Dennistoun J. in Gribble v. Manitoba Free Press (1931) 3 W.W.R. 571, followed). 4. That, by distributing to its subscribers with its newspaper, La Voix des Bois Francs, the supplement in question with the name of its newspaper and the name of its founder printed thereon and containing plaintiff's work, without the permission or authority of the author,
22 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1940 1939 the defendant infringed plaintiff's copyright in said work, notwithstanding that the said supplement was printed or edited by a third FIEL party. v. LEMAIRE 5. That the act of the defendant being an isolated one, not continued or likely to be continued, the Court refused an order for injunction Angers J. but granted damages, with a reference to determine the same. ACTION by plaintiff for a declaration that copyright in a certain story, ownership of which is claimed by plaintiff, has been infringed by defendant, and for an injunction to restrain such infringement, damages and costs. The action was tried before the Honourable Mr. Justice Angers, at Ottawa. Jean Genest, K.C. for plaintiff. Marie Louis Beaulieu, K.C. and Jules Poisson, K.C. for defendant. The facts and questions of law raised are stated in the reasons for judgment. ANGERS J., now (November 21, 1939) delivered the following judgment: Il s'agit d'une action en violation de droit d'auteur. La demanderesse, Marthe Fiel, auteur et écrivain, de Brueil en Vexin, France, a publié dans le Bayard, journal édité à Paris, dans le cours du mois d'août, 1936, un conte intitulé " Le sang-froid de Marie." Une découpure du journal contenant l'article a été produite comme pièce 1. Ce conte a été reproduit, avec quelques légères modifications, dans un supplément édité par Publishers Holding Corporation Limited, une corporation constituée en vertu de la Loi des Compagnies d'Ottawa ayant son siège social en la cité de Montréal, et distribué à ses abonnés. Ce supplément est le même pour tous les abonnés à l'exception de l'entête qui est celui du journal auquel il est destiné. Le conte a paru dans le supplément du 29 juillet 1937, envoyé avec le journal La Voix des Bois Francs, du même jour dont la défenderesse est propriétaire et éditrice; une copie du journal et une copie du supplément ont été pro-duites comme pièce 3. Dans l'exposé de sa réclamation la demanderesse dit, en substance, ce qui suit:
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 23 elle est l'auteur et la seule titulaire du droit d'auteur du 1939 conte intitulé " Le sang-froid de Marie," publié pour la FIEL première fois dans le journal Bayard de France, de Paris. V. LEM AIRE en août 1936; Angers J la défenderesse a, le 29 juillet 1937, illégalement et sans le consentenment de la demanderesse et en contravention de la Loi du droit d'auteur et de la Convention de Berne publié, produit et reproduit ledit conte dans le supplément de, son journal hebdomadaire La Voix des Bois Francs; la défenderesse a illégalement et sans autorisation publié, produit et reproduit ladite oeuvre littéraire "Le sang-froid de Marie" ainsi que d'autres oeuvres littéraires dans ledit supplément sans le consentement de l'auteur de ces oeuvres et, à moins d'en être empêchée par ordonnance de cette cour, la défenderesse a l'intention de publier illégalement et sans autorisation ladite oeuvre de la demandresse ainsi que d'autres oeuvres; la demanderesse, comme conséquence de la publication non autorisée de son oeuvre, a été privée de profits et elle a subi des dommages-intérêts; pour ces raisons, la demanderesse demande; une déclaration à l'effet que la demanderesse est la seule titulaire du droit d'auteur dans l'oeuvre littéraire " Le sang-froid de Marie," que ses oeuvres sont protégées au Canada, durant la vie de l'auteur et une période de cin-quante ans après sa mort, sans l'accomplissement d'aucune formalité et que la demanderesse a seule le droit de publier ou d'imprimer ou de faire publier ou imprimer au Canada ladite oeuvre littéraire " Le sang-froid de Marie " ainsi que ses autres oeuvres littéraires et que personne, y com-pris la défenderesse, ne peut, que ce soit pour ou sans profit, publier, imprimer ou distribuer ladite oeuvre litté-raire sans le consentenment de la demanderesse; une déclaration à l'effet que la défenderesse a violé le droit d'auteur de la demanderesse dans ladite oeuvre litté-raire " Le sang-froid de Marie " par sa publication, sa production ou sa reproduction non autorisée; une ordonnance interdisant à la défenderesse de violer le droit d'auteur de la demanderesse dans ladite oeuvre littéraire " Le sang-froid de Marie " ou toute autre oeuvre littéraire en publiant, imprimant ou distribuant ladite oeuvre littéraire sans le consentement de la demanderesse;
24 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1940 1939 un relevé des profits réalisés par la défenderesse et des s--,,---, FIEL dommages-intérêts. v. Dans son plaidoyer la défenderesse nie les allégués de LEMAIRE. l'exposé de la réclamation et plaide ce qui suit: Angers J. en supposant que la défenderesse ait publié des oeuvres littéraires appartenant à d'autres auteurs que la deman-deresse, ce qu'elle nie avoir fait, la demanderesse n'a pas qualité pour plaider ce fait; la défenderesse ne tombe pas sous la coup de la Loi du droit d'auteur ; la défenderesse n'est ni propriétaire, ni éditrice, ni im-primeur du supplément dans lequel a été publié l'article dont so plaint la demanderesse; ledit supplément a été imprimé édité et publié par la Cie des Hebdomadaires Limitée et, si la demanderesse a des droits c'est contre elle ou ses ayants cause qu'elle devrait les faire valoir; en supposant que la défenderesse ait publié un article dont le droit d'auteur appartient à la demanderesse, ce qu'elle nie avoir fait, il s'agirait d'un cas isolé et la deman-deresse ne peut prendre de conclusions en injonction; la défendresse ignorait le droit d'auteur de la deman-deresse et même qu'il y eût un droit d'auteur couvrant la matière publiée dans son supplément et elle avait un motif raisonnable de croire qu'aucun droit d'auteur n'existait; au surplus l'oeuvre de la demanderesse n'est pas enregistrée à, Ottawa. Dans sa réponse, la demanderesse allègue en substance ce qui suit: le supplément dont il s'agit a été imprimé avec l'auto-risation de la défenderesse sous le nom la Voix des Bois Francs, le journal hebdomadaire de la défenderesse, et il a été présenté par la défenderesse comme étant son journal et sa publication; la défenderesse est en conséquence res-ponsable de la publication, de la production et de la reproduction de l'oeuvre de la demanderesse dans ledit supplé-ment; la défenderesse est, dans les circonstances, empêchée de prétendre que ledit supplément n'est pas le sien. La défenderesse a été interrogée au préalable; sa dé-position a été mise en preuve intégralement. La défenderesse a déclaré qu'au moment de la fondation du journal La Voix des Bois Francs en 1928 son mari et
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 25 elle en étaient propriétaires conjoints. Depuis le décès de 1939 son mari survenu le 29 mars 1936, elle en est seule proprié-FIEL taire. V. LEMAIRE. Au dire de la défenderesse, le tirage du journal est de 1,400 copies; sa circulation est dans la ville de Victoria-Angers J. ville, il est publié, dans les environs et dans la province de Québec en général. La défenderesse a dit qu'elle ne regardait jamais le supplément; ce n'est qu'après avoir reçu l'action ou une lettre du procureur de la demanderesse qu'elle a été au courant du fait que le supplément du 29 juillet 1937 con-tenait le conte de la demanderesse. La défenderesse a fait un contrat avec Publishers Holding Corporation Limited, qui lui fournit le supplément en question; un duplicata de ce contrat, qui est en date du 12 mars 1937cette date est imprimée comme le reste du contrat et il y a lieu de présumer qu'elle n'est pas toujours celle de son exécutiona été produit comme pièce 4. Ce contrat contient, entre autres, les stipulations sui-vantes: 1. La partie de première part s'oblige â livrer, au moins huit jours avant la date de la publication, à la partie de seconde part, un supplément de pas moins de huit pages format tabloid, en autant d'exemplaires qu'il y aura de noms et de quantités inscrites sur la liste régulière d'abonnés et de dépositaires de l'hebdomadaire publié par la partie de seconde part; et ce supplément portera le nom de cet hebdomadaire. 2. La partie de seconde part s'oblige à annexer ou insérer ce supplé-ment dans son hebdomadaire susdit, à chaque semaine. 3. La partie de première part défraiera l'augmentation du port, occa-sionnée par l'augmentation du poids, par suite de cette addition du supplément à l'hebdomadaire susdit. 4. La partie de première part s'engage à ne contracter pour répandre son supplément qu'en la teneur du présent contrat et avec un hebdo-madaire faisant partie en date du 27 novembre 1936, de l'Association des hebdomadaires canadiens français; 9. Le président, le seerétaire-tresorier et l'avocat-conseil de l'Association des hebdomadaires canadiens français forment, avec le président et l'administrateur-gérant de la partie de première part un comité présente-ment constitué, qui a les pouvoirs suivants: (a) Le contrôle absolu de la rédaction dudit supplément, sous la direction religieuse d'un abbé choisi par le comité susdit, ce supplément ne devant d'ailleurs traiter d'aucune matière politique litigieuse et ne pourra contenir aucun article ou annonce de portée électorale, provinciale, fédérale ou municipale, mais s'étendre autant que possible sur les sujets d'intérêts pariotique ou religieux, étudier les problèmes de l'agriculture, de la sociologie, y compris les sports et les questions féminines, avec autant de gravures ou illustrations que 1a variété l'exige, y compris les pages pour enfants, etc.
26 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1940 19,39 12. La partie de première part ne s'oblige pas à fournir ledit supplé- ment dans un délai fixe; mais dès qu'elle en commencera la publication F ni les présentes entreront en vigueur pour la durée ultérieure de deux LEM U A . IRE années, et derechef indéfiniment de deux années en deux années, à moins que l'une ou l'autre partie ne congédie le contrat sur un préavis de soixante Augers J. jours avant l'expiration de chaque durée biannuelle; et la partie de première part n'aura droit de donner cet avis à la partie de seconde part que si elle retire entièrement du public ledit supplément. Publishers Holding Corporation Limited expédiait le supplément à l'imprimeur du journal auquel il était destiné et celui-ci l'insérait dans le journal avant d'en faire la distribution aux abonnés ou de le mettre en dépôt dans les débits de journaux. La défenderesse déclare qu'elle ne connaît pas Marthe Fiel, la demanderesse, et ne sait pas si elle est l'auteur du conte en question. En réponse à une question du procureur de la deman-deresse si elle a obtenu la permission de l'auteur de publier cet article, la défenderesse répond qu'elle ne pouvait pas demander cette permission parce qu'elle ignorait ce que contenait le supplément. La défenderesse reconnaît qu'un comité devait être cons-titué, qui aurait le contrôle de la rédaction du supplément; elle a consenti à la nomination de ce comité. Celui-ci, aux termes du premier paragraphe de la clause 9 du contrat ci-dessus reproduit, devait être composé du président, du secrétaire-trésorier et de l'avocat-conseil de l'Association des hebdomadaires canadiens-français et du président et de l'administrateur-gérant de Publishers Holding Corporation Limited. La défenderesse déclare qu'elle croyait que ce comité faisait son devoir. Il me paraît évident que, si ce comité a assumé ses fonctions, il n'avait pas la compétence nécessaire. La défenderesse, au surplus, affirme que le supplément n'a jamais été soumis au comité de contrôle pour la raison que, bien qu'il devait être livré au moins huit jours avant la publication du journal, il arrivait juste à temps pour être inséré dans le journal; le supplément est même arrivé quelquefois en retard et l'on a retarder l'expédition du journal. La preuve établit que la défenderesse ne payait rien à Publishers Holding Corporation Limited pour ce supplé-ment; il lui était fourni gratuitement. Bien plus, en vertu de la clause 3 du contrat, Publishers Holding Corporation Limited s'engageait à défrayer l'excédant des frais de port
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 27 du journal, occasionnés par l'augmentation du poids pro-1939 venant de l'addition du supplément. Il semble manifeste FIEL que la compagnie- entendait se rémunérer au moyen de la idEMV AIRE publicité. Angers J La défenderesse a déclaré qu'elle recevait encore le sup-plémentl'examen préalable est du 20 décembre 1938—, qu'elle avait signé un contrat pour deux ans et qu'elle respectait sa signature, pratique de moins en moins commune aujourd'hui, soit dit en passant. La défenderesse n'exerce aucun contrôle sur le supplé-ment et ne s'occupe pas de savoir s'il viole des droits d'auteurs. La circulation de la Voix des Bois Francs était de 1,400 avant qu'on y ajoute le supplément; depuis que le supplé-ment est fourni, la circulation est restée la même. Entendue de nouveau au procès, la défenderesse a à peu près répété la version qu'elle avait donnée lors de son examen préalable. On lui a dit que la compagnie avec qui elle avait fait le contrat relatif au supplément (pièce 4) n'existait plus. Elle est allée à Québec au bureau de la nouvelle com-pagnievraisemblablement la compagnie qui a acquis les droits de Publishers Holding Corporation Limited et qui continue à publier le supplément—, mais elle n'a pas signé de nouveau contrat. Elle continue néanmoins à recevoir le supplément. Louvigny de Montigny, représentant pour le Canada de la Société des Gens de lettres de France, entendu comme témoin de la part de la demanderesse, a déclaré qu'il était au courant du fait que celle-ci est membre de la Société des Gens de lettres et qu'elle réside à Brueil en Vexin, France; il a correspondu avec elle il y a trois mois, ce qui nous reporte vers la mi-novembre 1938. Il a lu le "Sangfroid de Marie" dans le journal Bayard, le conte a paru pour la première fois. Le témoin produit comme pice 1 une découpure du Bayard du mois d'août 1936, qu'il dit avoir reçue de la demanderesse. Je ferai remarquer en passant qu'en pareil cas il serait préférable que l'on mît au dossier une copie du numéro du journal dans lequel Particle, illégalement reproduit, a été publié pour la pre-mière fois au lieu d'une simple découpure qui ne porte ni le nom du journal ni la date du numéro en question. Vu
28 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1940 1939 cependant qu'il n'y a pas eu d'objection à la preuve et F qu'au surplus cette découpure est identifiée par le témoi-gnage de de Montigny, cette irrégularité n'a en l'espèce aucune importance. Le témoin produit également comme Angers J. comme pièce 2 une procuration de Marthe Fiel à Mes Belcourt et Genest, en date du 15 novembre 1937, auto-risant ceux-ci à intenter la présente action. La Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886, amendée à Paris le 4 mai 1896, par un acte additionnel, revisée à Berlin le 13 novembre 1908 et de nouveau à Rome le 2 juin 1928, contient les dispositions suivantes qui me semblent pertinentes: Article 2.—(1) Les termes "oeuvres littéraires et artistiques" compren-nent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique, et artis-tique, quel qu'en soit le mode ou la forme d'expression, telles que: les livres, brochures et autres écrits; (3) Les pays de l'Union sont tenus d'assurer la protection des oeuvres mentionnées ci-dessus. Article 4.—(1) Les auteurs ressortissants à l'un des pays de l'Union jouissent, dans les pays autres que le pays d'origine de oeuvre pour leurs oeuvres, soit non publiées, soit publiées pour la première fois dans un pays de l'Union, des droits que les lois respectives accordent actuelle-ment ou accorderont par la suite aux nationaux, ainsi que des droits spécialement accordés par la présente Convention. (2) La jouissance et l'exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité; cette jouissance et cet exercice sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine de l'oeuvre. Par suite, en dehors des stipulations de la présente Convention, l'étendue de la protection, ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses droits, se règlent exclusivement d'après la législation du pays la protection est réclamée. (4) Par " oeuvres publiées " il faut, dans le sens de la présente Convention, entendre les oeuvres éditées. . . . Article 7.—(1) La durée de la protection accordée par la présente Convention comprend la vie de l'auteur et cinquante ans après sa mort. (2) Toutefois, dans le cas cette durée ne serait pas uniformément adoptée par tous les pays de l'Union, la durée sera réglée par la loi du pays la protection sera réclamée et elle ne pourra excéder la durée fixée dans le pays d'origine de l'oeuvre. . . Article 9.—(1) Les romans-feuilletons, les nouvelles et toutes autres oeuvres, soit littéraires, soit scientifiques, soit artistiques, quel qu'en soit l'objet, publiés dans les journaux ou recueils périodiques d'un des pays de l'Union, ne peuvent être reproduits dans les autres pays sans le con-sentement des auteurs. Article 15.—(1) Pour que les auteurs des ouvrages protégés par la présente Convention soient, jusqu'à preuve contraire, considérés comme tels et admis, en conséquence, devant les tribunaux des divers pays de l'Union, à exercer des poursuites contre les contrefacteurs, il suffit que leur nom soit indiqué sur l'ouvrage en la manière usitée.
Ex. C.R.1 EXCHEQUER COURT OF CANADA 29 Le 10 avril 1928 le Canada a comme pays unioniste 1939 contractant, adhéré à la Convention de Berne telle que FIEL revisée à Berlin le 13 novembre 1908. Avant cette date V. LEMAIRE. le Canada faisait partie de l'Union internationale pour la Angers J. Protection des Oeuvres littéraires et artistiques comme membre de l'empire britannique. Il a signé, le 2 juin 1928, l'acte de Rome revisant de nouveau la Convention de Berne; cet acte a été ratifié par arrête ministériel (P.C. 1390) le 12 juin 1931; la ratification a été déposée à Rome le 27 juin 1931. L'article 3 de la Loi du droit d'auteur (S.R.C. 1927, chap. 32) définit ainsi le droit d'auteur: Pour les fins de la présente loi, le " droit d'auteur " désigne le droit exclusif de produire ou de reproduire une oeuvre sous une forme maté-rielle quelconque, d'exécuter ou de représenter ou, s'il s'agit d'une confé-rence, de débiter en public, et si l'oeuvre n'est pas publiée, de publier l'oeuvre ou une partie importante de celle-ci; . . . 2. Pour les fins de la présente loi, l'expression "publication" désigne, par rapport à toute oeuvre, l'édition d'exemplaires rendus accessibles au public; . L'article 12 de la loi contient, entre autres, les dispositions suivantes: Sous réserve des dispositions de la présente loi, l'auteur d'une oeuvre sera le premier titulaire du droit d'auteur sur cette oeuvre. * * a Mais lorsque l'ouvrage est un article ou une autre contribution à un journal, à une revue ou à un périodique du même genre, l'auteur, à défaut d'une convention à l'effet contraire, est censé posséder le droit d'interdire la publication de cet ouvrage ailleurs que dans ce journal, dans cette revue ou dans ce périodique. L'article 17 décrète, entre autres, ce qui suit: Sera considéré comme ayant porté atteinte au droit d'auteur sur une oeuvre, quiconque, sans le consentement du titulaire de ce droit, exécute un acte qu'en vertu de la présente loi seul ledit titulaire a la faculté d'exécuter. L'article 20 détermine les recours civils du titulaire du droit d'auteur; les dispositions pertinentes de cet article, tel que modifié par 21-22 Geo. V, chap. 8, art. 7, se liscnt comme suit: Lorsque le droit d'auteur sur une oeuvre aura été violé, le titulaire du droit pourra recourir, sauf disposition contraire de la présente loi, à tous moyens de réparation, par voie d'ordonnance de cessation ou d'interdiction, de dommages-intérêts, de décomptes (accounts) ou autrement, moyens qui sont ou seront garantis par la loi en vue de la violation d'un droit.
30 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1940 1939 3 Dans toute action en violation de droit d'auteur, si le défendeur conteste l'existence du droit d'auteur ou la qualité du demandeur, en FIEL pareil cas: V. LEMAIRE a) L'oeuvre sera, jusqu'à preuve contraire, présumée être une oeuvre protégée par un droit d'auteur; et Angers J b) L'auteur de l'oeuvre sera, Jusqu'à preuve contraire, présumé être le possesseur du droit d'auteur. Toutefois, lorsque la contestation concerne une question de cette nature, et si aucune concession du droit d'auteur ou d'un intérêt dans le droit d'auteur par cession ou par licence n'a été enregistrée sous l'autorité de la présente loi, en pareil cas: z) si un nom paraissant être celui de l'auteur de l'ceuvre y est imprimé ou autrement indiqué, en la manière habituelle, la personne dont le nom est ainsi imprimé ou indiqué sera, jusqu'à preuve contraire, pré-sumée être l'auteur de l'oeuvre; 4. Quiconque viole le droit d'auteur sur une oeuvre protégée en vertu de la présente loi sera passible de payer, au détenteur du droit d'auteur qui aura été violé, les dommages-intérêts que ce détenteur du droit d'auteur pourra avoir subis par le fait de cette violation, et en sus, telle proportion, que le tribunal peut Juger équitable, des profits que le contrefacteur aura réalisés en commettant cette violation de droit d'auteur. . . . Vu la preuve au dossier et la présomption créée par le paragraphe 3 de l'article 20, je crois qu'il y a lieu de con-clure que Marthe Fiel est l'auteur du conte intitulé "Le sang-froid de Marie" publié dans le journal Bayard de Paris, France, et reproduit dans la Voix des Bois Francs, que cette oeuvre est protégée et que la demanderesse est titulaire du droit d'auteur à l'égard de ladite oeuvre. La défenderesse n'a apporté aucune preuve à l'encontre de la qualité de la demanderesse non plus que de son droit d'auteur. La première question qui se pose est de savoir si la défenderesse s'est rendue coupable de violation de droit d'auteur en distribuant avec son journal La Voix des Bois Francs un supplément portant le même nom, dans lequel était reproduit le conte de la demanderesse sans l'auto-risation de celle-ci. Si la défenderesse eût reproduit le conte " Le sangfroid de Marie " dans son journal même, il me semble qu'il ne pourrait y avoir de doute que cette reproduction aurait constitué une violation du droit d'auteur de la demanderesse; le cas tomberait sous le coup des articles 3 et 17 de la loi; la défenderesse en effet aurait sans le consentement de la demanderesse, titulaire du droit d'au-teur, reproduit ce conte sous une forme matérielle, pour me
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 31 servir des termes de la loi, et exécuté ainsi un acte réservé 1939 au seul titulaire du droit d'auteur. FI EL Est-ce que le fait que le supplément, qui accompagnait LEMAIRE. son journal et portait le même titre que celui-ci, est im- primé et édité par un tiers, savoir Publishers Holding Angers J Corporation Limited, exonère la défenderesse? Ou bien est-ce que l'addition de ce supplément au journal et sa distribution avec celui-ci aux abonnés constitue une viola- tion du droit d'auteur de la demanderesse? Après étude de la loi et de la jurisprudence, j'en suis venu à la con- clusion qu'il y a lieu de répondre à la première question dans la négative et à la seconde dans l'affirmative. En adoptant et faisant sien le supplément que lui fournissait Publishers Holding Corporation Limited, en y laissant mettre le nom de son journal et au-dessous les mots " Fondateur: Camille Duguay " et en le distribuant à ses abonnés, la défenderesse a assumé la responsabilité de ce qui y était contenu. Malgré d'assez minutieuses recherches, je n'ai pu trouver aucun arrêt au point; la question telle qu'elle se soulève dans la présente cause, ne me paraît pas avoir été décidée; il y a tout de même quelque intérêt à, consulter les ouvrages suivants: 26 Halsbury's Laws of England, 2ème éd., p. 139, n° 274; Huard et Mack, De la propriété littéraire et artis- tique, 2ème éd., p. 491, n° 1357. La défenderesse a déclaré, tel que susdit, qu'elle n'était pas au courant du fait que le supplément contenait un article sur lequel existait un droit d'auteur ; le supplément était expédié chaque semaine à, l'imprimeur de La Voix des Bois Francs, qui l'insérait dans le journal et l'en- voyait avec celui-ci aux abonnés et aux marchands de journaux. Un comité devait être formé au su de la defenderesse, lequel avait pour tâche de contrôler ce qui était publié dans le supplément. Ce comité a-t-il été constitué et, si oui, a-t-il exercé les fonctions qui lui étaient dévolues. La preuve sur ce point fait défaut. Un fait semble certain: si le comité a été organisé et s'il a assumé sa charge, il ne s'est pas soucié de la question du droit d'auteur. A-t-il agi de la sorte par ignorance, rien au dossier ne l'indique. Quant à la défenderesse, elle me paraît avoir été dans l'ignorance complète du fait que la demanderesse détenait un droit d'auteur sur le conte en question. Je suis convaincu qu'elle a agi de bonne foi.
32 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1940 1939 Sa bonne foi, malheureusement pour elle, ne la libère pas FIEL de sa responsabilité: 7 Halsbury's Laws of England. 2ème éd , p.587, n° 911; Copinger on the Law of Copyright, LEMAI RE 6ème éd., p. 117; Ladas, International Protection of Literary Ange rs J * and Artistic Property, tome 2, p. 816; Huard et Mack, op. cit., p. 595, n° 664bis. La défenderesse a consenti implicitement à la distribution d'un supplément, portant le nom de son journal et livré avec lui, dans lequel était reproduit, illégalement et sans autorisation, une oeuvre littéraire protégée par un droit d'auteur; en agissant ainsi elle a, à mon avis, assumé la même responsabilité que si elle eût reproduit le conte dans le journal même. Le procureur de la défenderesse a soutenu qu'il n'y avait pas lieu d'accorder une ordonnance de cessation ou d'interdiction vu qu'il s'agit d'un acte isolé, qui n'est pas susceptible de se répéter. Il est raisonnable de croire que la défenderesse ne projette point de publier ou reproduire de nouveau le conte de la demanderesse; il est vrai qu'elle n'a pris aucun engagement à cet effet, mais elle n'a plus d'intérêt à le faire. Je suis d'avis, dans les circonstances, qu'il n'y a pas lieu d'accorder une ordonnance de cessation ou d'interdiction. Le motif invoqué pour le refus de pareille ordonnance dans les causes de Gribble v. Manitoba Free Press Co. Ltd. (1) et Byrne v. Statist Company (2) me semble s'appliquer en l'espèce. Je crois à propos de citer ici un extrait des notes de l'honorable juge Prender-gast, juge en chef du Manitoba, dans la cause de Gribble v. Manitoba Free Press Co. Ltd. (p. 576): This only means, however, that the Court is not limited in this case to injunction, not that injunction could not be granted. But I agree with the learned trial judge that this is not a case for such redress. The appellant would have to show, which he has not done, that there is a probability of future damage (Borthwick v. Evening Post, 1888, 37 Ch. D. 449, 57 L.J. Ch. 406) or that the defendant is likely to continue the infringement: Baily v. Taylor (1829) 1 Russ. & My. 73, 8 L.J. (U.S.) Ch. 49, and Cox y Land and Water Journal Co. (1869) L.R. 9 Eq. 324, 39 L.J. Ch. 152. Voir aussi Ladas, op. cit., p. 823. Le procureur de la défenderesse a prétendu qu'au moment elle aurait violé le droit d'auteur de la deman-deresse sa cliente ne savait pas et n'avait aucun motif raisonnable de soupçonner que l'oeuvre en question faisait encore l'objet d'un droit d'auteur; il a conclu de que la (1) (1931) 3 W.W.R. 570, 576 (2) (1914) 1 K.B. 622, 628.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 33 demanderesse n'avait point de réclamation pour dommages-1939 intérêts et qu'elle ne pourrait obtenir tout au plus qu'une FIEL ordonnance de cessation ou d'interdiction. V. LEMAIRE. Le procureur de la défenderesse appuie sa prétention sur l'article 22 de la Loi du droit d'auteur, lequel est ainsi Angers J. conçu: Lorsque, dans une action exercée pour violation du droit d'auteur sur une oeuvre, le défendeur allègue pour sa défense qu'il ignorait l'existence de ce droit, le demandeur ne pourra obtenir qu'une ordonnance de cessation ou d'interdiction par rapport à ladite violation, si le défendeur prouve que, au moment de la commettre, il ne savait et n'avait aucun motif raisonnable de soupçonner que l'oeuvre faisait encore l'objet d'un droit d'auteur. Toutefois, si lors de la violation, le droit d'auteur sur cette oeuvre était dûment enregistré sous l'empire de la présente loi, le défendeur sera considéré comme ayant eu un motif raisonnable de soupçonner que le droit d'auteur subsistait sur cette oeuvre. Il est bon de noter immédiatement que le droit d'au-teur sur le conte " Le sang-froid de Marie " n'a pas été enregistré sous l'empire de la Loi du droit d'auteur. Cette formalité, au reste, n'est pas requise pour l'existence du droit d'auteur. La défenderesse a déclaré qu'elle ignorait absolument l'existence d'un droit d'auteur sur l'oeuvre en question. Etait-elle justifiable de l'ignorer? Je ne le crois pas. Les tribunaux qui ont eu à interpréter l'article 22, correspon-dant à l'article 8 de la loi anglaise (Copyright Act, 1911, 1 & 2 Geo. V, chap. 46), en ont restreint la portée considé-rablement quant à ce qui concerne la libération du contre-facteur du recours en dommages, comme l'indiquent, entre autres, les décisions suivantes: John Lane, The Bodley Head Ltd. v. Associated Newspapers Ltd. (1) ; Byrne v. Statist Company (2) ; Gribble v. Manitoba Free Press Co. Ltd. (3) ; Mansell v. Star Printing & Publishing Company (4). Voir aussi Copinger on the Law of Copyright, 6ème éd., p. 171. Il me semble opportun de citer un passage des notes de l'honorable juge Dennistoun, l'un des juges de la Cour d'appel du Manitoba, dans la cause de Gribble v. Mani-toba Free Press Co. Ltd. (ubi supra), il dit (p. 579) : Sec 22 of the Act is the only section behind which the defendants can take shelter, and it is under the provisions of this section that the (1) (1936) 1 All E R 379. (4) (1937) 4 DLR. 1, 8; (1937) (2) (1914) 1 K B. 622. A C. 872. (3) (1931) 3 W.W.R. 570. 87084la
34 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1940 1939 learned trial judge has passed in their favour. (Suit le texte de l'article). Par. 4 of the stated case, which was submitted by agreement of counsel, FIEL is as follows: V. LEMAIRE. 4. At the time of the publishing of the said article by the defendant, the defendant had received no actual notice that copyright in the said Angers J. article was claimed by any person, except such notice as may have been effected by the nature of the article and the publishing of the plaintiff's name at the head of the said article as it appeared in the Ottawa Journal. The trial judge, commenting on this, says: I am satisfied that the publishers of the defendant newspaper were not aware at the time of publication by them of the plaintiff's copyright and had no reasonable grounds for suspecting that copyright existed. Sec. 8 of the Imperial Act of 1911 is the source and origin of our sec. 22 and is in pari materia with it. It is discussed by Copinger at p. 171 in a way which commends itself as sound reasoning In what cases can the section apply? What " reasonable ground " can a direct copyist have for not suspecting the work he copies to be the subject of copyright? Copinger suggests, and I agree, that the proper attitude of mind of a copyist toward a work that he copies is that copyright in the latter exists, unless he has evidence to the contrary. The only grounds for not suspecting copyright appear to be either (a) that the period of copyright protection has run out; (b) that he thinks that the work is of such a character that it ought not to be a subject of copyright; or (c) that the work is a foreign work (p. 173 ) If a copyist were to ascertain that the author had died 100 years ago he might have reasonable grounds for thinking that no copyright existed. The article in question is of a literary and biographical character and should have at once suggested to the Manitoba Free Press that it was subject to copyright. Despite the finding of the trial judge, I do not think the Manitoba Free Press can rely on ignorance as a justification, but is fairly and properly testing its right under article 9 of the Berne Convention. Si la défenderesse avait lu " Le sang-froid de Marie " dans le Bayard, portant au bas le nom de la demanderesse, elle aurait su ou aurait savoir que ce conte était protégé par un droit d'auteur; l'ignorance de la loi n'est pas une excuse. Elle affirme qu'elle n'a jamais pris connaissance de ce qui paraissait dans le supplément; cette tâche était confiée à un comité chargé de se rendre compte de son contenu. La défenderesse se fiait à ce comité, comptant apparemment qu'il s'acquittait de son devoir conscienci-eusement. Ce comité, s'il a exercé ses fonctions, a vrai-semblablement pris en considération l'aspect moral, voire peut-être littéraire, des articles publiés dans le supplément et ne s'est pas soucié de la légalité de la publication de ces articles. Il est possible que son devoir se soit borné à déterminer si la matière comprise dans le supplément était recommandable au point de vue moral. Si tel était
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 35 le cas, il incombait à la défenderesse de s'assurer qu'aucun 1939 des articles inclus dans le supplément ne violait un droit F d'auteur. Si, au contraire, le comité était tenu de vérifier v. LEMAIRF. l'absence de droit d'auteur sur les articles publiés dans le supplément et s'il a failli à son devoir, la défenderesse est Lingers J. responsable de la négligence de son mandataire: article 1727 C.C. La défenderesse a agi de bonne foi, mais elle a agi imprudemment et elle doit subir les conséquences de son imprudence. La principale coupable néanmoins, à mon avis, est la compagnie qui édite ce supplément et c'est elle, il me semble, que l'on devrait poursuivre, si l'on désire mettre fin à ces violations de droit d'auteur. Après avoir examiné attentivement la preuve versée au dossier et avoir étudié avec soin la doctrine et la jurisprudence, je ne puis arriver à d'autres conclusions que la demanderesse est titulaire du droit d'auteur sur le conte "La sang-froid de Marie," que la défenderesse a violé ce droit d'auteur et que celle-ci doit être tenue responsable des dommages que la reproduction dudit conte dans le supplément de son journal a pu occasionner à la demande-resse. Il y aura donc renvoi de la cause au régistraire, conformément aux dispositions de la règle 177 des règles et ordonnances de cette Cour, aux fins d'établir le montant des profits qu'a pu réaliser la défenderesse par la reproduction dudit conte dans son supplément, si profits il y a eu, de déterminer le quantum des dommages causés par ce fait à la demanderesse et de faire rapport à la Cour. Les dépens de tel renvoi sont réservés pour adjudication ultérieure. Comme je l'ai déjà dit, je ne crois pas qu'il y ait lieu d'accorder une ordonnance de cessation ou d'interdiction. La demanderesse aura droit à ses frais d'action contre la défenderesse, lesquels sont par les présentes fixés à deux cent cinquante dollars ($250). Judgment accordingly. 87084-11a
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