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T‑1278‑05

2007 CF 556

Selwyn Pieters (demandeur)

c.

Le procureur général du Canada (défendeur)

et

L’Agent de l’intégrité de la fonction publique (intervenant)

Répertorié : Pieters c. Canada (Procureur général) (C.F.)

Cour fédérale, juge Heneghan—Toronto, 10 octobre 2006; Ottawa, 28 mai 2007.

 Fonction publique — Contrôle judiciaire, en vertu de l’art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, d’un rapport que l’agent de l’intégrité de la fonction publique (l’AIFP) a produit après avoir mené une enquête portant sur des allégations d’actes fautifs à l’égard de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) — L’agent de l’intégrité de la fonction publique a été créé par la Politique sur la divulgation interne d’information concernant des actes fautifs au travail du Conseil du Trésor (la politique) — L’AIFP n’est pas exclu de la définition d’« office fédéral » énoncée à l’art. 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales au motif qu’il n’est qu’une seule personne ou qu’il est visé par l’une des exceptions énoncées dans la définition — À titre d’organisme fédéral d’enquête agissant en vertu d’une politique sur la divulgation du Conseil du Trésor prise en application de la Loi sur la gestion des finances publiques, l’AIFP est un office fédéral qui répond à la définition d’« office fédéral » énoncée à l’art. 2(1) — Toutefois, la décision n’est pas susceptible de contrôle judiciaire en vertu de l’art. 18.1 — Demande rejetée.

 Compétence de la Cour fédérale — Contrôle judiciaire, en vertu de l’art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, d’un rapport que l’agent de l’intégrité de la fonction publique (l’AIFP) a produit après avoir mené une enquête portant sur des allégations d’actes fautifs à l’égard de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) — Le rapport et les recommandations de l’AIFP ne constituaient pas une décision susceptible de contrôle judiciaire parce qu’ils ne lient pas l’administrateur général du ministère visé; ils ne touchaient pas aux droits substantiels du demandeur et n’entraînaient pas de conséquences juridiques.

 Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, d’un rapport que l’agent de l’intégrité de la fonction publique (l’AIFP) a produit après avoir mené une enquête portant sur des allégations d’actes fautifs portées par le demandeur, notamment des allégations de représailles, à l’égard de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR). Pendant la période pertinente, le demandeur travaillait pour la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la CISR à titre d’agent de protection des réfugiés (APR). L’agent de l’intégrité de la fonction publique a été créé en 2001 par la Politique sur la divulgation interne d’information concernant des actes fautifs au travail du Conseil du Trésor (la politique), qui a été adoptée au nom du Conseil du Trésor en vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Dans sa demande, le demandeur sollicitait essentiellement une ordonnance accueillant sa plainte de représailles ou, subsidiairement, une ordonnance renvoyant la plainte de représailles à l’AIFP et une ordonnance enjoignant à l’AIFP de mener une enquête plus poussée.

 En mars 2004, le demandeur a déposé une plainte auprès de l’AIFP concernant 10 actes fautifs qui auraient été commis à la CISR, notamment qu’il avait participé à la rédaction des motifs de décision à la demande de commissaires de la CISR et, dans une affaire où il agissait à titre d’APR, le commissaire n’a pas divulgué au conseil du demandeur d’asile tous les éléments de preuve qu’il a examinés. Par suite de la plainte du demandeur, deux enquêtes ont été menées : la propre enquête de la CISR et l’enquête indépendante du professeur Edward Ratushny sur les cinq premières allégations du demandeur. Il ressort du rapport du professeur Ratushny qu’il y avait eu conduite fautive de la part de commissaires de la CISR et du demandeur. Le rapport a été acheminé à l’AIFP avec les réponses des parties nommées. L’AIFP n’a pas tiré de conclusions défavorables à l’égard des commissaires de la CISR en raison de la compétence restreinte, c.‑à‑d. qu’à titre de personnes nommées par le gouverneur en conseil, les commissaires de la CISR n’étaient pas visés par la politique et ils échappaient donc à la portée de l’enquête de l’AIFP. Celui‑ci a présenté son rapport final et ses recommandations et a essentiellement conclu que même si certaines allégations étaient fondées, la CISR avait pris les mesures voulues pour rétablir la situation. Par la suite, la CISR a licencié le demandeur. Les questions litigieuses étaient celles de savoir si l’AIFP est un « office fédéral » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales et si ses décisions et recommandations formulées en vertu de la politique sont susceptibles de contrôle judiciaire par la Cour fédérale.

Jugement : la demande doit être rejetée.

L’AIFP n’est pas exclu de la définition d’« office fédéral » au motif qu’il n’est qu’une seule personne, ou qu’il est visé par l’une des exceptions énoncées dans la définition. La seule question qu’il fallait trancher afin de déterminer le statut de l’AIFP était celle de savoir si, en menant son enquête et en produisant un rapport final, l’AIFP « exerça[it] ou [était] censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale ». À titre d’organisme fédéral d’enquête agissant en vertu d’une politique sur la divulgation du Conseil du Trésor prise en application de la Loi sur la gestion des finances publiques, l’AIFP est un office fédéral et il répond à la définition d’« office fédéral » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales.

Cependant, la décision et les recommandations contestées n’étaient pas susceptibles de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Pour trancher la question de savoir si le rapport et les recommandations de l’AIFP constituaient une décision susceptible de contrôle judiciaire, il était essentiel de se demander si le rapport et les recommandations touchaient aux droits substantiels d’une partie ou entraînaient des conséquences juridiques. Le préambule de la politique explique que les fonctionnaires doivent établir un équilibre entre leur devoir de loyauté envers leur employeur et l’intérêt public lorsqu’ils utilisent des renseignements gouvernementaux dans la divulgation d’actes fautifs conformément à la politique. Selon la politique, le mandat de l’AIFP est « d’agir à titre d’entité neutre dans les affaires de divulgation interne ». Toutefois, à l’issue du processus, l’AIFP n’est autorisé qu’à faire des recommandations portant sur les conclusions d’actes fautifs. Les recommandations ne lient pas l’administrateur général du ministère visé. Le rapport final et les recommandations de l’AIFP ne déterminent pas les droits substantiels du demandeur ni n’entraînent des conséquences juridiques comme l’exige la jurisprudence et ils ne sont donc pas susceptibles de contrôle judiciaire.

Néanmoins, l’enquête menée par l’AIFP en l’espèce ne satisfaisait pas aux normes de l’équité procédurale. Des représentants de la CISR ont participé étroitement à l’enquête menée par l’AIFP. L’effet cumulatif des diverses communications et courriels laissent planer le doute quant au degré d’impartialité avec lequel cette enquête a été menée.

lois et règlements cités

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6.

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11, art. 11(2)i).

Loi sur le tabac, L.C. 1997, ch. 13, art. 29.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 2(1) « office fédéral » (mod., idem, art. 15), 18 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F‑14, art. 7.

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35.

Règlement no 2001‑14 portant affectation spéciale, DORS/2001‑489.

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228, règle 16.

Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règles 1 (mod. par DORS/2004‑283, art. 2), 303.

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Puccini c. Canada (Directeur général, Services de l’administration corporative, Agriculture Canada), [1993] 3 C.F. 557 (1re inst.); Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), [1995] 2 C.F. 694 (C.A.).

décisions examinées :

Chopra c. Canada (Procureur général), 2005 CF 595; Fennelly c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1291; Jada Fishing Co. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2002 CAF 103; Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146; 2005 CSC 11; Glowinski c. Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 78; Larny Holdings Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 1 C.F. 541; 2002 CFPI 750; Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national—M.R.N.), [1998] A.C.F. no 79 (1re inst.) (QL).

décisions citées :

Endicott c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CF 253; Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548 (C.A.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée [1999] S.C.C.A. no 349 (QL); Girard c. Canada, [1994] A.C.F. no 420 (1re inst.) (QL).

doctrine citée

Canada. Secrétariat du Conseil du Trésor. Politique sur la divulgation interne d’information concernant des actes fautifs au travail, 30 novembre 2001.

Canada. Secrétariat du Conseil du Trésor. Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail, 1er juin 2001.

DEMANDE de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, d’un rapport que l’agent de l’intégrité de la fonction publique a produit après avoir mené une enquête portant sur des allégations d’actes fautifs à l’égard de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.  Demande rejetée.

ont comparu :

Peter M. Rosenthal pour le demandeur.

Michael H. Morris et Joseph Cheng pour le défendeur.

Martine Nantel pour l’intervenant.

avocats inscrits au dossier :

Roach, Schwartz & Associates, Toronto, pour le demandeur.

Le sous‑procureur général du Canada pour le défendeur.

Agent de l’intégrité de la fonction publique pour l’intervenant.

Ce qui suit est la version française des motifs de lordonnance et de lordonnance rendus par

La Juge Heneghan :

I.  Introduction

[1]M. Selwyn Andrew Pieters (le demandeur) sollicite, en vertu de l’article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)], le contrôle judiciaire d’un rapport de l’agent de l’intégrité de la fonction publique (l’AIFP) daté du 23 juin 2005. L’AIFP a produit ce rapport après avoir mené une enquête portant sur des allégations d’actes fautifs portées par le demandeur, notamment des allégations de représailles, à l’égard de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR).

II.  Les parties

[2]Pendant la période pertinente, le demandeur travaillait pour la CISR à titre d’agent de protection des réfugiés (APR). Il a quitté la CISR par la suite.

[3]L’AIFP est une entité créée par la Politique sur la divulgation interne dinformation concernant des actes fautifs au travail du Conseil du Trésor (la politique). La politique a été adoptée au nom du Conseil du Trésor le 30 novembre 2001, en vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11. Par le Règlement no 2001-14 portant affectation spéciale [DORS/2001-489], pris le 6 novembre 2001 et entré en vigueur le 30 novembre 2001, le gouverneur général en conseil a nommé M. Edward Keyserlingk agent de l’intégrité de la fonction publique.

[4]Le procureur général du Canada (le procureur général) est désigné à titre de défendeur dans la présente affaire en vertu de la règle 303 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)] (les Règles).

[5]Par voie de requête datée du 17 mars 2006, l’AIFP a demandé l’autorisation d’intervenir dans la présente instance. Dans une ordonnance datée du 21 mars 2006 [[2006] F.C.J. no 887 (C.F.) (QL)], le protonotaire Lafrenière a accordé à l’AIFP le statut d’intervenant et l’a autorisé à présenter des observations écrites et verbales. L’ordonnance à cet égard prévoit que le dossier de demande de l’AIFP doit être limité aux questions qui relèvent de sa compétence, de son rôle et de son mandat, et la préparation du dossier de l’AIFP conforme à sa procédure et à ses méthodes d’enquête. L’ordonnance précise que l’AIFP ne doit pas traiter du bien‑fondé de la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

[6]Dans la présente demande, le demandeur sollicite la réparation suivante :

1. une ordonnance accueillant sa plainte de représailles ou, subsidiairement, une ordonnance renvoyant la plainte de représailles, accompagnée de directives, à l’AIFP;

2. une ordonnance enjoignant à l’AIFP de mener une enquête plus poussée;

3. une ordonnance lui accordant les dépens de la présente demande sur une base d’indemnisation substantielle.

III.  La genèse de l’instance

[7]Pendant la période pertinente, le demandeur était un APR de la Section de la protection des réfugiés (SPR) au bureau de Toronto de la CISR. La principale fonction de la SPR est de statuer sur les demandes d’asile présentées par des personnes qui sont au Canada. Les demandes d’asile sont tranchées par les commissaires de la CISR, nommés par le gouverneur en conseil. Les commissaires de la CISR sont tenus d’examiner les faits et d’appliquer les règles de droit à l’égard de chaque demande. Ces fonctions sont décrites dans le document publié par la Direction des communications de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, « Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada : Un aperçu ».

[8]Les agents de protection des réfugiés sont des employés de la CISR qui appuient le président de l’audience pendant le processus d’octroi de l’asile. Ils effectuent des recherches, interrogent les demandeurs d’asile et présentent des recommandations aux commissaires. Ils jouent un rôle consultatif, décrit en détails à la règle 16 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228 :

16. L’agent de protection des réfugiés exerce, selon les instructions que lui donne la Section, les fonctions suivantes:

a) l’examen du dossier afin de déterminer les points litigieux soulevés dans une demande d’asile ou dans toute autre affaire;

b) la recherche, l’obtention et la transmission des renseignements;

c) la conduite d’entrevues, la rédaction de rapports et la formulation de recommandations;

d) la participation à des audiences et à des conférences;

e) la présentation de la preuve ainsi que la convocation et l’interrogatoire des témoins;

f)  la présentation d’observations à la Section;

g)  l’accomplissement de toute autre tâche nécessaire à l’examen approfondi d’une demande d’asile ou de toute autre affaire.

[9]Le 10 mars 2004, le demandeur a déposé une plainte auprès de l’AIFP concernant plusieurs actes fautifs qui auraient été commis à la CISR. Il a fait parvenir une copie de sa plainte à la vérificatrice générale du Canada et au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Les allégations, que voici, ont également été rapportées par les médias :

i) Allégations 1‑3 : le demandeur allègue que, dans trois affaires où il agissait à titre d’APR, des commissaires de la CISR sont entrés en contact avec lui et il a participé à la rédaction des motifs de décision.

ii) Allégation 4 : le demandeur allègue que, dans une affaire où il agissait à titre d’APR, le commissaire n’a pas divulgué au conseil du demandeur d’asile tous les éléments de preuve qu’il a examinés.

iii) Allégation 5 : le demandeur allègue qu’il a été traité de manière inopportune lorsqu’il a tenté de présenter certains éléments de preuve au cours d’une audience pendant laquelle il agissait à titre d’APR.

iv) Allégations 6‑10 : le demandeur a formulé diverses plaintes concernant son milieu de travail et son employeur.

La plainte du demandeur est volumineuse : elle est composée d’une lettre de 13 pages et de 155 pages de documents justificatifs.

[10]Dans  l’affidavit déposé au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur précise qu’il a pris un congé de maladie sans solde après avoir présenté sa plainte, soit du 15 mars 2004 jusqu’au 24 juin 2004. Il ajoute que ce congé est devenu un congé sans solde du 26 juin 2004 au 25 juin 2005.

[11]Le demandeur a transmis à l’AIFP une autre lettre datée du 5 avril 2004. Il y fournit des détails supplémentaires concernant les allégations 1 à 5 énoncées dans sa lettre initiale et il mentionne également d’autres présumés actes fautifs. Des documents justificatifs contenus dans deux classeurs à feuilles mobiles ont été déposés comme pièces jointes à la lettre adressée à l’AIFP. Ces documents sont reproduits dans le dossier du tribunal relatif à la présente demande.

[12]Par suite de la lettre du 10 mars 2004 que le demandeur a envoyée à l’AIFP, deux enquêtes ont été menées au sujet de ses allégations d’actes fautifs à la CISR. La CISR a d’abord commandé sa propre enquête. Elle a informé l’AIFP de son intention de mener une enquête sur les allégations du demandeur puis, le 29 mars 2004, l’avocat général par intérim de la CISR a communiqué avec le professeur Edward Ratushny. La CISR a demandé au professeur Ratushny de mener une enquête indépendante sur les cinq premières allégations énoncées dans la lettre du demandeur du 10 mars 2004. La demande d’enquête ne visait pas les allégations 6 à 10 puisqu’il a été décidé qu’elles relevaient des mécanismes de règlement des différends établis par une politique du Conseil du Trésor et la convention collective applicable.

[13]Dans une lettre datée du 2 avril 2004, la CISR a informé le demandeur que le professeur Ratushny mènerait une enquête sur les cinq premières allégations de sa plainte et qu’il rédigerait un rapport exposant ses conclusions. La CISR y expliquait également pourquoi l’enquête ne porterait pas sur les cinq autres allégations du demandeur et invitait celui‑ci à participer à une entrevue avec le professeur Ratushny aux fins de l’enquête.

[14]Le professeur Ratushny a mené son enquête en avril 2004. Il a étendu la portée de son enquête aux allégations additionnelles faites par le demandeur dans sa lettre du 5 avril 2004, laquelle a également été envoyée à l’AIFP et dont copie a été envoyée par courriel au professeur Ratushny. Le professeur Ratushny a interrogé 13 personnes qui avaient un lien avec les allégations du demandeur. Le demandeur a toutefois refusé d’être interrogé par le professeur Ratushny.

[15]Après avoir été informé que le professeur Ratushny mènerait une enquête, le demandeur a écrit dans une lettre datée du 2 avril 2004 qu’il avait pleinement l’intention de collaborer. Par la même occasion, il a exprimé plusieurs points se rapportant à l’enquête proposée, notamment des demandes d’indemnisation pour les coûts qu’il pouvait engager pour la reproduction de documents, les déplacements et les honoraires d’un conseiller juridique. Il a également demandé la possibilité de consulter et de commenter les conclusions de fait préliminaires et [traduction] « un engagement que cette enquête ne donnera pas lieu à un rapport défavorable ou à une conclusion de mauvaise conduite à mon égard à la suite de ma divulgation d’actes fautifs dans la prise de décisions et la rédaction de motifs à la CISR ».

[16]Le professeur Ratushny n’a pas accordé au demandeur l’engagement qu’il demandait et le demandeur a ultérieurement refusé d’être interrogé parce qu’il s’opposait au fait que la CISR ait retenu les services du professeur Ratushny sur une base procureur‑ client.

[17]Le professeur Ratushny a présenté son rapport le 30 avril 2004. S’agissant de la première allégation, il a conclu qu’il y avait eu conduite fautive de la part de deux commissaires de la CISR et du demandeur parce que le demandeur avait participé à la rédaction de motifs. S’agissant de la deuxième allégation, il a estimé qu’il y avait eu conduite fautive de la part d’un commissaire de la CISR et du demandeur. Il a conclu que le commissaire et le demandeur avaient commis une erreur en ne divulguant pas un document utilisé pour la rédaction des motifs. Quant à la troisième allégation, il a estimé qu’il y avait eu conduite fautive de la part du commissaire de la CISR et du demandeur. Il a conclu que le commissaire n’était pas justifié  d’avoir consulté le demandeur au sujet de ses observations avant la rédaction des motifs de sa décision.  Il a déterminé que la quatrième allégation était [traduction] « fondamen-talement improbable ». Quant à la cinquième allégation, il a jugé qu’elle n’était pas pertinente eu égard à la rédaction des motifs et au processus décisionnel. Enfin, il a conclu qu’il n’y avait aucune preuve d’inconduite relativement aux allégations supplémentaires.

[18]De plus, le professeur Ratushny a exprimé des réserves quant à la bonne foi du demandeur.

[19]Le 17 mai 2004, la CISR a envoyé une copie du rapport du professeur Ratushny à l’AIFP. Elle a également demandé aux parties nommées dans le rapport Ratushny de répondre aux conclusions. Le 21 mai 2004, le demandeur a présenté une réponse détaillée à la CISR et a fourni une copie de ses observations à l’AIFP. Il a modifié sa réponse les 22 et 24 mai.

[20]Le 17 juin 2004, la CISR a présenté au demandeur les résultats de son examen du rapport Ratushny et des réponses à celui‑ci et en a fourni une copie à l’AIFP. Le 18 juin, le président de la CISR a fait une déclaration publique concernant les conclusions du rapport Ratushny et les mesures que comptait prendre la CISR en réponse aux conclusions de conduite fautive.

[21]Suivant la publication du rapport Ratushny, l’AIFP a déterminé qu’il existait des [traduction] « motifs suffisants » pour mener une enquête sur les allégations du demandeur.

[22]À cet égard, l’AIFP a examiné la plainte écrite du demandeur, le rapport Ratushny et la réponse du demandeur au rapport Ratushny. Un enquêteur du Bureau de l’intégrité de la fonction publique a rencontré le demandeur le 16 juin 2004. À cette occasion, le demandeur a parlé des allégations qu’il avait soulevées et l’enquêteur a décrit la portée de l’enquête.

[23]Pendant l’enquête, il y a eu désaccord concernant la portée de l’enquête et des lettres ont été échangées à ce sujet. Essentiellement, la CISR a fait valoir que les commissaires de la CISR, à titre de personnes nommées par le gouverneur en conseil et non d’employés du Conseil du Trésor, n’étant pas visés par la politique, ils [traduction] « échappent à la portée » de l’enquête de l’AIFP. Le demandeur n’était pas d’accord avec une telle restriction de la compétence de l’AIFP. Au bout du compte, l’AIFP n’a pas tiré de conclusions défavorables à l’égard des commissaires de la CISR en raison de la compétence restreinte soutenue par la CISR. Toutefois, l’AIFP a précisé qu’il avait néanmoins [traduction] « rencontré certains commissaires, avec le consentement de la CISR, afin d’obtenir des précisions sur les faits entourant les allégations ».

[24]En septembre 2004, l’AIFP a interrogé deux commissaires de la CISR liés aux allégations afin de préciser des faits pertinents. Il a également interrogé le conseiller juridique de la CISR, le superviseur du demandeur et le directeur régional de la CISR. L’AIFP a également rencontré le demandeur en juin 2004, tel que mentionné précédemment, en septembre 2004, en décembre 2004 et en mai 2005. Dans son rapport final, l’AIFP a déclaré ce qui suit :

[traduction] [. . .] a donné à l’employé plusieurs occasions de se faire entendre au moyen d’observations, de rencontres, de correspondance et de conversations téléphoniques concernant les allégations d’actes fautifs et sa plainte de représailles. Au cours de ces divers échanges, l’employé a eu l’occasion de répondre aux questions qui le concernaient puisqu’il a participé directement aux actes fautifs allégués et qu’il était visé par les présumées représailles. Il a notamment eu l’occasion de répondre aux éléments pertinents tirés des observations de la CISR et de l’employé qui constituaient le fondement du rapport préliminaire.

[25]Dans une lettre en date du 26 octobre 2004 adressée à l’enquêteuse principale de l’AIFP, la CISR a décrit les mesures qu’elle avait prises à la suite du rapport Ratushny. Plus particulièrement, la CISR a indiqué que les mesures suivantes avaient été prises :

1. réouverture d’une demande d’asile devant être instruite de nouveau;

2. « mesures administratives valables » prises à l’égard de quatre commissaires de la CISR;

3. courriel transmis au personnel et aux commissaires de la CISR par le président de la CISR et déclaration publique décrivant les résultats du rapport Ratushny et les mesures prises en réponse à ceux‑ci;

4. « efforts considérables » déployés en vue de mettre sur pied une formation sur l’équité, l’indépendance et l’impartialité destinée aux commissaires et aux APR de la CISR;

5. intention de la CISR de revoir ses directives à l’intention des personnes présentes dans une salle d’audience.

[26]Le demandeur a également présenté une plainte de représailles à l’AIFP par courriel le 6 décembre 2004. Il a affirmé que, en raison des allégations d’actes fautifs qu’il avait formulées, certaines personnes à la CISR ont pris des mesures de représailles contre lui. Le 10 décembre 2004, le conseil du demandeur a présenté une version détaillée de la plainte de représailles à laquelle étaient joints des documents justificatifs. L’AIFP a alors rencontré le demandeur, examiné ses observations et discuté de l’enquête en cours.

[27]Le 28 janvier 2005, l’AIFP a présenté un rapport préliminaire d’enquête (le rapport préliminaire) au demandeur et à la CISR. Le demandeur et la CISR ont eu l’occasion de répondre à ce rapport préliminaire. La CISR a présenté sa réponse le 28 février 2005, y soulevant principaleme­nt la question de la compétence de l’AIFP et l’équité procédurale.

[28]Le demandeur a présenté une réponse à l’AIFP le 11 mars 2005, dans laquelle il a traité en détail de chaque conclusion de l’AIFP. Son conseil a présenté d’autres observations le 20 mars 2005 et le demandeur a fourni d’autres commentaires par courriel le 23 mai 2005.

[29]Après l’examen des observations supplémen-taires des parties, l’AIFP a jugé nécessaire de mener d’autres entrevues concernant l’une des allégations de représailles. Ces entrevues ont eu lieu en mai 2005.

[30]Le 23 juin 2005, l’AIFP a présenté son rapport final (le rapport final) au demandeur et à la CISR. Dans une lettre d’accompagnement adressée au demandeur, également datée du 23 juin 2005, l’AIFP a expliqué que le rapport final contenait [traduction] « des changements et des clarifications ainsi que des réponses aux préoccupations que vous et la CISR avez soulevées dans vos observations respectives présentées à l’AIFP concernant son rapport d’enquête préliminaire ». L’AIFP a également expliqué dans la lettre que le rapport final traitait des plaintes de représailles du demandeur.

[31]Les principales conclusions du rapport final présenté par l’AIFP sont les suivantes :

1. Allégation 1 : l’AIFP a jugé l’allégation fondée, mais a conclu que la CISR avait déjà pris les mesures voulues pour rétablir la situation.

2. Allégations 2 et 3 : l’AIFP a jugé les allégations fondées et recommandé que la CISR révise ses procédures et envisage de modifier ses règles ayant trait à la divulgation.

3. Allégation 4 : l’AIFP a conclu que la preuve n’étayait pas l’allégation et affirmé que certains éléments de preuve établissaient plutôt le contraire. L’allégation a été rejetée.

4. Allégation 5 : l’AIFP a jugé inadmissible la preuve qu’avait tenté de déposer le demandeur et l’allégation a été rejetée.

5. Allégations de représailles : les diverses allégations ont été rejetées.

[32]Le 25 juillet 2005, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire concernant le rapport final de l’AIFP. Dans les documents déposés au soutien de sa demande, le demandeur a fourni des détails concernant la mesure disciplinaire prise contre lui. Dans son affidavit daté du 8 septembre 2005, il a déclaré qu’il devait retourner au travail le 27 juin 2005, peu de temps après la publication du rapport final. Il a dit que la CISR lui avait accordé [traduction] « un congé rémunéré de quelques jours ». Le dossier indique qu’à cette époque la coordonnatrice de lutte contre le harcèlement de la CISR menait une enquête sur des plaintes déposées à son bureau concernant le demandeur.

[33]Dans une lettre en date du 10 juin 2005, la coordonnatrice de lutte contre le harcèlement a informé le demandeur de sa conclusion, soit que le demandeur avait harcelé ses collègues et enfreint les règles de confidentialité prévues dans la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail (la politique sur le harcèlement). Dans une lettre datée du 20 juin 2005, la CISR priait le demandeur d’assister à une audience disciplinaire au cours de laquelle il aurait l’occasion de présenter les observations additionnelles qu’il jugeait nécessaires.

[34]Le 24 juin 2005, la CISR a transmis au demandeur une lettre en réaction à un article publié le 22 juin 2005 par la Presse canadienne. Dans cette lettre, la CISR déclarait qu’à son avis la conversation du demandeur avec la Presse canadienne [traduction] « constituait une inconduite grave pour de nombreuses raisons », principalement parce qu’il avait enfreint une exigence de la politique sur le harcèlement en matière de confidentialité, avait fait fi de directives claires en matière de confidentialité provenant de la coordon-natrice de la lutte contre le harcèlement et avait manqué à son obligation de loyauté envers l’employeur en critiquant publiquement la CISR sur la façon dont elle avait traité sa plainte.

[35]Une audience disciplinaire a eu lieu dans les locaux de la CISR le 27 juin 2005. La CISR a fait parvenir ses conclusions et ses décisions au demandeur dans une lettre datée du 8 juillet 2005. Elle a abordé diverses questions préliminaires, notamment l’enregistrement de la séance sollicité par le demandeur, sa demande de reporter l’audience, le fait qu’il avait cherché à connaître l’identité de la personne qui déciderait de l’issue de l’affaire, et la demande de récusation qu’il a ultérieurement présentée au président de l’audience en raison d’une crainte raisonnable de partialité. De plus, la CISR a insisté dans sa lettre sur le fait que le demandeur ne faisait pas l’objet d’une mesure disciplinaire parce qu’il avait divulgué des actes fautifs, qu’il avait déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne ou qu’il avait présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire concernant le rapport final de l’AIFP. Toutefois, la CISR y a souligné que le droit du demandeur d’exprimer ses préoccupations concernant le racisme est encadré par la politique du Conseil du Trésor et qu’il [traduction] « ne pouvait, sous prétexte d’exercer ce droit, harceler ses collègues ».

[36]Après avoir examiné la plainte concernant l’incident de la Presse canadienne, la CISR a conclu que le demandeur serait suspendu sans traitement pendant 10 jours ouvrables. Comme il travaillait seulement à temps partiel, la suspension devait être appliquée pendant la période du 29 juillet 2005 au 22 août 2005. Le demandeur affirme dans son affidavit qu’il a été suspendu sans traitement du 29 juillet 2005 au 31 août 2005 et qu’il a été licencié le 25 août 2005.

IV.  Arguments

[37]Dans son argumentation initiale, le demandeur a abordé la question de la norme de contrôle, la compétence de l’AIFP, le fait qu’il y aurait eu manquement à l’équité procédurale au cours de l’enquête de l’AIFP et les conclusions de fait erronées et arbitraires. Plus particulièrement le demandeur a soutenu que l’enquête de l’AIFP était viciée en raison de la participation directe du conseiller juridique de la CISR à l’enquête et, par ailleurs, que l’AIFP savait, par l’entremise de son conseiller juridique, que cette participation pouvait être vue comme un manquement à l’équité procédurale.

[38]Le défendeur a répliqué aux arguments soulevés par le demandeur. Il a fait valoir que l’enquête de l’AIFP était susceptible d’un contrôle auquel s’appliquent les normes de neutralité et de rigueur, les tribunaux les ayant appliquées dans le cadre de contrôles judiciaires d’enquêtes menées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6. En outre, le défendeur a soutenu que les conclusions de l’AIFP étaient raisonnables et tenaient compte de la preuve dont il disposait.

[39]L’AIFP a mené l’enquête en tenant compte de l’étendue de sa compétence, notamment de son droit de déterminer si les commissaires de la CISR étaient des « employés » aux fins de cette enquête. Il a également décrit les vastes responsabilités que lui confère la politique et a fourni une description générale du cadre dans lequel les enquêtes sont menées. L’AIFP a déterminé que la politique ne prévoyait pas le droit d’être entendu dans le cadre d’une enquête, mais laissait entendre que l’AIFP inviterait toute personne pouvant subir un préjudice à formuler des commentaires.

[40]L’AIFP a également décrit le processus qui serait suivi après la tenue d’une enquête. Il a affirmé qu’un rapport préliminaire est habituellement rédigé pour les enquêtes portant sur des allégations d’actes fautifs et que des copies sont fournies au ministère concerné et aux personnes pouvant subir un préjudicie. Quant aux enquêtes portant sur des allégations de représailles, une copie du rapport préliminaire est fournie au plaignant, au ministère concerné et aux personnes pouvant subir un préjudice. L’AIFP a ajouté que ces parties ont eu l’occasion de présenter des commentaires avant la publication du rapport final et a expliqué qu’il joue un rôle d’enquêteur plutôt que de décideur.

[41]Ni l’une ni l’autre des parties n’a soulevé directement ni abordé la question du statut de l’AIFP à titre d’« office fédéral » tel que défini dans la Loi sur les Cours fédérales [art. 2(1) (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 15)], ou celle de la possibilité d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision rendue en vertu d’une « politique ». Après l’audience du 10 octobre 2007, une directive a été donnée le 12 octobre 2007 afin de donner aux parties l’occasion d’aborder ces questions au moyen d’observations supplémentaires. Chaque partie a déposé des observations supplémentaires sur ces deux questions.

[42]Selon le demandeur, l’AIFP répond à la définition d’« office fédéral » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Pour appuyer sa prétention, il cite les décisions Puccini c. Canada (Directeur général, Services de l’administration corporative, Agriculture Canada), [1993] 3 C.F. 557 (1re inst.), ainsi que Chopra c. Canada (Procureur général), 2005 CF 595.

[43]Le demandeur a également soutenu que la décision prise en vertu de la politique est susceptible de contrôle judiciaire. À l’appui de sa prétention, il cite la décision Fennelly c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1291, laquelle renvoie à la décision de la Cour d’appel fédérale Jada Fishing Co. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2002 CAF 103. Dans la décision Fennelly, le juge Kelen souligne que dans l’arrêt Jada Fishing, la Cour d’appel fédérale a examiné le caractère raisonnable d’une recommandation d’une commission d’appel et son respect des exigences d’équité procédurale. Dans l’arrêt Jada Fishing, la Cour d’appel fédérale a conclu que le rapport et la recommandation de la commission d’appel étaient susceptibles de contrôle.

[44]Le demandeur fait valoir que la politique en cause dans la présente instance est aussi susceptible de contrôle judiciaire. Le demandeur ajoute que la politique en cause a plus de poids que la plupart des [traduction] « simples politiques ». Il soutient que puisque l’AIFP a été nommé par le gouverneur en conseil, celui‑ci a [traduction] « au moins implicite-ment exigé » que l’AIFP respecte les dispositions de la politique. Selon le demandeur, la politique fonctionne comme une loi habilitante et précise la compétence de l’AIFP.

[45]L’intervenant soutient également que l’AIFP répond à la définition d’« office fédéral » énoncée dans la Loi sur les Cours fédérales. De plus, il explique que la politique établit un mécanisme unique au sein de la fonction publique fédérale qui permet aux fonctionnaires de signaler les actes fautifs. Bien que l’AIFP reconnaisse que la politique n’est ni un texte législatif délégué, ni un texte réglementaire délégué et ni une politique adoptée en vertu d’une exigence législative claire, il prétend néanmoins qu’il s’agit d’une directive de la gestion de la fonction publique.

[46]S’appuyant sur cette qualification de la politique, l’intervenant soutient qu’une directive peut être définie ou appliquée au moyen d’un contrôle judiciaire et, à cet égard, il cite la décision Endicott c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CF 253.

[47]L’AIFP soutient que la politique officialise un processus d’enquête sur les divulgations alors qu’il n’existe aucun autre mécanisme juridique visant l’examen indépendant des allégations d’actes fautifs, et qu’il incarne la tentative du gouvernement d’établir l’équilibre entre le besoin de loyauté et celui de permettre la dénonciation dans la fonction publique fédérale. Il décrit la procédure générale à suivre pour enquêter sur une divulgation aux termes de la politique, mais soutient que les plaintes de représailles sont traitées séparément en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35.

[48]L’AIFP renvoie à l’arrêt Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146 et soutient que cet arrêt consacre le principe portant que les tribunaux n’ont aucune compétence, sauf dans le cadre limité du contrôle judiciaire, dans le règlement de conflits de travail régis par des codes complets comme la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Or, il souligne également que le juge Binnie, dans l’arrêt Vaughan, laisse entendre que la dénonciation peut constituer une exception à cette règle générale. Par ailleurs, l’AIFP fait valoir que la décision Glowinski c. Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 78, permet d’affirmer que le tribunal ne devrait pas tenter de concilier des politiques incompatibles et contradictoires du Conseil du Trésor.

[49]En outre, l’AIFP se fonde sur les décisions Larny Holdings Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 1 C.F. 541 (1re inst.) et Jada Fishing pour étayer son argument selon lequel la décision de l’AIFP est susceptible de contrôle judiciaire.

[50]En conclusion, l’AIFP soutient que, même si ses responsabilités ont été créées par une loi administrative, il est tenu, en vertu de la politique, de déposer devant le Parlement un rapport annuel. Il ajoute que cette responsabilité est distincte de celle qui est conférée à d’autres unités administratives aux termes de la politique et que les décisions prises en vertu de la politique sont susceptibles de contrôle judiciaire.

[51]Pour sa part, le défendeur soutient que l’AIFP est un « office fédéral » au sens de la définition du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Toutefois, il ajoute que le rapport final et les recommandations non exécutoires présentés par l’AIFP ne sont pas des questions susceptibles de contrôle en vertu de l’article 18 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26] de la Loi sur les Cours fédérales. À cet égard, le défendeur se fonde sur l’arrêt Jada Fishing et cite également la décision Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national) — M.R.N., [1998] A.C.F. no 79 (1re inst.) (QL). Comme dans la décision Rothmans, le défendeur soutient que le rapport et les recomman-dations de l’AIFP en l’espèce ne sont pas susceptibles d’un contrôle judiciaire parce qu’ils ne portent pas atteinte aux droits substantiels du demandeur.

V.  Analyse et dispositif

[52]La présente affaire vise une enquête menée et un rapport produit par l’AIFP en vertu de la politique. Je souscris aux arguments du défendeur portant que la politique a été adoptée en vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, plus particulièrement l’alinéa 11(2)i). À l’époque pertinente, le paragraphe était ainsi libellé :

11. [. . .]

(2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d’un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

[. . .]

i) réglementer les autres questions, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent paragraphe, dans la mesure où il l’estime nécessaire à la bonne gestion du personnel de la fonction publique.

[53] La politique définit comme suit le terme « divulgation » :

[. . .] une information soulevée, au sein de l’organisation, de bonne foi et sur la base de croyances raisonnables, par un ou plusieurs employés au sujet d’actes fautifs que quelqu’un a commis ou a l’intention de commettre.

[54]Les « actes fautifs » y sont définis comme suit :

[. . .] un acte ou une omission concernant :

a) la violation d’une loi ou d’un règlement;

b) une dérogation au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique;

c) un usage abusif de fonds ou de biens publics;

d) un cas flagrant de mauvaise gestion;

e) une menace grave et particulière pour la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens ou pour l’environnement.

[55]La présente affaire porte sur une décision rendue par l’AIFP. Le bureau de l’AIFP est relativement nouveau et la décision Chopra est la seule autre décision publiée jusqu’à maintenant qui examine son rôle. Toutefois, cette décision ne traite pas du statut de l’AIFP à titre d’« office fédéral » ni du fait qu’une demande de contrôle judiciaire puisse être autorisée à l’égard d’une décision de ce bureau. Pour les motifs énumérés ci‑dessous, je conclus que l’AIFP est un office fédéral. Toutefois, je suis d’avis que la décision et les recommandations contestées ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

[56]En ce qui concerne le statut de l’AIFP, je me reporte à la définition d’« office fédéral » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales :

2. (1)  Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[. . .]

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[57]Cette définition est formulée en termes larges. L’AIFP n’est pas exclu de la définition au motif qu’il n’est qu’une seule personne, ou qu’il est visé par l’une des exceptions énoncées dans la définition. À mon avis, la seule question à trancher afin de déterminer le statut de l’AIFP est de savoir si, en menant son enquête et en produisant un rapport final, l’AIFP « exerça[it] ou [était] censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale ».

[58]Toutes les parties se fondent sur la décision Puccini pour étayer leurs arguments que le bureau de l’AIFP répond à la définition du paragraphe 2(1). Dans cette affaire, la Cour a statué qu’un superviseur qui agit en vertu d’une politique sur le harcèlement du Conseil du Trésor prise en application de la Loi sur la gestion des finances publiques est un office fédéral. La présente affaire soulève une question semblable. Plus particulièrement, il est nécessaire de déterminer si l’AIFP, à titre d’organisme fédéral d’enquête agissant en vertu d’une politique sur la divulgation du Conseil du Trésor prise en application de la Loi sur la gestion des finances publiques, est un office fédéral. À mon avis, il n’existe aucun fondement permettant d’établir une distinction entre la présente espèce et l’affaire Puccini. Je conclus que l’AIFP répond à la définition d’« office fédéral » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales.

[59]Cette conclusion trouve également appui dans l’arrêt Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), 2 C.F. 694, dans laquelle la Cour d’appel a laissé entendre que les termes « pouvoirs prévus par une loi fédérale » devraient recevoir un sens large.

[60]J’examinerai maintenant la deuxième question concernant la compétence de la Cour : celle de savoir si le rapport et les recommandations de l’AIFP constituent une décision susceptible de contrôle judiciaire. Pour répondre à cette question, il est essentiel de se demander si le rapport et les recommandations touchent aux droits substantiels d’une partie ou entraînent des conséquences juridiques.

[61]Dans l’arrêt Jada Fishing, la Cour d’appel fédérale s’est prononcée sur une ordonnance rejetant une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la formation responsable du poisson de fond de la Commission d’appel des permis du Pacifique, adoptée par le ministre des Pêches et des Océans. La décision initiale portait sur les « quotas » individuels de bateau alloués aux appelantes pour leur permis de pêche.

[62]La Cour d’appel a statué que la décision de la formation n’était pas, de par sa nature, susceptible de contrôle parce que la formation  [au paragraphe 12] « n’avait pas cette compétence en vertu de la loi et elle a simplement formulé des recommandations que le ministre était en droit d’accepter ou de rejeter ». En fin de compte, la Cour a examiné les recommandations de la formation, mais seulement afin de déterminer si elles étaient « inexorablement liée[s] » à la décision définitive du ministre rendue en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F‑14.

[63]À mon avis, dans l’arrêt Jada Fishing, la Cour d’appel fédérale a déterminé que les recommandations et le rapport de la formation n’étaient pas susceptibles de contrôle principalement parce qu’ils n’étaient pas visés par les affaires susceptibles de contrôle prévues à l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales. L’observation de la Cour selon laquelle la formation « a simplement formulé des recommandations que le ministre était en droit d’accepter ou de rejeter » constitue l’élément central sur lequel repose sa conclusion que ces recommandations n’étaient pas, en elles‑mêmes, susceptibles de contrôle judiciaire.

[64]Dans la décision Larny Holdings, la Cour a conclu que la décision d’un gestionnaire de Santé Canada était susceptible de contrôle judiciaire étant donné que l’objet de la demande de contrôle judiciaire était une « directive » destinée à l’exploitant d’une chaîne de dépanneurs. La directive en cause énonçait la position prise par Santé Canada, selon laquelle l’article 29 de la Loi sur le tabac, L.C. 1997, ch. T‑13, interdit aux détaillants d’offrir des rabais à l’achat de plusieurs paquets de cigarettes ou de produits du tabac. En affirmant que la décision était susceptible de contrôle, la Cour a souligné qu’une grande gamme de questions sont susceptibles de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales.

[65]Toutefois, la Cour a aussi clairement indiqué que l’étendue des questions susceptibles de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18 de la Loi ne couvre pas toutes les décisions, ordonnances, procédures ou autres actes d’un office fédéral. Elle a plutôt laissé entendre que les décisions et ordonnances qui [au paragraphe 18] « déterminent les droits d’une partie » seront susceptibles de contrôle judiciaire. En ce qui concerne la question dont elle était saisie, la Cour a expliqué aux paragraphes 24 et 25 comment la décision en cause a déterminé les droits d’une partie :

La directive envoyée par les défendeurs est à mon avis coercitive, et son but consiste à menacer le demandeur afin qu’il arrête immédiatement de vendre des multi‑emballages à défaut de quoi une accusation serait portée, et une poursuite au criminel pourrait être intentée. Je suis convaincu que les défendeurs espéraient que se produise ce qui s’est effectivement produit, c’est‑à‑dire que le demandeur arrête de vendre des multi‑emballages afin d’éviter une poursuite au criminel. Comme je l’ai déjà mentionné, la décision du demandeur d’arrêter de vendre des multi‑emballages lui a causé des pertes d’argent.

Je suis donc d’avis que la lettre envoyée par M. Zawilinski constitue une « décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte » et qu’elle est susceptible d’examen par la Cour. Je n’ai également aucune hésitation à conclure qu’en envoyant la directive, M. Zawilinski était un « office fédéral » au sens du sous‑paragraphe 2(1) de la Loi [. . .]

[66]De même, l’issue de la décision Rothmans semble centré sur la question de savoir si la décision en cause touchait de façon significative les droits substantiels de la partie concernée. Cette affaire portait sur une requête visant à faire annuler un avis de requête introductive d’instance, laquelle avait été présentée afin d’obtenir une ordonnance annulant une décision fiscale anticipée rendue par le ministère du Revenu. La Cour était d’avis que la décision fiscale anticipée n’avait pas d’effet significatif sur les droits de la requérante et a déclaré ce qui suit au paragraphe 28 :

La décision anticipée n’a pour effet ni d’accorder ni de refuser un droit, et n’entraîne aucune conséquence juridique [. . .] Juridiquement, ce type de mesure n’a pas pour effet de régler la question et ce n’est d’ailleurs pas son objet. Il s’agit, tout au plus, d’un avis n’ayant aucune force obligatoire. D’ailleurs, rien n’indique qu’un produit correspondant au prototype dont il est question dans la décision anticipée ait été taxé. [Citations omises.]

Au paragraphe 29, la Cour a poursuivi en concluant « que la décision exposée dans la lettre de Revenu Canada n’est pas une “décision” au sens de l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale ».

[67]En l’espèce, la politique a été adoptée en vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques. L’élément central de la politique est exposé dans son préambule qui explique que les fonctionnaires doivent établir un équilibre entre leur devoir de loyauté envers leur employeur et l’intérêt public lorsqu’ils utilisent des renseignements gouvernementaux dans la divulgation d’actes fautifs conformément à la politique. Aux termes de la politique, le mandat de l’AIFP est « d’agir à titre d’entité neutre dans les affaires de divulgation interne ».

[68]Toutefois, à l’issue du processus, l’AIFP n’est autorisé qu’à faire des recommandations portant sur les conclusions d’actes fautifs. Ces recommandations ne lient pas l’administrateur général du ministère visé, lequel détient le véritable pouvoir décisionnel. Le rapport final et les recommandations de l’AIFP ne déterminent pas les droits substantiels du demandeur ni n’entraînent des conséquences juridiques comme l’exige la jurisprudence; ils ne sont donc pas susceptibles de contrôle judiciaire.

[69]Le demandeur a fait valoir que la politique n’a aucune valeur si l’AIFP n’est pas en mesure de donner effet aux résultats d’une enquête sur des actes fautifs commis en milieu de travail. L’utilité ou l’impuissance d’une politique gouvernementale, selon le cas, est un sujet qui échappe au contrôle de la Cour. À cet égard, je renvoie aux décisions Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548 (C.A.), autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [1999] S.C.C.A.  no 349 (QL), et Girard c. Canada, [1994] A.C.F. no 420 (1re inst.) (QL). La présente demande de contrôle judiciaire ne peut donc être accueillie.

[70]Néanmoins, je me demande si l’enquête menée par l’AIFP dans la présente affaire satisfait aux normes de l’équité procédurale. Des représentants de la CISR ont participé étroitement à l’enquête menée par l’AIFP en 2004. La participation active de la CISR est établie par des courriels et des notes de service. À titre d’exemple, voici un courriel daté du 26 mars 2004 que le conseiller juridique de l’AIFP adressait à certains membres du Bureau de l’intégrité de la fonction publique :

Judith,

Tel que discuté, je vous envoie en pièce jointe un résumé de notre (André et moi) conversation téléphonique avec Paul Aterman, avocat général, à la CISR. La façon de faire serait semblable à celle du MAIN, qui est de donner en sous‑traitance l’enquête portant sur les allégations 1 à 5, ce qui permettra à l’AIFP (Judith) de rencontrer l’enquêteur, d’examiner son mandat et d’obtenir un rapport d’étape. Quant aux allégations 6 à 10, j’ai indiqué à M. Aterman que même si M. Pieters avait déposé une plainte de harcèlement et qu’une enquête était menée en vertu de la politique sur le harcèlement, l’AIFP doit quand même rendre une décision sur les allégations de représailles. Ils ont d’abord cru que l’AIFP ne traiterait pas de ces allégations. J’ai mentionné que Judith les examine et qu’elle aura probablement besoin de renseignements supplémentaires de la part de la CISR et de M. Pieters.

[71]Dans un courriel ultérieur, en date du 26 mars 2004, adressé à certains membres du Bureau de l’intégrité de la fonction publique, le conseiller juridique de l’AIFP a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Judith,

Tel que discuté, la CISR doit décider assez rapidement comment elle donnera suite aux cinq premières allégations afin de pallier le manquement à la justice naturelle, le cas échéant. Une fois que les deux parties (l’AIFP et la CISR) se seront entendues sur ce point, nous communiquerons la décision à M. Pieters. À mon avis, nous devrions en discuter à la réunion de lundi prochain.

[72]Le conseiller juridique de l’AIFP a exprimé des inquiétudes concernant l’équité procédurale, tel qu’en fait foi le courriel suivant adressé au directeur exécutif de l’AIFP et à l’enquêteuse principale de l’AIFP le 14 avril 2004 :

[traduction]

Bonjour Judith et Pierre,

Martine et moi avons discuté de la demande de Jean Bélanger, DG, RH, CISR, pour obtenir une copie de la lettre de M. Pieters en date du 5 avril et des pièces jointes. Or, je suis tout à fait d’accord avec Martine qu’il serait dangereux de répondre positivement à cette demande sans avoir préalablement déterminé de la pertinence des documents soumis par M. Pieters dans le cadre de notre enquête. Tout [sic] réponse hâtive à la demande du CIRS [sic] pourrait entacher la crédibilité de l’AIFP. Lorsque la détermination de la pertinence des documents sera établie, par la suite, il faudra considérer si l’AIFP a besoin du consentement de M. Pieters avant de communiquer les documents. Dans certains cas, les règles de justice naturelle et l’équité procédurale nous permettront de passer outre au consentement de M. Pieters, dans d’autres cas, par contre, surtout s’il s’agit d’information personnelle le concernant, son consentement pourrait être requis. Mais nous ne pourrons faire cette détermination que lorsque l’enquête sera plus avancée et suite à un examen de chacun des documents et de l’information qui y est contenue. Ainsi, nous ne soumettons pas notre processus à la volonté de la Commission, un peu comme il fut décidé pour l’enquête du Professeur Ratushny.

[73]Dans un courriel précédent adressé au conseiller juridique de l’AIFP le 29 mars 2004, un enquêteur principal de l’AIFP a écrit ce qui suit :

[traduction]

Avant de conclure une entente avec la CISR, j’aimerais que nous ayons eu l’occasion de nous entretenir avec M. Pieters de ce sujet et de ses autres allégations, si ce n’est que pour établir le contact avec lui et l’entendre un peu. De plus, si nous lui donnons l’impression d’avoir convenu quoi que ce soit avec la CISR, avant d’avoir eu la chance de discuter de son dossier, il pourrait lui sembler que nous n’agissons pas de manière neutre. Je sais que le cirque médiatique ajoute de la pression dans ce genre d’affaires; toutefois, si nous agissons prématurément et ne prenons pas le temps d’examiner les allégations avant d’agir, nous pourrions nous retrouver dans une position vulnérable — c.‑à‑d. qui serait de justifier le bien‑fondé de nos actes ou la décision d’agir au‑delà de nos procédures établies.

[74]En outre, le demandeur a mentionné un courriel daté du 25 mai 2005, de l’AIFP à Mme Judith Buchanan, enquêteuse principale de l’AIFP, qui affirme ce qui suit :

Je n’accepte pas du tout de bonne grâce cette autre réponse de M. Pieters vu qu’il a déjà présenté sa réponse au rapport préliminaire, que nous avons pris en considération tous ces points dans la version finale qui est presque terminée, et qu’il ne reste qu’une question à régler au cours de votre prochain voyage à Toronto.

Je ne suis donc pas disposée à répondre à tous ces points additionnels ni à en tenir compte. Il a déjà eu l’occasion de se faire entendre et nous ne pouvons pas constamment rouvrir son dossier et réviser notre rapport.

Il a déjà pratiquement monopolisé toutes nos ressources limitées pendant des mois et je suis d’avis que le rapport final traite de façon exhaustive et équitable de toutes les questions qui peuvent raisonnablement être jugées pertinentes et qui relèvent de ma compétence.

Voyons voir si nous pouvons terminer le rapport très bientôt avant de recevoir d’autres réflexions, doutes ou questions de sa part.

[75]La frustration exprimée par l’AIFP n’est peut‑être pas, en soi, suffisante pour appuyer une conclusion de manquement à l’équité procédurale. Toutefois, à mon avis, l’effet cumulatif des diverses communications susmentionnées, ainsi que ce courriel, m’amènent à douter du degré d’impartialité avec lequel cette enquête a été menée.

[76]Malgré ces préoccupations, les conclusions susmentionnées sur la compétence sont déterminantes et la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

VI.  Dépens

[77]Si le demandeur et le défendeur ne peuvent s’entendre sur les dépens, ils peuvent présenter de brèves observations sur le sujet selon le calendrier suivant :

i) le demandeur doit signifier et déposer ses observations concernant les dépens dans les deux semaines suivant la date de la présente ordonnance;

ii) le défendeur doit signifier et déposer ses observations concernant les dépens dans les dix jours suivant la réception des observations du demandeur;

iii) le demandeur peut déposer une brève réponse dans les cinq jours suivant la réception des observations du défendeur.

[78]Je n’adjugerai aucuns dépens en faveur de l’intervenant ou contre celui‑ci.

ORDONNANCE

 La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, elles peuvent déposer leurs observations conformément au calendrier établi au paragraphe 77 des motifs de l’ordonnance.

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