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[2017] 3 R.C.F. 80

2016 CAF 248

A-27-15

Teva Canada Limitée (appelante)

c.

Pfizer Canada Inc. et le ministre de la Santé et le procureur général du Canada (intimés)

A-28-15

Le procureur général du Canada et le ministre de la Santé (appelants)

c.

Pfizer Canada Inc. et Teva Canada Limitée (intimés)

A-143-15

Le procureur général du Canada et le ministre de la Santé (appelants)

c.

Janssen Inc. et The Kennedy Trust for Rheumatology Research et Corporation de soins de la santé Hospira (intimées)

A-172-15

Corporation de soins de la santé Hospira (appelante/intimée)

c.

Janssen Inc. et The Kennedy Trust for Rheumatology Research (intimées/demanderesses)

et

Le ministre de la Santé et le procureur général du Canada (intimés/intimés)

Répertorié : Teva Canada Limitée c. Pfizer Canada Inc.

Cour d’appel fédérale, juges Dawson, Webb et Rennie, J.C.A.—Toronto, 31 mai; Ottawa, 12 octobre 2016.

Brevets — Contrefaçon — Appels réunis à l’encontre de décisions de la Cour fédérale qui ont annulé la décision du ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à l’appelante Teva Canada Limitée (Teva) à l’égard d’une version générique des comprimés d’exémestane commercialisés par Pfizer Canada Inc. (Pfizer) et à Hospira Healthcare Corporation (Hospira) pour sa version générique d’infliximab commercialisée par Janssen Inc. — Six présentations de drogues nouvelles et présentations abrégées de drogues nouvelles (PADN) étaient en cause en l’espèce — La Cour fédérale a conclu que l’interprétation du ministre du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement AC) était incorrecte — La Cour fédérale a conclu, entre autres, que le gouverneur en conseil n’avait pas envisagé que la détermination de la question de savoir si un requérant avait déposé une « présentation pour un avis de conformité » qui directement ou indirectement, compare son produit à celui de la société innovatrice soit laissée au soin du ministre; que le gouverneur en conseil a confié à la Cour la tâche de déterminer en fin de compte s’il y a lieu de délivrer un AC sous le régime du Règlement AC; que le Règlement AC n’a pas pour but de permettre aux fabricants de médicaments génériques de « mettre au point de manière anticipée » des formulations génériques de médicaments brevetés — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en employant la norme de la décision correcte comme norme de contrôle applicable — Il s’agissait de déterminer s’il était déraisonnable pour le ministre de conclure que les présentations de drogue en cause ne donnaient pas lieu à l’application de l’art. 5 du Règlement AC, de sorte que des AC devaient être délivrés à Teva et à Hospira — Les décisions en litige devraient être assujetties à la norme de la décision raisonnable — Une analyse contextuelle ne réfute pas la présomption du critère de la décision raisonnable en l’espèce — La question de savoir si une présentation de drogue déclenche l’application de l’art. 5 du Règlement AC est une question mixte de fait et de droit — La norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable à de telles questions — L’interprétation du ministre de l’art. 5(1) du Règlement n’était pas déraisonnable — La Cour a rejeté l’idée qu’il était peu pertinent pour l’objectif de l’art. 5(1) du Règlement AC que Teva ou Hospira ait cherché ou non à tirer avantage de l’exception relative aux travaux préalables — Le pouvoir réglementaire prévu à l’art. 55.2(4) de la Loi se limite expressément à empêcher la contrefaçon par un fabricant de produits génériques qui tire parti de l’exception relative aux travaux préalables — En obligeant à tort un fabricant de produits génériques à se conformer au Règlement AC, on compromet l’équilibre entre les objectifs de mettre à la disposition du public des drogues efficaces et non nocives et ceux de prévenir le recours abusif à l’exception à la contrefaçon qui concerne les travaux préalables — Le ministre doit décider si un brevet inscrit a fait l’objet de travaux préalables avant d’obliger un fabricant de produits génériques à traiter d’un brevet inscrit — La Cour fédérale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas la jurisprudence qui a interprété le mot « demande » qui apparaissait à l’art. 4(1) du Règlement lorsqu’elle a interprété le mot « présentation » à l’art. 5(1) — L’interprétation téléologique du mot « demande » appelle un examen de chaque présentation en cause afin de déterminer si elle constitue une présentation déclenchant l’application des art. 4 et 5 du Règlement AC — L’accent devrait être mis sur le médicament lui-même — La question devrait être celle de savoir si les changements indiqués dans la présentation de drogue donnent lieu à un argument nouveau ou différent permettant de prétendre qu’un produit particulier est une contrefaçon — Aucun élément de preuve n’étayait l’argument selon lequel Teva a effectué des travaux préalables relativement à l’invention brevetée de Pfizer — Une modification de nature administrative n’entraîne pas la nécessité de traiter des brevets inscrits — Appels accueillis.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — Norme de contrôle judiciaire — Appels réunis à l’encontre de décisions de la Cour fédérale qui ont annulé la décision du ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à l’appelante Teva Canada Limitée (Teva) à l’égard d’une version générique des comprimés d’exémestane commercialisés par Pfizer Canada Inc. (Pfizer) et à Hospira Healthcare Corporation (Hospira) pour sa version générique d’infliximab commercialisée par Janssen Inc. — La Cour fédérale a jugé que la norme de contrôle applicable à la décision du ministre était celle de la décision correcte — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en employant la norme de la décision correcte comme norme de contrôle applicable — Les décisions en litige devraient être assujetties à la norme de la décision raisonnable — Les arrêts Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général) et AstraZeneca c. Canada (Ministre de la Santé) n’ont pas choisi une norme de contrôle qui lie la Cour — Une analyse contextuelle ne réfute pas la présomption du critère de la décision raisonnable en l’espèce — La prétention des intimées selon laquelle la thèse à l’appui de l’application de la norme de la décision raisonnable repose sur une caractérisation erronée du Règlement AC comme loi constitutive du ministre constitue une conception trop étroite de la jurisprudence dominante — La présomption de la décision raisonnable s’applique lorsqu’un décideur administratif interprète non seulement sa loi constitutive, mais également lorsque le décideur interprète « une loi étroitement liée à son mandat », comme le Règlement AC — Il n’existe aucune intention dans le Règlement AC de ne pas imposer la retenue judiciaire lors du contrôle des décisions du ministre portant sur l’interprétation du Règlement AC — La question de savoir si une présentation de drogue déclenche l’application de l’art. 5 du Règlement AC est une question mixte de fait et de droit — La norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable à de telles questions — Lorsque le décideur possède une expertise spéciale, il a droit à la retenue.

Il s’agissait d’appels réunis à l’encontre de décisions de la Cour fédérale qui ont annulé la décision du ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à l’appelante Teva Canada Limitée (Teva) à l’égard d’une version générique des comprimés d’exémestane commercialisés par Pfizer Canada Inc. (Pfizer) sous la marque AROMASIN, et à Hospira Healthcare Corporation (Hospira) pour sa version générique de la poudre pour solution d’infliximab commercialisée par Janssen Inc. sous la marque REMICADE. Deux des appels (dossiers de la Cour A-27-15 et A-28-15) étaient liés à la décision de la Cour fédérale dans 2014 CF 1243, [2015] 4 R.C.F. 235, dans laquelle la Cour fédérale a jugé que la norme de contrôle applicable à la décision du ministre de délivrer un AC à Teva était celle de la décision correcte. Les deux autres appels (dossiers de la Cour A-143-15 et A-172-15) étaient liés à une demande de contrôle judiciaire pendante de la décision du ministre au sujet de l’infliximab. La Cour fédérale a annulé la décision du ministre de délivrer l’AC à Hospira afin de permettre aux parties de la porter en appel et de demander que les appels soient entendus en même temps que les appels formés à l’encontre du jugement de la Cour fédérale dans 2014 CF 1243 concernant l’exémestane.

Six présentations de drogues nouvelles (PDN) et présentations abrégées de drogues nouvelles (PADN) étaient en cause en l’espèce : Pfizer, Generic Medical Partners Inc. (GMP) et Teva Canada Limitée ont demandé l’autorisation de mettre sur le marché des comprimés contenant l’ingrédient médicinal exémestane sous le nom d’AROMASIN, de MED-EXEMESTANE et de TEVA-EXEMESTANE, respectivement; Janssen Inc. et Celltrion Healthcare Co Ltd. ont demandé l’autorisation de mettre sur le marché la poudre pour solution d’infliximab en dose de 100 mg/fiole commercialisée sous la marque REMICADE et INFLECTRA, respectivement. Hospira a déposé une PDN renvoyant à la PDN de Celltrion en vue d’obtenir l’autorisation de commercialiser l’INFLECTRA. Le ministre a délivré un AC dans tous ces cas.

La Cour fédérale a conclu que l’interprétation du ministre du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (Règlement AC) était incorrecte. La Cour fédérale a tiré un certain nombre de conclusions. Elle a conclu entre autres que rien dans le Règlement AC n’indiquait que le gouverneur en conseil avait envisagé que la détermination de la question de savoir si un requérant avait déposé une « présentation pour un avis de conformité » qui « directement ou indirectement, compare » son produit à celui de la société innovatrice soit laissée aux soins du ministre, que le gouverneur en conseil a confié à la Cour fédérale la tâche de déterminer en fin de compte s’il y a lieu de délivrer un AC sous le régime du Règlement AC et le Règlement AC n’a pas « pour but de permettre aux fabricants de médicaments génériques de mettre au point de manière anticipée » des formulations génériques de médicaments brevetés. (L’exception relative aux travaux préalables énoncée au paragraphe 55.2(1) de la Loi sur les brevets permet à une personne d’utiliser une invention brevetée pendant que le brevet en cause est en vigueur dans le seul but d’obtenir l’approbation réglementaire pour vendre un produit équivalent au produit breveté à l’expiration du brevet en cause.) La Cour fédérale a également rejeté la thèse selon laquelle la présentation administrative de drogue de Teva n’était pas visée par le paragraphe 5(1) du Règlement AC. La Cour fédérale n’a pu établir de distinction avec les décisions rendues par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général) et Merck & Co., Inc. c. Canada (Procureur général) (les arrêts Nu-Pharm), considérant que ces arrêts indiquaient que « le paragraphe 5(1) a pour but d’exiger que tous les fabricants de médicaments génériques qui obtiennent leurs droits par la voie d’une licence traitent d’un brevet d’une société innovatrice inscrit dans le registre de brevets créé par le règlement, et ce, que ces fabricants fassent une comparaison directe ou indirecte avec le produit de la société innovatrice ». La Cour fédérale n’a pas reconnu que la situation en l’espèce était identique à celle qui avait été présentée dans la décision GlaxoSmithKline Inc. c. Canada (Procureur général) (Glaxo) dans laquelle la Cour fédérale avait conclu que les présentations administratives de drogue nouvelle déposées dans cette affaire ne mettaient pas en cause le Règlement AC car il ne s’agissait pas de « présentations » au sens du paragraphe 5(1) du Règlement AC. Enfin, la Cour fédérale a estimé que les arrêts interprétant le sens du mot « présentation » dans le contexte de l’article 4 du Règlement AC pour les besoins de l’inscription d’un brevet au registre des brevets ne s’appliquaient pas aux questions qui étaient en litige en l’espèce.

Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en employant la norme de la décision correcte comme norme de contrôle applicable et de déterminer s’il était déraisonnable pour le ministre de conclure que les présentations de drogue en cause ne donnaient pas lieu à l’application de l’article 5 du Règlement AC, de sorte que des AC devaient être délivrés à Teva et à Hospira.

Arrêt : les appels doivent être accueillis.

Les décisions en litige devraient être assujetties à la norme de la décision raisonnable.

Les arrêts comme Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général) et AstraZeneca c. Canada (Ministre de la Santé) (AstraZeneca) n’ont pas choisi une norme de contrôle qui lie la Cour. Les deux arrêts ont été rendus sans tenir compte de la présomption de l’application du critère de la décision raisonnable établie dans des arrêts comme Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association. La présomption de l’application du critère de la décision raisonnable peut être réfutée quand une analyse contextuelle révèle l’intention du législateur « de ne pas protéger la compétence du tribunal à l’égard de certaines questions; l’existence d’une compétence concurrente et non exclusive sur un même point de droit est un facteur important à considérer à cette fin ».

Contrairement à la conclusion de la Cour fédérale, en l’espèce, une analyse contextuelle ne réfute pas la présomption du critère de la décision raisonnable. La prétention des intimées selon laquelle la thèse à l’appui de l’application de la norme de la décision raisonnable repose sur une caractérisation erronée du Règlement AC comme loi constitutive du ministre constitue une conception trop étroite de la jurisprudence dominante. La présomption de la décision raisonnable s’applique lorsqu’un décideur administratif interprète non seulement sa loi constitutive, mais également lorsque le décideur interprète « une loi étroitement liée à son mandat », comme le Règlement AC, qui est étroitement lié au mandat du ministre. Il n’existe aucune intention dans le Règlement AC de ne pas imposer la retenue judiciaire lors du contrôle des décisions du ministre portant sur l’interprétation du Règlement AC. La question de savoir si une présentation de drogue déclenche l’application de l’article 5 du Règlement AC est une question mixte de fait et de droit. La norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable à de telles questions. Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, la Cour suprême a reconnu que lorsque l’on est en présence d’un régime administratif distinct ou particulier dans lequel le décideur possède une expertise spéciale, ce décideur a droit à la retenue. Santé Canada, et par son entremise le ministre, doivent régulièrement interpréter l’article 5 du Règlement AC. Il s’ensuit de la nature de la question et de l’expertise du ministre que les décisions en litige devraient être assujetties à la norme de la décision raisonnable.

L’interprétation du ministre du paragraphe 5(1) du Règlement AC n’était pas déraisonnable.

La Cour a rejeté l’idée qu’il était peu pertinent pour l’objectif du paragraphe 5(1) du Règlement AC que Teva ou Hospira aient cherché ou non à tirer avantage de l’exception relative aux travaux préalables. Dans l’arrêt AstraZeneca, la Cour suprême a soulevé les points suivants, entre autres, qui sont pertinents en l’espèce : le pouvoir réglementaire prévu au paragraphe 55.2(4) de la Loi se limite expressément à empêcher la contrefaçon par un fabricant de produits génériques qui tire parti de l’exception relative aux travaux préalables; l’obligation que le Règlement AC impose au fabricant de produits génériques se fonde sur ses travaux préalables à l’égard des brevets qu’il incorpore à « une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence »; et en obligeant à tort un fabricant de produits génériques à se conformer au Règlement AC, on compromet l’équilibre entre les objectifs de mettre à la disposition du public des drogues efficaces et non nocives et ceux de prévenir le recours abusif à l’exception à la contrefaçon qui concerne les travaux préalables. Le ministre doit essayer de décider si un brevet inscrit a fait l’objet de travaux préalables avant d’obliger un fabricant de produits génériques à traiter d’un brevet inscrit. La question de savoir si Teva et Hospira avaient effectué des travaux préalables relativement aux brevets en cause était pertinente. Ceci est particulièrement pertinent pour Hospira, dont la présentation de drogue faisait un renvoi à celle de Celltrion. Celltrion n’aurait pu effectuer des travaux préalables relativement à l’invention brevetée de Janssen pour l’infliximab. Le brevet de Janssen avait été délivré et inscrit après que Celltrion eut déposé sa PDN. Hospira n’a pas non plus utilisé l’INFLECTRA de Celltrion comme produit de référence canadien de la manière habituelle en vue de démontrer la bioéquivalence. Le médicament d’Hospira était le médicament de Celltrion.

Quant aux arrêts Nu-Pharm, il y avait lieu d’établir une distinction entre les affaires dont était saisie la Cour fédérale. Les arrêts Nu-Pharm devaient être lus en tenant compte de leur situation factuelle unique. En l’espèce, GMP s’est conformée au Règlement AC en signifiant un avis d’allégation à Pfizer. L’AC a été délivré à GMP uniquement après que Pfizer eut omis de contester les allégations soulevées par GMP relativement à l’invalidité et à l’absence de contrefaçon. Celltrion n’avait pas l’obligation de traiter de brevet puisqu’aucun brevet n’était inscrit à l’égard du REMICADE. Dans les arrêts Nu-Pharm, la Cour n’était pas tenue d’examiner la situation d’un deuxième fabricant de produits génériques qui avait été autorisé à vendre le médicament d’un premier fabricant de produits génériques qui s’était conformé au Règlement AC ou qui n’avait pas à traiter d’un brevet inscrit. Les arrêts rendus avant Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général) (Biolyse) et AstraZeneca doivent être lus avec prudence. Ainsi, dans l’arrêt Biolyse, on a établi une distinction entre la situation semblable à celle de Nu-Pharm et celle où un fabricant de produits génériques n’avait pas réalisé des travaux préalables relativement à l’invention brevetée. En outre, toute interprétation du Règlement ne se limitant pas à prévenir la contrefaçon pouvant résulter de l’exception relative aux travaux préalables dépasserait la portée du pouvoir réglementaire conféré par le paragraphe 55.2(4) de la Loi.

La décision Glaxo n’est pas à distinguer pour les motifs exprimés par la Cour fédérale. La Cour fédérale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas la jurisprudence qui a interprété le mot « demande » qui apparaissait au paragraphe 4(1) du Règlement AC lorsqu’elle a interprété le mot « présentation » qui apparaît maintenant au paragraphe 5(1) du Règlement AC. Il y a plus d’une interprétation raisonnable du paragraphe 5(1) du Règlement AC. L’interprétation téléologique du mot « demande » exposée dans l’arrêt Biolyse appelle un examen de chaque présentation en cause afin de déterminer si elle constitue une présentation déclenchant l’application des articles 4 et 5 du Règlement AC. L’accent devrait être mis sur le médicament lui-même lors de la caractérisation d’une présentation de drogue. La question devrait être celle de savoir si les changements indiqués dans la présentation de drogue donnent lieu à un argument nouveau ou différent permettant de prétendre qu’un produit particulier est une contrefaçon. En l’espèce, aucun élément de preuve n’étayait l’argument selon lequel Teva a effectué des travaux préalables relativement à l’invention brevetée de Pfizer. Dans ces circonstances, l’interprétation du ministre du paragraphe 5(1) du Règlement AC n’était pas déraisonnable. Cette conclusion est également conforme au traitement des suppléments aux présentations de drogue en vertu du paragraphe 5(2) du Règlement AC. Une modification de nature administrative n’entraîne pas la nécessité de traiter des brevets inscrits.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, L.C. 1993, ch. 2.

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 55.2(1),(4).

Loi sur les brevets, S.C. 1923, ch. 23.

Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, art. A.01.010 « fabricant ou distributeur », C.08.001.1 « produit de référence canadien », C.08.002.

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 4, 5, 6, 7.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2.

Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Annexe 1C de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech, Maroc, le 15 avril 1994, 1867 R.T.N.U. 3.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559; Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 26, [2005] 1 R.C.S. 533; AstraZeneca c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CSC 49, [2006] 2 R.C.S. 560; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CAF 140, [2006] 1 R.C.F. 141; Hoffmann-La Roche Ltée c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 335, [2007] 3 R.C.F. 102.

DÉCISIONS DIFFÉRENCIÉES :

Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général), 1998 CanLII 7436 (C.A.F.); Merck & Co., Inc. c. Canada (Procureur général), 2000 CanLII 15094 (C.A.F.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Takeda Canada Inc. c. Canada (Santé), 2013 CAF 13, [2014] 3 R.C.F. 70; GlaxoSmithKline Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1302; Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, [2015] 2 R.C.S. 3; Tervita Corp. c. Canada (Commissaire de la concurrence), 2015 CSC 3, [2015] 1 R.C.S. 161; McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895; Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 35, [2012] 2 R.C.S. 283.

DÉCISIONS CITÉES :

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 R.C.S. 135; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654; Biolyse Pharma Corp. c. Bristol-Myers Squibb Co., 2002 CFPI 1205; Pharmascience Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CAF 183.

APPELS à l’encontre de décisions de la Cour fédérale qui ont annulé la décision du ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) aux appelantes Teva Canada Limitée (2014 CF 1243, [2015] 4 R.C.F. 235) et à Hospira Healthcare Corporation. Appels accueillis.

ONT COMPARU

Jonathan Stainsby et Bryan A. Norrie pour l’appelante Teva Canada Limitée.

Paul Michell et Paul Fruitman pour l’intimée Pfizer Canada Inc.

Karen Lovell et Abigail Browne pour l’intimé le procureur général du Canada.

Andrew Skodyn et Melanie Baird pour les intimées/demanderesses Janssen Inc. et The Kennedy Trust for Rheumatology Research.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Aitken Klee LLP, Toronto, pour l’appelante Teva Canada Limitée.

Lax O’Sullivan Lisus Gottlieb LLP, Toronto, pour l’intimée Pfizer Canada Inc.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé le procureur général du Canada.

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP, Toronto, pour les intimées/demanderesses Janssen Inc. et The Kennedy Trust for Rheumatology Research.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        La juge Dawson, J.C.A. : Chacun des quatre appels dont la Cour est saisie soulève les deux questions qui suivent. Premièrement, quelle norme de contrôle faut-il appliquer à une décision du ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à un fabricant de médicaments génériques lorsque le ministre estime que la présentation du fabricant de médicaments génériques est de nature administrative, de sorte qu’elle ne déclenche pas l’exigence en matière d’avis prévue à l’article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement AC [ou le Règlement])? Deuxièmement, la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a décidé que les décisions du ministre devaient être annulées? Cette question nous amène donc à déterminer si le ministre a commis une erreur en délivrant deux avis de conformité (AC) sans exiger de chacun des demandeurs qu’il avise le titulaire du brevet en cause que le demandeur cherchait à obtenir un AC.

[2]        Brièvement, deux décisions prises par le ministre sont en litige dans les présents appels :

i.          La décision du ministre rendue le 1er octobre 2013 de délivrer un AC à Teva Canada Limitée à l’égard d’un comprimé d’exémestane pour administration par voie orale en dose de 25 mg. Il s’agit d’une version générique des comprimés d’exémestane commercialisés par Pfizer Canada Inc. sous la marque AROMASIN.

ii.         La décision du ministre rendue le 4 juin 2014 de délivrer un AC à la Corporation de soins de la santé Hospira à l’égard de sa poudre pour solution d’infliximab en dose de 100 mg/fiole. Il s’agit d’une version générique de la poudre pour solution d’infliximab en dose de 100 mg/fiole commercialisée par Janssen Inc. sous la marque REMICADE.

[3]        Pfizer a contesté devant la Cour fédérale la décision du ministre de délivrer l’AC à Teva à l’égard de l’exémestane.

[4]        Pour les motifs rendus dans le recours intenté par Pfizer et dont la référence est 2014 CF 1243, [2015] 4 R.C.F. 235, la juge de la Cour fédérale a jugé que la norme de contrôle applicable à la décision du ministre était celle de la décision correcte. La Cour fédérale a ensuite conclu que l’interprétation du ministre du Règlement AC était incorrecte (motifs, au paragraphe 56). En conséquence, la décision du ministre de délivrer l’AC à Teva au sujet de l’exémestane a été annulée.

[5]        Deux des appels dont notre Cour est saisie portent sur cette décision de la Cour fédérale : un appel formé par Teva dans le dossier A-27-15 et un appel formé par le procureur général du Canada et le ministre de la Santé dans le dossier A-28-15. Ces appels ont été réunis. Par conséquent, une copie des présents motifs sera versée dans chacun des dossiers de la Cour.

[6]        Janssen a également contesté devant la Cour fédérale la décision du ministre de délivrer un AC à Hospira au sujet de l’infliximab. La Cour fédérale a rendu son jugement à l’égard de l’exémestane alors que la demande de contrôle judiciaire de Janssen de la décision du ministre relativement à l’infliximab était pendante. Avec le consentement des parties, la Cour fédérale a annulé la décision du ministre de délivrer l’AC à Hospira, sous réserve de leur droit d’interjeter appel du jugement. Ce jugement a été rendu afin de permettre aux parties de le porter en appel et de demander que les appels soient entendus en même temps que les appels formés à l’encontre du jugement de la Cour fédérale concernant l’exémestane.

[7]        Deux des appels dont notre Cour est saisie portent sur ce jugement de la Cour fédérale : un appel interjeté par le procureur général du Canada et le ministre de la Santé dans le dossier A-143-15 de la Cour et un appel interjeté par Hospira dans le dossier A-172-15. Ces appels ont également été réunis. Une copie des présents motifs sera par conséquent versée dans chacun des dossiers de la Cour.

[8]        La Cour a ordonné que les appels réunis soient entendus en même temps.

[9]        Pour les motifs suivants, j’ai conclu que la Cour fédérale a commis une erreur en examinant les décisions du ministre selon la norme de la décision correcte. Appliquant la norme de la décision raisonnable, j’ai conclu que les décisions du ministre étaient raisonnables. Il s’ensuit que j’accueillerais chacun des appels avec dépens, tant devant notre Cour que devant la Cour fédérale, que j’annulerais les jugements de la Cour fédérale et que je rejetterais les demandes de contrôle judiciaire présentées à l’égard des deux décisions du ministre.

[10]      Je commencerai mon analyse en examinant brièvement le cadre réglementaire, et j’aborderai ensuite les présentations de drogue en cause dans les présents appels, la décision de la Cour fédérale et la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux décisions du ministre. Finalement, j’appliquerai la norme de contrôle appropriée aux décisions en litige.

I.          Le cadre réglementaire

[11]      Je commence par une mise en contexte du régime réglementaire actuel. En 1923, la Loi sur les brevets, S.C. 1923, ch. 23, a été modifiée afin d’introduire un système de concession de licences obligatoires propre à la fabrication d’aliments et de médicaments. Une licence obligatoire est une licence prescrite par la loi qui accorde au titulaire de licence le droit de fabriquer, d’utiliser ou de vendre une invention brevetée avant l’expiration du brevet.

[12]      En 1992, le gouvernement a présenté le projet de loi C-91, la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets [L.C. 1993, ch. 2], afin de modifier la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 (la Loi ou la Loi sur les brevets), pour mettre en œuvre les obligations que le Canada avait acceptées en vertu de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce [Annexe 1C de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech, Maroc, le 15 avril 1994, 1867 R.T.N.U. 3] et de l’Accord de libre-échange nord-américain [entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2]. Le projet de loi C-91 a supprimé les licences obligatoires accordées pour des produits pharmaceutiques à partir du 20 décembre 1991.

[13]      Pour favoriser l’entrée rapide sur le marché de médicaments génériques après l’expiration de la protection accordée par un brevet, le projet de loi C-91 a créé une exception à une action en contrefaçon de brevet. Connue sous l’appellation de l’exception relative à la « fabrication anticipée » ou aux « travaux préalables », elle permet à une personne d’utiliser une invention brevetée pendant que le brevet en cause est en vigueur dans le seul but d’obtenir l’approbation réglementaire pour vendre un produit équivalent au produit breveté à l’expiration du brevet en cause. L’exception relative à la fabrication anticipée a éliminé le délai réglementaire, souvent très long, après l’expiration d’un brevet pendant lequel le fabricant de médicaments génériques prenait les mesures nécessaires pour obtenir un AC.

[14]      L’exception relative aux travaux préalables est énoncée au paragraphe 55.2(1) de la Loi :

Exception

55.2 (1) Il n’y a pas contrefaçon de brevet lorsque l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d’une invention brevetée se justifie dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d’information qu’oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente d’un produit.

[15]      Le Règlement AC a été adopté en 1993 parallèlement aux modifications à la Loi sur les brevets qui ont mis fin aux licences obligatoires et qui ont établi l’exception relative aux travaux préalables. Le Règlement a été adopté notamment pour prévenir le recours abusif à l’exception relative aux travaux préalables. Le lien entre l’exception relative aux travaux préalables et le Règlement AC se retrouve expressément au paragraphe 55.2(4) de la Loi. Il s’agit de la disposition qui permet au gouverneur en conseil d’adopter des règlements. Elle autorise l’adoption de règlements pour empêcher la contrefaçon d’un brevet d’invention par quiconque se livre à des travaux préalables à l’égard de l’invention brevetée. Plus précisément :

55.2 […]

Règlements

(4) Afin d’empêcher la contrefaçon d’un brevet d’invention par l’utilisateur, le fabricant, le constructeur ou le vendeur d’une invention brevetée au sens du paragraphe (1), le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, notamment […] [Non souligné dans l’original.]

[16]      La protection offerte aux innovateurs par le Règlement AC s’ajoute aux recours dont ils disposent en cas de contrefaçon de brevets en vertu de la Loi.

[17]      Les principales caractéristiques du régime réglementaire qui s’applique aux médicaments pharmaceutiques comme l’exémestane peuvent être résumées comme suit :

i.          Un fabricant de médicaments qui souhaite commercialiser ou vendre une drogue nouvelle au Canada doit d’abord obtenir un AC sous le régime du titre 8 de la partie C du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870 [articles C.08.001 à C.08.018], ce qui se fait par le dépôt d’un des divers types de présentations de drogue. Le terme « fabricant » de médicaments est défini de façon à inclure une entité qui vend une drogue « sous son propre nom » (article A.01.010 du Règlement sur les aliments et drogues).

ii.         Un médicament approuvé pour la commercialisation au Canada se voit attribuer une identification numérique qui identifie les caractéristiques suivantes du médicament : sa marque nominative, le fabricant, les ingrédients médicinaux, la concentration des ingrédients médicinaux, la forme posologique et la voie d’administration.

iii.        Habituellement, un fabricant de drogues innovantes qui demande une autorisation pour commercialiser ou pour vendre une drogue nouvelle au Canada dépose une présentation de drogue nouvelle (PDN) conformément à l’article C.08.002 du Règlement sur les aliments et drogues. Ce type de présentation de drogue nécessite généralement des éléments de preuve substantiels d’essais cliniques et d’études visant à démontrer que la drogue nouvelle est sans danger et efficace.

iv.        Un autre type de présentation de drogue est la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN), qui est prévue au paragraphe C.08.002(1) du Règlement sur les aliments et drogues. Généralement, un fabricant de médicaments génériques déposera une PADN pour obtenir un AC. Le fabricant de médicaments génériques produira sa propre version du médicament de marque approuvé antérieurement. À l’article C.08.001.1 du Règlement sur les aliments et drogues, le médicament de marque est appelé « produit de référence canadien ». Le fabricant de médicaments génériques analyse sa version du produit de référence canadien afin de démontrer que la version générique est bioéquivalente au produit de référence canadien. Ainsi, l’innocuité et l’efficacité du médicament générique sont établies en démontrant sa bioéquivalence à un médicament dont l’innocuité et l’efficacité ont déjà été établies.

v.         Le Règlement AC prévoit un mécanisme par lequel un titulaire de brevet peut retarder l’entrée sur le marché d’une version générique de son médicament breveté. L’article 4 permet à un innovateur qui a déposé une présentation de drogue nouvelle et qui a obtenu un AC de faire parvenir au ministre une liste de brevets à l’égard du médicament. Si le brevet ou les brevets inscrits sur la liste répondent aux critères requis, le ministre peut les ajouter au registre des brevets qu’il tient. Le titulaire de brevet qui présente une liste de brevets est appelé « première personne ».

vi.        Par la suite, si une « seconde personne », habituellement un fabricant de médicaments génériques, cherche à obtenir un avis de conformité fondé sur la démonstration de la bioéquivalence de son médicament à un produit de référence canadien, la seconde personne doit traiter de chaque brevet inscrit au registre des brevets à l’égard du produit de référence canadien. La seconde personne peut traiter d’un brevet inscrit en déclarant qu’elle accepte que l’AC ne soit pas délivré avant l’expiration de tous les brevets pertinents. Subsidiairement, la seconde personne peut alléguer qu’un brevet inscrit n’est pas valide ou qu’il n’y aura pas contrefaçon d’un brevet inscrit si la seconde personne obtient la permission de fabriquer, d’utiliser ou de vendre la version du médicament pour laquelle elle cherche à obtenir l’AC (paragraphe 5(1) du Règlement AC).

vii.       La seconde personne qui allègue l’invalidé du brevet ou l’absence de contrefaçon doit signifier à la première personne des précisions au sujet de ses allégations dans un « avis d’allégation » et elle doit prouver au ministre la signification de l’avis d’allégation à la première personne (paragraphe 5(3) du Règlement AC).

viii.      Un titulaire de brevet qui a reçu signification d’un avis d’allégation peut demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer l’avis de conformité jusqu’à l’expiration du brevet en cause (paragraphe 6(1) du Règlement AC).

ix.        La demande d’interdiction présentée par le titulaire de brevet en vertu du paragraphe 6(1) déclenche automatiquement un sursis réglementaire (article 7 du Règlement AC). Pendant la période du sursis réglementaire, le ministre ne peut délivrer un AC jusqu’à ce que l’un des événements prescrits survienne. Par exemple, un des événements qui met fin au sursis réglementaire est lorsque le tribunal accepte une allégation selon laquelle le brevet n’est pas valide ou qu’il ne sera pas contrefait par la seconde personne. Un autre événement possible est quand une période de 24 mois s’écoule après que le ministre a reçu la preuve qu’une demande a été déposée au tribunal en vertu du paragraphe 6(1). De plus, le sursis déclenché par la signification d’un avis d’allégation prend fin lorsque 45 jours se sont écoulés depuis la date de la signification au titulaire du brevet d’un avis d’allégation et que le titulaire du brevet n’a pas demandé d’ordonnance d’interdiction aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement AC.

[18]      Après ce bref examen du cadre réglementaire applicable aux médicaments pharmaceutiques comme l’exémestane, il convient de noter que l’infliximab est un médicament biologique et non un médicament pharmaceutique. Les médicaments biologiques sont dérivés de l’activité métabolique d’organismes vivants; leur structure est complexe et ils peuvent varier. Les médicaments biologiques sont habituellement fabriqués d’animaux ou de microorganismes, ou fabriqués par l’utilisation d’animaux ou de microorganismes.

[19]      Le processus d’approbation d’un produit biologique ultérieur (PBU) diffère à certains égards du processus d’approbation des médicaments pharmaceutiques génériques. Les principales différences peuvent être résumées comme suit :

i.          Pour demander l’approbation d’un PBU, il faut déposer une présentation de drogue nouvelle conformément à l’article C.08.002 du Règlement sur les aliments et drogues, alors qu’il faut déposer une PADN pour l’approbation d’une version générique d’un médicament pharmaceutique.

ii.         Dans sa présentation de drogue nouvelle, le promoteur du PBU cherche à obtenir un AC en se fondant sur une similarité établie avec un médicament biologique de référence déjà approuvé. Par conséquent, la présentation de drogue nouvelle comportera un grand nombre de données démontrant la similarité du produit biologique ultérieur avec le médicament biologique de référence. Ce recours au médicament biologique de référence diminue la quantité de données cliniques et non cliniques requises pour démontrer l’innocuité et l’efficacité.

[20]      Après avoir examiné le cadre réglementaire, je vais maintenant examiner les présentations de drogue en litige dans les présents appels.

II.         Les présentations de drogue

1)         Le supplément à la présentation de drogue nouvelle de Pfizer pour l’AROMASIN

[21]      Le 17 mars 2005, Pfizer a déposé un supplément à la présentation de drogue nouvelle pour obtenir l’autorisation de mettre sur le marché des comprimés contenant l’ingrédient médicinal exémestane en dose de 25 mg sous le nom d’AROMASIN. Un AC à l’égard de cette présentation a été délivré le 12 mai 2006.

[22]      Le 12 mai 2006, Pfizer a déposé une liste de brevets pour inscrire le brevet canadien no 2409059 (le brevet ’059) au registre des brevets à l’égard des comprimés d’AROMASIN en dose de 25 mg.

[23]      Le 18 mai 2006, le brevet ’059 a été inscrit au registre des brevets. Il s’ensuit que Santé Canada était convaincu que le brevet respectait le paragraphe 4(2) du Règlement AC. Un brevet se conforme à cette disposition si, par exemple, le brevet contient une revendication d’un ingrédient médicinal qui a été approuvé par la délivrance d’un AC à l’égard d’une présentation de drogue nouvelle (alinéa 4(2)a) du Règlement AC).

2)         La PADN de Generic Medical Partners Inc. pour le MED-EXEMESTANE

[24]      Une PADN déposée par Generic Medical Partners Inc. (GMP) qui n’a pas été dûment signifiée à Pfizer a une pertinence limitée. En raison d’une erreur administrative, un AC a été délivré pour une brève période à GMP et, plus tard, un AC connexe a été délivré à Teva. La Cour fédérale en a traité aux paragraphes 37 à 42 de ses motifs. La présentation de drogue déposée par GMP qui a donné lieu à l’AC en litige dans les présents appels est plus pertinente.

[25]      Le 22 mai 2012, GMP a déposé une PADN en vue d’obtenir l’autorisation de mettre sur le marché des comprimés contenant l’ingrédient médicinal exémestane en dose de 25 mg sous le nom de MED-EXEMESTANE. Par la suite, le 16 août 2013, GMP a signifié un avis d’allégation à Pfizer dans lequel elle formulait des allégations concernant le brevet ’059.

[26]      Bien que l’AC ait été dûment signifié, Pfizer n’a pas déposé de demande d’interdiction en application du paragraphe 6(1) du Règlement AC.

[27]      En conséquence, le ministre a délivré un AC à GMP le 1er octobre 2013.

3)         La PADN de Teva pour le TEVA-EXEMESTANE

[28]      Le 18 juin 2013, Teva a déposé une PADN qui renvoyait à la PADN de GMP, dans laquelle Teva sollicitait l’autorisation de mettre sur le marché des comprimés contenant l’ingrédient médicinal exémestane en dose de 25 mg sous le nom de TEVA-EXEMESTANE.

[29]      La PADN de Teva ne contenait aucune donnée. Elle comprenait une attestation par laquelle Teva certifiait que tous les aspects de son médicament étaient identiques à ceux du médicament de GMP visé par le renvoi, sauf en ce qui concerne le nom du fabricant et le nom du produit. Teva certifiait également que son médicament serait fabriqué au même endroit que le médicament de GMP et selon les mêmes spécifications et les mêmes méthodes. Teva avait également inclus dans sa présentation une autorisation de la part de GMP permettant au ministre d’accéder à la PADN de GMP lorsqu’il traiterait la PADN de Teva.

[30]      Le 1er octobre 2013, le ministre a délivré un avis de conformité à Teva.

4)         L’AC de Janssen pour le REMICADE

[31]      Le 27 septembre 2001, sur la base d’une PDN déposée par Centocor Inc., un AC a été délivré à Centocor pour sa poudre pour solution d’infliximab en dose de 100 mg/fiole commercialisée sous la marque REMICADE. Au même moment, ce médicament a fait l’objet de l’identification numérique 02244016.

[32]      Le 20 juin 2011, Janssen a déposé une PDN administrative pour transférer l’identification numérique attribuée au REMICADE de Centocor à Janssen. Le 5 août 2011, Janssen a reçu un AC en réponse à sa PDN administrative et l’identification numérique a été transférée à Janssen.

[33]      Avec le consentement du titulaire du brevet, The Kennedy Trust for Rheumatology Research, Janssen a déposé une liste de brevets afin d’inscrire le brevet canadien no 2261630 (le brevet ’630) au registre des brevets à l’égard du REMICADE.

[34]      Le 4 décembre 2012, le brevet ’630 a été délivré. Il a été inscrit au registre des brevets le 6 décembre 2012 à l’égard du REMICADE.

5)         La PDN de Celltrion Healthcare Co. Ltd. pour l’INFLECTRA

[35]      Le 14 novembre 2012, Celltrion Healthcare Co. Ltd. a déposé une PDN en vue d’obtenir l’autorisation de mettre sur le marché son produit biologique ultérieur INFLECTRA, qui contenait l’ingrédient médicinal infliximab en poudre pour solution en dose de 100 mg/fiole. Dans sa PDN, Celltrion cherchait à démontrer que l’INFLECTRA était semblable au REMICADE.

[36]      La PDN de Celltrion désignait Hospira à titre de distributeur pour l’INFLECTRA (affidavit de Beryl Chan, directrice de la réglementation chez Hospira, au paragraphe 16).

[37]      Le 14 novembre 2012, date de dépôt de la PDN de Celltrion, aucun brevet n’était inscrit au registre des brevets à l’égard de REMICADE. Par conséquent, le 15 janvier 2014, le ministre a délivré un AC à Celltrion à l’égard de l’INFLECTRA. Le ministre a attribué l’identification numérique 02419475 à l’INFLECTRA.

[38]      Hospira avait le droit de vendre l’INFLECTRA en vertu de cet AC (affidavit de Beryl Chan, au paragraphe 16).

6)         La PDN d’Hospira pour l’INFLECTRA

[39]      Le 7 avril 2014, Hospira a déposé une PDN renvoyant à la PDN de Celltrion en vue d’obtenir l’autorisation de commercialiser l’INFLECTRA.

[40]      La PDN d’Hospira ne fait état d’aucune donnée scientifique. Elle incluait son attestation selon laquelle Hospira et Celltrion avaient conclu un contrat de licence à l’égard d’INFLECTRA et qu’aux termes de celui-ci, Celltrion ne vendrait plus le produit. Dans cette attestation, Hospira certifiait qu’à l’exception du nom du fabricant, tous les aspects de son médicament étaient identiques à ceux du médicament de Celltrion visé par le renvoi et que le produit serait fabriqué au même endroit et selon les mêmes spécifications et les mêmes méthodes. De plus, Celltrion a remis une lettre d’autorisation permettant au ministre de comparer sa propre PDN lorsqu’il traitera la PDN d’Hospira.

[41]      La direction des produits biologiques et des thérapies génétiques de Santé Canada a conclu qu’en raison de l’absence de changement au médicament approuvé antérieurement, Hospira n’avait à traiter d’aucun brevet (pièce I jointe à l’affidavit de Pino DiFranco, agent de brevets des services juridiques de Santé Canada).

[42]      Le 4 juin 2014, le ministre a délivré un AC à Hospira à l’égard de sa PDN pour l’INFLECTRA. Le ministre a attribué la même identification numérique à l’INFLECTRA d’Hospira que celle qui avait été attribuée auparavant à l’INFLECTRA de Celltrion.

III.        La décision de la Cour fédérale

[43]      Comme je l’ai signalé ci-dessus, la Cour fédérale a conclu que la norme de contrôle applicable à la décision du ministre est celle de la décision correcte. Elle a poursuivi que l’interprétation du ministre du Règlement AC était incorrecte.

[44]      Les conclusions suivantes auxquelles est parvenue la Cour fédérale constituaient des éléments essentiels de ses motifs :

i.          la jurisprudence antérieure n’avait pas établi de façon satisfaisante la norme de contrôle à appliquer (motifs, aux paragraphes 70 à 72 et 105 à 108);

ii.         « on peut présumer que la norme de la raisonnabilité s’applique chaque fois qu’un décideur administratif interprète sa loi constitutive ou une loi ou un règlement étroitement liés à son mandat », sauf en cas d’application de certaines exceptions limitées (motifs, aux paragraphes 67 et 109);

iii.        nonobstant le libellé général employé par la Cour suprême dans l’arrêt Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 R.C.S. 135, aux paragraphes 59 à 62, pour décrire la retenue qui s’impose à l’endroit du gouverneur en conseil lorsqu’il interprète un texte qui est lié de près à sa fonction d’examen de la réglementation économique, cette décision n’a pas établi de règle fixe selon laquelle il n’est possible de réfuter la présomption du critère de la décision raisonnable que si la décision se range dans l’une de quatre catégories, soit une question de nature constitutionnelle, une véritable question de compétence, la détermination des limites de compétence entre deux tribunaux administratifs ou une question de droit d’importance générale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise du décideur (motifs, au paragraphe 88);

iv.        il est possible de réfuter la présomption selon laquelle le critère de la décision raisonnable s’applique en procédant à une analyse contextuelle si elle établit que la question en litige n’est pas de celles que le législateur entendait laisser aux décideurs le soin de trancher parce qu’elles relèvent davantage de l’expertise d’une cour de révision (motifs, au paragraphe 104);

v.         compte tenu de la raison d’être du décideur, de la nature de la question en cause et de l’expertise du décideur, la présomption de l’application du critère de la décision raisonnable a été réfutée (motifs, aux paragraphes 111 à 120);

vi.        plus précisément, la Cour fédérale a jugé que :

a.         rien dans le Règlement AC n’indiquait que le gouverneur en conseil avait envisagé que la détermination de la question de savoir si un requérant avait déposé une « présentation pour un avis de conformité » qui « directement ou indirectement, compare » son produit à celui de la société innovatrice soit laissée au soin de fonctionnaires de Santé Canada (motifs, au paragraphe 113);

b.         en fait, le contexte réglementaire et légal dénotait que la question ne devait pas être laissée au soin de Santé Canada, car le ministre ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire de délivrer ou non un AC (motifs, au paragraphe 114);

c.         le gouverneur en conseil a confié à la Cour la tâche de déterminer en fin de compte s’il y a lieu de délivrer un AC sous le régime du Règlement AC. Le rôle de la Cour ne concorde pas avec l’application de la norme de la décision raisonnable aux décisions du ministre. Par ailleurs, l’affaire était semblable à celle examinée dans l’arrêt Takeda Canada Inc. c. Canada (Santé), 2013 CAF 13, [2014] 3 R.C.F. 70, dans lequel le juge dissident a réfuté l’application présumée de la norme de la décision raisonnable au motif que la question dont était saisi le ministre était purement juridique, que le ministre n’avait aucune expérience particulière en matière d’interprétation juridique et que rien dans la loi ne dénotait qu’il y avait lieu de faire preuve de retenue à l’égard de la décision du ministre (motifs, aux paragraphes 116 à 118);

vii.       la Cour fédérale a ensuite examiné l’application de la norme de la décision correcte à la décision du ministre, en reconnaissant qu’il était nécessaire d’interpréter les dispositions légales et réglementaires pertinentes sous un angle téléologique (motifs, aux paragraphes 121 et 131);

viii.      la Cour fédérale a rejeté [au paragraphe 133] l’affirmation selon laquelle le Règlement AC a « pour but de permettre aux fabricants de médicaments génériques de mettre au point de manière anticipée » des formulations génériques de médicaments brevetés. Ce règlement existe non seulement pour permettre la mise au point anticipée, mais également pour mettre en balance l’intérêt à promouvoir l’accès rapide à des médicaments génériques moins chers et l’intérêt des titulaires de brevets à obtenir une protection pour leurs inventions brevetées. Il est peu pertinent pour les objectifs du paragraphe 5(1) du Règlement AC que Teva n’ait pas cherché à tirer avantage de l’exception relative à la fabrication anticipée. Une fois « que l’on a bien saisi l’objet du Règlement sur les MBAC, il étaye la conclusion qu’une société se trouvant dans la situation de Teva se doit de se conformer au paragraphe 5(1) du Règlement » (motifs, aux paragraphes 133 à 136);

ix.        la Cour fédérale a rejeté la thèse selon laquelle la présentation administrative de drogue de Teva n’était pas visée par le paragraphe 5(1) du Règlement AC. La Cour fédérale n’a pu établir de distinction avec les décisions rendues par notre Cour dans les arrêts Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général), 1998 CanLII 7436 (Nu-Pharm 1), et Merck & Co., Inc. c. Canada (Procureur général), 2000 CanLII 15094 (Nu-Pharm 2) (collectivement, les arrêts Nu-Pharm). La Cour fédérale a considéré que ces arrêts indiquaient que « le paragraphe 5(1) du Règlement sur les MBAC a pour but d’exiger que tous les fabricants de médicaments génériques qui obtiennent leurs droits par la voie d’une licence traitent d’un brevet d’une société innovatrice inscrit dans le registre de brevets créé par le règlement, et ce, que ces fabricants fassent une comparaison directe ou indirecte avec le produit de la société innovatrice ». En outre, comme en l’espèce, dans les arrêts Nu-Pharm, le fabricant de médicaments génériques avait acquis le droit de produire le médicament en question sous une licence d’un autre fabricant de médicaments génériques et il avait déposé une présentation qui faisait une comparaison directe ou indirecte avec une drogue innovante (motifs, aux paragraphes 137 et 141);

x.         la Cour fédérale a rejeté la thèse selon laquelle la situation en l’espèce était identique à celle qui avait été présentée à la Cour dans la décision GlaxoSmithKline Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1302 (Glaxo), dans laquelle la Cour fédérale avait conclu que les présentations administratives de drogue nouvelle déposées dans cette affaire ne mettaient pas en cause le Règlement AC car il ne s’agissait pas de « présentations » au sens du paragraphe 5(1) du Règlement AC. Selon la Cour fédérale, il fallait établir une distinction avec cette décision car, dans Glaxo, le fabricant de médicaments génériques s’était conformé au paragraphe 5(1) du Règlement AC et avait signifié un avis d’allégation à la société innovatrice; les commentaires formulés par le juge sur lesquels s’était fondé le procureur général étaient par conséquent une remarque incidente (motifs, au paragraphe 142);

xi.        enfin, la Cour fédérale a estimé que les arrêts interprétant le sens du mot « présentation » dans le contexte de l’article 4 du Règlement AC pour les besoins de l’inscription d’un brevet au registre des brevets ne s’appliquaient pas aux questions qui sont en litige en l’espèce. Les préoccupations au sujet du fait qu’une société innovatrice étende ses droits en vertu du Règlement au moyen d’une présentation administrative ne se posent pas en l’espèce (motifs, au paragraphe 143).

IV.       La norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à la décision de la Cour fédérale

[45]      Il est bien établi, et il n’est pas contesté dans les présents appels, qu’au moment de réviser une décision rendue par la Cour fédérale lors d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour est tenue de déterminer si la Cour fédérale a employé la norme de contrôle appropriée et si elle l’a ensuite appliquée correctement (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 45).

V.        La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en employant la norme de la décision correcte comme norme de contrôle applicable?

[46]      Je suis d’accord avec la Cour fédérale que la jurisprudence antérieure n’avait pas établi de manière satisfaisante la norme de contrôle à appliquer aux décisions du ministre. Je rejette les prétentions des intimées Pfizer, Janssen et The Kennedy Trust selon lesquelles les arrêts comme Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 26, [2005] 1 R.C.S. 533 (Biolyse), au paragraphe 36; et AstraZeneca c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CSC 49, [2006] 2 R.C.S. 560 (AstraZeneca), au paragraphe 25, ont choisi une norme de contrôle qui lie notre Cour et la Cour fédérale. Comme la Cour fédérale l’a souligné [au paragraphe 71] à juste titre dans l’arrêt Agraira, au paragraphe 48, la Cour suprême a indiqué que la norme de contrôle ne peut être considérée comme établie de façon satisfaisante « si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire ». À mon avis, c’est le cas en l’espèce, car les arrêts Biolyse et AstraZeneca ont été rendus sans tenir compte de la présomption de l’application du critère de la décision raisonnable établie dans des arrêts comme Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, au paragraphe 39.

[47]      Je suis également d’accord avec la Cour fédérale que la présomption de l’application du critère de la décision raisonnable peut être réfutée quand une analyse contextuelle révèle l’intention du législateur « de ne pas protéger la compétence du tribunal à l’égard de certaines questions; l’existence d’une compétence concurrente et non exclusive sur un même point de droit est un facteur important à considérer à cette fin » (Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, [2015] 2 R.C.S. 3, au paragraphe 46, qui cite Tervita Corp. c. Canada (Commissaire de la concurrence), 2015 CSC 3, [2015] 1 R.C.S. 161, aux paragraphes 35, 36, 38 et 39; McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895, au paragraphe 22; Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 35, [2012] 2 R.C.S. 283, au paragraphe 15).

[48]      Là où mon analyse diverge de celle de la Cour fédérale, c’est qu’à mon avis, une analyse contextuelle ne réfute pas la présomption du critère de la décision raisonnable.

[49]      La Cour fédérale a invoqué les arguments suivants pour réfuter la présomption de l’application du critère de la décision raisonnable :

i.          le ministre ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire de délivrer ou non un AC. Le ministre ne peut délivrer un AC que si l’on satisfait aux critères énoncés à l’article 7 du Règlement AC (motifs, au paragraphe 114);

ii.         le gouverneur en conseil a confié à la Cour la tâche de déterminer en fin de compte s’il y a lieu de délivrer un AC sous le régime du Règlement AC, car la Cour est tenue de se prononcer sur les demandes d’interdiction. Ce rôle ne concorde pas avec l’application de la norme de la décision raisonnable (motifs, au paragraphe 116);

iii.        la question était purement juridique et rien dans le Règlement AC ne dénote qu’il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard de l’interprétation du Règlement faite par le ministre (motifs, au paragraphe 118).

[50]      Je commence mon analyse en rejetant la prétention des intimées selon laquelle la thèse à l’appui de l’application de la norme de la décision raisonnable repose sur une caractérisation erronée du Règlement AC comme loi constitutive du ministre. Bien que je sois d’accord que ce règlement a été adopté conformément à la Loi sur les brevets, qui relève du ministre de l’Industrie, et non de la Santé, il s’agit d’une conception trop étroite de la jurisprudence dominante. La présomption de la décision raisonnable s’applique lorsqu’un décideur administratif interprète non seulement sa loi constitutive, mais également lorsque le décideur interprète « une loi étroitement liée à son mandat » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 54). Ceci vaut également pour les règlements, comme le Règlement AC, qui sont étroitement liés au mandat du ministre de la Santé.

[51]      Puisque j’ai conclu qu’il y avait lieu de présumer que la décision du ministre par laquelle il interprète le Règlement AC était susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, ni le fait que cela soulève une question de droit, ni le fait que le Règlement AC ne laisse pas entendre qu’il y ait lieu de faire preuve de retenue ne s’oppose à la norme de la décision raisonnable.

[52]      Depuis l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a déclaré qu’il valait mieux laisser au décideur administratif le soin de clarifier le texte ambigu de sa loi constitutive, ou de son règlement (McLean, au paragraphe 33). La question à décider est de savoir si le Règlement AC témoigne de l’intention du législateur de ne pas imposer la retenue judiciaire lors du contrôle des décisions du ministre portant sur l’interprétation du Règlement (Tervita, aux paragraphes 38 et 39).

[53]      Je n’ai décelé aucune indication d’une telle intention dans le Règlement AC.

[54]      Je ne souscris pas non plus à l’idée que le rôle de la Cour défini dans le Règlement AC ne concorde pas avec la norme de la décision raisonnable, et je ne suis pas d’accord que la présente affaire est « semblable en quelque sorte à l’arrêt Rogers Communications Inc., […] où le juge Rothstein, s’exprimant au nom de la majorité, a appliqué la norme de la décision correcte au contrôle de l’interprétation, par la Commission du droit d’auteur, de sa loi constitutive au motif que cette dernière et les tribunaux judiciaires possédaient en vertu de la loi une compétence concurrente » (motifs, au paragraphe 117).

[55]      Le ministre a la compétence exclusive de décider si une présentation de drogue déposée par une seconde personne établit une comparaison avec un produit de référence canadien, de sorte que la seconde personne doive traiter d’un brevet inscrit au registre des brevets. Ce n’est que si le ministre répond par l’affirmative à cette question, que si la seconde personne signifie un avis d’allégation et que si la première personne dépose une demande d’interdiction qu’il est interdit au ministre de délivrer un AC en vertu de l’alinéa 7(1)e) du Règlement (article 7 du Règlement AC).

[56]      Sauf pour le rôle éventuel de la Cour lors d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision ministérielle prise en vertu de l’article 5, le Règlement AC prévoit que la Cour ne joue le rôle de décideur de première instance qu’en vertu de l’article 6, c’est-à-dire que lorsqu’une première personne a déposé une demande d’interdiction, c’est à la Cour de décider si les allégations figurant dans l’avis d’allégation de la seconde personne sont fondées. La Cour saisie d’une demande d’interdiction n’examine pas si l’application de l’article 5 aurait dû, au départ, être déclenchée. Il s’ensuit que dans une demande d’interdiction, il est impossible que la question de savoir si l’application de l’article 5 a été déclenchée donne lieu à des interprétations divergentes entre le ministre et la Cour.

[57]      À mon avis, la question de savoir si une présentation de drogue déclenche l’application de l’article 5 du Règlement AC est une question mixte de fait et de droit. Il est bien établi que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable à de telles questions (voir, par exemple, l’arrêt Tervita, au paragraphe 40).

[58]      Dans l’arrêt Dunsmuir, aux paragraphes 55 and 68, la Cour suprême a reconnu que lorsque l’on est en présence d’un régime administratif distinct ou particulier dans lequel le décideur possède une expertise spéciale, ce décideur a droit à la retenue. À mon avis, Santé Canada, et par son entremise le ministre, doivent régulièrement interpréter l’article 5 du Règlement. Par exemple, le ministre doit décider s’il délivre un AC ou s’il suspend la présentation de drogue pour des motifs relatifs au brevet. Dans l’arrêt AstraZeneca, la Cour suprême a exigé que le ministre effectue une analyse portant sur des brevets précis lorsqu’il applique le paragraphe 5(1), car « le fabricant de produits génériques n’a besoin de traiter que des brevets inscrits à l’égard des demandes visées par l’AC relatif à la drogue de comparaison » (AstraZeneca, au paragraphe 39).

[59]      Il s’ensuit de la nature de la question et de l’expertise du ministre que les décisions en litige devraient être assujetties à la norme de la décision raisonnable.

[60]      J’aborde maintenant la deuxième question en litige.

VI.       Était-il déraisonnable pour le ministre de conclure que les présentations de drogue en cause ne donnaient pas lieu à l’application de l’article 5 du Règlement AC, de sorte que des AC devaient être délivrés à Teva et à Hospira?

[61]      Étant donné que la Cour fédérale n’a pas appliqué la norme de contrôle appropriée, notre Cour doit appliquer celle qui convient, soit la norme de la décision raisonnable, aux décisions du ministre. Cela dit, il est utile d’examiner les conclusions qui ont amené la Cour fédérale à conclure que les décisions du ministre étaient erronées.

[62]      Les conclusions pertinentes de la Cour fédérale sur ce point étaient les suivantes :

i.          la Cour fédérale a rejeté [au paragraphe 133] l’affirmation selon laquelle le Règlement AC a « pour but de permettre aux fabricants de médicaments génériques de mettre au point de manière anticipée des formulations génériques » de médicaments brevetés. Ce règlement existe non seulement pour permettre la mise au point anticipée, mais également pour mettre en balance l’intérêt à promouvoir l’accès rapide à des médicaments génériques moins chers et l’intérêt des titulaires de brevets à obtenir une protection pour leurs inventions brevetées. Ainsi, il est peu pertinent pour les objectifs du paragraphe 5(1) du Règlement AC que Teva n’ait pas cherché à tirer avantage de l’exception relative à la fabrication anticipée (motifs, aux paragraphes 133 à 135);

ii.         la Cour fédérale a rejeté la thèse selon laquelle la présentation administrative de drogue de Teva n’était pas visée par le paragraphe 5(1) du Règlement AC. La Cour fédérale n’a pu établir de distinction avec les décisions rendues par notre Cour dans les arrêts Nu-Pharm. Ces arrêts indiquaient que « le paragraphe 5(1) du Règlement sur les MBAC a pour but d’exiger que tous les fabricants de médicaments génériques qui obtiennent leurs droits par la voie d’une licence traitent d’un brevet d’une société innovatrice inscrit dans le registre de brevets créé par le Règlement, et ce, que ces fabricants fassent une comparaison directe ou indirecte avec le produit de la société innovatrice ». Tout comme dans les arrêts Nu-Pharm, Teva avait déposé une présentation qui faisait une comparaison directe ou indirecte avec la drogue de la première personne (motifs, aux paragraphes 137 et 141);

iii.        la Cour fédérale a rejeté la thèse selon laquelle la situation en l’espèce était identique à celle qui avait été présentée à la Cour dans la décision Glaxo, dans laquelle la Cour fédérale avait conclu que les présentations administratives de drogue nouvelle déposées dans cette affaire ne mettaient pas en cause le Règlement AC car dans la décision Glaxo, le fabricant de médicaments génériques s’était conformé au paragraphe 5(1) du Règlement AC et avait signifié un avis d’allégation à la société innovatrice. De plus, les commentaires sur lesquels s’était fondé le procureur général étaient des remarques incidentes (motifs, au paragraphe 142);

iv.        enfin, la Cour fédérale a estimé que les arrêts interprétant le sens du mot « présentation » dans le contexte de l’article 4 du Règlement AC pour les besoins de l’inscription d’un brevet au registre des brevets ne s’appliquaient pas aux questions en litige en l’espèce. Les préoccupations au sujet du fait qu’une société innovatrice étende ses droits en vertu du Règlement au moyen d’une présentation administrative ne se posent pas en l’espèce (motifs, au paragraphe 143).

[63]      J’aborderai successivement chacun de ces points.

[64]      En premier lieu, je rejette l’idée qu’il est peu pertinent pour l’objectif du paragraphe 5(1) du Règlement AC que Teva ou Hospira aient cherché ou non à tirer avantage de l’exception relative aux travaux préalables.

[65]      Dans l’arrêt Biolyse, la Cour suprême a examiné la situation où Bristol-Myers Squibb détenait plusieurs brevets portant sur des formulations et modes d’administration nouveaux et utiles du médicament paclitaxel. Bristol-Myers Squibb ne possédait pas de brevet sur le paclitaxel en soi — un médicament découvert par le National Cancer Institute des États-Unis, puis versé dans le domaine public. Bristol-Myers Squibb avait fait valoir qu’en application de ce qui était à l’époque le paragraphe 5(1.1) du Règlement, un fabricant de produits génériques devait traiter de ses brevets simplement parce que sa formulation contenait du paclitaxel et que le produit contrefaisant de Biolyse était bioéquivalent au produit de Bristol-Myers Squibb.

[66]      En première instance, la Cour fédérale [Section de première instance] a conclu que le produit de Biolyse avait été considéré à juste titre comme une drogue nouvelle [voir : 2002 CFPI 1205]. Néanmoins, la Cour fédérale a jugé que le produit de Biolyse était visé par le paragraphe 5(1.1) du Règlement.

[67]      Le paragraphe 5(1.1) alors en vigueur prescrivait :

5 […]

(1.1) Sous réserve du paragraphe (1.2), lorsque le paragraphe (1) ne s’applique pas, la personne qui dépose ou a déposé une demande d’avis de conformité pour une drogue contenant un médicament que l’on trouve dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada par suite de la délivrance d’un avis de conformité à la première personne et à l’égard de laquelle une liste de brevets a été soumise doit inclure dans la demande, à l’égard de chaque brevet inscrit au registre visant cette autre drogue contenant ce médicament, lorsque celle-ci présente la même voie d’administration et une forme posologique et une concentration comparables :

a) soit une déclaration portant qu’elle accepte que l’avis de conformité ne soit pas délivré avant l’expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l’alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n’est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l’utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l’objet de la demande d’avis de conformité.

[68]      Les juges majoritaires de la Cour suprême [dans l’arrêt Biolyse] ont formulé certains points essentiels lorsqu’ils ont rejeté la thèse de Bristol-Myers Squibb :

i.          la portée du Règlement est restreinte par le texte législatif qui l’habilite (motifs [de l’arrêt Biolyse], au paragraphe 38). Il s’ensuit que le Règlement doit être interprété à la lumière du paragraphe 55.2(4) de la Loi;

ii.         bien que le mot « demande » enclenche l’application du paragraphe 5(1.1), le terme n’est pas défini dans le Règlement (motifs [de l’arrêt Biolyse], au paragraphe 40);

iii.        si on interprète le Règlement à la lumière du paragraphe 55.2(4), il s’ensuit que le Règlement s’applique aux personnes qui utilisent l’« invention brevetée » (motifs [de l’arrêt Biolyse], au paragraphe 52);

iv.        ce ne sont pas toutes les utilisations de l’invention brevetée qui déclencheront l’application du Règlement. Le paragraphe 55.2(4) est destiné à prévenir la contrefaçon par les personnes qui utilisent l’« invention brevetée » en se prévalant de l’exception relative aux « travaux préalables ». Voilà tout ce que le gouverneur en conseil est autorisé à réglementer (motifs [de l’arrêt Biolyse], au paragraphe 53);

v.         le fait que le paclitaxel se trouve dans le produit de Biolyse ne signifie pas que Biolyse « a tiré avantage » des inventions de Bristol-Myers Squibb dans le but de procéder aux « travaux préalables » d’une copie générique en attendant l’expiration des brevets de Bristol-Myers Squibb (motifs [de l’arrêt Biolyse], au paragraphe 54);

vi.        l’interprétation que donne Bristol-Myers Squibb du paragraphe 5(1.1) pousse la disposition bien au-delà de son objet, qui est d’empêcher les fabricants de produits génériques de cacher qu’ils se fondent sur des drogues nouvelles en soumettant un autre produit générique à titre de médicament de référence. « Si l’approbation d’un produit générique est liée aux travaux d’une autre société pharmaceutique à l’égard de laquelle une liste de brevets a été soumise (comme dans les cas semblables à celui de Nu-Pharm), cette approbation sera visée par le par. 5(1.1) » (motifs [de l’arrêt Biolyse], au paragraphe 65).

[69]      Sur ce dernier point, il ressort de la référence de la Cour suprême aux « cas semblables à celui de Nu-Pharm » qu’en faisant cette affirmation, la Cour suprême envisageait la situation où un second fabricant de produits génériques s’appuie sur la présentation d’un premier fabricant de produits génériques qui n’avait pas respecté le paragraphe 5(1) du Règlement. Dans l’arrêt Nu-Pharm, le premier fabricant de produits génériques n’avait pas signifié d’avis d’allégation et n’était pas tenu de composer avec le paragraphe 5(1), puisqu’aucun brevet n’était inscrit à l’égard de son produit de référence canadien.

[70]      Par la suite, dans l’arrêt AstraZeneca, la Cour suprême a soulevé les points suivants, qui sont pertinents en l’espèce :

i.          la Cour a confirmé que le pouvoir réglementaire prévu au paragraphe 55.2(4) de la Loi se limite expressément à empêcher la contrefaçon par un fabricant de produits génériques qui tire parti de l’exception relative aux travaux préalables (motifs [de l’arrêt AstraZeneca], au paragraphe 15);

ii.         lors de l’examen des obligations du fabricant de produits génériques aux termes du paragraphe 5(1) du Règlement AC, l’aspect important de Biolyse était l’insistance sur la nécessité d’interpréter le Règlement « en tenant soigneusement compte des fins limitées » précisées au paragraphe 55.2(4) de la Loi (motifs [de l’arrêt AstraZeneca], au paragraphe 16);

iii.        si Apotex n’avait pas effectué des travaux préalables relativement aux deux brevets inscrits ultérieurement au registre parce qu’ils n’étaient incorporés à aucun produit disponible qu’elle aurait pu copier, il était difficile de voir pourquoi Apotex devrait être assujettie au régime du Règlement à l’égard de ces brevets (motifs [de l’arrêt AstraZeneca], au paragraphe 18);

iv.        un supplément à une PDN peut être déposé soit pour des raisons fondamentales, soit pour des raisons de nature purement administrative (motifs [de l’arrêt AstraZeneca], au paragraphe 19);

v.         l’« ensemble de l’obligation que le Règlement AC impose au fabricant de produits génériques se fonde sur ses “travaux préalables” à l’égard des brevets qu’il incorpore à “une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence” » (motifs [de l’arrêt AstraZeneca], au paragraphe 37);

vi.        en obligeant à tort un fabricant de produits génériques à se conformer au Règlement, on compromet l’équilibre recherché par le législateur entre les objectifs de mettre à la disposition du public des drogues efficaces et non nocives et ceux de prévenir le recours abusif à l’exception à la contrefaçon qui concerne les travaux préalables (motifs [de l’arrêt AstraZeneca], au paragraphe 39).

[71]      En bref, étant donné qu’Apotex n’avait pas utilisé les inventions brevetées décrites aux brevets en cause, elle n’avait pas contrevenu au Règlement AC (AstraZeneca, au paragraphe 38).

[72]      Par la suite, s’appuyant sur l’arrêt AstraZeneca, notre Cour a conclu que le ministre devait essayer de décider si un brevet inscrit avait fait l’objet de travaux préalables avant d’obliger un fabricant de produits génériques à traiter d’un brevet inscrit (Pharmascience Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CAF 183, aux paragraphes 25 et 26).

[73]      Au paragraphe 18 de l’arrêt AstraZeneca, la Cour suprême a affirmé qu’à moins qu’Apotex ait eu l’avantage d’effectuer des travaux préalables relativement à des brevets dont les inventions ont été incorporées dans le produit de référence d’Apotex, il était difficile de voir pourquoi Apotex devait être assujettie au Règlement. Ainsi, la question de savoir si Teva et Hospira avaient effectué des travaux préalables relativement aux brevets en cause était pertinente.

[74]      Ceci est particulièrement pertinent pour Hospira, dont la présentation de drogue faisant un renvoi à celle de Celltrion. En droit, Celltrion n’aurait pu effectuer des travaux préalables relativement à l’invention brevetée de Janssen pour l’infliximab : le brevet ’630 de Janssen avait été délivré et inscrit après que Celltrion eut déposé sa PDN. Hospira n’a pas non plus utilisé l’INFLECTRA de Celltrion comme produit de référence canadien de la manière habituelle en vue de démontrer la bioéquivalence. Le médicament d’Hospira était le médicament de Celltrion.

[75]      Ensuite, je ne suis pas convaincue qu’il n’y a pas lieu d’établir de distinction entre les arrêts Nu-Pharm et les affaires dont était saisie la Cour fédérale.

[76]      À mon avis, les arrêts Nu-Pharm doivent être lus en tenant compte de leur situation factuelle unique. Dans ces affaires, Apotex, le premier fabricant de produits génériques, avait déposé sa présentation de drogue avant l’adoption du Règlement AC. Apotex a ainsi obtenu son AC sans traiter du brevet pertinent. En l’espèce, GMP s’est conformée au Règlement en signifiant un avis d’allégation à Pfizer. L’AC a été délivré à GMP uniquement après que Pfizer eut omis de contester les allégations soulevées par GMP relativement à l’invalidité et à l’absence de contrefaçon. Celltrion n’avait pas l’obligation de traiter de brevet puisqu’aucun brevet n’était inscrit à l’égard du REMICADE. Dans les arrêts Nu-Pharm, notre Cour n’était pas tenue d’examiner la situation d’un deuxième fabricant de produits génériques qui avait été autorisé à vendre le médicament d’un premier fabricant de produits génériques qui s’était conformé au Règlement ou qui n’avait pas à traiter d’un brevet inscrit.

[77]      Par ailleurs, je retiens l’argument selon lequel les arrêts rendus avant Biolyse et AstraZeneca doivent être lus avec prudence. Ainsi, dans l’arrêt Biolyse, on a établi une distinction entre la situation semblable à celle de Nu-Pharm et celle où un fabricant de produits génériques n’avait pas réalisé des travaux préalables relativement à l’invention brevetée (motifs de l’arrêt Biolyse, au paragraphe 65). En outre, toute interprétation du Règlement ne se limitant pas à prévenir la contrefaçon pouvant résulter de l’exception relative aux travaux préalables dépasserait la portée du pouvoir réglementaire conféré par le paragraphe 55.2(4) de la Loi.

[78]      Ensuite, je ne suis pas convaincue que la décision Glaxo est à distinguer pour les motifs exprimés par la Cour fédérale. J’en arrive à cette conclusion pour les motifs suivants.

[79]      Premièrement, je ne suis pas d’accord avec la Cour fédérale que dans la décision Glaxo, « le fabricant de médicaments […] s’était conformé au paragraphe 5(1) du Règlement sur les MBAC et avait signifié un [avis d’allégation] à la société innovatrice qui avait créé le produit avec lequel [il] avait fait une comparaison » (motifs [de la décision Glaxo], au paragraphe 142). Apotex, le fabricant du produit générique, n’avait pas signifié d’avis d’allégation à 3M Canada (dont le produit Airomir avait fait l’objet d’un renvoi dans la présentation de drogue d’Apotex) ou à GlaxoSmithKline (un détenteur de brevet qui alléguait que le produit d’Apotex contenait le même médicament que son produit Ventolin). C’est ce qui ressort clairement du fait qu’Apotex avait conclu un contrat de licence avec la société 3M qui l’autorisait à vendre le produit de 3M sous son propre nom (motifs de la décision Glaxo, au paragraphe 16) et du fait que la Cour fédérale avait déterminé que le ministre avait eu raison de délivrer un AC à Apotex sans exiger qu’elle signifie un avis d’allégation à GlaxoSmithKline (motifs de la décision Glaxo, au paragraphe 72).

[80]      Deuxièmement, je ne suis pas d’accord avec la Cour fédérale que dans la décision Glaxo, la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle la PDN administrative ne mettait pas en cause le Règlement AC était une remarque incidente. Comme en témoigne le paragraphe 73 des motifs de la décision Glaxo, la Cour fédérale ne se fondait sur la comparaison d’Apotex avec le produit de la société 3M que dans l’éventualité où elle faisait erreur dans sa conclusion première selon laquelle le Règlement ne s’appliquait pas à une PDN administrative.

[81]      Le dernier motif exposé par la Cour fédérale à l’appui de sa conclusion selon laquelle Teva avait directement ou indirectement comparé son produit à l’AROMASIN, de sorte que sa présentation de drogue relevait du paragraphe 5(1) du Règlement, était que les décisions interprétant le sens du mot « présentation » à l’article 4 du Règlement ne s’appliquaient pas, car « les préoccupations au sujet du fait qu’une société innovatrice étende ses droits en vertu du Règlement au moyen d’une présentation administrative ne se posent pas en l’espèce » (motifs [de la décision Glaxo], au paragraphe 143). Encore là, je ne puis être d’accord.

[82]      Dans l’arrêt Biolyse, la Cour suprême devait interpréter le mot « présentation » selon la version du paragraphe 5(1.1) du Règlement alors en vigueur. Pour ce faire, la Cour a examiné le paragraphe 4(1) du Règlement, une disposition que la Cour a qualifiée de « disposition réciproque » au paragraphe 5(1.1) de l’époque (arrêt Biolyse, au paragraphe 61). Aux paragraphes 57 à 61, le juge Binnie a écrit :

Le mot « demande » figure à divers endroits dans le Règlement ADC. En particulier, le libellé du par. 4(1) fournit un modèle dont est inspiré le par. 5(1.1). Les termes pertinents du par. 4(1) sont les suivants :

4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d’avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis…

[…] La Cour fédérale a statué de façon constante que le mot « demande » au par. 4(1) ne s’entend pas de toutes les demandes. Il n’inclut pas un supplément à une PDN. (Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 51 (QL) (1re inst.), par. 13, 19 et 21, conf. par [2002] A.C.F. no 96 (QL), 2002 CAF 32; Ferring Inc. c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. no 982 (QL), 2003 CAF 274, par. 18; Toba Pharma Inc. c. Canada (Procureur général), [2002] A.C.F. no 1208 (QL), 2002 CFPI 927, par. 34; AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2004] A.C.F. no 883 (QL), 2004 CF 736, par. 39-40.)

Dans ces affaires, après avoir appliqué une interprétation téléologique, la Cour fédérale a conclu qu’une interprétation du mot « demande » au par. 4(1) qui inclurait toutes les PDN permettrait à des sociétés innovatrices de passer outre aux délais applicables aux listes de brevets par le simple expédient qu’est la présentation d’un supplément à une PDN en vue d’apporter des modifications relatives à la société ou des modifications techniques à leur présentation (Bristol-Myers, par. 19). Pareil résultat serait contraire à l’économie générale du Règlement ADC. À mon avis, cette approche téléologique est la bonne.

Les termes correspondants au par. 5(1.1) sont les suivants :

5 (1.1) … la personne qui dépose ou a déposé une demande d’avis de conformité pour une drogue contenant un médicament …

Le libellé du par. 5(1.1) reproduit fidèlement celui du par. 4(1). Il s’agit d’une disposition réciproque dans le sens où le par. 4(1) crée la liste de brevets que doit contourner la personne soumise au par. 5(1.1). Le paragraphe 5(1.1) devrait donc recevoir une interprétation téléologique semblable. L’interprétation du mot « demande » devrait également permettre d’atteindre les objectifs visés par le par. 55.2(4) de la Loi sur les brevets.

[83]      À mon avis, vu cette analyse, la Cour fédérale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas la jurisprudence qui a interprété le mot « demande » qui apparaissait au paragraphe 4(1) du Règlement lorsqu’elle a interprété le mot « présentation » qui apparaît maintenant au paragraphe 5(1) du Règlement.

[84]      Après avoir rejeté les arguments avancés par la Cour fédérale, je dois trancher la question de savoir si le ministre a décidé de façon raisonnable que les présentations de drogue déposées par Teva et Hospira n’entraînaient pas l’exigence en matière d’avis prévue au paragraphe 5(1) du Règlement.

[85]      Pour commencer, je suis d’accord avec la Cour fédérale qu’il y a plus d’une interprétation raisonnable du paragraphe 5(1) du Règlement (motifs, au paragraphe 56).

[86]      Je retiens l’argument selon lequel l’interprétation téléologique du mot « demande » exposée dans l’arrêt Biolyse appelle un examen de chaque présentation en cause afin de déterminer si elle constitue une présentation déclenchant l’application des articles 4 et 5 du Règlement.

[87]      Ainsi, dans l’arrêt Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CAF 140, [2006] 1 R.C.F. 141, notre Cour a jugé que certaines présentations de drogue échappent à l’application de l’article 4 du Règlement, par exemple les présentations déposées à cause d’un changement de la marque nominative du médicament ou du nom du fabricant du médicament, ou à cause d’un changement des installations de fabrication. La juge Sharlow a écrit au paragraphe 25 que :

[…] Le changement de la marque nominative d’une drogue, du nom du fabricant d’une drogue ou des installations de fabrication ne peut avoir d’influence sur une action potentielle en contrefaçon de brevet concernant un médicament contenu dans la drogue. Rien ne justifie que l’on permette aux titulaires de brevet d’utiliser une telle modification pour renforcer les avantages qu’ils obtiennent en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Donc, un supplément à la présentation de drogue nouvelle ne tombe pas sous le coup de l’application de l’article 4 s’il est déposé afin d’indiquer le changement de la marque nominative d’une drogue, le changement du nom du fabricant ou le changement des installations de fabrication.

[88]      Plus tard, dans l’arrêt Hoffmann-La Roche Ltée c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 335, [2007] 3 R.C.F. 102, notre Cour a conclu qu’un supplément à une PDN déposé uniquement pour indiquer un changement du nom du fabricant du médicament ne justifiait pas une demande d’inscription de brevet. Cette conclusion tenait au fait que [aux paragraphes 37 et 38] :

Le différend entre les parties porte sur la caractérisation de la présentation du 30 avril 1998. D’après l’avocat de Roche, il s’agit d’une présentation de drogue nouvelle et non d’un supplément à la présentation de drogue nouvelle, vu que la présentation avait été déposée dans le but d’obtenir un avis de conformité autorisant Roche à commercialiser le Bondronat pour la première fois. L’avocat du ministre soutient que la présentation du 30 avril 1998 est bien ce qu’elle prétend être, à savoir une présentation « administrative » ou, en d’autres termes, un supplément à la présentation de drogue nouvelle initialement déposée par Boehringer Canada pour indiquer un changement dans le nom de la société qui commercialiserait le Bondronat. Le ministre a considéré la présentation du 30 avril 1998 comme un supplément au sens de l’article C.08.003 du Règlement sur les aliments et drogues, mais pas comme un supplément déclenchant son obligation d’évaluer l’innocuité ou l’efficacité de la drogue.

La caractérisation de la présentation du 30 avril 1998 faite par le ministre est, selon moi, irréprochable. À cette date existait déjà un avis de conformité à l’égard du Bondronat qui avait été délivré à Boehringer Canada. La présentation du 30 avril 1998 signalait le changement de nom projeté de l’entité qui allait commercialiser le Bondronat, ce qui nécessitait un changement dans l’étiquetage pour identifier Roche comme étant la source de la drogue plutôt que Boehringer Canada (voir l’alinéa C.08.003(2)g) du Règlement sur les aliments et drogues).

[89]      Conformément à cette jurisprudence, l’accent devrait être mis sur le médicament lui-même lors de la caractérisation d’une présentation de drogue. La question devrait être celle de savoir si les changements indiqués dans la présentation de drogue donnent lieu à un argument nouveau ou différent permettant de prétendre qu’un produit particulier est une contrefaçon.

[90]      Dans le cas de Teva, GMP détenait un AC qui l’autorisait à vendre des comprimés de MED-EXEMESTANE. La société GMP a ensuite accordé une licence à Teva pour vendre ses comprimés. Cela obligeait Teva à obtenir son propre AC. Teva n’a présenté aucune donnée à l’appui de sa demande. Elle a plutôt attesté que son médicament était identique à la drogue de la société GMP, à l’exception du nom du fabricant et du nom du produit. Elle a également attesté que ce médicament serait fabriqué au même endroit que le médicament de GMP et selon les mêmes spécifications et les mêmes méthodes. Aucun élément de preuve n’étaye l’argument selon lequel Teva a effectué des travaux préalables relativement à l’invention brevetée de Pfizer.

[91]      Dans ces circonstances, je ne peux conclure que l’interprétation du ministre du paragraphe 5(1) du Règlement était déraisonnable. Teva sollicitait l’autorisation de mettre sur le marché un produit identique à celui que GMP était déjà autorisée à commercialiser. Dans ces circonstances, il n’était pas déraisonnable que le ministre refuse de conférer à Pfizer les solides avantages que le Règlement accorde à un innovateur. Pfizer a choisi de ne pas contester l’avis d’allégation de la société GMP. Exiger que Teva signifie un nouvel avis d’allégation à Pfizer pour un produit identique aurait pour effet d’autoriser Pfizer à contester l’avis d’allégation ultérieur de Teva selon son évaluation de la concurrence, soit un élément étranger à la nature du médicament de Teva. Il est important de rappeler que la délivrance d’un AC à Teva ne peut servir de moyen de défense à une action en contrefaçon engagée par Pfizer. Pfizer peut intenter une action en justice si le produit de Teva contrefait son brevet.

[92]      Cette conclusion est, selon moi, conforme à la décision de la Cour fédérale dans Glaxo où, à mon avis, la conclusion de la Cour selon laquelle la présentation de drogue d’Apotex n’avait pas entraîné la nécessité de traiter des brevets inscrits au registre était fondée sur la preuve qu’Apotex avait certifié que tous les aspects de sa présentation étaient identiques à ceux de la présentation de 3M à l’égard d’Airomir, « […] sauf en ce qui concerne un changement dans le nom du fabricant ou du promoteur et/ou dans le nom du produit, et que le produit sera fabriqué au même endroit et selon les mêmes spécifications et les mêmes procédés » (motifs de la décision Glaxo, au paragraphe 20 [soulignement dans l’original omis]).

[93]      Cette conclusion est également conforme au traitement des suppléments aux présentations de drogue en vertu du paragraphe 5(2) du Règlement AC. En vertu de cette disposition, un supplément à une présentation de drogue entraîne la nécessité de traiter des brevets inscrits au registre seulement en cas d’une modification de la formulation, d’une modification de la forme posologique ou d’une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal. Une modification de nature administrative n’entraîne pas la nécessité de traiter des brevets inscrits.

[94]      Pour les mêmes motifs, je conclus que la décision du ministre de la Santé de délivrer un AC à Hospira était raisonnable.

[95]      Celltrion détenait un AC qui l’autorisait à vendre l’INFLECTRA au Canada et la PDN de Celltrion nommait Hospira à titre de distributeur pour l’INFLECTRA. Hospira a ensuite déposé une PDN faisant renvoi à la PDN de Celltrion dans laquelle elle sollicitait l’autorisation de mettre l’INFLECTRA sur le marché. Sa PDN ne comprenait aucune donnée scientifique. Hospira y attestait plutôt que, conformément au contrat de licence, il était convenu que Celltrion ne vendrait plus l’INFLECTRA et elle attestait par ailleurs que, sauf en ce qui concerne le nom du fabricant, tous les aspects de son médicament étaient identiques au produit de Celltrion et que son produit serait fabriqué au même endroit et selon les mêmes spécifications et les mêmes méthodes que celles du médicament de Celltrion.

[96]      Encore une fois, toute contrefaçon du brevet ’630 par Hospira peut faire l’objet d’une action en contrefaçon.

VII.      Conclusion

[97]      Pour ces motifs, j’accueillerais les appels et j’annulerais les décisions de la Cour fédérale.

[98]      Prononçant les jugements que la Cour fédérale aurait dû rendre, j’ordonnerais que la demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Santé introduite par Pfizer à la Cour fédérale dans le dossier T-1703-13 soit rejetée, et que Pfizer paie un mémoire de dépens à Teva et un mémoire de dépens au procureur général et au ministre de la Santé, tant devant notre Cour que devant la Cour fédérale. J’ordonnerais en outre que la demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Santé introduite par Janssen et The Kennedy Trust à la Cour fédérale dans le dossier T-1516-14 soit rejetée, et que Janssen et The Kennedy Trust paient un mémoire de dépens à Hospira et un mémoire de dépens au procureur général et au ministre de la Santé, tant devant notre Cour que devant la Cour fédérale.

Le juge Webb, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Rennie, J.C.A. : Je suis d’accord.

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