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2004 CF 674

T-2203-00

T-2204-00

T-2134-00

Bruce Allan Beattie (demandeur)

c.

Sa Majesté la Reine (défenderesse)

Répertorié: Beattie c. Canada (C.F.)

Cour fédérale, protonotaire Lafrenière--Vancouver, 14 et 15 octobre 2003; Toronto, 6 mai 2004.

Couronne -- Créanciers et débiteurs -- Les cédants de droits à des rentes prévues par un traité conclu avec des Indiens sont-ils fondés à recouvrer les arriérés des rentes, ainsi que les intérêts? -- L'art. 67 de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), interdit la cession des créances sur Sa Majesté, sous réserve des exceptions de l'art. 68 -- Les rentes n'étaient pas des créances correspondant à un montant échu ou à échoir aux termes d'un marché -- De nombreux précédents et ouvrage de doctrine ont été invoqués sur la question de savoir si les traités conclus avec des Indiens peuvent être assimilés à des contrats -- Les précédents invoqués par le demandeur doivent être différenciés car ils n'entrent pas dans le contexte de la LGFP -- Dans la LGFP, le législateur voulait établir une distinction entre les traités et les contrats -- Examen du texte de la version française -- Incessibilité des rentes prévues par traité -- Les cessions étaient-elles invalides pour non-conformité à la LGFP et au Règlement sur la cession des dettes de la Couronne? -- Les rentes prévues par traité sont-elles de l'«argent des Indiens»? -- La Couronne était-elle un fiduciaire ayant l'obligation d'investir ou de payer des intérêts? -- Obligation de la Couronne de payer des intérêts -- Examen de l'historique de la législation et de la jurisprudence -- Obstacle légal au paiement d'intérêts composés -- Des intérêts n'ont pas été adjugés contre la Couronne à titre d'indemnité en equity -- Même si des intérêts composés étaient payables, l'attribution de tels intérêts serait disproportionnée au tort commis.

Peuples autochtones -- Réclamation d'arriérés de rentes prévues par traité -- Les cédants sont les descendants de signataires initiaux du Traité no 6 (1876) ou du Traité no 11 (1921) -- Chacun des cédants est un Indien inscrit -- Selon les Traités, chacun des Indiens avait droit à une somme de 5 $ par année -- Ni le libellé ni le contexte historique des deux traités ne précisaient les conséquences du non-paiement -- Des intérêts sur les arriérés n'ont jamais été payés -- La Couronne a contesté la validité des cessions en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) -- Le demandeur a prétendu que sa réclamation était visée par l'exception à l'interdiction générale des cessions parce que les traités sont assimilables à des contrats -- Les précédents invoqués par le demandeur doivent être différenciés car ils n'entrent pas dans le contexte de la LGFP -- Selon un arrêt récent de la C.S.C., les principes du droit des contrats ne sont pas applicables aux traités -- Les droits issus de traités ne sont pas cessibles en raison de leur statut particulier -- Selon l'art. 90 de la Loi sur les Indiens, une opération relative à des biens situés sur une réserve est nulle si elle n'est pas approuvée par le ministre -- La Cour n'a pas examiné l'argument fondé sur l'art. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, puisqu'un avis de contestation constitutionnelle n'a pas été signifié -- Les sommes en cause sont-elles de l'«argent des Indiens», aux termes de l'art. 61(2) de la Loi sur les Indiens? -- Les sommes employées pour le paiement des rentes sont prélevées sur le Trésor, non sur le produit de la vente de terres cédées -- Les obligations de la Couronne envers les Indiens ne sont pas toutes fiduciaires par nature -- Il n'y avait pas d'obligation fiduciaire puisqu'aucun pouvoir discrétionnaire n'était en cause -- Dans un arrêt rendu en 1895 qui concernait un traité conclu avec des Indiens, la C.S.C. avait jugé que des intérêts n'étaient pas payables sur les rentes en souffrance -- Le recours à la définition légale du mot «Indien» pour déterminer le droit à des rentes prévues par traité était, au pis aller, erroné, et l'attribution d'intérêts composés, fondée sur les principes de l'equity, serait sans commune mesure avec le tort commis.

Ces actions étaient les dernières d'une série d'actions semblables engagées par plusieurs des membres de la famille du demandeur pour des arriérés de rentes conventionnelles. Puisque toutes les actions antérieures ont été réglées à l'amiable avant le procès, la question de l'application d'intérêts aux arriérés de rentes n'a pas été résolue à titre définitif. Le demandeur est le cessionnaire des droits conventionnels à pension de quelque dix cédants, dont on dit qu'ils sont les descendants d'Indiens visés par un traité. Selon le demandeur, les cédants ont droit à des rentes prévues par traité qui remontent à leur naissance. La Couronne nie que les cédants aient droit à des rentes ou à des intérêts sur ces rentes. Les points soulevés sont les suivants: La Couronne a-t-elle une obligation envers les cédants? Les obligations prévues par les traités sont-elles éteintes? Les cessions détenues par le demandeur sont-elles valides d'après la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP)? Les réclamations sont-elles prescrites? Quel est le quantum des réclamations? Enfin des intérêts sont-ils payables et, dans l'affirmative, quel est le taux applicable, et les intérêts peuvent-ils être composés?

Le protonotaire Hargrave a ordonné que l'instruction de deux points litigieux se déroule séparément, en application de la règle 107 des Règles de la Cour fédérale (1998). Il s'agissait des points suivants: 1) l'effet, le cas échéant, de la LGFP sur la validité des cessions, et 2) le point de savoir si des intérêts étaient dus et, dans l'affirmative, s'il s'agissait d'intérêts simples ou composés, et de quelle manière il fallait les calculer.

Jugement: les actions sont rejetées, les cessions étant invalides et le demandeur n'ayant pas droit à des intérêts.

Les cédants sont tous des descendants naturels directs de signataires initiaux du Traité no 6 de 1876 et du Traité no 11 de 1921. Chacun des cédants est un Indien inscrit visé par traité, et des rentes conventionnelles ont été payées à chacun d'eux, sauf un, à un moment de sa vie. Selon le Traité no 6, chacun des Indiens devait recevoir la somme de 5 $ par année, tandis que le Traité no 11 prévoyait lui aussi des paiements annuels de 5 $ aux Indiens ordinaires, et des paiements légèrement supérieurs aux chefs et aux conseillers. Aux fins des présents motifs, il n'était pas nécessaire de faire une distinction de fait entre les divers cédants ou entre les deux traités. Ni le libellé ni le contexte historique des deux traités ne précisaient les conséquences du non-paiement, ou du paiement tardif, des rentes, ni ne prévoyaient le paiement d'intérêts sur les arriérés accumulés. Il existait une preuve par affidavit selon laquelle des intérêts sur les arriérés des rentes visées par les traités n'avaient jamais été payés.

Selon la Couronne, les cessions faites au demandeur étaient nulles, et cela pour trois raisons: (i) l'article 67 de la LGFP prévoit que les créances sur Sa Majesté sont incessibles et qu'aucune opération censée constituer une cession de créance sur Sa Majesté n'a pour effet de conférer à quiconque un droit ou un recours à leur égard. Des exceptions sont prévues par l'article 68 pour les créances contractuelles et pour celles qui appartiennent à une catégorie déterminée. Selon la Couronne, les exceptions prévues par l'article 68 doivent être interprétées rigoureusement, et un traité n'est pas un contrat ou un marché. (ii) L'une des conditions des droits prévus par traité est que ceux-ci ne sont pas transférables. (iii) Les cessions n'étaient pas conformes aux exigences de la LGFP et à celles du Règlement sur la cession des dettes de la Couronne.

1)(i) Le demandeur a fait valoir que les dispositions législatives qui ont une incidence sur des droits prévus par traité doivent être interprétées d'une manière libérale et que les ambiguïtés doivent être résolues en faveur des Indiens. Chacun des traités était un contrat prévoyant un versement de fonds par Sa Majesté. Se fondant sur la jurisprudence et sur les avis de spécialistes, le demandeur a fait valoir que la créance constituée par des arriérés de rentes dérivées d'un traité devrait être considérée comme une créance correspondant à un montant échu ou à échoir en vertu d'un marché, c'est-à-dire comme une créance cessible en application du paragraphe 68(1). Le demandeur a prétendu aussi que les seuls genres de créances contractuelles que le législateur voulait expressément exclure d'une cession prévue par le paragraphe 68(1) étaient les créances indiquées au paragraphe 68(5).

La Cour n'a pu cependant accepter les arguments du demandeur. Dans l'arrêt Bank of Nova Scotia v. The Queen, la Cour de l'Échiquier du Canada avait jugé que les créances contractuelles sur la Couronne fédérale étaient cessibles sans le consentement de la Couronne. À la suite de cet arrêt, le Parlement a promulgué l'article 67 de la LGFP, pour rétablir l'interdiction générale de la cession des créances sur Sa Majesté. Pour réussir, le demandeur devait établir que les rentes prévues par traité entraient dans la dispense prévue par l'alinéa 68(1)a) de la LGFP. Une exception ne doit pas être interprétée de telle manière que l'objet global du texte législatif soit menacé. La jurisprudence a souvent assimilé à des contrats les traités conclus avec les Indiens, mais aucun précédent n'examine de tels traités dans le contexte de la LGFP et, dans un arrêt assez récent, la C.S.C. a jugé que les principes du droit des contrats ne s'appliquent pas aux traités. En outre, le législateur semble avoir délibérément fait une distinction entre traités et contrats (ou marchés) dans la LGFP. À l'article 2, les mots «contrat» et «traité» sont mentionnés séparément dans la définition de «fonds publics» Quant à l'article 68, il ne mentionne que le mot «marché», mais pas le mot «traité». La version française de l'article 68 milite également en faveur d'une interprétation qui exclut les traités de la signification du mot «contrat» ou «marché».

(ii) Selon le deuxième point soulevé par la Couronne, les droits prévus par traité ne sont pas transférables en raison de leur statut particulier en droit. Le demandeur a rétorqué que les cessions ne concernaient pas des droits découlant de traités, mais plutôt des créances échues. Toutefois, selon l'article 90 de la Loi sur les Indiens, toute opération visant à transférer la propriété d'un bien réputé situé sur une réserve, ou un droit sur un tel bien, est nulle à moins qu'elle n'ait lieu avec le consentement du ministre. Selon le demandeur, dans la mesure où les dispositions de la LGFP empiètent sur un droit essentiel prévu par traité, ces dispositions devaient être justifiées par la Couronne en application du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. La Cour n'était pas disposée à instruire une contestation constitutionnelle, l'avis requis n'ayant pas été signifié. Il fallait donc arriver à la conclusion que, sans le consentement de la Couronne, il ne pouvait y avoir transfert de rentes visées par traité.

(iii) Le paragraphe 68(2) de la LGFP énumère les conditions d'une cession valide. Le demandeur entendait se conformer pleinement aux avis exigés par la partie VII de la LGFP, mais il avait été dissuadé de le faire quand l'avis initial de cession qu'il avait envoyé fut rejeté par le receveur général au motif que des droits prévus par traité ne peuvent pas être cédés. Les objections de la Couronne sur ces points de nature technique ont été rejetées.

2) Partant du principe que le demandeur réussirait finalement au procès à établir son droit aux sommes réclamées, la Cour devait trancher la question des intérêts. Aucun des deux traités ne prévoyait le paiement d'intérêts, et cette question n'a pas été débattue lorsque les traités ont été négociés. Le demandeur a quand même dit que le paragraphe 61(2) de la Loi sur les Indiens, qui parle des intérêts sur l'«argent des Indiens», confère un droit au paiement d'intérêts sur les arriérés de rentes. S'agissant de l'article 2 de la Loi (qui définit l'expression «argent des Indiens»), la Couronne a fait valoir que ces rentes ne sont pas de l'«argent des Indiens» car elles ne sont pas «perçues, reçues ou détenues par Sa Majesté», mais sont prélevées sur le Trésor et payables conformément à l'article 72 de la Loi. Les sommes dont il est question ici ne proviennent pas de la vente de terres cédées: voir l'article 62 (selon lequel l'argent des Indiens qui provient de la vente de terres cédées est réputé appartenir au compte en capital de la bande). Rien ne permettait d'affirmer que les rentes constituaient de l'«argent des Indiens».

Le point suivant était celui de savoir si la Couronne était un fiduciaire ayant l'obligation d'investir ou de payer des intérêts. Le demandeur s'est référé à l'arrêt Authorson v. Canada (Attorney General), dans lequel la Cour d'appel de l'Ontario avait souscrit aux «illustres motifs» exposés par le juge Dickson dans l'arrêt Guerin, en affirmant que la Couronne, représentée par le ministère des Affaires des anciens combattants, avait l'obligation fiduciaire de faire «croître le fonds en l'investissant ou en prenant les moyens pour qu'il produise des intérêts». Les circonstances de la présente affaire pouvaient cependant être distinguées de l'affaire Authorson. Il n'était pas établi que la Couronne avait conservé des arriérés de rentes pour l'avantage des cédants. Les arriérés de rentes n'ont pas été conservés dans un compte distinct, mais ont été retournés au receveur général. Toutes les obligations de la Couronne envers les peuples autochtones ne sont pas fiduciaires par nature. L`omission de la Couronne de payer ces rentes à toutes les personnes qui y avaient droit pouvait constituer une violation du traité, mais non une violation de l'obligation fiduciaire puisqu'aucun pouvoir discrétionnaire n'était en cause. Lorsque la Couronne décide qui est un «Indien» aux fins d'un traité, elle exerce une fonction administrative qui ne fait intervenir aucun pouvoir discrétionnaire et qui par conséquent ne saurait donner naissance à des obligations fiduciaires.

S'agissant de l'obligation pour la Couronne de payer des intérêts, l'article 36 de la Loi sur la Cour fédérale prévoyait que des intérêts ne seraient pas accordés dans une réclamation contre la Couronne, à moins qu'il n'existe une disposition législative ou contractuelle en ce sens. L'article 31 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, qui est entré en vigueur le 1er février 1992, n'a pas dérogé à l'immunité de la Couronne d'une manière qui établirait une obligation de payer des intérêts à titre de dommages-intérêts de common law ou d'indemnité reconnue en equity. L'effet du paragraphe 31(6) était de limiter aux périodes postérieures à son entrée en vigueur les intérêts qui pouvaient être octroyés, sauf si un contrat ou une disposition législative prévoyait le paiement d'intérêts avant cette date.

Dans l'arrêt Ontario, Province of v. The Dominion of Canada and Province of Quebec (1895), 25 R.C.S. 434, il a été jugé que des intérêts n'étaient pas payables sur des rentes en souffrance. L'affaire concernait un traité de 1850 conclu avec les Indiens Ojibway. Le paiement d'intérêts sur les arriérés de rentes avant le 1er février 1992 ne reposait sur aucun fondement contractuel, légal ou autre.

Les causes d'action avaient pris naissance, pour tous les cédants sauf Charles Harris, dans plus d'une province, de telle sorte que le paragraphe 31(2) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif était applicable. L'alinéa 31(4)b) interdit l'octroi d'intérêts sur les intérêts, c'est-à-dire l'octroi d'intérêts composés. S'agissant de Charles Harris, puisque la cause d'action avait pris naissance en Alberta, son droit à des intérêts était régi par le Judgment Interest Act, S.A. 1984, texte qui n'autorisait pas, lui non plus, l'octroi d'intérêts sur les intérêts adjugés sous son régime. En conséquence, le paiement d'intérêts composés se heurtait à un obstacle légal pour toutes les espèces en cause. Des intérêts ne pouvaient non plus être réclamés à la Couronne à titre de dédommagement en equity. Et, en tout état de cause, la compétence en equity dont peut être investie la Cour pour l'octroi d'intérêts ne s'appliquerait que dans les cas où il y a eu fraude, manquement à une obligation fiduciaire, abus de confiance ou rétention délibérément fautive de sommes. Rien de tout cela n'a été prouvé ici. L'attribution d'intérêts composés n'était pas nécessaire comme moyen de dissuasion ou pour encourager la Couronne à honorer ses promesses.

Finalement, même si des intérêts composés étaient payables en vertu des principes d'equity, l'attribution de tels intérêts serait disproportionnée au tort commis. Le recours à la définition légale du mot «Indien» pour déterminer le droit à des rentes prévues par traité était raisonnable eu égard aux circonstances et, au pis aller, erroné. La mauvaise foi n'a pas été établie.

lois et règlements

Acte à l'effet de modifier l'Acte des cours Suprême et de l'Échiquier, et d'établir de meilleures dispositions pour l'instruction des réclamations contre la Couronne, S.C. 1887, ch. 16, art. 33.

Acte de la Cour Suprême et de l'Échiquier, S.C. 1875, ch. 11, art. 33.

Judgment Interest Act, S.A. 1984, ch. J-0.5, art. 2.

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35(1).

Loi sur la Cour de l'Échiquier, S.R.C. 1970, ch. E-11.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 36.

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 2 "fonds publics" (mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 98), 66 (mod., idem, art. 113), 67, 68, 69.

Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, art. 1 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21), 31 (mod., idem, art. 31).

Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, art. 2 "argent des Indiens", 61, 62, 69, 72, 90.

Règlement sur la cession des dettes de la Couronne, C.R.C., ch. 675.

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 50(2), 107.

Règlement sur les revenus des bandes d'Indiens, C.R.C., ch. 953.

Supreme Court Act 1981 (R.-U.), 1981, ch. 54, art. 35A.

Traité no 6 (1876).

Traité no 11 (1921).

jurisprudence

décisions suivies:

Mon-Oil Ltd. c. Canada (1992), 50 F.T.R. 260 (C.F. 1re inst.); conf. par (1993), 152 N.R. 210 (C.A.F.); Ontario, Province of v. The Dominion of Canada and Province of Quebec (1895), 25 R.C.S. 434; conf. par [1897] A.C. 199 (C.P.); Canson Enterprises Ltd. c. Boughton & Co., [1991] 3 R.C.S. 534; (1991), 85 D.L.R. (4th) 129; [1992] 1 W.W.R. 245; 61 B.C.L.R. (2d) 1; 6 B.C.A.C. 1; 9 C.C.L.T. (2d) 1; 39 C.P.R. (3d) 449; 43 E.T.R. 201; 131 N.R. 321; 13 W.A.C. 1.

décision non suivie:

Bank of Nova Scotia v. The Queen (1961), 27 D.L.R. (2d) 120 (C. de l'É.).

décisions appliquées:

Canada c. Kakfwi, [2000] 2 C.F. 241; (1999), 178 D.L.R. (4th) 424; [2000] 1 C.N.L.R. 140; [1999] 4 C.T.C. 264; 99 DTC 5639; 247 N.R. 274 (C.A.); Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2002] 4 R.C.S. 245; (2002), 220 D.L.R. (4th) 1; [2003] 1 C.N.L.R. 341; 297 N.R. 1; Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335; (1984), 13 D.L.R. (4th) 321; [1984] 6 W.W.R. 481; 59 B.C.L.R. 301; [1985] 1 C.N.L.R. 120; 20 E.T.R. 6; 55 N.R. 161; 36 R.P.R. 1; Rudolf Wolff & Co. c. Canada, [1990] 1 R.C.S. 695; (1990), 69 D.L.R. (4th) 329; 43 Admin. L.R. 1; 41 C.P.R. (2d) 1; 46 C.R.R. 263; 106 N.R. 1; 39 O.A.C. 1; Guerin c. R., [1982] 2 C.F. 445; (1981), 127 D.L.R. (3d) 170 (1re inst.); Leighton c. Canada, [1989] 1 C.F. 75; (1988), 21 F.T.R. 27 (1re inst.); Westdeutsche Landesbank Girozentrale v. Islington London Borough Council, [1996] A.C. 699 (C.L.); Felix v. Patrick, 145 U.S. 317 (1892).

distinction faite d'avec:

R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771; (1996), 133 D.L.R. (4th) 324; [1996] 4 W.W.R. 457; 181 A.R. 321; 37 Alta. L.R. (3d) 153; 105 C.C.C. (3d) 289; [1996] 2 C.N.L.R. 77; 195 N.R. 1; 116 W.A.C. 321; R. v. Tennisco (1981), 131 D.L.R. (3d) 96; 64 C.C.C. (2d) 315; [1981] 4 C.N.L.R. 138 (H.C. Ont.); R. v. Dennis and Dennis (1974), 56 D.L.R. (3d) 379; [1975] 2 W.W.R. 630; 22 C.C.C. (2d) 152; 8 C.N.L.C. 476; 28 C.R.N.S. 268 (C. prov. C.-B.); Pawis c. R., [1980] 2 C.F. 18; (1979), 102 D.L.R. (3d) 602; [1979] 2 C.N.L.R. 52 (C.F. 1re inst.); Rex v. Wesley, [1932] 4 D.L.R. 774; [1932] 2 W.W.R. 337; (1932), 26 Alta. L.R. 433; [1932] 58 C.C.C. 269 (Div. App. Alb.); R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025; (1990), 30 Q.A.C. 287; 70 D.L.R. (4th) 427; 56 C.C.C. (3d) 225; [1990] 3 C.N.L.R. 127; 109 N.R. 22; Bande de Sawridge c. Canada, [1996] 1 C.F. 3; [1995] 4 C.N.L.R. 121 (1re inst.); Attorney General for the Dominion of Canada v. Attorney-General for Ontario, [1897] A.C. 199 (C.P.); St. Catherine's Milling and Lumber Company v. Reg. (1888), 14 A.C. 46 (C.P.); Authorson v. Canada (Attorney General) (2002), 58 O.R. (3d) 417; 215 D.L.R. (4th) 496; 33 C.C.P.B. 1; 92 C.R.R. (2d) 224; 157 O.A.C. 278 (C.A.); infirmé par [2003] 2 R.C.S. 10; (2003) 227 D.L.R. (4th) 385; 4 Admin. L.R. (4th) 167; 36 C.C.P.B. 29; 109 C.R.R. (2d) 220; 306 N.R. 335.

décisions citées:

Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3; (1994), 63 Q.A.C. 161; 95 DTC 5017; 171 N.R. 161; Macdonell c. Quebec (Commission d'accès à l'information), [2002] 3 R.C.S. 661; (2002), 219 D.L.R. (4th) 193; 44 Admin. L.R. (3d) 165; 22 C.P.R. (4th) 129; 294 N.R. 238; R. c. Sundown, [1999] 1 R.C.S. 393; (1999), 170 D.L.R. (4th) 385; [1999] 6 W.W.R. 278; 177 Sask. R. 1; 132 C.C.C. (3d) 353; [1999] 2 C.N.L.R. 389; 236 N.R. 251; Benoit c. Canada, [2002] 2 C.N.L.R. 1; 2002 DTC 6896; 217 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.); inf. par (2003), 228 D.L.R. (4th) 1; [2003] 3 C.N.L.R. 20; 242 F.T.R. 159; 2003 DTC 5366; 307 N.R. 1 (C.A.F.); Hay River (Ville de) c. R., [1980] 1 C.F. 262; (1979), 101 D.L.R. (3d) 184; [1979] 2 C.N.L.R. 101 (1re inst.); Schreiber c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 269; (2002), 216 D.L.R. (4th) 513; 167 C.C.C. (3d) 51; 22 C.P.C. (5th) 207; 292 N.R. 250; 164 O.A.C. 354; Anishinaabeg of Kabapikotawangag Resource Council Inc. v. Canada (Attorney General) (1998), 53 C.R.R. (2d) 183; [1998] 4 C.N.L.R. 1; 66 O.T.C. 378 (Div. gén. Ont.); R. v. Stubbington, [1999] 4 C.N.L.R. 222 (C. prov. C.-B.); R. v. Pike, [1994] 1 C.N.L.R. 160 (C.S. C.-B.); The Pas Merchants Ltd. c. La Reine, [1974] 2 C.F. 376; (1974), 50 D.L.R. (3d) 154; 8 C.N.L.C. 600 (1re inst.); Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85; (1990), 71 D.L.R. (4th) 193; [1990] 5 W.W.R. 97; 67 Man. R. (2d) 81; [1990] 3 C.N.L.R. 46; 110 N.R. 241; 3 T.C.T. 5219; EdperBrascan Corporation v. 177373 Canada Ltd. (2001), 53 O.R. (3d) 331; [2000] O.T.C. 722 (C.S.); conf. par (2002), 22 B.L.R. (3d) 42 (C.A. Ont.).

doctrine

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Petit Larousse illustré. Paris: Larousse, 2000 "marché".

Petit Robert Dictionnaire de la langue française. Paris: Le Robert, 2002 «marché».

Sullivan, Ruth. Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4th ed. Toronto: Butterworths, 2002.

Woodward, Jack. Native Law, Toronto: Carswell, 1990.

ACTIONS en recouvrement d'arriérés de rentes annuelles par le cessionnaire de divers droits conventionnels à pension. Actions rejetées au motif que les rentes prévues par traité étaient incessibles et qu'aucun intérêt n'était dû sur les arriérés.

ont comparu:

Bruce Allan Beattie, en son propre nom.

Karl Burdak et Rosanne M. Kyle, pour la défenderesse.

avocats inscrits au dossier:

Le sous-procureur général du Canada et Miller Thomson LLP, Vancouver, pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le protonotaire Lafrenière: Le demandeur, Bruce Beattie, est le cessionnaire de divers droits conventionnels à pension de dix cédants, dont on dit qu'ils sont les descendants d'Indiens visés par un traité. Selon le demandeur, les cédants ont droit à des rentes prévues par traité qui remontent à leur naissance. En tant que cessionnaire, le demandeur a introduit trois procédures distinctes en vue de recouvrer les arriérés des rentes annuelles, avec les intérêts. Sa Majesté la Reine du chef du Canada (la Couronne) nie que les cédants aient droit à des rentes conventionnelles pour les périodes revendiquées, ou à des intérêts sur ces rentes.

[2]Le paragraphe 50(2) des Règles [Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106] prévoit qu'un protonotaire peut entendre toute action visant exclusivement à une réparation pécuniaire, à condition que la somme réclamée dans chaque action ne dépasse pas 50 000 $, à l'exclusion des intérêts et des dépens. Les sommes en cause sont symboliques, et les actions relèvent par conséquent de la compétence du protonotaire. Cependant, si l'on y ajoute la réclamation du demandeur portant sur les intérêts simples et les intérêts composés, les sommes réclamées peuvent être assez importantes.

[3]Les présentes actions sont les dernières d'une série d'actions semblables engagées au cours des dix dernières années par plusieurs des membres de la famille du demandeur contre la Couronne pour des arriérés de rentes conventionnelles. Puisque toutes les actions antérieures ont été réglées à l'amiable avant le procès, l'application d'intérêts aux arriérés de rentes n'a pas été résolue à titre définitif.

[4]Parmi les points soulevés dans les actions, il y a les suivants: les cédants ont-ils droit aux rentes? La Couronne a-t-elle une obligation envers les cédants? Les obligations conventionnelles sont-elles éteintes, ou sont-elles autrement limitées? Les cessions détenues par le demandeur sont-elles valides d'après la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (LGFP)? Les réclamations sont-elles prescrites? Quel est le quantum des réclamations? Enfin des intérêts sont-ils payables et, dans l'affirmative, quel est le taux applicable, et les intérêts peuvent-ils être composés?

[5]Le 1er avril 2003, à la suite d'une conférence préparatoire, le protonotaire Hargrave a ordonné que l'instruction de deux points litigieux se déroule séparément, en application de la règle 107 des Règles de la Cour fédérale (1998), afin de réduire le coût du procès, d'encourager une transaction et d'expédier les affaires.

[6]Les deux points litigieux soumis à instruction séparée sont les suivants:

a) l'effet, le cas échéant, de la LGFP sur la validité des cessions faites au demandeur; et

b) le point de savoir si des intérêts sont dus sur les arriérés de rentes qui pourraient être dus et, dans l'affirmative, quel est le taux d'intérêt? S'agit-il d'intérêts simples ou d'intérêts composés? Et comment faut-il les calculer?

[7]L'instruction de ces deux questions s'est déroulée sur la base d'un exposé conjoint des faits propre à chaque action, d'une preuve par affidavit de Nicholas Mitchell et Michael McGinty, d'une preuve documentaire figurant dans un recueil conjoint de documents et d'éléments de preuve issus des interrogatoires préalables du demandeur et des cédants. Les pièces déposées par les parties sont volumineuses, et d'importantes conclusions de droit ont été soumises, oralement et par écrit. Les présents motifs n'exposent qu'un sommaire des faits pertinents et des arguments juridiques des parties.

[8]Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis que la cession des rentes conventionnelles est invalide et nulle et que les trois actions devraient donc être rejetées. Pour le cas où ma conclusion sur la validité des cessions serait erronée, je suis d'avis que le demandeur ne peut pas recouvrer d'intérêts pour les arriérés de rentes en cause.

Les faits

[9]Les cédants, dans les trois actions, sont tous des descendants naturels directs de signataires initiaux du Traité no 6 (1876) ou du Traité no 11 (1921). Dans tous les cas, le traité applicable est antérieur à la naissance de chacun des cédants. Chacun des cédants est un Indien inscrit visé par traité, au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, et des rentes conventionnelles ont été payées à chacun d'eux sauf un, à un moment de leur vie.

[10]Le Traité no 6 prévoit notamment ce qui suit:

[. . .] dans le but de faire voir la satisfaction que Sa Majesté éprouve à la vue du comportement et de la bonne conduite de ses Sauvages, elle leur accorde par le présent, en agissant par l'intermédiaire de ses commissaires, un présent de douze piastres pour chaque homme, femme et enfant appartenant aux bandes ici représentées, en satisfaction de toutes réclamations ci-devant existantes;

[. . .]

Et, en outre, que les commissaires de Sa Majesté devront, aussitôt que possible après l'exécution de ce traité, faire prendre un recensement exact de tous les Sauvages habitant l'étendue de pays ci-dessus décrite, en les rangeant par familles, et ils devront, chaque année après la date de ce recensement, à une certaine époque de l'année, dont on donnera dûment avis aux Sauvages, et dans un endroit ou des endroits désignés à cet effet, dans l'étendue des limites des territoires cédés, payer à chaque personne Sauvage la somme de cinq piastres par tête annuellement.

Le Traité no 11 renferme des dispositions semblables, comme il suit:

Et en considération du plaisir causé à Sa Majesté par la bonne conduite de ses Indiens, et en compensation de toutes les réclamations antérieures, Il s'engage, par son commissaire, de faire à chaque chef un présent de trente-deux dollars en argent, à chaque conseiller un présent de vingt-deux dollars, et à chaque autre Indien, de tout âge, des familles représentées à l'époque et au lieu des paiements, un présent de douze dollars.

SA MAJESTÉ convient aussi que l'an prochain et toutes les années subséquentes pour toujours, il fera payer aux dits Indiens en argent, à des endroits et des dates convenables, dont avis leur sera donné, vingt-cinq dollars à chaque chef, à chaque conseiller, quinze dollars, et à chaque autre Indien de tout âge, cinq dollars; ces montants devront être payés au chef de famille pour tous ceux qui en font partie, étant entendu, aux fins du présent traité, que chaque bande comptant au moins trente personnes peut avoir des conseillers ou des dirigeants à raison d'un conseiller ou d'un dirigeant par centaine de membres.

[11]Dans le dossier portant le no T-2204-00, les cédants, James Delap Harris, William Thomas Harris, Nora Eileen Matchatis (Nora Matchatis) et Bridget Angela Volden sont des frères et soeurs et les petits-enfants d'adhérents initiaux au Traité no 6. Ils sont tous actuellement inscrits comme Indiens conformément à la Loi sur les Indiens. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord (MAIN) a reconnu les frères et soeurs, autres que Nora Matchatis, comme des personnes fondées à recevoir des rentes en application du Traité no 6, depuis les dates de leurs demandes respectives d'enregistrement en tant qu'Indiens inscrits selon la Loi sur les Indiens, mais non avant lesdites dates. Le MAIN a reconnu que Nora Matchatis était fondée à recevoir des rentes depuis l'année suivant son mariage avec un Indien signataire du Traité no 6.

[12]Dans le dossier portant le no T-2134-00, le cédant, Charles Edward Harris (Charles Harris), est un petit-fils de signataires initiaux du Traité no 6 et il est actuellement inscrit comme Indien conformément à la Loi sur les Indiens. Le MAIN a reconnu que Charles Harris était fondé à recevoir des rentes en application du Traité no 6 depuis la date de sa demande d'enregistre-ment à titre d'Indien inscrit selon la Loi sur les Indiens, mais non avant cette date. Toute cause d'action pour violation par la Couronne de son obligation conventionnelle de verser des rentes à Charles Harris a pris naissance dans la province de l'Alberta.

[13]Est reproduit ci-après l'exposé conjoint des faits dans le dossier T-2203-00, exposé qui est représentatif des exposés admis dans les deux autres actions.

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

1. Les cédants, Philip George Harris, Mary Martha Harris, Margaret Mary Napora, Kevin Kimberley Napora et Shannon Trevor Napora (les cédants) sont des enfants ou petits-enfants de signataires initiaux du Traité no 11 et sont tous actuellement inscrits comme Indiens conformément à la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5.

2. La signature du Traité no 11 est antérieure à la naissance de tous les cédants.

3. Le demandeur, Bruce Beattie, n'est pas un Indien signataire du Traité no 11, et il n'est pas non plus inscrit comme Indien selon la Loi sur les Indiens, mais il est un membre de la famille de chacun des cédants, par mariage.

4. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord (MAIN) a reconnu que chacun des cédants était fondé à recevoir des rentes en application du Traité no 11 (les «rentes») depuis la date de sa demande d'inscription comme Indien selon la Loi sur les Indiens, mais non avant ladite date.

5. Les registres de versement des rentes indiquent les paiements qui n'ont pas été faits à tel ou tel Indien ayant le droit de recevoir une rente selon le traité.

6. Le demandeur a envoyé au receveur général un avis de cession de créance sur Sa Majesté, pour la cession opérée par le cédant, Charles Edward Harris, dans l'action connexe no T-2134-00. Cependant, la cession n'a pas été approuvée par le receveur général.

7. Par suite de la réponse du receveur général à l'avis de cession signifié par Charles Edward Harris, le demandeur n'a envoyé au receveur général aucun autre avis semblable de cession à l'égard des cessions opérées par les autres cédants.

8. Le Traité no 11 ne renferme pas de modalités expresses se rapportant au versement d'intérêts sur des arriérés de rentes.

9. Les documents historiques énumérés par les parties aux actions engagées devant la Cour ne disent pas qu'il a été question d'intérêts sur les arriérés de rentes au cours des négociations qui ont conduit à la signature du Traité no 11.

10. Toute cause d'action relative à des créances découlant de la violation par la Couronne de son obligation conventionnelle de payer des arriérés de rentes, avec les intérêts, a pris naissance dans plus d'une province, ou en dehors d'une province.

[14]Aux fins des présents motifs, il n'est pas nécessaire de faire une distinction de fait entre les divers cédants ou entre les deux traités en cause. Le libellé et le contexte historique de chacun des traités en cause sont sans parallèle, mais il y a une similitude suffisante entre les deux traités, du moins en ce qui a trait aux points particuliers soulevés dans la présente affaire, pour que l'esprit et l'effet juridique des deux dispositions relatives aux rentes puissent être considérés comme essentielle-ment les mêmes dans les deux traités.

[15]D'abord, ni le libellé ni le contexte historique des deux traités ne précisent les conséquences du non-paiement ou du paiement tardif des rentes, ni ne prévoient le paiement d'intérêts sur les arriérés accumulés.

[16]Deuxièmement, le Traité no 6 et le Traité no 11 promettent tous deux le paiement annuel, par la Couronne, de cinq dollars à chacun des signataires initiaux des deux traités ainsi qu'à leurs descendants naturels. Dans son affidavit, M. Mitchell expose le mode de paiement des rentes:

[traduction]

1. Les rentes étaient payées annuellement par le ministère des Affaires indiennes, à l'aide de crédits votés par le Parlement chaque année. Les sommes employées pour payer les rentes étaient votées d'après le budget des dépenses du ministère.

2. Les rentes étaient payées aux Indiens visés par traité, à des dates et des endroits prédéterminés, et les paiements étaient inscrits pour chaque bande dans des registres de paiement.

3. Quand les paiements avaient été effectués pour une année, les sommes restantes non affectées à des rentes étaient retournées au receveur général. Elles n'étaient pas conservées pour utilisation les années suivantes.

4. La même procédure était répétée pour chaque exercice.

5. Le budget annuel des dépenses préparé par le ministère des Affaires indiennes chaque année comprenait des sommes destinées au paiement des arriérés de rentes aux Indiens visés par traité à qui des paiements n'avaient pas été faits.

6. Les arriérés étaient payés sur les sommes destinées aux rentes, pour le même exercice au cours duquel étaient faites les demandes de paiement d'arriérés.

7. Il n'était pas payé d'intérêts sur les arriérés des rentes visées par les traités.

[17]J'examinerai d'abord l'effet de la Loi sur la gestion des finances publiques sur la validité des cessions faites au demandeur, puis j'examinerai le point de savoir si des intérêts sont dus sur les arriérés de rentes.

VALIDITÉ DES CESSIONS

[18]Par les avis de cession, les cédants prétendent céder au demandeur tous «les arriérés impayés des rentes annuelles par chef, plus les intérêts qui sont légalement exigibles et payables [. . .] conformément aux modalités du traité [. . .] jusqu'à la date de la présente cession, et toutes causes d'action se rapportant à telle créance». Selon la Couronne, les cessions faites au demandeur sont nulles, et cela pour trois raisons distinctes.

[19]D'abord, d'affirmer la Couronne, les rentes prévues par traité ne peuvent être cédées, en raison de l'interdiction contenue dans l'article 67 de la LGFP, qui régit la cession des créances sur Sa Majesté. L'article 67 prévoit ce qui suit:

67. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale:

a) les créances sur Sa Majesté sont incessibles;

b) aucune opération censée constituer une cession de créances sur Sa Majesté n'a pour effet de conférer à quiconque un droit ou un recours à leur égard.

[20]Les exceptions à cette interdiction générale de la cession des créances sur Sa Majesté se trouvent dans l'article 68, qui prévoit ce qui suit:

68. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, les créances suivantes sont cessibles:

a) celles qui correspondent à un montant échu ou à échoir aux termes d'un marché;

b) celles qui appartiennent à une catégorie déterminée par règlement.

[21]Selon la Couronne, les rentes prévues par traité n'entrent dans aucune des exceptions prévues par l'article 68 de la LGFP, et plus précisément elles ne sont pas des créances qui correspondent «à un montant échu ou à échoir aux termes d'un marché». Puisque ladite disposition est une exception à l'interdiction générale de la cession des créances sur Sa Majesté, interdiction énoncée dans la LGFP, cette disposition devrait être interprétée rigoureusement, d'autant que l'objet fondamental de cette partie de la LGFP est de limiter la cessibilité des créances sur Sa Majesté. La Couronne fait valoir que, si l'on interprète rigoureusement le mot «marché», ce mot ne comprend pas un traité.

[22]Deuxièmement, de dire la Couronne, même si les rentes prévues par traité entrent dans l'une des exceptions à l'interdiction générale de la cession des créances sur Sa Majesté, elles sont néanmoins incessibles parce que l'une des conditions des droits prévus par traité est que les droits en question ne sont pas transférables.

[23]Troisièmement, la Couronne prétend que les cessions sont invalides parce qu'elles ne sont pas conformes aux règles de la LGFP et à celles du Règlement sur la cession des dettes de la Couronne [C.R.C., ch. 675] (le Règlement).

[24]Les trois moyens invoqués par la Couronne pour dire que les cessions sont invalides sont examinées ci-après, dans le même ordre.

Interdiction de la cession des créances sur Sa Majesté

[25]Selon la Couronne, l'article 67 de la LGFP, qui interdit de façon générale la cession des créances sur Sa Majesté est applicable, et les rentes prévues par traité dont il est question ici ne sont pas cessibles.

[26]Le demandeur n'accepte pas la position de la Couronne. Il fait valoir que les dispositions législatives qui ont une incidence sur les droits prévus par traité doivent être interprétées d'une manière libérale et que les incertitudes ou ambiguïtés doivent être résolues en faveur des Indiens. Selon le demandeur, chacun des traités en cause dans les présentes actions est un «contrat prévoyant un versement de fonds par Sa Majesté», selon ce que prévoit l'article 66 [mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 113] de la LGFP, et aucune raison valide n'a été avancée par la défenderesse pour ignorer la définition de «marché», qui a été insérée expressément aux fins de la partie VII de la LGFP. Au soutien de ses prétentions, le demandeur se réfère aux extraits suivants de la jurisprudence ainsi qu'à d'autres précédents qui, selon lui, confirment la nature contractuelle des traités (les soulignements sont le fait du demandeur):

Les traités sont comme des contrats, si ce n'est qu'ils ont un caractère public, très solennel et particulier. Ils créent des obligations exécutoires, fondées sur le consentement mutuel des parties. Il s'ensuit que la portée des droits issus de traités est fonction de leur libellé, lequel doit être interprété conformément aux principes énoncés par notre Cour. R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771, au par. 76.

[. . .] un traité est le produit d'une négociation entre deux parties contractantes [. . .] Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, à la p. 143.

[traduction] Dans sa forme la plus simple, le traité doit par nécessité consister en un accord ou un compromis à laquelle sont arrivées deux ou plusieurs parties, avec tous les éléments d'un contrat valide. R. v. Tennisco, (1981), 131 D.L.R. (3d) 96 (H.C. Ont.), à la p. 105.

[traduction] Le traité est semblable à une entente ou un contrat. R. v. Dennis and Dennis (1974), 56 D.L.R. (3d) 379 (C. prov. C.-B.), à la p. 382.

La question de la violation d'obligations contractuelles

[. . .]

Il est évident que le Traité du lac Huron, au même titre que tous les traités conclus avec les Indiens, n'était pas un traité au sens du droit international. Les Ojibways, à l'époque, ne constituaient pas un «pouvoir indépendant», mais étaient des sujets de la Reine. Bien que d'une nature toute spéciale et difficile à définir avec précision, le Traité doit être considéré comme un accord conclu par la Souveraine avec un groupe de ses sujets, en vue d'établir entre eux des rapports juridiques spéciaux. Les promesses faites dans ce Traité par Robinson au nom de Sa Majesté et par les chefs de la tribu des Ojibways, visaient indéniablement à produire des effets de droit dans un contexte légal. On peut donc dire que cet accord équivalait à un contrat et admettre qu'un manquement aux engagements qui y sont consignés peut donner lieu à une action en rupture de contrat. Pawis c. R., [1980] 2 C.F. 18, (1re inst.), aux p. 24 et 25.

[traduction] Au Canada, les traités conclus avec les Indiens semblent avoir été interprétés par les tribunaux comme de simples promesses et ententes. Rex v. Wesley, [1932] 4 D.L.R. 774 (Div. app. Alb.), à la p. 788.

Il ressort de ces passages que ce qui caractérise un traité, c'est l'intention de créer des obligations, la présence d'obligations mutuellement exécutoires et d'un certain élément de solennité. Le juge Bisson, en Cour d'appel, a d'ailleurs adopté une approche similaire lorsqu'il a écrit (à la p. 1726):

Je crois que, pour déterminer si le document D-7 (le document du 5 septembre 1760) constitue un traité au sens de l'article 88 de la Loi sur les Indiens, la question fondamentale est la suivante: s'agit-il d'une entente où les parties contractantes (. . .) avaient l'intention de créer des obligations réciproques auxquelles elles entendaient se conformer (. . .) de façon solennelle? R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025, à la page 1044.

L'empressement qu'a mis le commissaire chargé de négocier le Traité à recueillir les signatures des Indiens sur le document enlève toute illusion que le Traité était un contrat signé par des partenaires égaux. Bande de Sawridge c. Canada, [1996] 1 C.F. 3 (1re inst.), à la page 82.

[traduction] Leurs Seigneuries n'ont eu aucun mal à venir à la conclusion selon laquelle, dans les traités, les Indiens n'ont obtenu aucun droit à leurs rentes, originales ou augmentées, si ce n'est une promesse et une entente, . . . Voyant que la question substantielle soulevée dans les présents appels est celle de la responsabilité contractuelle à l'égard d'une obligation monétaire, elles sont d'avis que la règle suivie par elles dans des questions véritablement internationales entre les gouvernements canadiens ne doit pas s'appliquer ici. Attorney-General for the Dominion of Canada v. Attorney-General for Ontario, [1897] A.C. 199 (P.C.), à la p. 213.

[traduction] L'arrêt de leurs Seigneuries a été rendu par lord Watson:--

Le 3 octobre 1873, un traité ou contrat formel a été conclu entre les commissaires nommés par le gouvernement du Dominion du Canada, au nom de Sa Majesté la Reine, d'une part, et plusieurs chefs de tribu et chefs de village dûment choisis pour représenter la tribu Salteaux des Indiens Ojibbeway, de l'autre [. . .]

[. . .]

La politique de ces administrations a toujours été la même à cet égard, c'est-à-dire que les habitants indiens sont empêchés de conclure quelque entente que ce soit avec un sujet, pour la vente ou le transfert de leurs intérêts fonciers, et sont seulement autorisés à céder leurs droits à la Couronne par entente formelle, dûment ratifiée dans une assemblée de leurs chefs de tribu ou chefs de village, convoquée à cette fin. St. Catherine's Milling and Lumber Company v. Reg. (1888), 14 A.C. 46 (C.P.), aux p. 51 et 54.

[traduction] Les traités sont des contrats, et cela a été confirmé dans maints précédents canadiens. Woodward, Jack, Native Law, Toronto: Carswell, 1990, à la p. 205.

[traduction] Un traité conclu avec des Indiens est un contrat d'un genre tout à fait particulier. Ibid., à la p. 405.

[traduction] Un traité conclu avec des Indiens au Canada n'est pas le même genre d'accord qu'un traité international conclu entre deux États souverains, mais ce n'est pas non plus simplement un contrat au sens ordinaire du terme. Ibid., à la p. 404.

[traduction] Les traités numérotés étaient des accords en vertu desquels les Indiens obtenaient un droit contractuel à la cession de certains biens-fonds. Ibid., à la p. 236.

[traduction] Les droits contractuels sont les droits très minimaux des Indiens en vertu des traités, puisque les droits sont également protégés par la Constitution. Ibid., à la p. 205.

[traduction] Dans certains cas, les tribunaux considèrent les traités conclus avec les Indiens comme des instruments analogues aux contrats de droit privé. D'ailleurs, la compétence existante, encore que restreinte, des tribunaux milite en faveur de l'application du droit des contrats aux traités conclus avec les Indiens. Cumming, Peter A. et Neil H. Mickenberg, Native Rights in Canada 2e éd., Toronto: Indian-Eskimo Association of Canada, 1972, à la p. 56

[traduction] Le gouvernement du Canada a aussi indiqué qu'il considère les traités conclus avec les Indiens comme des instruments assimilables aux contrats. Dans un discours prononcé à Vancouver (Colombie-Britannique), le premier ministre Trudeau faisait les observations suivantes:

[. . .] Nous reconnaîtrons les droits issus de traités. Nous reconnaîtrons les genres de contrats qui ont été conclus avec les populations indiennes par la Couronne et nous nous efforcerons d'apporter la justice dans ce domaine, et cela voudra dire que peut-être les traités ne devraient pas se perpétuer. Ibid., à la p. 57.

[27]Selon le demandeur, un traité est un genre particulier de contrat, auquel devraient s'appliquer des principes spéciaux d'interprétation. Il dit que la créance constituée par des arriérés de rentes dérivées d'un traité devrait donc être considérée comme «une créance correspondant à un montant échu ou à échoir aux termes d'un marché», c'est-à-dire comme une créance cessible en application du paragraphe 68(1) de la LGFP.

[28]Le demandeur dit aussi que le mot «marché» devrait être interprété comme il a déjà été défini dans l'article 66, lequel autorise simplement la cession des créances sur Sa Majesté qui concernent le paiement d'une somme d'argent, qui résultent d'un genre de contrat et qui n'ont pas été expressément exclues d'une cession par le paragraphe 68(5). Selon le demandeur, les seuls genres de créances contractuelles que le législateur voulait expressément exclure d'une cession prévue par le paragraphe 68(1) sont les créances indiquées au paragraphe 68(5), parce qu'aucune disposition ne prévoit l'exclusion par règlement d'autres genres de créances contractuelles.

[29]J'arrive à une conclusion différente pour ce qui est de l'interaction et de l'applicabilité des dispositions de la LGFP.

[30]Avant l'arrêt rendu par la Cour de l'Échiquier du Canada dans l'affaire Bank of Nova Scotia v. The Queen (1961), 27 D.L.R. (2d) 120, la position générale au Canada était que les créances sur Sa Majesté n'étaient pas cessibles. Dans l'arrêt Bank of Nova Scotia, la Cour de l'Échiquier a jugé que les créances contractuelles sur la Couronne fédérale étaient cessibles sans le consentement de la Couronne. À la suite de cet arrêt, le Parlement a promulgué l'article 67 de la LGFP, sans doute pour rétablir l'interdiction générale de la cession des créances sur Sa Majesté.

[31]Le demandeur a reconnu à l'audience que le droit de recevoir des rentes prévues par traité n'entre pas dans une «catégorie prescrite» par les règlements d'application de la LGFP. Par conséquent, pour réussir, le demandeur devait établir que les rentes prévues par traité entraient dans la dispense prévue par l'alinéa 68(1)a) de la LGFP.

[32]Le principe moderne d'interprétation des lois requiert d'interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur: E. Driedger, Construction of Statutes, 2e édition (Toronto: Butterworths, 1983), à la page 87 (Driedger).

[33]En accord avec le principe moderne d'interprétation des lois, lorsque le législateur établit une règle générale et énumère certaines exceptions, les exceptions doivent être interprétées étroitement. Une exception ne doit pas être interprétée de telle manière que l'objet global du texte législatif soit menacé: Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, à la page 18; Macdonell c. Québec (Commission d'accès à l'information), [2002] 3 R.C.S. 661, au paragraphe 18; R. Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e édition (Markham: Butterworths, 2002), aux pages 396 et 397 (Sullivan); Côté, P.-A. Interpretation of Legislation in Canada (Scarborough: Carswell, 2000), aux pages 502 et 503.

[34]L'article 68 de la LGFP soustrait les «créances qui correspondent à un montant échu ou à échoir aux termes d'un marché» à l'interdiction générale de la cession des créances sur Sa Majesté, interdiction énoncée à l'article 67. Puisqu'il s'agit là d'une exception à la règle générale, cette exception doit être interprétée étroitement, d'autant que cette partie de la LGFP a pour objet fondamental de limiter la cessibilité des créances sur Sa Majesté.

[35]Les traités conclus avec les Indiens ont souvent été assimilés à des contrats. Cependant, la jurisprudence et la doctrine invoquées par le demandeur ne parlent pas des traités dans le contexte de la LGFP. Elles sont donc d'un secours limité.

[36]En fait, la Cour suprême du Canada a jugé qu'un traité n'est pas un contrat commercial et que les principes du droit des contrats ne s'appliquent pas aux traités: R. c. Sundown, [1999] 1 R.C.S. 393, au paragraphe 24; Benoit c. Canada, [2002] 2 C.N.L.R. 1 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 10 et 12; infirmé sur d'autres moyens (2003), 228 D.L.R. (4th) 1 (C.A.F.); Hay River (Ville de) c. R., [1980] 1 C.F. 262 (1re inst.), aux pages 264 et 265.

[37]Par ailleurs, le législateur semble avoir délibérément fait une distinction entre traités et contrats (ou marchés) dans la LFGP. À l'article 2 [mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 98], les mots «contrat et «traité» sont mentionnés séparément dans la définition de «fonds publics»:

2. [. . .]

«fonds publics» Fonds appartenant au Canada, perçus ou reçus par le receveur général ou un autre fonctionnaire public agissant en sa qualité officielle ou toute autre personne autorisée à en percevoir ou recevoir. La présente définition vise notamment:

[. . .]

d) les fonds perçus ou reçus par un fonctionnaire public sous le régime d'un traité, d'une loi, d'une fiducie, d'un contrat ou d'un engagement et affectés à une fin particulière précisée dans l'acte en question ou conformément à celui-ci.

[38]En revanche, l'article 68 de la LGFP ne comprend que le mot «marché» et ne mentionne pas le mot «traité».

[39]Le demandeur affirme que le mot «traité», employé dans l'article 2 de la LGFP, devrait se limiter aux traités selon le droit international, mais aucun précédent n'est invoqué à l'appui d'une telle affirmation. Au contraire, l'emploi du pronom indéfini «un» ou «une», avant le mot «traité, loi, fiducie, contrat ou engagement», donne à entendre que le mot «traité» devrait recevoir une interprétation large plutôt que restreinte.

[40]Sullivan, à la page 187, fait état du principe suivant d'interprétation des lois:

[traduction] Lorsqu'une disposition fait expressément état d'un ou de plusieurs éléments, mais qu'elle ne dit rien d'autres éléments qui sont comparables, on présume que son silence est délibéré et reflète une intention d'exclure les éléments qui ne sont pas mentionnés. Le raisonnement est le suivant: si le législateur avait voulu inclure les éléments comparables, il les aurait mentionnés ou les aurait décrits à l'aide de termes généraux; il n'en aurait pas mentionné quelques-uns sans rien dire des autres, parce que cela contreviendrait à une convention de communication.

[41]En conséquence, l'inclusion des deux termes «traité» et «contrat», à l'article 2, et l'emploi du seul mot «marché», à l'article 68 de la LGFP, donnent à penser que le législateur voulait que le mot «contrat» ou «marché» soit interprété différemment d'un traité.

[42]La version française de l'article 68 de la LGFP milite également en faveur d'une interprétation qui exclut les traités de la signification du mot «contrat» ou «marché». Selon la règle d'interprétation des lois appelée «signification commune», la signification qui est commune à la version française et à la version anglaise est présumée être la signification voulue par le législateur. Lorsque les deux versions du texte législatif ne disent pas la même chose, la signification qui est commune aux deux versions doit être adoptée, à moins que cette signification ne soit, pour quelque raison, inacceptable. De même, lorsque l'une des deux versions est plus étendue que l'autre, la règle de la signification commune milite en faveur de la signification la plus restrictive: Schreiber c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 269, aux paragraphes 54 à 57; Authorson c. Canada (Procureur général), [2003] 2 R.C.S. 40, au paragraphe 60; Sullivan, à la page 81; Driedger, précité, aux pages 165 à 181.

[43]Dans l'interprétation de l'expression «Crown debt due or becoming due under a contract», la version française «celles qui correspondent à un montant échu ou à échoir aux termes d'un marché» doit aussi être considérée, avec adoption de la signification qui est commune aux deux expressions. Dans Le Petit Larousse illustré (Paris: Larousse, 2000), le mot «marché» est défini ainsi: «transaction, accord impliquant un échange à titre onéreux de biens ou de services; convention d'achat et de vente». Ce qui signifie en anglais: «transaction, agreement involving a trade of goods or services in exchange for consideration; buying or selling agreement».

[44]De même, dans Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française (Paris: Le Robert, 2002), «marché» est ainsi défini: «convention portant sur la fourniture de marchandises, de services et de valeurs», ce qui peut se traduire littéralement en anglais par: «agreement for the provision of goods, services and valuables».

[45]Le mot «marché» se limite donc aux opérations commerciales. Cette signification plus restreinte est celle qui est commune au mot anglais «contract» et au mot français «marché». Puisqu'un traité est beaucoup plus large qu'une simple opération commerciale, le législateur ne voulait pas, à l'évidence, inclure les traités dans l'article 68 de la LGFP.

[46]Il en résulte qu'une dette de la Couronne qui découle d'un traité n'entre pas dans l'exception prévue par l'article 68. Je suis donc d'avis que l'article 67 de la LGFP, l'interdiction générale de la cession des créances sur Sa Majesté, est applicable, et que les rentes prévues par traité dont il est question ici ne sont pas cessibles.

Transférabilité des rentes prévues par traité

[47]Selon la Couronne, les rentes prévues par traité ne peuvent pas être cédées, même si elles entrent dans l'exception du paragraphe 68(1) de la LGFP, puisque les droits prévus par traité ne sont pas transférables en raison de leur statut particulier en droit: Anishinaabeg of Kabapikotawangag Resource Council Inc. v. Canada (Attorney General) (1998), 53 C.R.R. (2d) 183 (Div. gén. Ont.), aux paragraphes 12 à 14; R. v. Stubbington, [1999] 4 C.N.L.R. 222 (C. prov. C.-B.), aux paragraphes 31 à 45; R. v. Pike, [1994] 1 C.N.L.R. 160 (C.S. C.-B.), aux paragraphes 4 à 6; The Pas Merchants Ltd. c. La Reine, [1974] 2 C.F. 376 (1re inst.), aux pages 377 et 378. Le demandeur rétorque que les cessions ne prétendent pas céder des droits découlant de traités, mais se limitent à des dettes échues et aux causes d'action s'y rapportant.

[48]Le paragraphe 68(4) de la LGFP prévoit qu'une cession «est assujettie à toutes les conditions et restrictions, relatives au droit de transfert, qui se rattachent à la créance originale ou qui découlent du marché original». Il faut donc s'en rapporter à l'article 90 de la Loi sur les Indiens, qui concerne les biens meubles des Indiens. En voici le texte:

90. (1) Pour l'application des articles 87 et 89, les biens meubles qui ont été:

[. . .]

b) soit donnés aux Indiens ou à une bande en vertu d'un traité ou accord entre une bande et Sa Majesté,

sont toujours réputés situés sur une réserve.

(2) Toute opération visant à transférer la propriété d'un bien réputé, en vertu du présent article, situé sur une réserve, ou un droit sur un tel bien, est nulle à moins qu'elle n'ait lieu avec le consentement du ministre ou ne soit conclue entre des membres d'une bande ou entre une bande et l'un de ses membres.

(3) Quiconque conclut une opération déclarée nulle par le paragraphe (2) commet une infraction; commet aussi une infraction quiconque détruit, sans le consentement écrit du ministre, un bien meuble réputé, en vertu du présent article, situé sur une réserve.

[49]Dans l'arrêt Canada c. Kakfwi, [2000] 2 C.F. 241, la Cour d'appel fédérale a jugé que l'expression «biens meubles», à l'article 90 de la Loi sur les Indiens, comprend les sommes d'argent et les créances: voir aussi l'arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, aux pages 134 et 135, le juge La Forest, et à la page 113, le juge en chef Dickson. Par conséquent, une simple lecture de l'article 90 permet d'affirmer que les rentes prévues par traité, ainsi que les droits à telles rentes, sont réputés situés sur une réserve, et leur cession est interdite sans le consentement du ministre des Affaires indiennes et du Nord.

[50]Selon le demandeur, la mise à exécution d'un droit essentiel prévu par traité, ainsi que toute mesure licite raisonnablement nécessaire à cette fin, y compris la cession d'une dette de la Couronne, sont des activités qui sont raisonnablement accessoires à un droit essentiel prévu par traité, et bénéficient donc d'une immunité dans la même mesure que le droit essentiel lui-même qui est prévu par traité. Il prétend que les cessions en cause ici montrent que la cession en sa faveur était le moyen privilégié de chacun des Indiens cédants d'exercer son droit accessoire de faire exécuter, par la Couronne, le paiement d'arriérés de rentes prévues par traité. Selon le demandeur, dans la mesure où les dispositions de la LGFP empiètent sur ce droit accessoire, ces dispositions doivent être justifiées par la défenderesse en application du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appedice II, no 44]].

[51]Je ne suis pas disposé à instruire une contestation constitutionnelle en l'absence d'un avis régulier ou suffisant. En tout état de cause, j'ai beaucoup de mal à voir comment l'on pourrait dire que les dispositions de la LGFP ont porté atteinte aux droits des cédants, droits que leurs titulaires peuvent faire valoir à titre individuel.

[52]D'après la preuve que j'ai devant moi, il semble que, par principe, la Couronne ne consent pas à la cession de rentes à des tiers. Il est établi que des paiements ont parfois été faits à une personne autre que l'Indien visé par traité qui figurait au registre des versements, mais les arrangements en question n'avaient été pris qu'avec des proches parents de l'Indien, avec un chef ou avec un mandataire indien, et cela afin de faciliter le paiement.

[53]Je suis donc d'avis que, sans le consentement de la Couronne, il ne peut y avoir transfert de rentes visées par traité.

Validité des avis de cession

[54]Selon la Couronne, même si les rentes visées par traité sont généralement cessibles, les cessions sont invalides parce que les conditions de la LGFP et du Règlement sur la cession des dettes de la Couronne (le Règlement) n'ont pas été observées. Le paragraphe 68(2) de la LGFP énumère ainsi les conditions d'une cession valide:

68. [. . .]

(2) La cession n'est valide que si les conditions suivantes sont remplies:

a) elle est absolue, établie par écrit et signée par le cédant;

b) elle n'est pas censée faite à titre de sûreté seulement;

c) il en a été donné avis conformément à l'article 69.

[. . .]

69.(1) Toute cession visée au paragraphe 68(2) est communiquée à Sa Majesté par un avis accompagné d'une copie de l'acte de cession, signifié ou envoyé par courrier recommandé au receveur général ou à un agent payeur; la forme de l'avis et la nature des autres documents qui doivent l'accompagner, ainsi que la manière d'établir ceux-ci, sont fixées par règlement.

(2) La signification de l'avis n'est considérée comme effective qu'après envoi au cessionnaire, par courrier recommandé, d'un accusé de réception établi en la forme réglementaire et signé par l'agent payeur compétent.

[55]Le demandeur ne conteste pas qu'en l'espèce les conditions de la LGFP n'ont pas été strictement observées. Le demandeur a transmis l'avis de cession de Charles Harris au receveur général, mais le receveur général n'a pas accusé réception de la cession et l'a renvoyée au demandeur, affirmant que les droits visés par traité n'étaient pas cessibles. Devant ce rejet, le demandeur n'a pas transmis au receveur général les avis des autres cessions.

[56]Bien que les conditions de la LGFP n'aient pas été rigoureusement observées, il semble que le demandeur entendait se conformer pleinement aux avis exigés par la partie VII de la LGFP et par le Règlement, mais qu'il a été dissuadé de le faire après le refus du receveur général d'accepter la signification de l'avis de cession de Charles Harris. On peut comprendre l'hésitation du demandeur à accomplir simplement de vaines démarches.

[57]Le demandeur ne s'est pas rigoureusement conformé aux conditions du paragraphe 68(2), mais obliger aujourd'hui le demandeur à se conformer aux avis prévus par la LGFP et par le Règlement ne présenterait aucun intérêt pratique. Selon la preuve que j'ai devant moi, la Couronne a depuis reçu un avis adéquat et suffisant des dix cessions. Par conséquent, les objections de la Couronne sur ces points de nature technique sont rejetées.

DES INTÉRÊTS SONT-ILS PAYABLES SUR LES ARRIÉRÉS DE RENTES

[58]Le deuxième point à décider séparément est celui de savoir si des intérêts sont exigibles sur les arriérés de rentes qui pourraient être jugés payables et, dans l'affirmative, quel est le taux d'intérêt, s'agit-il d'intérêts simples ou d'intérêts composés, et comment doivent-ils être calculés? J'examinerai successivement chacun de ces points subsidiaires. Pour décider le point général de savoir si des intérêts sont exigibles, je dois partir du principe que le demandeur réussira finalement au procès à établir qu'il a droit aux sommes réclamées.

Droit aux intérêts

[59]La règle générale de common law est que des intérêts ne sont pas payables sur une dette ou sur un prêt en l'absence d'un accord exprès ou de quelque entente ou usage en ce sens.

[60]Les parties reconnaissent que ni le Traité no 6 ni le Traité no 11 ne prévoient le paiement d'intérêts. Les parties ont aussi reconnu que le paiement d'intérêts n'avait pas été débattu lorsque le Traité no 6 et le Traité no 11 avaient été négociés. Eu égard aux documents historiques versés dans le dossier, il semble que, après la signature du Traité no 6 et du Traité no 11, la Couronne n'a pas payé d'intérêts sur les arriérés de rentes, sauf dans les cas où les rentes étaient versées dans des comptes d'épargne individuels, sur l'ordre des bénéficiaires de rentes.

Les rentes visées par traité sont-elles de l'«argent des Indiens»?

[61]Selon le demandeur, bien que les traités ne fassent pas expressément état du paiement d'intérêts, et bien que la question des intérêts ne semble pas avoir été abordée durant les pourparlers des parties qui ont conduit à la signature des traités en cause ici, le paragraphe 61(2) de la Loi sur les Indiens (et les dispositions qui l'ont précédé) prévoit un droit au paiement d'intérêts sur les arriérés de rentes.

[62]L'article 61 est ainsi rédigé:

61. (1) L'argent des Indiens ne peut être dépensé qu'au bénéfice des Indiens ou des bandes à l'usage et au profit communs desquels il est reçu ou détenu, et, sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des clauses de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si les fins auxquelles l'argent des Indiens est employé ou doit l'être, est à l'usage et au profit de la bande.

(2) Les intérêts sur l'argent des Indiens détenu au Trésor sont alloués au taux que fixe le gouverneur en conseil.

[63]La Couronne nie que les rentes constituent de l'«argent des Indiens», expression ainsi définie dans l'article 2 de la Loi sur les Indiens:

2. (1) [. . .]

«argent des Indiens» Les sommes d'argent perçues, reçues ou détenues par Sa Majesté à l'usage et au profit des Indiens ou des bandes.

[64]Selon la Couronne, les rentes ne sont pas de l'«argent des Indiens» car elles ne sont pas «perçues, reçues ou détenues par Sa Majesté». La Couronne dit que les sommes employées pour le paiement des rentes prévues par traité sont prélevées sur le Trésor et sont payables conformément à une autre disposition de la Loi sur les Indiens. L'article 72 prévoit ce qui suit:

72. Les sommes payables à des Indiens ou à des bandes d'Indiens en vertu d'un traité entre Sa Majesté et la bande, et dont le paiement incombe au gouvernement du Canada, peuvent être prélevées sur le Trésor.

[65]Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis que les rentes sont «des sommes payables à des Indiens ou à des bandes d'Indiens en vertu d'un traité», selon ce que prévoit l'article 72, par opposition à ce que prévoient les articles qui se rapportent à l'«argent des Indiens».

[66]L'article 62 de la Loi sur les Indiens donne des indications sur le sens de l'expression «argent des Indiens». En voici le texte:

62. L'argent des Indiens qui provient de la vente de terres cédées ou de biens de capital d'une bande est réputé appartenir au compte en capital de la bande; les autres sommes d'argent des Indiens sont réputées appartenir au compte de revenu de la bande.

[67]Les rentes prévues par traité ne sont manifestement pas des sommes qui proviennent de la vente de terres cédées. L'article 62 prévoit qu'un autre type d'argent des Indiens consiste dans le compte de revenu d'une bande. L'expression «compte de revenu» n'est pas définie dans la Loi sur les Indiens, mais il ressort clairement des dispositions de la Loi sur les Indiens que ces sommes d'argent sont des sommes qui appartiennent à la bande, et non aux Indiens individuellement.

[68]L'article 69 est ainsi rédigé:

69. (1) Le gouverneur en conseil peut, par décret, permettre à une bande de contrôler, administrer et dépenser la totalité ou une partie de l'argent de son compte de revenu; il peut aussi modifier ou révoquer un tel décret.

(2) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour donner effet au paragraphe (1) et y déclarer dans quelle mesure la présente loi et la Loi sur la gestion des finances publiques ne s'appliquent pas à une bande visée par un décret pris sous le régime du paragraphe (1).

[69]Le Règlement sur les revenus des bandes d'Indiens, C.R.C., ch. 953, et modifications, concerne la capacité de certaines bandes de contrôler, d'administrer et de dépenser leurs revenus. Il ressort clairement de ses dispositions que les rentes prévues par traité ne peuvent être considérées comme des revenus, et par conséquent n'entrent pas dans la définition de «argent des Indiens».

[70]L'article 90 de la Loi sur les Indiens fait également une distinction entre revenus et argent des Indiens. En voici le texte:

90. (1) Pour l'application des articles 87 et 89, les biens meubles qui ont été:

a) soit achetés par Sa Majesté avec l'argent des Indiens ou des fonds votés par le Parlement à l'usage et au profit d'Indiens ou de bandes;

b) soit donnés aux Indiens ou à une bande en vertu d'un traité ou accord entre une bande et Sa Majesté,

sont toujours réputés situés sur une réserve.

[71]Les mentions distinctes de l'«argent des Indiens» et des biens meubles «donnés aux Indiens [. . .] en vertu d'un traité», à l'article 90 de la Loi sur les Indiens, donnent à entendre que le législateur ne voulait pas que l'argent des Indiens englobe les sommes dérivées d'un traité. S'il l'avait voulu, il ne lui aurait pas été nécessaire de mentionner séparément, à l'article 90, les biens meubles donnés en vertu d'un traité.

[72]Rien ne permet donc d'affirmer que les rentes constituent de l'«argent des Indiens» au sens de la Loi sur les Indiens.

La Couronne était-elle un fiduciaire ayant l'obligation d'investir ou de payer des intérêts?

[73]Le demandeur dit qu'il est nécessaire de partir du principe que les dispositions du Traité no 6 et du Traité no 11 concernant les rentes n'ont jamais été légalement éteintes avant 1982 et qu'elles étaient donc pleinement en vigueur à toutes les époques pertinentes. Le droit de recevoir paiement de rentes en application de l'un ou l'autre des deux traités doit donc être considéré comme un droit prévu par traité, qui est garanti aux peuples autochtones par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

[74]Selon le demandeur, la Couronne est astreinte aux normes et obligations d'un fiduciaire pour les arriérés de rentes qui sont détenus, investis ou d'une autre manière administrés pour l'avantage d'Indiens visés par un traité. Au soutien de cette affirmation, le demandeur se réfère à un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario, Authorson v. Canada (Attorney General) (2002), 58 O.R. (3d) 417, une affaire qui concernait l'administration, par le ministère des Affaires des anciens combattants, du revenu de pension d'anciens combattants invalides. Se posait la question de savoir si la Couronne était un fiduciaire ayant l'obligation d'investir ou de payer des intérêts [aux paragraphes 61 et 77 à 80].

[traduction] On ne saurait dire non plus que ces précédents requièrent que les mots «fiducie» ou «fiduciaire» apparaissent expressément dans les lois applicables avant que la Couronne ne soit astreinte à une telle obligation. La décision de principe en la matière, l'arrêt Guerin, précité, l'atteste. Dans les illustres motifs qu'il avait rédigés, le juge Dickson (son titre à l'époque) arrivait à la conclusion que la Couronne était astreinte à une obligation fiduciaire, même si le cadre législatif qui était en partie la source de cette obligation, à savoir la Loi sur les Indiens, ne le disait pas expressément.

[. . .]

Eu égard aux circonstances de la présente affaire, la Couronne, en tant qu'administratrice, est chargée de gérer le fonds de l'ancien combattant pour l'avantage de celui-ci, étant donné qu'il est incapable de le faire lui-même. La Couronne s'engage donc à faire avec l'argent de l'ancien combattant ce qu'il ferait lui-même s'il était en mesure de le faire. Il ne faut donc certainement pas que le fonds demeure inactif, mais plutôt que la Couronne le fasse croître en l'investissant ou en prenant les moyens pour qu'il produise des intérêts. Une telle obligation va de pair avec l'engagement de la Couronne d'administrer le fonds pour l'avantage de l'ancien combattant. Elle s'accorde aussi avec la nature de cette relation fiduciaire, telle que nous l'avons décrite. L'appelant reconnaît que l'obligation d'investir ou de payer des intérêts sur le fonds détenu en fiducie pour une autre personne est un élément fondamental des règles qui régissent les fiduciaires. Eu égard aux circonstances particulières de cette relation fiduciaire, le résultat ne devrait pas être différent.

Par ailleurs, nous ne voyons, dans le texte législatif qui régit le Trésor, aucune disposition qui ferait que l'obligation fiduciaire imposée à la Couronne en tant qu'administratrice ne pourrait englober l'obligation de faire en sorte que le fonds qu'elle administre produise des intérêts.

La Couronne rendait compte des sommes qu'elle administrait en les portant au crédit d'un compte spécial détenu dans le Trésor au nom de chaque ancien combattant. À partir de 1951, la Loi sur l'administration financière autorisait expressément le paiement d'intérêts sur les sommes détenues dans un compte spécial du Trésor. Avant cela, durant la première moitié du XXe siècle, il y a eu clairement des exemples de cas, encore qu'ils ne fussent pas nombreux, où, par décret, le versement d'intérêts était autorisé sur les sommes détenues en dépôt dans le Trésor pour une fin spéciale. Finalement, depuis le tout début, le régime législatif se rapportant expressément au paiement d'allocations d'hospitalisation autorisait le versement d'intérêts sur telles allocations pendant qu'elles étaient administrées pour l'ancien combattant par le ministère (voir le décret C.P. 2301 du 21 novembre 1919).

Partant, aucune disposition du cadre législatif prévoyant les paiements en question et leur administration n'est de nature à réduire l'espoir légitime de l'ancien combattant invalide de voir la Couronne prendre les dispositions nécessaires pour que les sommes qu'elle administre pour le bénéfice de l'ancien combattant produisent des intérêts. À notre avis, pour que la loi ait pour effet d'amoindrir le devoir fiduciaire de la Couronne hormis cette obligation, il faudrait qu'elle précise clairement qu'il n'existait aucune obligation du genre. Cela s'accorde avec le principe fondamental exposé par le juge Major dans l'arrêt Wells c. Terre-Neuve, [1999] 3 R.C.S. 199, à la page 218:

Dans un pays régi par la primauté du droit, nous présumons que le gouvernement respectera ses obligations, à moins qu'il n'exerce expressément son pouvoir de ne pas le faire. Faute d'une intention expresse et claire d'abroger des droits et des obligations--droits de la plus haute importance pour l'individu--ces droits demeurent en vigueur. Prétendre le contraire signifierait que le gouvernement n'est lié que par son caprice, non par sa parole.

[75]La Couronne, qui s'est pourvue devant la Cour suprême du Canada, a renoncé à nier qu'elle avait un devoir fiduciaire de payer des intérêts sur les comptes des anciens combattants. La décision de la Cour d'appel de l'Ontario a cependant été infirmée pour d'autres motifs qui sont sans rapport avec les droits issus de traités. Voir: Authorson c. Canada (Procureur général), [2003] 2 R.C.S. 40.

[76]Les circonstances de la présente affaire peuvent être distinguées de celles de l'affaire Authorson. D'abord, il n'est pas établi que la Couronne a conservé, ou était tenue de conserver, des arriérés de rentes pour l'avantage des cédants. Deuxièmement, la preuve par affidavit de M. Mitchell montre que les arriérés de rentes n'étaient pas conservés par la Couronne dans un compte distinct, mais étaient plutôt retournés au receveur général comme le voulait l'usage.

[77]Par ailleurs, bien que la Couronne soit généralement dans une relation fiduciaire par rapport aux peuples autochtones, cela ne signifie pas que toutes les obligations de la Couronne envers les peuples autochtones sont fiduciaires par nature. Dans l'arrêt Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2002] 4 R.C.S. 245, la Cour suprême du Canada s'exprimait ainsi [aux paragraphes 81 et 83]:

Les appelantes semblent parfois invoquer [l'obligation de fiduciaire] comme si elle imposait à la Couronne une responsabilité totale à l'égard de tous les aspects des rapports entre la Couronne et les bandes indiennes. C'est aller trop loin. L'obligation de fiduciaire incombant à la Couronne n'a pas un caractère général, mais existe plutôt à l'égard de droits particuliers des Indiens.

[. . .]

[. . .] il convient selon moi que la Cour confirme le principe, mentionné plus tôt, selon lequel les obligations liant des parties ayant des rapports fiduciaires n'ont pas toutes un caractère fiduciaire [. . .] et que ce principe s'applique aux rapports entre la Couronne et les peuples autochtones. Par conséquent, il est nécessaire de s'attacher à l'obligation ou droit particulier qui est l'objet du différend et de se demander si la Couronne exerçait ou non à cet égard un pouvoir discrétionnaire suffisant pour faire naître une obligation de fiduciaire.

[78]Dans l'arrêt Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335, la Cour suprême du Canada avait relevé que l'une des empreintes d'une relation fiduciaire est le fait que l'une des parties est à la merci du pouvoir discrétionnaire de l'autre. Dans les présents litiges, la Couronne était tenue de payer des rentes à toutes les personnes qui avaient droit à des rentes selon les termes du Traité no 6 et du Traité no 11 respectivement. Si elle ne le faisait pas, son manquement pouvait constituer une violation du traité. Cependant, son manquement ne saurait constituer une violation de l'obligation fiduciaire puisque aucun pouvoir discrétionnaire n'est en cause. Le juge Dickson [tel était alors son titre] avait fait observer que la Couronne n'est pas en principe considérée comme un fiduciaire dans l'exercice de ses fonctions législatives ou administratives.

[79]À mon avis, même si les cédants étaient fondés à recevoir des rentes depuis leurs dates de naissance respectives, ainsi que le prétend le demandeur, le non-paiement des rentes par la Couronne à cause de la définition du mot «Indien» dans la loi n'équivaut pas à la violation d'une obligation fiduciaire. Lorsque la Couronne décide qui est un «Indien» aux fins d'un traité, elle exerce une fonction administrative qui ne fait intervenir aucun pouvoir discrétionnaire et qui par conséquent ne saurait donner naissance à des obligations fiduciaires.

Obligation de la Couronne de payer des intérêts

[80]Le demandeur a admis que l'inexécution d'un contrat ne peut fonder l'octroi d'intérêts à titre de dommages-intérêts en common law. Même si la common law autorisait le versement d'intérêts, on serait empêché de le faire par le principe de l'immunité de la Couronne pour la période antérieure au 1er février 1992.

[81]En common law, «la Couronne ne pouvait être l'auteur d'un préjudice». L'historique de l'immunité de la Couronne a été résumé par le juge Cory dans l'arrêt Rudolf Wolff & Co. c. Canada, [1990] 1 R.C.S. 695 aux pages 699 et 700:

En common law, les tribunaux n'avaient pas compétence pour entendre un recours en justice contre la Couronne. Le pouvoir d'intenter un tel recours provenait uniquement des lois. Il n'est pas nécessaire de faire une étude très approfondie de l'histoire de ces recours. Il suffit de souligner qu'au Royaume-Uni, la Petitions of Right Act, 1860 (R.-U.), 23 & 24 Vict., ch. 34, a donné un fondement législatif aux recours exercés contre la Couronne. Au Canada, l'Acte des Pétitions de Droit, Canada, que l'on trouve dans les Statuts du Canada 1875, ch. 12, a donné compétence aux cours supérieures provinciales pour entendre les actions portées contre le gouvernement fédéral sous réserve de l'adoption d'une loi habilitante dans la province. L'Acte des Pétitions de Droit, Canada, 1875, fut abrogé l'année suivante par l'Acte des Pétitions de Droit, 1876, S.C. 1876, ch. 27, qui a conféré à la Cour de l'Échiquier la compétence exclusive pour entendre des pétitions de droit portées contre la Couronne du chef du Canada. Il ne fait pas de doute que, sans l'adoption de ces dispositions, aucune cour n'avait compétence pour entendre une action en dommages-intérêts exercée contre la Couronne du chef du Canada.

Il est incontestable que seul le Parlement du Canada pouvait édicter des lois autorisant l'exercice de recours en justice contre la Couronne du chef du Canada. Seul le Parlement peut légiférer pour décider de la cour devant laquelle ces demandes peuvent être portées. Les dispositions contestées de la Loi sur la Cour fédérale ont été édictées en 1970. Elles prévoient que ces actions sont portées exclusivement devant la Cour fédérale plutôt que devant les cours supérieures provinciales. Les dispositions contestées ne tentent pas de limiter ou de restreindre les droits de quelque façon que ce soit; elles confèrent plutôt des droits qui n'existaient pas en common law et désignent le tribunal devant lequel ils peuvent être exercés. C'est le contexte historique dans lequel les dispositions contestées des lois doivent être examinées.

[82]L'arrêt Rudolf Wolff portait sur la compétence exclusive de la Cour fédérale et sur le pouvoir constitutionnel de la Couronne d'obliger la demanderesse à s'adresser à cette juridiction, mais le principe de l'immunité de la Couronne s'applique également aux demandes de paiement d'intérêts adressées à la Couronne.

[83]La Couronne a d'abord accepté la responsabilité du paiement des intérêts, dans l'article 33 de l'Acte à l'effet de modifier l'Acte des cours Suprême et de l'Échiquier, et d'établir de meilleures dispositions pour l'instruction des réclamations contre la Couronne, S.C. 1887, ch. 16, modifiant S.C. 1875, ch. 11, article 33:

33. En statuant sur une réclamation résultant d'un contrat par écrit, la Cour rendra sa décision conformément aux stipulations de ce contrat, et n'accordera aucune indemnité à un réclamant à raison de ce qu'il aurait dépensé, dans l'exécution de son entreprise, de plus fortes sommes que le montant stipulé au contrat; et elle n'accordera pas, non plus, d'intérêt sur aucune somme qu'elle considérera due à ce réclamant, en l'absence d'un contrat par écrit stipulant le paiement de cet intérêt ou d'un statut prescrivant, dans un pareil cas, le paiement de l'intérêt par la Couronne.

[84]La limite au paiement d'intérêts selon ce que prévoit l'article 33 de l'Acte de la Cour Suprême et de l'Échiquier a subsisté dans les versions ultérieures de la Loi sur la Cour de l'Échiquier [S.R.C. 1970, ch. E-11] et de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7] de 1985, sous réserve de quelques modifications mineures.

[85]L'article 36 de la Loi sur la Cour fédérale, prévoyait ce qui suit:

36. Dans le jugement d'une plainte contre la Couronne, la Cour ne peut accorder d'intérêt sur aucune des sommes qu'elle estime être dues au demandeur, sauf si une clause d'un contrat y pourvoit expressément ou si une disposition législative en prévoit le paiement par la Couronne.

[86]L'article 36 a été remplacé par l'article 31 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 31] de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. 50 [art. 1 mod., idem, art. 21], mais cet article n'est entré en vigueur que le 1er février 1992 (TR/92-6). En définitive, le droit au paiement d'intérêts était, jusqu'au 1er février 1992, régi par l'article 36 reproduit ci-dessus. L'article 31 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif prévoyait ce qui suit:

31. (1) Sauf disposition contraire de toute autre loi fédérale, et sous réserve du paragraphe (2), les règles de droit en matière d'intérêt avant jugement qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance visant l'État devant le tribunal et dont le fait générateur est survenu dans cette province.

(2) Dans une instance visant l'État devant le tribunal et dont le fait générateur n'est pas survenu dans une province ou dont les faits générateurs sont survenus dans plusieurs provinces, les intérêts avant jugement sont calculés au taux que le tribunal estime raisonnable dans les circonstances et:

a) s'il s'agit d'une créance d'une somme déterminée, depuis la ou les dates du ou des faits générateurs jusqu'à la date de l'ordonnance de paiement;

b) si la créance n'est pas déterminée, depuis la date à laquelle le créancier a avisé par écrit l'État de sa demande jusqu'à la date de l'ordonnance de paiement.

(3) Si l'ordonnance de paiement accorde des dommages-intérêts spéciaux, les intérêts prévus au paragraphe (2) sont calculés sur le solde du montant des dommages-intérêts spéciaux accumulés à la fin de chaque période de six mois postérieure à l'avis écrit mentionné à l'alinéa (2)b) ainsi qu'à la date de cette ordonnance.

(4) Il n'est pas accordé d'intérêts aux termes du paragraphe (2):

a) sur les dommages-intérêts exemplaires ou punitifs;

b) sur les intérêts accumulés aux termes du présent article;

c) sur les dépens de l'instance;

d) sur la partie du montant de l'ordonnance de paiement que le tribunal précise comme représentant une perte pécuniaire postérieure à la date de cette ordonnance;

e) si l'ordonnance de paiement est rendue de consentement, sauf si l'État accepte de les payer;

f) si le droit aux intérêts a sa source ailleurs que dans le présent article.

(5) Le tribunal peut, s'il l'estime juste, compte tenu de la fluctuation des taux d'intérêt commerciaux, du déroulement des procédures et de tout autre motif valable, refuser l'intérêt ou l'accorder pour une période autre que celle prévue à l'égard du montant total ou partiel sur lequel l'intérêt est calculé en vertu du présent article.

(6) Le présent article s'applique aux sommes accordées par jugement rendu à compter de la date de son entrée en vigueur. Aucun intérêt ne peut être accordé à l'égard d'une période antérieure à cette date.

(7) Le présent article ne s'applique pas aux procédures en matière de droit maritime canadien, au sens de la Loi sur la Cour fédérale.

[87]L'alinéa 31(4)f) exclut l'octroi d'intérêts selon le paragraphe (2) lorsque les intérêts sont payables en vertu d'un autre droit, lequel, s'agissant de la Couronne, comprendrait un droit découlant d'un contrat ou d'une disposition législative prévoyant le paiement d'intérêts par la Couronne (c'est-à-dire le droit aux intérêts qui était auparavant conféré par l'article 36 de la Loi sur la Cour fédérale). Il ne déroge pas à l'immunité de la Couronne d'une manière qui établirait une obligation de payer des intérêts à titre de dommages-intérêts de common law ou d'indemnité reconnue en equity.

[88]L'effet du paragraphe 31(6) est de limiter aux périodes postérieures au 1er février 1992 les intérêts qui peuvent être octroyés, sauf si un contrat ou une disposition législative prévoit le paiement d'intérêts avant cette date, selon l'avis exprimé par le juge Collier dans l'arrêt Guerin c. R., [1982] 2 C.F. 445 (1re inst.), aux pages 448 et 449:

Les demandeurs ont intenté leur action devant notre juridiction. Il est vrai qu'ils n'auraient pu choisir un autre for. Mais notre juridiction a une compétence liée. Sa compétence matérielle et sa compétence personnelle, de même que les recours auxquels elle peut faire droit, doivent être prévus par la législation fédérale en vigueur ou la common law fédérale. McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654 à la p. 658.

En l'espèce, la compétence matérielle de la Cour est expressément prévue, et limitée, par l'article 35.

Même si l'argumentation des demandeurs au sujet de l'article 35 était fondée, ils ne se heurteraient pas moins au principe de la common law canadienne arrêté par la Cour suprême du Canada selon lequel:

[traduction] Il est bien réglé par la jurisprudence qu'on ne peut accorder de l'intérêt contre le trésor public à moins qu'une loi ou un contrat ne le prévoit. Le Roi c. Carroll [1948] R.C.S. 126, le juge Taschereau à la p. 132, où l'on cite une jurisprudence antérieure de la Cour suprême du Canada: Le Roi c. Roger Miller & Sons Ltd., [1930] R.C.S. 293, Hochelaga Shipping & Towing Co. Ltd. c. Le Roi [1944] R.C.S. 138, Le Roi c. Racette [1948] R.C.S. 28.

Les avocats des demandeurs ont prétendu qu'une telle règle n'existait pas; les arrêts de la Cour suprême du Canada étaient ou à mauvais droit ou pouvaient être différenciés.

Le principe qu'énonce la Cour suprême du Canada, qu'il soit fondé ou non, est clair. Comme juge de première instance, je me dois d'obéir aux arrêts de la Cour suprême.

[89]Dans le jugement Leighton c. Canada, [1989] 1 C.F. 75 (1re inst.), le juge Muldoon avait confirmé que, à moins d'y être tenue par contrat ou par une disposition législative, la Couronne ne pouvait être condamnée au paiement d'intérêts. Voici ses propos [à la page 78]:

Le jugement de M. le juge Collier a été entièrement confirmé par la Cour suprême du Canada ([1984] 2 R.C.S. 335), unanime dans la solution à apporter au litige. Trois des huit juges qui ont participé à l'arrêt de la Cour suprême, dont Madame le juge Wilson exprime l'avis, ont expressément et directement (à la page 364) approuvé le refus du juge Collier d'octroyer un intérêt avant jugement. Un quatrième juge, le juge Estey, a souscrit (à la page 391) à la solution apportée aux faits et aux points litigieux par le juge Wilson. Les quatre autres juges, dont M. le juge Dickson (l'actuel juge en chef) a exprimé l'opinion, ont constaté, comme il est rapporté à la page 391, que le jugement de M. le juge Collier «n'est entaché d'aucune erreur de principe». Il a par conséquent été rétabli sans modification.

[90]La question de l'obligation de la Couronne de payer des intérêts à titre d'indemnité fut carrément soumise à la Cour fédérale dans l'affaire Mon-Oil Ltd. c. Canada (1992), 50 F.T.R. 260 (C.F. 1re inst.), à la page 292, jugement confirmé par (1993), 152 N.R. 210 (C.A.F.). Dans cette affaire, la demanderesse réclamait le paiement de stimulants en invoquant un programme d'encouragement du secteur pétrolier. La Section de première instance avait fait droit aux prétentions de la demanderesse, mais ne lui avait accordé que les intérêts avant jugement à compter du 1er février 1992. En réponse à un argument de la demanderesse selon lequel elle devrait obtenir une indemnité représentant des intérêts au taux de 10 p. 100, la Cour s'était exprimée ainsi:

La demande de dommages-intérêts équivalant aux intérêts avant jugement n'est pas liée à une demande contractuelle, car j'ai conclu qu'il n'existait pas de contrat entre la demanderesse et la défenderesse. Elle n'est pas fondée sur un délit ou sur le droit maritime, domaines dans lesquels la Cour a adjugé des intérêts avant jugement. Je ne fais droit à la demande de la demanderesse que sur le fondement des droits que lui reconnaît la Loi. La Loi elle-même ne prévoit pas le versement d'intérêts sur les demandes présentées contre la Couronne, bien qu'aux termes des articles 24 et 30, elle prévoit qu'il est possible d'obtenir des intérêts sur les créances de Sa Majesté, et que l'article 19 du Règlement prévoit le taux auquel doit être calculé l'intérêt sur les créances de la Couronne. À mon avis, il n'est pas possible en l'espèce d'adjuger des dommages- intérêts équivalant aux intérêts avant jugement, étant donné que la demande de dommages-intérêts est mal fondée et qu'une demande d'intérêts de cette sorte est irrecevable pour la plus grande partie de la période préalable au jugement aux termes de l'article 36 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 janvier 1992. Cet article était ainsi libellé:

36. Dans le jugement d'une plainte contre la Couronne, la Cour ne peut accorder d'intérêts sur aucune des sommes qu'elle estime être dues au demandeur, sauf si une clause d'un contrat y pourvoit expressément ou si une disposition législative en prévoit le paiement par la Couronne.

[91]La Cour d'appel fédérale a expressément confirmé la décision et le raisonnement du juge de première instance pour ce qui est de la question des intérêts.

[92]Dans l'arrêt Ontario, Province of v. The Dominion of Canada and Province of Quebec (1895), 25 R.C.S. 434; confirmé par [1897] A.C. 199 (C.P.), la Cour suprême du Canada devait statuer sur le versement de rentes. Elle avait jugé que les intérêts n'étaient pas payables sur les rentes en souffrance. L'affaire concernait les traités Robinson conclus entre la Province du Canada et les Indiens Ojibway du lac Huron en 1850. Ces traités prévoyaient des rentes, qui pouvaient être revalorisées jusqu'à un certain niveau si le bien-fonds cédé permettait à la Province du Canada de payer des sommes additionnelles au fil du temps. Lorsque la Province devint l'Ontario et le Québec, un différend a surgi entre l'Ontario, le Québec et le Dominion du Canada sur la question de savoir qui devait payer. Ce différend fut soumis à des arbitres, qui décidèrent que le paiement des rentes incombait à l'Ontario. La sentence arbitrale fut infirmée par la Cour suprême du Canada au motif que le titre de propriété des biens-fonds cédés avait été transmis irrévocablement et que les biens-fonds cédés n'étaient assujettis à aucune charge au regard des rentes, et le paiement des rentes incombait donc à la fois à l'Ontario et au Québec. Le Conseil privé a confirmé la décision rendue par la Cour suprême du Canada.

[93]Ni la Cour suprême du Canada ni le Conseil privé n'avaient examiné directement l'obligation de payer des intérêts, mais la Cour suprême avait cité abondamment la décision rendue par les arbitres (le chancelier de l'Ontario, le juge en chef de la Cour supérieure du Québec et un juge de la Cour de l'Échiquier du Canada), en se référant notamment aux conclusions suivantes [aux pages 445 et 446]:

[traduction] 4. Toute obligation de payer au cours d'une année avant l'union la rente revalorisée constituait une dette ou obligation qui incombait au Canada en vertu de l'article 111 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, et il s'agit là de l'un des aspects à prendre en compte dans l'établissement de l'excédent de la dette à l'égard duquel l'Ontario et le Québec sont conjointement responsables envers le Canada en vertu de l'article 112 de la Loi; et l'Ontario et le Québec n'ont pas, au regard de toute responsabilité du genre, été libérés à raison de la capitalisation des rentes fixes, ou à raison d'une quelconque disposition de la Loi de 1873, 36 Vic., ch. 30.

5. Les intérêts ne sont pas recouvrables sur les arriérés de telles rentes.

6. Le territoire cédé dont il est question est devenu la propriété de l'Ontario en vertu de l'article 109 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, sous réserve d'une fiducie portant paiement des rentes revalorisées, lorsque se produirait, après l'union, l'événement dont dépendait tel paiement, et sous réserve du paiement des intérêts aux Indiens habitant ce territoire. La charge ultime de prévoir le paiement des rentes revalorisées en question à la survenance d'un tel événement incombe à la province de l'Ontario; et cette charge n'a en aucune façon été modifiée ni remplie.

7. Les intérêts ne sont pas recouvrables sur les arriérés de telles rentes devenant exigibles après l'union, et ils ne sont pas payés par le Dominion aux tribus d'Indiens qui y ont droit.

8. En ce qui a trait aux aspects examinés auparavant, les arbitres ont statué selon la manière dont ils voyaient les points de droit contestés.

[94]La Cour s'était aussi référée à la sentence arbitrale [à la page 461]:

[traduction] Le point de savoir si des intérêts devraient ou non être calculés sur les arriérés de telles rentes est un autre aspect qui dépend du droit des Indiens, en common law ou en equity, à des intérêts à l'encontre de la Couronne, et il me semble qu'ils n'ont aucun argument à faire valoir, en common law ou en equity. Je regrette de ne pouvoir arriver à une autre conclusion. Mais je ne doute aucunement que les dettes dont le Canada est devenu responsable en vertu de l'article 111 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique sont des dettes légales et que l'excédent de dette à l'égard duquel, en vertu de l'article 112, l'Ontario et le Québec sont devenus conjointe-ment responsables envers le Dominion ne peut, sans le consentement conjoint de l'Ontario et du Québec, être augmenté par une dette qui n'est pas exécutoire, en common law ou en equity.

Si l'on doit de quelque manière considérer les prétentions des Indiens à des intérêts sur des arriérés de rentes payables avant l'union, en reconnaissance d'une obligation morale ou pour raison de bonne conscience, c'est à l'Ontario et au Québec qu'il appartient d'examiner la question et d'admettre ou de réfuter les prétentions comme ils le jugent à propos. Le Dominion ne peut recouvrer de l'Ontario et du Québec que ce qu'ils doivent légalement, et il ne peut en s'acquittant d'obligations morales rendre comptables l'Ontario et le Québec; et, si je puis exprimer mon avis sur ce point, il n'y a évidemment aucune obligation, juridique ou morale, de la part du Dominion de faire plus que recouvrer de l'Ontario et du Québec, pour les Indiens, les arriérés que la province du Canada leur devait, et de remettre lesdits arriérés aux tribus qui y ont droit.

À moins que l'Ontario et le Québec ne consentent à ce que, dans le calcul des arriérés dus aux Indiens au moment de l'union, tels arriérés soient calculés avec les intérêts, ils devront l'être, me semble-t-il, sans les intérêts.

[95]Les parties au Traité no 6 et au Traité no 11 n'avaient pas abordé, expressément ou tacitement, la question de l'indemnité pour paiements tardifs. L'eussent-elles fait, les sommes auraient tenu compte des intérêts et les arriérés auraient été payés avec intérêts. Des questions concernant le taux d'intérêt et le genre d'intérêt se seraient posées et auraient été résolues. Des arrangements auraient été pris pour réduire les paiements d'intérêts par la création de comptes qui eux-mêmes auraient produit des intérêts. La conduite des parties au regard du paiement des rentes montre que ce paiement était vu comme un paiement fixe de cinq dollars seulement chaque année.

[96]Il ne pouvait pas d'ailleurs être sous-entendu que la Couronne allait payer des intérêts sur les arriérés de rentes parce que, pour ce faire, il aurait fallu que la Couronne fédérale renonce à sa dispense de payer des intérêts. En l'absence d'une obligation expressément imposée à la Couronne et d'une renonciation expresse à son immunité, il est impossible de conclure que le droit de recevoir des intérêts était un droit accessoire ou implicite dans le Traité no 6 ou le Traité no 11.

[97]J'arrive donc à la conclusion que le paiement d'intérêts sur les arriérés de rentes avant le 1er février 1992 ne repose sur aucun fondement contractuel, légal ou autre.

Intérêts composés

[98]Les parties ont admis que les causes d'action avaient pris naissance, pour tous les cédants sauf Charles Harris, dans plus d'une province. En conséquence, le paragraphe 31(2) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif est applicable, et le demandeur n'a droit qu'aux intérêts dont parlent les paragraphes 31(2) à (7) de la Loi. L'alinéa 31(4)b) interdit expressément l'octroi d'intérêts sur les intérêts, c'est-à-dire l'octroi d'intérêts composés.

[99]S'agissant de Charles Harris, les parties ont admis que la cause d'action a pris naissance en Alberta. En conséquence, son droit à des intérêts est régi par le Judgment Interest Act, S.A. 1984, ch. J-0.5. L'article 2 de cette Loi prévoit ce qui suit:

[traduction]

2(1) Lorsqu'une personne obtient un jugement prévoyant le paiement d'une somme d'argent, ou un jugement selon lequel une somme lui est due, le tribunal lui adjuge des intérêts conformément à la présente partie, à compter de la date à laquelle la cause d'action a pris naissance, jusqu'à la date du jugement.

(2) Le tribunal ne doit pas accorder d'intérêts selon la présente partie

[. . .]

b) sur les intérêts accordés en vertu de la présente Loi;

[. . .]

i) lorsque le paiement d'intérêts avant jugement est par ailleurs prévu par une règle de droit.

[100]L'application du Judgment Interest Act place Charles Harris dans la même position que les autres réclamants. Il ne peut recevoir d'intérêts composés (alinéa 2(2)b)), il peut recevoir des intérêts avant jugement lorsque le paiement de tels intérêts est par ailleurs prévu par une règle de droit, c'est-à-dire en vertu d'un contrat ou d'une disposition législative qui prévoit le paiement d'intérêts à l'encontre de la Couronne (alinéa 2(2)i)), et les intérêts qui lui sont attribués se limitent à la période postérieure au 1er février 1992. La date limite n'apparaît pas dans le Judgment Interest Act, mais, quand la loi albertaine est intégrée dans le droit fédéral par l'effet de l'article 31 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, elle devient partie de l'article 31, et tout paiement effectué en vertu de l'article est subordonné au paragraphe 31(6).

[101]En conséquence, le paiement d'intérêts composés se heurte à un obstacle légal pour toutes les espèces en cause.

[102]Selon le demandeur, l'equity autorise l'application d'intérêts composés à l'encontre de personnes occupant une position fiduciaire si le fiduciaire a gagné, ou aurait dû gagner, des intérêts composés sur les sommes détenues. Des intérêts composés s'appliqueront également en equity lorsqu'il y a eu abus de confiance ou grave inconduite au regard d'une obligation fiduciaire. Selon le demandeur, lorsque la Couronne détient des arriérés de rentes en tant que dette ou en fidéicommis, mais refuse, sans justification légitime, de payer les arriérés de rentes sur demande des Indiens qui y ont droit, ce refus de payer est un abandon complet des obligations fiduciaires et conventionnelles de la Couronne et constitue un abus de confiance et/ou une grave inconduite au regard d'une obligation fiduciaire.

[103]Cependant, ainsi que le disait le juge Collier dans l'arrêt Guerin, précité, la compétence de la Cour fédérale pour accorder des intérêts est, dans le contexte du manquement à une obligation fiduciaire, «expressément prévue, et limitée, par l'article 35». Cette conclusion, qui a été entérinée par la Cour suprême du Canada, comporte l'idée implicite selon laquelle des intérêts ne peuvent être réclamés à la Couronne à titre de dédommagement en equity.

[104]En tout état de cause, la compétence en equity dont peut être investie la Cour pour l'octroi d'intérêts ne s'appliquerait que dans les cas où il y a eu fraude, manquement à une obligation fiduciaire, abus de confiance ou rétention délibérément fautive de sommes: EdperBrascan Corporation v. 177373 Canada Ltd. (2001), 53 O.R. (3d) 331 (C. sup. Ont.), au paragraphe 11; appel rejeté (2002), 22 B.L.R. (3d) 42 (C.A. Ont.). Il n'est pas établi que la Couronne a détourné sciemment des sommes pour son propre usage ou tiré un bénéfice de la rétention de sommes qui autrement auraient été employées pour le paiement de rentes. Aucune preuve n'appuie non plus la prétention du demandeur selon laquelle la Couronne se serait «délibérément» soustraite aux promesses qu'elle avait faites aux cédants par traité ou serait par ailleurs coupable de «grave inconduite». L'attribution d'intérêts composés n'est donc pas nécessaire ici comme moyen de dissuasion ou pour encourager la Couronne à honorer ses promesses.

[105]Par ailleurs, la Chambre des lords, dans l'arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale v. Islington London Borough Council, [1996] A.C. 699 (C.L.), se demandait si elle pouvait accorder des intérêts composés, vu le texte de l'article 35A de la Supreme Court Act, 1981 [(R.-U.) 1982, ch. 54]. Elle a décidé qu'elle n'accorderait pas d'intérêts composés. Lord Lloyd s'était exprimé ainsi, aux pages 740 et 741:

[traduction] Étendre pour la première fois la compétence en equity pour qu'elle répare une injustice résiduelle de common law, injustice à laquelle le législateur a décidé de ne pas remédier, serait, je crois, une usurpation aussi grande du rôle du législateur, et un exemple aussi clair d'intervention des juges dans le domaine législatif, que c'eût été le cas dans La Pintada. Si l'on juge souhaitable que les tribunaux détiennent le pouvoir d'accorder des intérêts composés dans des actions de common law en répétition de l'indu, alors un tel résultat ne peut aujourd'hui être décrété que par le Parlement.

[106]Ces vues ont trouvé un écho dans les propos de lord Slynn of Hadley, aux pages 718 et 719:

[traduction] N'eût été la législation, j'aurais admis qu'il était loisible à Vos Seigneuries de juger que, eu égard au développement du droit de la restitution, les tribunaux peuvent accorder des intérêts composés, soit en modifiant la règle de common law, soit en recourant à l'equity pour confirmer le droit de common law de recouvrer des sommes payées en vertu d'une transaction nulle. Quant à savoir s'il aurait été juste de le faire en termes généraux, ou s'il aurait été juste de restreindre les cas où des intérêts composés devraient être accordés, ou quant à savoir si des intérêts composés devraient même être accordés, je ne suis pas en mesure de m'exprimer sur cet aspect, au vu des arguments restreints avancés dans la présente affaire.

Je ne crois pas cependant qu'il serait juste, dans le présent appel, d'élargir les cas où des intérêts composés peuvent être accordés alors que le Parlement a, deux fois au cours d'une période relativement récente, limité à l'intérêt simple l'intérêt prévu par la loi. C'est là un aspect sur lequel devrait se pencher le Parlement, qui pourrait alors examiner dans un contexte plus large que la présente espèce les avantages et les inconvénients de conférer aux tribunaux le pouvoir d'accorder des intérêts composés.

[107]En définitive, même si le demandeur pouvait établir la responsabilité, les intérêts payables sur les rentes en souffrance seraient limités à l'intérêt simple pour la période postérieure au 1er février 1992.

[108]Finalement, même si des intérêts composés étaient payables en vertu des principes d'equity, je considère que l'attribution de tels intérêts est disproportionnée au tort commis. Dans l'arrêt Felix v. Patrick, 145 U.S. 317 (1892), à la page 333, la Cour suprême des États-Unis s'était exprimée ainsi:

[traduction] Le point véritable est celui de savoir si une demande en equity selon laquelle une partie qui, il y a 28 ans, avait été illégalement privée d'un certificat de titre  d'une valeur de 150 $ doit aujourd'hui être mise en possession de biens dont la valeur admise dépasse 1 000 000 $. La disproportion est si grande que la conscience en est alarmée, et il est dès lors permis de se demander s'il est possible que le défendeur se soit rendu coupable d'une fraude énorme au point d'entraîner des conséquences aussi désastreuses. Devant une cour d'equity, du moins, la sanction ne devrait pas être disproportionnée avec l'infraction et l'ampleur elle-même des conséquences dans cette affaire exige de nous que nous examinions soigneusement la nature du tort causé par le défendeur dans l'acquisition du titre sur ces biens-fonds.

[109]La Cour suprême du Canada a adopté ce même principe dans l'arrêt Canson Enterprises Ltd. c. Boughton & Co., [1991] 3 R.C.S. 534. Elle a jugé qu'une approche modifiée peut être nécessaire pour éviter l'octroi de dommages-intérêts hors de toute proportion avec le comportement de la défenderesse. Le recours à la définition légale du mot «Indien» pour déterminer le droit à des rentes prévues par traité était raisonnable eu égard aux circonstances, et, au pis aller, erroné. En l'absence d'une preuve de mauvaise foi, l'octroi d'intérêts composés ne serait pas opportun.

DISPOSITIF

[110]Pour les motifs ci-dessus, j'arrive aux conclusions suivantes:

a) l'article 67 de la LGFP, qui interdit généralement la cession des créances sur Sa Majesté, est applicable, et les rentes prévues par traité qui sont en cause ici ne sont pas cessibles;

b) sauf le consentement de la Couronne, les rentes prévues par traité qui sont en cause ici ne peuvent être transférées;

c) les avis de cession ne sont pas invalides du seul fait qu'ils ne sont pas conformes aux conditions de la LGFP et du Règlement sur la cession des dettes de la Couronne; et

d) à supposer qu'il y ait obligation de payer les rentes prévues par traité, aucun intérêt n'est dû sur les arriérés.

[111]Le prononcé officiel du jugement sera différé pour permettre la présentation de conclusions écrites sur les dépens, si les parties ne sont pas en mesure de s'entendre. Dans un délai de 14 jours après que les présents motifs auront été délivrés, la Couronne soumettra un projet de jugement donnant effet aux présents motifs, et elle signifiera et déposera des conclusions écrites relatives aux dépens, conclusions qui ne dépasseront pas trois pages, à double interligne. Dans un délai de sept jours après signification des conclusions de la Couronne, le demandeur pourra y répondre en soumettant des conclusions qui ne dépasseront pas trois pages.

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