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2007 CF 564

T‑551‑07

Sous‑commissaire Barbara George (demanderesse)

c.

Commissaire Beverly Busson et Gendarmerie royale du Canada (défendeur)

et

Procureur général de l’Ontario (intervenant)

T‑580‑07

Sous‑commissaire Barbara George (demanderesse)

c.

Procureur général du Canada et al. (défendeurs)

et

Procureur général de l’Ontario (intervenant)

Répertorié : Canada (Sous‑commissaire, Gendarmerie royale du Canada) c. Canada (Commissaire, Gendarmerie royal du Canada) (C.F.)

Cour fédérale, juge Tremblay‑Lamer—Ottawa, 29 mai 2007.

GRC — Contrôle judiciaire de la décision d’enquêter sur la question de savoir si la demanderesse avait contrevenu au code de déontologie des membres de la GRC et de la décision d’ouvrir une enquête criminelle sur l’allégation selon laquelle la demanderesse s’était parjurée devant un comité parlementaire — La commissaire a enclenché une enquête fondée sur le code de déontologie en application de l’art. 40 de la Loi sur la GRC par suite du témoignage de la demanderesse devant un comité de la Chambre des communes relativement à des allégations de malversations commises aux dépens des régimes de retraite et d’assurance de la GRC — La demanderesse a été suspendue avec rémunération jusqu’à l’issue de l’enquête — La procédure de règlement des griefs de la GRC ne constitue pas un recours suffisant, susceptible de répondre à la question préliminaire de compétence qui est de savoir si l’immunité conférée par le privilège parlementaire fait obstacle à des enquêtes de la GRC censément fondées sur des témoignages produits devant un comité parlementaire — La Cour fédérale n’a pas la compétence requise pour réformer la décision d’un agent de la paix d’entreprendre une enquête criminelle — La demande en vue de faire annuler l’enquête fondée sur le code de déontologie est accueillie en partie et la demande se rapportant à l’enquête criminelle est rejetée.

Droit constitutionnel — Partage des pouvoirs — La demanderesse a affirmé que le témoignage produit devant le Comité des comptes publics est protégé par le privilège parlementaire — Le privilège parlementaire respecte le principe fondamental de la séparation constitutionnelle des pouvoirs —  Il est conçu pour empêcher les tribunaux ou d’autres entités de s’immiscer dans la sphère légitime d’activité du Parlement — La GRC n’avait pas la compétence requise pour enquêter sur l’allégation selon laquelle la demanderesse avait fait un faux témoignage devant le Comité des comptes publics parce que son témoignage était protégé par le privilège parlementaire — L’immunité conférée par le privilège parlementaire fait en sorte que les témoins et les membres du Parlement peuvent parler ouvertement devant le Comité — Le Parlement seul est chargé de sanctionner la conduite du témoin qui induit délibérément la Chambre des communes en erreur.

Compétence de la Cour fédérale — La Cour fédérale n’est pas investie d’une compétence générale ou intrinsèque en matière criminelle — Examen du critère traditionnel de la compétence de la Cour fédérale — La décision d’un officier de la GRC d’enclencher une enquête criminelle contre la demanderesse n’était pas une décision d’un « office fédéral » au sens de l’art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales — Cependant, la Cour fédérale avait la compétence requise pour revoir les décisions de la commissaire de la GRC se rapportant à l’enquête fondée sur le code de déontologie.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — Motifs — Équité procédurale — La décision d’enquêter sur des allégations et de suspendre un officier avec rémunération jusqu’à l’issue de l’enquête n’était pas une décision disciplinaire finale; il s’agissait plutôt d’une décision préliminaire et de nature non judiciaire — Les décisions de nature préliminaire n’appellent aucune obligation d’équité — Les garanties qu’a instituées la GRC suffisaient à remplir les conditions de la justice naturelle — Le critère de la crainte raisonnable de partialité doit être appliqué avec souplesse, s’agissant des enquêtes —  La décideuse n’était pas la personne qui enquête et elle n’était investie d’aucun pouvoir d’infléchir ou de modifier les décisions.

Il s’agissait de demandes de contrôle judiciaire d’une décision prise par la commissaire de la GRC d’enquêter sur la question de savoir si la demanderesse avait contrevenu au code de déontologie des membres de la GRC et de la suspendre avec rémunération pendant cette enquête, et d’une décision prise par le surintendant principal de la GRC d’ouvrir une enquête criminelle sur des allégations faites contre la demanderesse. Cette dernière est une fonctionnaire de carrière de la GRC depuis 29 ans. En février 2007, la demanderesse, la commissaire et d’autres fonctionnaires de la GRC ont comparu devant le Comité permanent de la Chambre des communes sur les comptes publics pour témoigner relativement à l’enquête du Service de police d’Ottawa sur de présumées malversations commises aux dépens des régimes de retraite et d’assurance de la GRC. Un mois plus tard, à la suite de témoignages ultérieurs, la demanderesse a appris qu’elle faisait l’objet d’une enquête interne enclenchée par la commissaire, qui voulait savoir si elle avait contrevenu au code de déontologie de la GRC, et qu’elle était suspendue de la GRC, avec rémunération, en raison de cette enquête. Parmi les motifs donnés à l’appui de sa suspension, il y avait l’allégation selon laquelle la demanderesse avait fait un faux témoignage devant le Comité des comptes publics le 21 février 2007, contrairement au paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988). L’officier de la GRC mandaté pour mener l’enquête disciplinaire interne a décidé d’entreprendre une enquête criminelle parallèle sur l’allégation selon laquelle la demanderesse s’était parjurée. Il s’agissait de savoir si : 1) la procédure de règlement des griefs prévue par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC) offre un recours suffisant pouvant se substituer au redressement demande; 2) le défendeur avait qualité pour entreprendre une enquête criminelle parallèle en se fondant sur des témoignages produits devant le Comité des comptes publics; 3) le défendeur avait qualité pour entreprendre une enquête interne en vertu du code de déontologie en se fondant sur des témoignages produits devant le Comité des comptes publics, et pour suspendre la demanderesse pendant l’enquête; et 4) la demanderesse avait été privée de l’équité procédurale.

Jugement : la demande se rapportant à l’enquête fondée sur le code de déontologie doit être accueillie en partie et la demande se rapportant à l’enquête criminelle doit être rejetée.

1) Si un régime administratif prévoit une procédure rectificative suffisante, un demandeur doit alors épuiser le recours qui lui est ainsi offert avant de contester devant les tribunaux telle ou telle décision administrative. Lorsqu’ils appliquent le principe du recours subsidiaire adéquat, les tribunaux tiennent compte d’une diversité de facteurs, dont la commodité de l’autre recours, la nature de l’erreur et la nature de la juridiction d’appel. La preuve montrait que la procédure de règlement des griefs de la GRC est longue et ne se prête pas à la résolution d’un litige préliminaire distinct portant sur la compétence. Les demandes de contrôle judiciaire en l’espèce n’étaient pas simplement des griefs déguisés qui pouvaient être résolus en application de la Loi sur la GRC. Elles concernaient plutôt la question préliminaire, et distincte, de savoir si l’immunité conférée par le privilège parlementaire fait obstacle à des enquêtes de la GRC censément fondées sur des témoignages produits devant un comité parlementaire. Le champ d’activité embrassé par le privilège relève du pouvoir judiciaire et dépasse la spécialisation de la commissaire. La procédure de règlement des griefs prévue par la Loi sur la GRC ne constitue pas un recours subsidiaire adéquat, susceptible de répondre aux questions posées par la demanderesse.

2) Le surintendant principal de la GRC a décidé de mener une enquête criminelle pour établir si la demanderesse a contrevenu à l’article 131 du Code criminel et à l’article 12 de la Loi sur le Parlement du Canada, c’est‑à‑dire si elle a commis un parjure pendant sa comparution devant le Comité des comptes publics. La Cour fédérale n’a pas la compétence requise pour réformer la décision d’un agent de la paix d’entreprendre une enquête criminelle. La Cour fédérale est une juridiction dont la compétence tout entière procède de la Loi sur les Cours fédérales et qui, contrairement aux juridictions supérieures provinciales, n’est pas investie d’une compétence générale ou intrinsèque en matière criminelle. Le critère traditionnel de la compétence, s’agissant de la Cour fédérale, a été exposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt ITO — International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autres. Selon le premier volet de ce critère, la demanderesse doit prouver une attribution expresse ou implicite de compétence qui autorise la Cour fédérale à annuler une enquête criminelle et à la déclarer invalide. Lorsque des agents de la paix mènent des enquêtes criminelles, ils agissent conformément à des pouvoirs qui procèdent de la common law, indépendamment de toute loi fédérale ou prérogative royale. Autrement dit, la Loi sur la GRC intègre, en leur conférant un fondement légal, des pouvoirs, fonctions et privilèges policiers qui demeurent largement définis par la common law. Les policiers qui mènent des enquêtes criminelles sont indépendants de la Couronne. La décision du surintendant principal de la GRC ne pouvait pas être considérée comme une décision d’un « office fédéral » et, pour cette raison, la Cour fédérale n’avait pas la compétence requise, de par l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, pour réformer sa décision. Même si la Cour fédérale avait la compétence requise, il aurait été inopportun pour elle, vu les circonstances de la présente affaire, et à ce stade prématuré, d’annuler et d’invalider l’enquête criminelle.

3) La Cour fédérale avait la compétence requise pour revoir les décisions de la commissaire de la GRC se rapportant à l’enquête fondée sur le code de déontologie. Le pouvoir de la commissaire de suspendre un officier et d’ouvrir une enquête administrative interne sur la conduite d’un membre procèdent de la Loi sur la GRC elle‑même, et l’exercice de tels pouvoirs est donc susceptible de contrôle judiciaire en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Le privilège parlementaire est l’un des moyens permettant de respecter le principe fondamental de la séparation constitutionnelle des pouvoirs. Il est conçu pour empêcher les tribunaux ou d’autres entités de s’immiscer dans la sphère légitime d’activité du Parlement. Au Canada, le privilège trouve sa source à la fois dans la common law et dans la Loi constitutionnelle de1867, et il a le même statut et le même poids constitutionnels que la Charte. Pour savoir si un privilège existe, il faut d’abord se demander si l’existence et l’étendue du privilège allégué ont été établies péremptoi-rement en ce qui concerne notre Parlement. Le privilège parlementaire est nécessaire pour faire en sorte que les témoins qui comparaissent devant un comité parlementaire puissent parler ouvertement, sans craindre que leurs propos soient utilisés par la suite pour les discréditer dans une autre instance. Si le Parlement a des raisons de croire qu’un témoin a délibérément induit la Chambre des communes en erreur, il appartient alors au Parlement, et au Parlement seul, d’agir et de sanctionner cette conduite. Permettre à une cour de justice ou une autre instance de vérifier si un membre ou un témoin a induit la Chambre des communes en erreur pourrait conduire à un conflit entre deux branches du gouvernement, le genre même de conflit que le principe général du privilège parlementaire a pour objet d’éviter. Les tribunaux empiéte-raient sur la compétence du Parlement.

L’avis de suspension renfermait trois allégations précises faites contre la demanderesse, qui expliquaient pourquoi elle était l’objet d’une enquête et était suspendue. Les première et troisième allégations ne procédaient pas des travaux du comité parlementaire. Dans la mesure où la GRC a la possibilité de mener son enquête sans avoir à s’en rapporter au témoignage produit par la demanderesse devant la Chambre des communes, le privilège parlementaire ne s’applique pas et la GRC est libre d’agir comme bon lui semble, dans les limites du droit et de sa loi organique. À première vue, les première et troisième allégations ne concernaient pas nécessairement le privilège parlementaire et pouvaient être établies sans qu’il faille s’en rapporter aux déclarations faites devant le Comité des comptes publics. Le privilège parlementaire n’est pas une raison valide d’annuler la décision d’enquêter sur les première et troisième allégations faites contre la demanderesse. S’agissant de la deuxième allégation (selon laquelle la demanderesse a fait un faux témoignage devant le Comité de la Chambre), la demanderesse ne pouvait pas être l’objet d’une enquête de la GRC pour avoir délibérément induit en erreur le Comité des comptes publics parce que son témoignage était protégé par le privilège parlementaire. Si une cour de justice ou le commissaire de la GRC décidait d’entreprendre une enquête interne sur un parjure commis devant la Chambre des communes, avant toute décision de la Chambre elle‑même en la matière, il y aurait ingérence dans un domaine sur lequel le Parlement jouit d’une compétence exclusive. Sauf renonciation explicite du Parlement au privilège, il est prématuré pour toute instance extérieure d’enquêter sur une allégation d’outrage à la Chambre des communes. La commissaire de la GRC n’avait pas qualité pour enquêter sur l’allégation selon laquelle la demanderesse avait fait un faux témoignage devant le Comité des comptes publics.

4) La décision d’enquêter sur des allégations et de suspendre un officier avec rémunération jusqu’à l’issue de l’enquête n’est pas une décision disciplinaire finale; il s’agit plutôt d’une décision essentiellement préliminaire et de nature non judiciaire. En règle générale, les décisions de nature préliminaire n’appellent aucune obligation d’équité. Les garanties qu’a instituées la GRC suffisent à remplir les conditions de la justice naturelle. Le critère de la crainte raisonnable de partialité doit être appliqué avec souplesse, s’agissant des enquêtes. La commissaire de la GRC n’était pas la personne qui enquêtait et elle n’était investie d’aucun pouvoir d’infléchir ou de modifier les décisions rendues au regard de l’éventuel grief de la demanderesse. Il n’y avait, à ce stade, aucune raison d’intervenir, si ce n’est pour empêcher la GRC, dans son enquête fondée sur le code de déontologie, d’enquêter sur l’allégation selon laquelle la demanderesse a fait un faux témoignage devant le Comité des comptes publics et d’accuser la demanderesse sur la foi de ce témoignage. Les questions touchant l’équité procédurale, à savoir la crainte de partialité ou l’occasion de s’exprimer, peuvent être examinées dans le contexte de l’instance disciplinaire qui peut suivre, ou de toute demande ultérieure de contrôle judiciaire.

lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 131 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 17).

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.‑U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5].

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R‑10, art. 3, 5 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 2), 9 (mod., idem, art. 4), 12.1 (édicté, idem, art. 7), 31(1) (mod., idem; L.C. 1994, ch. 26, art. 63(F)), 32(1) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 65; 2002, ch. 8, art. 182(1)z.9)), 40 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16), partie III (mod., idem), partie IV (mod., idem).

Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C‑50, art. 1 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21), 23 (mod., idem, art. 29; 2001, ch. 4, art. 47(F)).

Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. (1985), ch. P‑1, art. 12.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 2(1) « office fédéral » (mod., idem, art. 15), 4 (mod., idem, art. 16), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88‑361, art. 39(1) (mod. par DORS/94‑219, art. 15(A)), partie III.

Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règles 1 (mod. par DORS/2004‑283, art. 2), 109, 472.

jurisprudence citée

décisions appliquées :

ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752; R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 R.C.S. 667; 2005 CSC 30.

décisions examinées :

Griffin v. Summerside (City) Director of Police Services (1998), 164 Nfld. & P.E.I.R. 1; 159 D.L.R. (4th) 698; 9 Admin. L.R. (3d) 295 (C.S. (1re inst.) Î.‑P.‑É.); R. v. Metropolitan Police Comr., Ex parte Blackburn, [1968] 1 All E.R. 763 (C.A.); New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle‑Écosse (Président de l’Assemblée législative), [1993] 1 R.C.S. 319; Gagliano c. Canada (Procureur général), [2005] 3 R.C.F. 555; 2005 CF 576; Prebble v. Television New Zealand Ltd., [1995] 1 A.C. 321 (P.C.); Pepper v. Hart, [1993] A.C. 593 (H.L.).

décisions citées :

Prentice c. Canada, [2006] 3 R.C.F. 135; 2005 CAF 395; Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; Letourneau c. Clearbrook Iron Works Ltd., 2005 CF 333; Doe v. Metropolitan Toronto (Municipality) Commissioners of Police (1990), 74 O.R. (2d) 225; 72 D.L.R. (4th) 580; 5 C.C.L.T. (2d) 77; 50 C.P.C. (2d) 92; 1 C.R.R. (2d) 211; 40 O.A.C. 161 (C. div.); Kourtessis c. M.R.N., [1993] 2 R.C.S. 53; ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), [2006] 1 R.C.S. 140; 2006 CSC 4; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; 2003 CSC 19; Stockdale v. Hansard (1839), 112 E.R. 1112 (Q.B.); Hamilton v Al Fayed, [2000] 2 All ER 224 (H.L.); Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653; Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur l’approvisionnement en sang au Canada), [1997] 3 R.C.S. 440; Masters v. Ontario (1994), 18 O.R. (3d) 551; 115 D.L.R. (4th) 319; 27 Admin. L.R. (2d) 152; 72 O.A.C. 1 (C. div.); Beno c. Canada (Commissaire et président de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces armées canadiennes en Somalie), [1997] 2 C.F. 527 (C.A.).

doctrine citée

Bureau du vérificateur général du Canada. Rapport de novembre 2006. Chapitre 9, « L’administration des régimes de retraite et d’assurances—Gendarmerie royale du Canada », en ligne : <http://www.oag‑ bvg.gc.ca/ internet/index.htm>.

Canada. Parlement. Chambre des communes. La procédure et les usages de la Chambre des communes, publié par Robert Marleau et Camille Montpetit. Ottawa : Chambre des communes, 2000.

Maingot, Joseph. Le privilège parlementaire au Canada, 2e éd. Montréal : Presses universitaires McGill‑ Queen’s, 1997.

Roach, Ken. « The Overview : Four Models of Police‑ Government Relations », Documents de recherche commandés par la Commission d’enquête sur Ipperwash, 2007, en ligne : La Commission d’enquête sur Ipperwash <http://www.ipperwashinquiry.ca/ policy_part/meetings/pdf/Roach.pdf>.

DEMANDES de contrôle judiciaire d’une décision prise par la commissaire de la GRC d’enquêter sur la question de savoir si la demanderesse avait contrevenu au code de déontologie des membres de la GRC et de suspendre la demanderesse avec rémunération pendant cette enquête et d’une décision prise par le surintendant principal de la GRC d’ouvrir une enquête criminelle sur des allégations faites contre la demanderesse selon lesquelles elle s’était parjurée devant un comité parlementaire. Demande d’enquête fondée sur le code de déontologie accueillie en partie, demande d’enquête criminelle rejetée.

ont comparu :

David W. Scott, c.r., J. Bruce Carr‑Harris et Jack Hughes pour la demanderesse.

Simon Fothergill pour le défendeur.

John C. Pearson pour l’intervenant.

avocats inscrits au dossier :

Borden Ladner Gervais LLP, Ottawa, pour la demanderesse.

Le sous‑procureur général du Canada pour le défendeur.

Procureur général de l’Ontario, Toronto, pour l’intervenant.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

La juge Tremblay-Lamer :

INTRODUCTION

[1]Les présentes demandes soulèvent la question de l’interdépendance du privilège parlementaire et du pouvoir de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) d’enquêter sur un présumé parjure commis devant un comité parlementaire.

[2]Les présents motifs concernent deux demandes de contrôle judiciaire, dont chacune a été déposée par la sous‑commissaire Barbara George (la demanderesse), de la GRC, conformément à l’article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)] (la Loi sur les Cours fédérales). Les demandes ont été instruites ensemble. Dans la première, la demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de deux décisions prises par la commissaire Beverley Busson (la commissaire Busson), de la GRC, le 30 mars 2007, celle d’enquêter sur la question de savoir si la demanderesse avait contrevenu au code de déontologie des membres de la GRC [partie III du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361] (l’enquête faite en vertu du code de déontologie), et celle de suspendre la demanderesse avec rémunération durant ladite enquête. Dans la seconde, la demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision, prise le 3 avril 2007 par le surintendant principal de la GRC, Robert Paulson (le surintendant principal Paulson), d’ouvrir une enquête criminelle sur des allégations faites contre la demanderesse (l’enquête criminelle). Entre autres recours, la demanderesse prie la Cour d’annuler les deux enquêtes et de les déclarer invalides.

[3]À titre d’observation préliminaire, les parties s’entendent sur le fait que, même si les demandes initiales de contrôle judiciaire indiquaient respectivement pour défendeurs la commissaire Busson et le surintendant principal Paulson, aucune des demandes ne contestait une décision prise par les défendeurs en leur qualité personnelle. Par conséquent, le fait de les dénommer personnellement était contraire à l’article 23 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 29; 2001, ch. 4, art. 47(F)] de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C‑50 [art. 1 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21)], et l’unique défendeur, dans les deux demandes, devrait être le procureur général du Canada. L’intitulé a été modifié en conséquence.

[4]S’agissant du contexte, il convient de noter que les décisions contestées dans ces demandes ont été prises, du moins en partie, en réponse à des allégations faites contre la demanderesse au cours d’audiences parlementaires portant sur des irrégularités constatées par la vérificatrice générale dans l’administration des régimes de retraite et d’assurance de la GRC.

[5]Pour les motifs exposés ci‑après, je suis arrivée à la conclusion que la première demande se rapportant à l’enquête faite en vertu du code de déontologie doit être accueillie en partie, et que la deuxième demande se rapportant à l’enquête criminelle doit être rejetée.

PARTIE I - LES FAITS

[6]La demanderesse est une fonctionnaire de carrière de la GRC depuis 29 ans. En octobre 2003, elle a été nommée agente principale des Ressources humaines et, en cette qualité, elle siégeait à l’État‑major supérieur de la GRC. En juin 2006, elle devenait sous‑commissaire aux Ressources humaines.

[7]Le 21 février 2007, la demanderesse, la commissaire Busson et d’autres fonctionnaires ont comparu comme témoins devant le Comité permanent de la Chambre des communes sur les comptes publics (le Comité des comptes publics), qui avait entrepris son examen du chapitre 9 du Rapport de novembre 2006 de la vérificatrice générale du Canada, chapitre intitulé « L’administration des régimes de retraite et d’assurance —Gendarmerie royale du Canada ».

[8]Durant leur comparution devant le Comité des comptes publics, la demanderesse et les autres témoins de la GRC ont dû répondre à des questions relatives à l’enquête du Service de police d’Ottawa sur de présumées malversations commises aux dépens des régimes de retraite et d’assurance de la GRC.

[9]Après la comparution de la demanderesse, le Comité des comptes publics a décidé d’inviter plusieurs autres témoins à déposer devant lui le 28 mars 2007, notamment le sergent d’état‑major Ron Lewis, le surintendant principal Fraser Macaulay, le sergent d’état‑major Steve Walker et le sergent d’état‑major Michael Frizzell (le groupe de la GRC).

[10]Le 26 mars 2007, deux jours avant la comparution du groupe de la GRC devant le Comité des comptes publics, la demanderesse a été priée de se présenter devant la commissaire Busson pour un entretien privé. Au cours de cet entretien, la commissaire Busson a pressé la demanderesse de renoncer à son poste de sous‑commissaire aux Ressources humaines et de ne plus siéger à l’État‑major supérieur de la GRC.

[11]La demanderesse hésitait à renoncer à son poste puisqu’il n’était pas établi qu’elle s’était rendue coupable d’actes répréhensibles. Cependant, consciente qu’il lui serait impossible, dans ces conditions, de s’acquitter pleinement et efficacement de ses fonctions, elle a finalement accepté de le faire.

[12]Le 27 mars 2007, la demanderesse et la commissaire Busson ont signé une entente écrite officielle qui rendait compte des dispositions arrêtées durant leur tête‑à‑tête de la soirée précédente. Aux termes de l’entente, la demanderesse obtenait à la fois un congé de préretraite et un congé d’études afin de pouvoir terminer sa maîtrise en criminologie à l’Université Simon Fraser.

[13]Le 28 mars 2007, le groupe de la GRC comparaissait devant le Comité des comptes publics. Durant les témoignages produits par le groupe, plusieurs allégations ont été faites contre la demanderesse, à la fois par les témoins membres du groupe et par certains membres du Comité. Ces allégations ont fait la une des médias durant les jours qui ont suivi.

[14]À 13 h 45 le 29 mars 2007, le ministre de la Sécurité publique tenait une conférence de presse télévisée au cours de laquelle il annonçait sa décision d’ouvrir une enquête indépendante sur les allégations faites au cours de la séance du 28 mars 2007 du Comité des comptes publics.

[15]À 16 heures le 29 mars 2007, la commissaire Busson tenait une conférence télévisée pour annoncer qu’elle appuyait la décision du ministre de la Sécurité publique et que la GRC collaborerait pleinement à l’enquête indépendante. Durant cette conférence, la commissaire Busson a expliqué que, même si la demanderesse n’avait pas été démise de ses fonctions, son statut était « en cours d’examen ».

[16]Vers 17 h 30 le 29 mars 2007, à la suite d’une séance à huis clos du Comité des comptes publics, la demanderesse était informée de la décision du Comité de sommer plusieurs témoins, dont elle‑même, de déposer à nouveau devant lui pour répondre aux allégations dont elle avait été l’objet.

[17]Plus tard le soir du 29 mars 2007, la demanderesse apprenait qu’elle serait l’objet d’une enquête interne enclenchée par la commissaire Busson, qui voulait savoir si elle avait contrevenu au code de déontologie de la GRC. La demanderesse fut ensuite informée que, en conséquence de cette enquête, elle serait probablement suspendue de la GRC, avec rémunération.

[18]Le matin du 30 mars 2007, la demanderesse recevait un avis écrit officiel de l’enquête interne enclenchée en vertu du code de déontologie, ainsi que de sa suspension. Parmi les motifs donnés à l’appui de sa suspension, il y avait l’allégation selon laquelle la demanderesse avait fait un faux témoignage devant le Comité des comptes publics le 21 février 2007.

[19]Le 3 avril 2007, le surintendant principal Paulson, l’officier de la GRC mandaté par la commissaire Busson pour mener l’enquête disciplinaire interne, annonçait qu’il avait personnellement décidé d’entreprendre une enquête criminelle parallèle sur l’allégation selon laquelle la demanderesse s’était parjurée devant le Comité des comptes publics.

PARTIE II - POINTS LITIGIEUX

[20]Les points litigieux soulevés dans les présentes demandes de contrôle judiciaire sont les suivants :

a) La procédure de règlement des griefs prévue par la Loi sur la GRC offre‑t‑elle un recours suffisant pouvant se substituer au redressement sollicité dans les présentes demandes?

b) Le défendeur a‑t‑il qualité pour entreprendre une enquête criminelle parallèle en se fondant sur des témoignages produits devant le Comité des comptes publics?

c) Le défendeur a‑t‑il qualité pour entreprendre une enquête interne en vertu du code de déontologie, en se fondant sur les témoignages produits devant le Comité des comptes publics, et  pour suspendre la demanderesse durant l’enquête?

d) La demanderesse a‑t‑elle été privée de l’équité procédurale?

PARTIE III - CONCLUSIONS DES PARTIES

La position de la demanderesse

[21]Selon la demanderesse, le privilège parlementaire dispose que les témoignages produits devant un comité de la Chambre des communes ne peuvent être utilisés contre leurs auteurs dans un procès civil ou criminel ultérieur. Le témoignage produit par la demanderesse devant le Comité des comptes publics le 21 février 2007 est donc protégé par le privilège parlementaire et ne peut pas être utilisé contre elle dans le cadre d’une enquête disciplinaire interne ou d’une enquête criminelle. Selon la demanderesse, la GRC n’a pas qualité pour entreprendre des enquêtes sur des affaires découlant directement de son témoignage devant le Comité des comptes publics.

La position du défendeur

[22]Selon le défendeur, la Cour n’a pas compétence pour accorder à la demanderesse l’essentiel du redressement qu’elle cherche à obtenir. Subsidiairement, la Cour devrait refuser d’exercer la compétence qu’elle peut avoir, au motif que les deux demandes de contrôle judiciaire sont prématurées. D’abord, les recours offerts par la procédure de règlement des griefs, dans les parties III [art. 31 à 36 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16)] et IV [art. 37 à 45.17 (mod., idem)] de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R‑10 (la Loi sur la GRC), sont des substituts adéquats à la procédure de contrôle judiciaire introduite par la demanderesse à l’encontre de l’enquête faite en vertu code de déontologie. Deuxièmement, la Cour fédérale n’a pas la compétence requise pour réformer la décision d’enclencher l’enquête criminelle. Selon le défendeur, il serait sans précédent, et contraire à l’intérêt public, que la Cour s’immisce dans des enquêtes de la GRC et statue sur des questions avant que des mesures disciplinaires ne soient prononcées ou que des accusations ne soient portées. Les difficultés soulevées par la preuve ou par la procédure devraient être résolues à mesure qu’avancent les enquêtes, ou dans des procédures ultérieures.

PARTIE IV - ANALYSE

A. Un recours subsidiaire adéquat

[23]Il faut d’abord se demander si la procédure de règlement des griefs de la GRC offre un recours adéquat pouvant se substituer au redressement sollicité en l’espèce par la demanderesse.

[24]Les deux parties reconnaissent que ce principe ne s’applique pas à la demande de contrôle judiciaire portant sur l’enquête criminelle, parce que la procédure de règlement des griefs décrite dans la Loi sur la GRC n’offre aucune forme de redressement aux personnes visées par une enquête criminelle.

[25]S’agissant de l’enquête faite en vertu du code de déontologie, la demanderesse dit que la procédure de règlement des griefs décrite dans la partie III de la Loi sur la GRC ne constitue pas en l’espèce un recours subsidiaie adéquat, en raison des circonstances particulières en cause, de la longueur et de la complexité de la procédure, enfin de l’inaptitude de cette procédure à satisfaire la demande de redressement. La demanderesse dit aussi que la GRC n’a pas qualité pour mener une enquête sur des sujets qui sont à l’évidence protégés par le privilège parlementaire. Elle se fonde sur le jugement Griffin v. Summerside (City) Director of Police Services (1998), 164 Nfld. & P.E.I.R. 1 (C.S. (1re inst.) Î.-P.-É.), au paragraphe 49, pour affirmer qu’une demande de contrôle judiciaire visant à empêcher une juridiction administrative d’instruire une affaire peut être déposée dès lors que son incompétence apparût clairement.

[26]Le défendeur, quant à lui, soutient que la demande se rapportant à l’enquête faite en vertu du code de déontologie est en réalité un grief déguisé, qui doit être examiné conformément à la partie III de la Loi sur la GRC avant que la Cour fédérale puisse être saisie de l’affaire : voir l’arrêt Prentice c. Canada, [2006] 3 R.C.F. 135 (C.A.F.). Selon lui, vu le stade préliminaire des enquêtes, et puisque la Loi sur la GRC renferme un régime détaillé de règlement des différends surgissant dans le milieu de travail, qui permet de déposer un grief à l’encontre de toute décision, la Cour, devrait se déclarer incompétente.

[27]En règle générale, si un régime administratif prévoit une procédure rectificative suffisante, un demandeur doit alors épuiser le recours qui lui est ainsi offert avant de contester devant les tribunaux telle ou telle décision administrative. Lorsqu’ils appliquent le principe du recour subsidiaire adéquat, les tribunaux tiennent compte d’une diversité de facteurs pour savoir s’ils doivent se saisir de la procédure de contrôle judiciaire ou obliger plutôt le demandeur à se prévaloir d’une procédure d’appel prévue par la loi. Les facteurs en cause comprennent « la commodité de l’autre recours, la nature de l’erreur et la nature de la juridiction d’appel (c.‑à‑d. sa capacité de mener une enquête, de rendre une décision et d’offrir un redressement) » : Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 37. La liste des facteurs n’est pas limitative, et il appartient aux cours de justice, dans les circonstances particulières de l’affaire considérée, d’apprécier les facteurs pertinents.

[28]S’agissant de la commodité de la procédure de règlement des griefs de la GRC, la demanderesse a produit l’affidavit, fait sous serment le 16 avril 2007, du sergent d’état‑major Greg Melvin Nixon, de la GRC (l’affidavit Nixon). L’affidavit Nixon confirme que la procédure de règlement d’un grief peut requérir [traduction] « plusieurs mois, sinon une année, voire davantage », et qu’il ne serait pas possible d’achever [traduction] « ce processus en quelques semaines ». Le défendeur n’a pas contesté cette affirmation. Selon moi, cette preuve montre clairement que la procédure légale de règlement des griefs est longue et ne se prête pas à la résolution d’un litige préliminaire distinct portant sur la compétence.

[29]Comme je l’explique plus loin, l’erreur alléguée dans la présente affaire est une erreur de compétence, qui dépasse la spécialisation de la commissaire. Je rejette l’argument du défendeur selon lequel cette demande de contrôle judiciaire n’est rien de plus qu’un grief déguisé qui pourrait être résolu en application de la Loi sur la GRC. Pour l’heure, la Cour n’examine pas le fondement factuel de la suspension de la demanderesse, ni la question de savoir s’il était opportun de la relever de ses fonctions. Les présentes demandes de contrôle judiciaire concernent plutôt la question préliminaire, et distincte, de savoir si l’immunité conférée par le privilège parlementaire fait obstacle à des enquêtes de la GRC censément fondées sur des témoignages produits devant un comité parlementaire. La présente affaire concerne le champ d’activité embrassé par le privilège, et elle relève ultimement du pouvoir judiciaire. La demanderesse devrait donc pouvoir faire trancher la question dès le départ par la Cour fédérale, la décision rendue ayant alors l’autorité de la chose jugée, sans être contrainte de se soumettre à une longue, et peut‑être inutile, procédure d’appel interne : voir les motifs concourants du juge La Forest dans l’arrêt Matsqui, au paragraphe 107.

[30]Je relève au passage que, à tout le moins, les conclusions de la Cour indiqueront aussi à la GRC la voie à suivre en ce qui concerne ses droits et obligations, et ce, que les présentes demandes soient accueillies ou non.

[31]Vu la longue procédure interne de règlement des griefs que prévoit la Loi sur la GRC, le gaspillage possible des ressources de la demanderesse et de la GRC, enfin la nature de l’erreur alléguée, à savoir l’incompétence, je suis d’avis que la procédure de règlement des griefs ne constitue pas un recours subsidiaire adéquat, susceptible de répondre aux questions posées par la demanderesse en l’espèce.

B. Enquête criminelle

a.             Intervention du procureur général de l’Ontario

[32]Le 26 avril 2007, le procureur général de l’Ontario (PGO) a déposé une requête pour être autorisé à intervenir dans la présente instance, conformément à la règle 109 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)], au motif que son intervention permettrait de répondre aux points de droit se rapportant à l’enquête criminelle.

[33]Après avoir entendu ses observations, je suis d’avis que le PGO a un intérêt légal et constitutionnel dans la présente instance, surtout au regard des liens de la présente instance avec le système de justice pénale, et que sa participation aiderait la Cour à trancher les questions liées à l’enquête criminelle. La requête en intervention est accueillie, et le procureur général de l’Ontario sera ajouté à l’intitulé de la cause, en tant qu’intervenant.

b.             Compétence de la Cour fédérale pour statuer sur une demande de contrôle judiciaire présentée au cours d’une enquête criminelle de la GRC

[34]Il n’est pas contesté entre les parties que l’objet de l’enquête criminelle actuellement menée par le surintendant principal Paulson est de dire si la demanderesse a contrevenu à l’article 131 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 17] du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, et à l’article 12 de la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. (1985), ch. P‑1, durant sa comparution devant le Comité des comptes publics le 21 février 2007. Les deux dispositions en cause sont ainsi formulées :

 Code criminel

131. (1) Sous réserve du paragraphe (3), commet un parjure quiconque fait, avec l’intention de tromper, une fausse déclaration après avoir prêté serment ou fait une affirmation solennelle, dans un affidavit, une déclaration solennelle, un témoignage écrit ou verbal devant une personne autorisée par la loi à permettre que cette déclaration soit faite devant elle, en sachant que sa déclaration est fausse.

Loi sur le Parlement du Canada

12. Quiconque, étant interrogé dans le cadre de la présente partie, fait délibérément un faux témoignage encourt les peines prévues en cas de parjure.

[35]La demanderesse adopte, à l’égard de l’enquête criminelle, la même position qu’à l’égard de l’enquête au titre du code de déontologie, c’est‑à‑dire que, selon elle, l’enquête criminelle sur le parjure qu’elle aurait commis au cours de son témoignage devant le Comité des comptes publics constituerait une violation du privilège parlementaire et serait donc illégale.

[36]Le défendeur soutient d’abord qu’il n’est pas évident que la décision d’un agent de la paix prise au cours d’une enquête criminelle soit même susceptible d’un contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Deuxièmement, même si la décision d’un agent de la paix d’enclencher une enquête criminelle est susceptible de contrôle judiciaire, le défendeur soutient que les tribunaux devraient hésiter à s’immiscer dans les pouvoirs d’enquête dont la police est généralement investie.

[37]L’intervenant va même plus loin. Le PGO soutient que la décision du surintendant principal Paulson de se livrer à une enquête concernant la demanderesse ne relève pas de la justice et que celui qui est visé par une enquête criminelle ne peut pas demander à une cour de justice d’interrompre l’enquête. Par conséquent, la Cour fédérale n’a pas compétence pour déclarer invalide l’enquête criminelle instituée par le surintendant principal Paulson, ou pour interdire son enquête. Le défendeur et l’intervenant soutiennent tous deux que, lorsque le surintendant principal Paulson décide d’enclencher une enquête criminelle, il agit en sa qualité d’agent de la paix, non en sa qualité de représentant d’un organisme public. L’indépendance d’un policier, lorsqu’il agit en sa qualité d’enquêteur criminel, est une règle essentielle, qui forme un élément du principe de la primauté du droit et qui procède de la nécessité pour les agents de la paix de pouvoir librement enquêter sur de présumés agissements criminels, sans craindre une ingérence du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif.

[38]J’incline à partager l’avis du défendeur et de l’intervenant en ce qui concerne l’enquête criminelle. Je ne suis pas persuadée que la Cour fédérale a la compétence requise pour réformer la décision d’un agent de la paix d’entreprendre une enquête criminelle. La Cour fédérale est une juridiction dont la compétence tout entière procède de la Loi sur les Cours fédérales et qui, contrairement aux juridictions supérieures provinciales, n’est pas investie d’une compétence générale ou intrinsèque en matière criminelle : voir le jugement Letourneau c. Clearbrook Iron Works Ltd., 2005 CF 333, au paragraphe 9. La Cour fédérale est investie d’une certaine compétence en matière criminelle (voir par exemple l’article 4 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 16] de la Loi sur les Cours fédérales et la règle 472 des Règles des Cours fédérales), mais cette compétence est circonscrite par des dispositions légales expresses ou implicites.

[39]Le critère traditionnel de la compétence, s’agissant de la Cour fédérale, a été exposé par le juge McIntyre dans l’arrêt ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autres, [1986] 1 R.C.S. 752, à la page 766 :

1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[40]Selon le premier volet du critère de l’arrêt ITO, la demanderesse doit prouver une attribution expresse ou implicite de compétence qui autorise la Cour fédérale à annuler une enquête criminelle et à la déclarer invalide.

[41]La demanderesse a sollicité, en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, le contrôle judiciaire de la décision du surintendant principal Paulson d’ouvrir une enquête criminelle. Les recours prévus par l’article 18.1 ne sont possibles que pour les décisions d’« un office fédéral ». L’expression « office fédéral » [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 15] est définie ainsi au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales :

2. (1) [. . .]

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. [Non souligné dans l’original.]

[42]Il faut donc se demander si la décision du surintendant principal Paulson d’ouvrir une enquête criminelle concernant la demanderesse signifiait qu’il exerçait des pouvoirs qui lui étaient conférés par une loi fédérale. Les articles 5 [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 2] et 9 [mod., idem, art. 4] de la Loi sur la GRC donnent des indications sur le sujet. Ils sont formulés ainsi :

5. (1) Le gouverneur en conseil peut nommer un officier, appelé commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, qui, sous la direction du ministre, a pleine autorité sur la Gendarmerie et tout ce qui s’y rapporte.

[. . .]

9. Les officiers ont qualité d’agent de la paix partout au Canada, avec les pouvoirs et l’immunité conférés de droit aux agents de la paix, au même titre que les personnes désignées comme telles en vertu du paragraphe 7(1), jusqu’à leur renvoi ou leur congédiement de la Gendarmerie dans les conditions prévues par la présente loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ou jusqu’à l’expiration ou la révocation de leur nomination.

[43]La demanderesse a laissé entendre à l’audience que, par ces articles, le Parlement a conféré des pouvoirs policiers aux officiers de la GRC et que les articles en cause suffisent donc à faire relever de la compétence de la Cour fédérale en matière de contrôle judiciaire la décision du surintendant principal Paulson.

[44]Je ne partage pas cet avis. Je reconnais que les pouvoirs d’agents de la paix sont conférés aux officiers de la GRC dans la Loi sur la GRC, mais il est néanmoins bien établi que, lorsque des agents de la paix mènent des enquêtes criminelles, ils agissent conformément à des pouvoirs qui procèdent de la common law, indépendam-ment de toute loi fédérale ou prérogative royale. Autrement dit, la Loi sur la GRC intègre, en leur conférant un fondement légal, des pouvoirs, fonctions et privilèges policiers qui demeurent largement définis par la common law : Doe v. Metropolitan Toronto (Municipality) Commissioners of Police (1990), 74 O.R. (2d) 225 (C. div.).

[45]La Cour suprême du Canada a clairement défini, dans l’arrêt R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565, la relation entre la police et le pouvoir exécutif lorsque la police s’applique à faire respecter la loi. Le juge Binnie, rédigeant l’arrêt unanime, écrivait ce qui suit au paragraphe 27 :

Un policier qui enquête sur un crime n’agit ni en tant que fonctionnaire ni en tant que mandataire de qui que ce soit. Il occupe une charge publique qui a été définie à l’origine par la common law et qui a été établie par la suite dans différentes lois. Dans le cas de la GRC, l’une de ces lois pertinentes est maintenant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R‑10.

[46]À certaines fins, la GRC pourrait se trouver dans une position de mandataire par rapport à la Couronne, mais, lorsqu’un officier de la GRC est chargé d’une enquête criminelle, il est indépendant du pouvoir exécutif : arrêt Campbell, au paragraphe 31. C’est la raison pour laquelle les policiers qui enquêtent sur des actes criminels ne bénéficient pas de l’immunité d’intérêt public propre à la Couronne : arrêt Campbell, au paragraphe 27. En bref, lorsqu’ils enquêtent sur des crimes, les agents de la paix ne sont pas soumis à des directives politiques; ils sont plutôt responsables envers la loi et, sans aucun doute, envers leur conscience : arrêt Campbell, au paragraphe 33.

[47]Pour conclure ainsi à l’indépendance de la police, la Cour suprême, au paragraphe 33 de l’arrêt Campbell, a cité, en les approuvant, les propos tenus par lord Denning dans l’arrêt R. v. Metropolitan Police Comr., Ex parte Blackburn, [1968] 1 All E.R. 763 (C.A.), à la page 769 :

[traduction] Je n’ai toutefois aucune hésitation à conclure que, comme tous les policiers du pays, il [le commissaire de police] devrait être indépendant de l’exécutif, et qu’il l’est effectivement. Il n’est pas soumis aux ordres du Secrétaire d’État, à l’exception du fait que, en vertu de la Police Act 1964, ce dernier peut lui demander de produire un rapport et de quitter ses fonctions dans l’intérêt de la bonne administration. Je considère qu’il est du devoir du commissaire de police, et de tout chef de police, de faire respecter les lois du pays. Il doit affecter ses hommes de manière à résoudre les crimes pour que les honnêtes citoyens puissent vaquer à leurs occupations en paix. Il doit décider si des suspects seront poursuivis ou non; et, s’il le faut, porter des accusations ou faire en sorte qu’elles soient portées; mais, dans tout cela, il n’est le serviteur de personne, sauf de la loi elle‑même. Aucun ministre de la Couronne ne peut lui ordonner de surveiller ou de ne pas surveiller tel endroit, ou lui ordonner de poursuivre ou de ne pas poursuivre une personne. Aucune autorité policière ne peut non plus lui donner un tel ordre. C’est à lui qu’il incombe de faire respecter la loi. Il est redevable envers la loi, et seulement envers elle. [Soulignement ajouté par le juge Binnie.]

[48]Le principe qui découle de la jurisprudence susmentionnée et selon lequel les policiers qui mènent des enquêtes criminelles sont indépendants de la Couronne est étayé par le récent commentaire du pro-fesseur Ken Roach dans « The Overview : Four Models of Police‑Government Relations », Documents de recherche commandés par la Commission d’enquête sur Ipperwash (2007), en ligne : La Commission d’enquête sur Ipperwash <http ://www. ipperwashinquiry.ca/ policy_part/meetings/pdf/ Roach.pdf>. À la page 76 de son article, le professeur Roach conclut que, même si une vive controverse subsiste à propos du champ de l’indépendance policière au‑delà du domaine des enquêtes criminelles, [traduction] « on semble de plus en plus s’accorder à dire que la police devrait être à l’abri des directives politiques lorsqu’elle mène des enquêtes criminelles ».

[49]Eu égard à la jurisprudence et au commentaire ci‑dessus, je ne suis pas persuadée que la décision du surintendant principal Paulson d’entreprendre une enquête criminelle contre la demanderesse peut être validement considérée comme une décision d’un « office fédéral » et que, pour cette raison, la Cour fédérale a la compétence requise, de par l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, pour réformer sa décision.

[50]Au reste, même si la Cour fédérale avait la compétence requise pour annuler une enquête criminelle, je suis encore moins persuadée qu’elle serait l’instance la plus indiquée pour statuer sur la contestation, par la demanderesse, de l’enquête instituée par le surintendant principal Paulson. L’annulation d’une enquête criminelle est en réalité une question de procédure criminelle, un domaine dans lequel, en raison de leur compétence intrinsèque en la matière, les juridictions supérieures provinciales ont acquis une spécialisation et des connaissances plus étendues que celles des Cours fédérales. Les Cours fédérales n’ont pas coutume de se hasarder dans un espace qui relève pour l’essentiel de la procédure criminelle : voir l’arrêt Kourtessis c. M.R.N., [1993] 2 R.C.S. 53, le juge La Forest, page 84. Si la GRC devait déposer des accusations criminelles contre la demanderesse et que l’affaire devait déboucher sur un procès criminel, la Cour n’entendrait pas les témoins ni ne rendrait la décision ultime. Les facteurs qui entrent en ligne de compte dans le système de justice criminelle diffèrent de ceux qui concernent la fonction principale des Cours fédérales, c’est‑à‑dire statuer sur les questions de nature administrative ou civile et sur d’autres aspects intéressant plus particulièrement le niveau fédéral : arrêt Kourtessis c. M.R.N., le juge La Forest, à la page 84.

[51]Comme je l’explique plus loin, le privilège parlementaire est un principe important du droit cana-dien, non moins important que celui de l’indépendance de la police. Les deux principes contribuent d’une manière non négligeable à préserver le degré requis de séparation entre les divers pouvoirs de l’État. Tous deux visent à protéger des sphères particulières de pouvoir, et tous deux font partie intégrante du fonctionnement de notre démocratie constitutionnelle. Cependant, vu les limites assignées au pouvoir de la Cour de trancher des questions de nature criminelle et d’accorder à la demanderesse le recours qu’elle sollicite, la sagesse commande à la Cour de ne pas s’immiscer dans le pouvoir discrétionnaire de la GRC de mener une enquête criminelle.

[52]Cela ne veut pas dire que la demanderesse serait sans recours dans un procès criminel ultérieur. Il est clair que toute question se rapportant au privilège parlementaire reste posée et que la recevabilité des preuves qui émanent directement du témoignage de la demanderesse devant le Comité des comptes publics devra être examinée à mesure que se déroulera l’enquête criminelle. Le droit canadien offre un système perfectionné de freins et contrepoids destiné à protéger les droits des suspects et des accusés. Le droit de la preuve dit ce qui peut être utilisé contre un accusé dans un procès criminel. Une personne visée par une enquête policière a les droits et libertés qui lui sont garantis par la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe  B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11, (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], et, lorsqu’elle est accusée d’une infraction, les protections procédurales prévues par le Code criminel soutiennent les droits qui lui sont conférés par la Charte.

[53]Pour résumer, je refuse de réformer la décision du surintendant principal Paulson au motif que, même si la Cour a la compétence requise, il serait inopportun pour elle, vu les circonstances de la présente affaire, et à ce stade prématuré, d’annuler et d’invalider l’enquête criminelle.

C. L’enquête interne faite en vertu du code de déontologie

[54]Outre la demande se rapportant à l’enquête criminelle, la demanderesse sollicite aussi le contrôle judiciaire de deux décisions de la commissaire Busson rendues le 30 mars 2007 : 1) sa décision, en application du paragraphe 40(1) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16] des dispositions de la Loi sur la GRC relatives aux mesures disciplinaires, d’enclencher une enquête interne sur les allégations selon lesquelles la demanderesse aurait contrevenu au paragraphe 39(1) [mod. par DORS/94-219, art. 15(A)] du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88‑361 (le Règlement de la GRC); et 2) sa décision de suspendre la demanderesse, avec rémuné-ration, conformément à l’article 12.1 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 7] de la Loi sur la GRC et aux dispositions du chapitre XII.5.D du Manuel d’administration, et ce, jusqu’à l’issue de l’enquête faite en vertu du code de déontologie.

[55]Contrairement à l’enquête criminelle, il n’est pas sérieusement contesté que la Cour a la compétence requise pour revoir les décisions de la commissaire Busson se rapportant à l’enquête faite en vertu du code de déontologie. Manifestement, le pouvoir de la commissaire de suspendre un officier et d’ouvrir une enquête administrative interne sur la conduite d’un membre procèdent de la Loi sur la GRC elle‑même, et l’exercice de tels pouvoirs est donc susceptible de contrôle judiciaire en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

a.            Norme de contrôle applicable

[56]La première question soulevée dans la demande concerne l’étendue du privilège parlementaire. Plus exactement, il s’agit de savoir si ce privilège prive la GRC du pouvoir de mener une enquête interne sur les allégations de parjure, entre autres allégations, faites contre une sous‑commissaire de la GRC, en se fondant sur le témoignage qu’elle a produit devant un comité de la Chambre des communes.

[57]Selon moi, il s’agit là d’une pure question de droit, qui fait intervenir la séparation des pouvoirs, et c’est donc la norme de la décision correcte qui est ici la norme de contrôle à appliquer. La Cour n’est astreinte à aucune déférence envers la décision de la commissaire Busson d’ouvrir une enquête interne en vertu du code de déontologie et de suspendre la demanderesse en attendant l’issue de ladite enquête, dans la mesure où telles décisions concernent le privilège parlementaire. Je suis arrivée à cette conclusion après examen des quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, aux paragraphes 29 à 38. En l’occurrence, trois des quatre facteurs militent nettement en faveur d’une norme de contrôle plus rigoureuse. Même lorsque des questions font intervenir des moyens déclinatoires, comme c’est le cas ici, on ne saurait faire l’impasse sur l’analyse pragmatique et fonctionnelle : arrêt ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), [2006] 1 R.C.S. 140, au paragraphe 23.

1. Clause privative : Le paragraphe 32(1) [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 65; 2002, ch. 8, art. 182(1)z.9)] de la Loi sur la GRC prévoit que la décision du commissaire concernant un grief est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur les Cours fédérales, n’est pas susceptible d’appel ou de révision en justice. La force de la clause privative est amoindrie par la mention explicite de la possibilité pour la Cour d’exercer un contrôle judiciaire, mais le sens général du paragraphe 32(1) commande une certaine déférence.

2. Spécialisation relative : S’agissant de la spécialisation relative, la déférence s’impose uniquement lorsque le décideur est d’une certaine manière plus spécialisé que la Cour et que la question à trancher  entre dans le champ de cette spécialisation : Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 28. Comme je l’ai dit plus haut, le point capital à décider dans la présente affaire est de savoir en quoi l’immunité offerte par le privilège parlementaire influe sur une enquête interne de la GRC découlant, du moins en partie, de la déposition d’un témoin devant un comité parlementaire. Il s’agit là principalement d’une question de droit qu’il appartient à la Cour de trancher. Elle fait intervenir la séparation des pouvoirs et elle s’écarte des champs essentiels de spécialisation de la GRC. Puisque la Cour justifie, sur cette question, d’une spécialisation plus étendue que celle du commissaire, le second facteur signale une norme de contrôle plus rigoureuse.

3. Objet du texte législatif et de la disposition en cause : La nature de la question à trancher, c’est‑à‑dire l’interdépendance du privilège parlementaire et du pouvoir d’enquête de la GRC, correspond assez peu à l’objet général de la Loi sur la GRC, qui est de constituer une force de police pour le Canada (article 3), et l’examen des décisions de la commissaire Busson ne requiert pas un exercice polycentrique de mise en balance. Les dispositions particulières en matière de griefs qui sont mises en jeu dans le présent contrôle judiciaire visent plutôt la résolution d’un différend entre un membre de la GRC et la commissaire (paragraphe 31(1) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16; L.C. 1994, ch. 26, art. 63(F)]). Étant donné que ce mécanisme légal de règlement des différends est assimilable au modèle judiciaire, ce facteur commande lui aussi une déférence moindre.

4. La nature de la question : Comme je l’ai dit plus haut, la question à trancher est une pure question de droit. Ce facteur donne lui aussi à penser que la présente affaire justifie une déférence moindre.

b.             Privilège parlementaire

i. Le droit

[58]Le privilège parlementaire est l’un des moyens permettant de respecter le principe fondamental de la séparation constitutionnelle des pouvoirs : Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 R.C.S. 667, au paragraphe 21. Le principe est conçu pour empêcher les tribunaux ou autres entités de s’immiscer dans la sphère légitime d’activité du Parlement. Au Canada, le privilège trouve sa source à la fois dans la common law et dans la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]] qui appelle à « une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume‑Uni ». Avant la Confédération, et sauf attribution expresse du Parlement du Royaume‑Uni, le principe de common law était bien établi : les  privilèges  qui  étaient   nécessairement accessoires aux travaux d’une assemblée législative étaient réputés exister : J. P. Maingot, Le privilège parlementaire au Canada, 2e édition (Montréal : Presses universitaires McGill-Queen’s, 1997), à la page 16. Aujourd’hui, le privilège a le même statut et le même poids constitutionnels que la Charte : arrêt Vaid, au paragraphe 34.

[59]À propos de la tradition historique du privilège parlementaire, la juge McLachlin, qui n’était pas encore juge en chef, s’exprimant pour les juges majoritaires dans l’arrêt New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle‑Écosse (Président de l’Assemblée législative), [1993] 1 R.C.S. 319, écrivait ce qui suit, aux pages 378 et 379 :

Il est accepté depuis longtemps que, pour exercer leurs fonctions, les organismes législatifs doivent bénéficier de certains privilèges relativement à la conduite de leurs affaires. Il est également accepté depuis longtemps que, pour être efficaces, ces privilèges doivent être détenus d’une façon absolue et constitutionnelle; la branche législative de notre gouvernement doit jouir d’une certaine autonomie à laquelle même la Couronne et les tribunaux ne peuvent porter atteinte.

[60]Le juge Binnie, rédigeant l’opinion unanime de la Cour suprême, résumait ainsi le critère juridique du privilège parlementaire, dans l’arrêt Vaid, au paragraphe 46 :

Pour justifier la revendication d’un privilège parlementaire, l’assemblée ou le membre qui cherchent à bénéficier de l’immunité qu’il confère doivent démontrer que la sphère d’activité à l’égard de laquelle le privilège est revendiqué est si étroitement et directement liée à l’exercice, par l’assemblée ou son membre, de leurs fonctions d’assemblée législative et délibérante, y compris leur tâche de demander des comptes au gouvernement, qu’une intervention externe saperait l’autonomie dont l’assemblée ou son membre ont besoin pour accomplir leur travail dignement et efficacement.

[61]La première chose que doit faire un tribunal canadien pour savoir si un privilège existe ou non consiste à se demander si l’existence et l’étendue du privilège allégué ont été établies péremptoirement en ce qui concerne notre Parlement : arrêt Vaid, au paragraphe 39. Certaines catégories, comme la liberté de parole à la Chambre et le pouvoir disciplinaire du Parlement à l’endroit de ses membres, sont depuis longtemps reconnues comme des catégories de privilèges, justifiées par les impératifs du travail parlementaire : arrêt Vaid, au paragraphe 29.

[62]En l’espèce, un témoin qui a déposé devant le Comité des comptes publics entend invoquer le privilège parlementaire pour empêcher la GRC de la soumettre à une enquête sur la foi du témoignage qu’elle a produit devant ce comité. Selon la demanderesse, le privilège qu’elle invoque s’accorde parfaitement avec la catégorie et l’étendue du privilège récemment reconnu par la Cour dans le jugement Gagliano c. Canada (Procureur général), [2005] R.C.F. 555 (C.F.). Dans cette affaire, j’étais arrivée à la conclusion que le pouvoir d’empêcher le contre‑interrogatoire de témoins fondé sur des dépositions obtenues au cours de travaux antérieurs du Parlement entrait dans le champ du privilège parlementaire parce que ce pouvoir était nécessaire au fonctionnement du Parlement.

[63]Je n’entends pas examiner dans le détail les motifs du jugement Gagliano, mais il convient de faire ressortir certaines des principales raisons d’être de l’immunité conférée aux dépositions d’un témoin devant un comité parlementaire. D’abord, même si les témoins qui comparaissent devant un comité parlementaire ne sont pas des membres du Parlement, ils ne sont pas non plus des étrangers à la Chambre. Ils sont plutôt des invités à qui est conféré le privilège parlementaire parce que, comme pour les membres, le privilège est nécessaire pour faire en sorte qu’ils soient en mesure de parler ouvertement, sans craindre que leurs propos soient utilisés par la suite pour les discréditer dans une autre instance : jugement Gagliano, au paragraphe 77. On retrouve ici l’idée plus générale selon laquelle [traduction] « ce qui se passe ou se dit dans l’enceinte de l’une ou de l’autre des assemblées ne devrait pas être assujetti à un examen ailleurs » : Stockdale v. Hansard (1839), 112 E.R. 1112 (Q.B.), à la page 1191. Vu l’importance primordiale de la Chambre des communes en tant que « grand enquêteur de la nation », il est fondamental que les membres, de même que les témoins, ne soient pas empêchés de dire pleinement et librement ce qu’ils ont à dire : Prebble v. Television New Zealand Ltd., [1995] 1 A.C. 321 (P.C.).

[64]Deuxièmement, sans le pouvoir de protéger les témoins, la fonction d’enquête exercée par le Parlement serait gravement compromise, puisque les témoins seraient moins disposés à parler : jugement Gagliano, au paragraphe 83.

[65]Finalement, si le Parlement a des raisons de croire qu’un témoin a délibérément induit la Chambre en erreur, il appartient alors au Parlement, et au Parlement seul, d’agir et de sanctionner cette conduite. Le fait d’induire la Chambre en erreur constitue un outrage à la Chambre, punissable par la Chambre : si une cour de justice ou une autre instance était autorisée à vérifier si un membre ou un témoin a induit la Chambre en erreur, cela pourrait conduire à un conflit entre deux branches du gouvernement, le genre même de conflit que le principe général du privilège parlementaire a pour objet d’éviter. Les tribunaux empiéteraient sur la compétence du Parlement : arrêt Pepper v. Hart, [1993] A.C. 593 (H.L.); arrêt Hamilton v Al Fayed, [2000] 2 All ER 224 (H.L.).

ii. Les décisions de la commissaire Busson

[66]Dans sa lettre adressée à la demanderesse le 30 mars 2007, la commissaire Busson écrit qu’elle a décidé d’ouvrir une enquête en vertu du code de déontologie, en application de l’article 40 de la Loi sur la GRC, à la suite du témoignage produit par la demanderesse devant le Comité des comptes publics le 21 février 2007, et du témoignage produit par le groupe de la GRC le 28 mars 2007.

[67]L’avis officiel de suspension, lui aussi daté du 30 mars 2007, informait la demanderesse que, conformé-ment à l’article 12.1 de la Loi sur la GRC, elle était suspendue avec rémunération, jusqu’à l’issue de l’enquête. L’avis renfermait aussi trois allégations précises faites contre la demanderesse, qui expliquaient pourquoi elle était l’objet d’une enquête et était suspendue. Les allégations étaient les suivantes :

[traduction]

1.             Le 19 septembre 2003 ou vers cette date, à Ottawa, en Ontario, ou dans les environs, vous vous êtes conduite d’une manière honteuse, qui pourrait jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Au cours d’un entretien avec le surintendant principal Fraser Macaulay, vous lui avez dit qu’il se trouvait seul sur son île et que les autres ne diraient pas la vérité. Vous lui expliquiez qu’il fallait qu’il soit naïf pour penser que tout le monde le soutiendrait dans ce genre de situation. Cela est contraire au paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988).

2.             Le 21 février 2007, durant une comparution devant le Comité permanent des comptes publics, à Ottawa, en Ontario, ou dans les environs, vous vous êtes conduite d’une manière honteuse, qui pourrait jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en faisant un faux témoignage, contrevenant ainsi au paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988).

3.             Entre le 21 février 2007 et le 28 mars 2007, à Ottawa, en Ontario, ou dans les environs, vous vous êtes conduite d’une manière honteuse, qui pourrait jeter le discrédit sur la Gendarmerie, parce que, sachant que vous aviez été mêlée, directement ou indirectement, au renvoi du sergent d’état‑major Mike Frizzell, et sachant que j’avais entrepris, en ma qualité de commissaire de la GRC, de communiquer au Comité permanent des comptes publics tous les renseignements se rapportant au renvoi du sergent d’état‑major Frizzell, vous avez négligé de m’informer, moi qui suis votre supérieure hiérarchique, de ce qui précède. La non‑divulgation de l’étendue de votre rôle a fait qu’une réponse incomplète a été donnée au Comité. Le fait pour vous de ne pas avoir révélé l’étendue de votre rôle est contraire au paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988).

[68]La partie demanderesse invoque l’argument général selon lequel le choix de la commissaire Busson de notifier ses décisions aux médias et aux autres membres de la GRC [traduction] « a été extrêmement préjudiciable pour la demanderesse », compte tenu des enquêtes entreprises par le Parlement et par le ministre. Malheureusement, je crois que cet argument va trop loin. En réponse, je dirais simplement que la décision de suspendre un officier avec rémunération jusqu’à l’issue d’une enquête est essentiellement une décision qui ne comporte ni jugement ni mesure disciplinaire : voir Griffin v. Summerside (City) Director of Police Services, au paragraphe 30. Il s’agit d’une décision préliminaire de vérifier des allégations de fait, et cette décision ne présume pas la culpabilité. Par ailleurs, les présumées malversations concernant les régimes de retraite et d’assurance de la GRC faisaient évidemment partie du domaine public avant que la commissaire n’annonce publiquement la suspension de la demanderesse. Le Comité des comptes publics a entrepris ses audiences publiques sur le rapport de la vérificatrice générale le 21 février 2007.

[69]Selon le défendeur, les première et troisième allégations ne procèdent pas des travaux du comité parlementaire et, puisqu’elles viennent de sources autres que des témoignages produits devant la Chambre, elles ne vont pas à l’encontre du privilège parlementaire. Par conséquent, la GRC devrait être libre d’enquêter sur ces allégations.

[70]Je partage cet avis. Le privilège parlementaire ne va pas jusqu’à empêcher toutes autres instances d’enquêter parallèlement sur des affaires dont la Chambre est également saisie. Il empêche plutôt d’autres instances d’obliger des membres du Parlement ou des témoins ayant comparu devant des comités à répondre de déclarations faites dans l’accomplissement de leurs fonctions à la Chambre. Par conséquent, dans la mesure où la GRC a la possibilité de mener son enquête sans avoir à s’en rapporter au témoignage produit par la demanderesse devant la Chambre, le privilège parlementaire ne s’applique pas et la GRC est libre d’agir comme bon lui semble, dans les limites du droit et de sa loi organique.

[71]Sans m’exprimer sur la manière dont l’enquête pourrait se dérouler et sur les questions qui pourraient à l’avenir surgir entre les parties, je suis d’avis, à ce stade, que, à première vue, les première et troisième allégations faites contre la demanderesse par la commissaire Busson ne concernent pas nécessairement le privilège parlementaire. Autrement dit, je suis d’avis que ces allégations peuvent être établies sans qu’il faille s’en rapporter à des déclarations faites devant le Comité des comptes publics. Au reste, les allégations semblent justifier amplement l’enquête faite en vertu du code de déontologie, ainsi que la suspension avec rémunération qui en a résulté.

[72]Vu ce qui précède, je suis d’avis que le privilège parlementaire n’est pas une raison valide d’annuler la décision d’enquêter sur les première et troisième allégations faites contre la demanderesse. Il n’y a pas non plus de raison d’annuler la décision de suspendre la demanderesse avec rémunération.

[73]Je passe maintenant au deuxième fondement énuméré de l’enquête faite en vertu du code de déontologie, à savoir l’allégation selon laquelle la demanderesse a fait un faux témoignage devant le Comité de la Chambre.

[74]La demanderesse dit qu’elle ne peut pas être l’objet d’une enquête de la GRC pour avoir délibérément induit en erreur le Comité des comptes publics, et cela parce que son témoignage est protégé par le privilège parlementaire. Elle dit qu’il y a une analogie entre le fait pour la GRC d’enquêter à son sujet pour des déclarations qu’elle a faites devant le Comité des comptes publics, et le fait pour la police d’enquêter sur la possible déloyauté d’un membre du Parlement devant la Chambre des communes.

[75]Je partage l’avis de la demanderesse. Contrairement aux autres allégations, qui peuvent être établies à partir de preuves autres que des témoignages produits devant la Chambre, le seul moyen de prouver, dans une enquête interne faite en vertu du code de déontologie, que la demanderesse a fait un faux témoignage devant un comité parlementaire est d’utiliser les déclarations prétendument fausses comme charges contre la demanderesse. Le privilège parlementaire s’y oppose.

[76]Comme je l’ai dit plus haut, l’une des principales raisons d’être de l’immunité conférée aux témoins, ainsi qu’aux membres du Parlement, est de faire en sorte qu’ils puissent s’exprimer ouvertement et librement devant un comité sans craindre que ce qu’ils disent soit plus tard invoqué contre eux. Autrement dit, pour que le Parlement s’acquitte de ses fonctions de délibération et d’enquête avec dignité et efficacité, il est nécessaire que les témoins qui comparaissent devant les comités de la Chambre aient l’assurance que leurs témoignages seront à l’abri de remises en question ultérieures par des instances extérieures à la Chambre. Lord Brown‑ Wilkinson, au nom de la Chambre des lords et du Comité judiciaire du Conseil privé, avait mis cette idée en relief dans l’arrêt Prebble v. Television New Zealand Ltd. [à la page 334], où il écrivait que la raison d’être du privilège parlementaire est :

[traduction] […] de veiller autant que possible à ce qu’un membre de la législature et les témoins devant les comités de la Chambre puissent parler librement sans craindre que ce qu’ils disent sera plus tard retenu contre eux devant les cours. L’intérêt public important protégé par un tel privilège est de veiller à ce que, au moment de parler, le membre ou le témoin ne soit pas empêché de déclarer pleinement et librement ce qu’il a à dire. S’il existait des exceptions permettant de contester par la suite ses déclarations, in ne saurait pas, au moment de parler au Parlement, si ce qu’il dit ferait par la suite l’objet d’une contestation. Il n’aurait donc pas la confiance que le privilège vise à protéger. [Non souligné dans l’original.]

[77]La raison d’être qu’est la « liberté de parole » devient encore plus incontournable dans le cas présent parce que, lorsque la demanderesse a reçu avis le 30 mars 2007 qu’elle était l’objet d’une enquête de la GRC fait en vertu du code de déontologie, elle avait déjà été sommée de témoigner à nouveau devant le Comité des comptes publics. En fin d’après‑midi le 29 mars 2007, la demanderesse fut informée qu’elle devait comparaître à nouveau comme témoin devant le Comité au cours de la semaine du 16 avril 2007. Pour compliquer encore les choses, plus tôt la journée du 29 mars 2007, le ministre de la Sécurité publique annonçait sa décision d’ouvrir une enquête indépendante sur des allégations faites contre la demanderesse par le groupe de la GRC. La demanderesse a alors appris, le 3 avril 2007, que, outre les autres enquêtes, elle était maintenant l’objet d’une enquête criminelle parallèle. Par conséquent, même avant que la demanderesse ne doive se présenter à nouveau devant le Comité des comptes publics pour répondre à des questions portant sur ses déclarations antérieures, elle savait qu’elle était l’objet d’au moins trois enquêtes distinctes, chacune se rapportant à son témoignage du 21 février 2007.

[78]Selon moi, ces circonstances font naître immédiatement deux interrogations. D’abord, les autres enquêtes empêchent manifestement la demanderesse d’avoir confiance de pouvoir parler librement et ouvertement durant sa nouvelle comparution devant le Comité, ce qui a pour effet d’amoindrir la capacité du Comité d’accomplir efficacement sa fonction d’enquête. D’après le paragraphe 108(3) du Règlement de la Chambre des communes, le Comité des comptes publics a pour mandat de revoir les comptes publics du Canada et tous les rapports du vérificateur général du Canada, et de présenter des rapports à leur sujet. Les audiences se rapportant aux régimes de retraite et d’assurance de la GRC constituent une réponse directe au rapport de la vérificatrice générale de novembre 2006. Le témoignage produit par la demanderesse durant sa comparution devant le Comité des comptes publics le 21 février 2007 est donc directement relié à la fonction du Comité consistant à demander des comptes au gouvernement. Si les témoins n’ont pas la certitude que les propos qu’ils tiennent devant un comité de la Chambre seront à l’abri d’une remise en question ailleurs, alors leur sentiment de vulnérabilité risque fort de les empêcher de parler ouvertement. Il en résultera évidemment une réduction de l’efficacité des audiences des comités parlemen-taires : jugement Gagliano, au paragraphe 78.

[79]La deuxième interrogation est que, comme je l’ai dit plus haut, il n’appartient pas aux tribunaux ou à d’autres instances, sauf la Chambre des communes, de dire si le Parlement a été induit en erreur. Le fait d’induire le Parlement en erreur est une violation du code du comportement parlementaire, une violation susceptible d’être sanctionnée par le Parlement : arrêt Hamilton v Al Fayed, à la page 231. Lorsqu’un comité de la Chambre des communes a des raisons de croire qu’un témoin lui a menti, la pratique parlementaire et les précédents parlementaires dictent la procédure à suivre : voir R. Marleau et C. Montpetit, éditeurs, La procédure et les usages de la Chambre des communes (Chambre des communes, 2000). Lorsque la GRC a ouvert ses enquêtes, aucune des mesures procédurales requises n’avait été prise par la Chambre des communes. Si une cour de justice ou le commissaire de la GRC décidait d’entreprendre une enquête interne sur un parjure commis devant la Chambre, avant toute décision de la Chambre elle‑même en la matière, alors il y aurait ingérence dans un domaine sur lequel le Parlement jouit d’une compétence exclusive.

[80]Par ailleurs, puisque le Parlement a qualité pour enquêter sur la conduite de la demanderesse parce qu’elle a induit la Chambre en erreur, et a le pouvoir de sanctionner sa faute, et puisqu’il peut encore le faire, toute enquête de la GRC sur l’allégation selon laquelle la demanderesse a fait un faux témoignage devant le Comité des comptes publics risque de se solder par des décisions contradictoires rendues par deux branches du gouvernement et portant sur la même question. Deux décisions contradictoires sur la même question, rendues par deux branches du gouvernement, équivaudraient à une ingérence de la GRC dans l’autonomie du Parlement. C’est précisément ce que le privilège vise à éviter. Comme l’écrivait lord Brown‑Wilkinson dans l’arrêt Pepper v. Hart, [citant Prebble] à la page 634 : [traduction] « Le fait d’induire la Chambre en erreur constitue un outrage à la chambre punissable par celle-ci : si on devait également permettre à une cour de décider si un membre ou un témoin avait induit la chambre en erreur, il y aurait un sérieux risque de décisions contradictoires sur la question ».

[81]L’un des principaux arguments du défendeur dans cette demande de contrôle judiciaire est qu’il est prématuré pour la Cour de dire si le privilège parlementaire est applicable ici, et que l’affaire devrait être examinée à mesure qu’avance l’enquête. Je ne suis pas de cet avis. Il semble qu’il ne serait dans l’intérêt d’aucune des parties de laisser couver une question préliminaire indépendante, relevant par ailleurs du pouvoir judiciaire, jusqu’à ce que soit épuisée la procédure de règlement du grief. D’ailleurs, à mon avis, si une mesure a été prononcée prématurément dans les circonstances de la présente affaire, ce fut la décision de la commissaire Busson d’enquêter sur la demanderesse en se fondant sur les déclarations faites par celle‑ci devant la Chambre, et cela avant la clôture du témoignage de la demanderesse devant le Comité des comptes publics, et avant que le Parlement ne renonce au privilège et ne retire sa protection. Sauf renonciation explicite du Parlement au privilège, il est prématuré pour toute instance extérieure d’enquêter sur une allégation d’outrage à la Chambre.

[82]Eu égard à ce qui précède, je suis d’avis que la commissaire Busson n’avait pas qualité pour enquêter sur l’allégation selon laquelle la demanderesse avait fait un faux témoignage devant le Comité des comptes publics.

D. Équité procédurale

[83]Dans son argumentation orale, la demanderesse a dit qu’elle n’a pas bénéficié de l’équité procédurale parce qu’on ne lui a pas donné l’occasion de s’exprimer avant d’être suspendue de ses fonctions.

[84]Dans ses conclusions écrites, la demanderesse disait que l’enquête interne de la GRC est viciée parce qu’elle suscite une crainte raisonnable de partialité. La principale inquiétude de la demanderesse semble être le fait que la commissaire interviendra directement dans l’enquête interne, à titre de témoin qui sera interrogé par le surintendant principal Paulson, l’officier même qu’elle a mandaté pour conduire l’enquête. Si le surintendant principal Paulson se trouve devant deux versions contradictoires des faits, ce qui n’est pas improbable, il sera contraint de choisir entre la version de la demanderesse et celle de la commissaire. Vu que la commissaire est la supérieure hiérarchique du surintendant principal Paulson, la structure de l’enquête est viciée et l’impartialité de toute éventuelle recommandation est mise en péril.

[85]Selon le défendeur, une suspension provisoire avec rémunération jusqu’à la clôture d’une enquête n’est pas une décision disciplinaire, et le niveau d’équité procédurale qui est requis à ce stade est nettement moindre que durant la procédure de règlement d’un grief, procédure qui pourrait suivre toute recomman-dation défavorable faite à l’encontre de la demanderesse.

[86]Le défendeur dit aussi que l’argument de la demanderesse touchant la partialité est mal formé, pour les raisons suivantes. D’abord, la demanderesse n’a pas bien compris le niveau d’impartialité auquel sont astreints les enquêteurs, un niveau qui n’atteint pas la norme appliquée aux arbitres. Deuxièmement, le défendeur relève que la demanderesse n’a produit aucune preuve pouvant laisser craindre une partialité, si ce n’est la manière dont les allégations de l’avis de suspension étaient formulées. Troisièmement, les conclusions de la demanderesse ne tiennent pas compte des garanties procédurales contre l’ingérence de la commissaire, garanties qui sont intégrées dans la structure de l’enquête et la procédure de règlement des griefs. La commissaire a nommé le surintendant principal Paulson conformément aux pouvoirs qu’elle tient de la loi, mais elle n’est pas celle qui enquête ni celle qui décide dans une instance disciplinaire qui pourrait en résulter, et elle ne conserve aucun pouvoir de modifier la décision disciplinaire finale qui sera rendue par un arbitre. Ces garanties ont été expliquées dans l’affidavit de Louise Morel, fait sous serment le 16 avril 2007 et produit par le défendeur. Mme Morel est la directrice générale des relations entre les employés et la direction, à la GRC.

[87]Je partage l’avis du défendeur. Comme je l’ai dit plus haut, la décision d’enquêter sur des allégations et de suspendre un officier avec rémunération jusqu’à l’issue de l’enquête n’est pas une décision disciplinaire finale; il s’agit plutôt d’une décision essentiellement préliminaire et de nature non judiciaire. En règle générale, les décisions de nature préliminaire n’appellent aucune obligation d’équité : arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la page 670. Même dans les cas où une décision préliminaire déclenche effectivement l’obligation d’agir équitablement, par exemple dans les enquêtes officielles mettant en jeu des réputations personnelles, les personnes concernées n’auront pas droit, durant cette étape d’établissement des faits antérieure au procès, à la panoplie complète des protections procédurales propres à un procès : voir l’arrêt Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur l’approvisionne-ment en sang au Canada), [1997] 3 R.C.S. 440; Masters v. Ontario (1994), 18 O.R. (3d) 551 (C. div.). Par conséquent, l’obligation d’équité procédurale, dans le contexte d’une suspension avec rémunération jusqu’à l’issue d’une enquête administrative, est nécessairement plus faible que celle que commanderait une procédure disciplinaire à la suite d’une enquête défavorable. Ainsi que le fait observer avec à propos le juge Jenkins au paragraphe 28 du jugement Griffin, précité, le niveau plus faible d’équité procédurale qui est requis au stade préliminaire ne donne pas la liberté d’agir injustement; il est au contraire, nécessaire pour que les enquêteurs aient la possibilité de faire leur travail, et il est le corollaire de la norme plus élevée qui doit être appliquée dans toute instance ultérieure :

[traduction] Étant donné que les événements découlant de la suspension auraient été soit un retour à son poste, sans conséquences préjudiciables, soit une audience ou quelque occasion acceptable de présenter une réponse et une explication à la suite de l’enquête externe et avant l’imposition de toute mesure disciplinaire, le niveau ou degré d’équité procédurale requis au stade de la suspension provisoire ne devrait pas être soumis à un examen judiciaire trop rigoureux. Imposer des normes plus précises de régularité procédurale pourrait indûment entraver le directeur dans son travail d’administration du Service de police. Une telle retenue à ce stade ne signifie pas que l’on peut se soustraire aux règles légitimes de l’équité procédurale. Au contraire, je considère comme le corollaire naturel et nécessaire de la norme relativement faible requise à ce premier stade qu’est la suspension intérimaire avec rémunération jusqu’à l’issue d’une enquête, le fait que les normes de l’équité procédurale et de l’examen judiciaire y afférent devront être nettement plus élevées et plus rigoureuses pour toute suspension disciplinaire qui suivra un rapport d’enquête défavorable.

[88]À ce stade de l’enquête, et en l’absence de toute preuve de partialité si ce n’est le texte des allégations, qui, je le remarque, reprend fidèlement le texte du paragraphe 39(1) du Règlement de la GRC, je suis d’avis que les garanties qu’a instituées la GRC suffisent à remplir les conditions de la justice naturelle. Le critère de la crainte raisonnable de partialité doit être appliqué avec souplesse, s’agissant des enquêtes : arrêt Beno c. Canada (Commissaire et président de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces armées canadiennes en Somalie), [1997] 2 C.F. 527 (C.A.), au paragraphe 26. J’admets la preuve par affidavit du défendeur selon laquelle, vu les circonstances de la présente affaire, la commissaire Busson n’est pas la personne qui enquête et elle n’est investie d’aucun pouvoir d’infléchir ou de modifier les décisions qui seront rendues au regard de l’éventuel grief de la demanderesse.

[89]Je relève aussi que la demanderesse a eu la possibilité d’exposer sa version de l’affaire lors de son entretien privé avec la commissaire Busson le 26 mars 2007. À ce moment‑là, la commissaire lui a demandé de renoncer à son poste de commissaire adjointe aux Ressources humaines et de ne plus siéger à l’État‑major supérieur de la GRC. La demanderesse n’a admis aucun acte répréhensible de sa part, et elle était réticente à abandonner son poste, mais elle a finalement accepté de le faire, consciente qu’il lui serait impossible dans ces circonstances de s’acquitter pleinement et efficacement de ses fonctions. Le lendemain, 27 mars 2007, la demanderesse et la commissaire Busson ont signé une entente écrite officielle qui rendait compte des dispositions arrêtées la veille au soir (l’entente de fin de service). En échange de son acceptation d’abandonner son poste, la demanderesse se voyait accorder un congé de retraite anticipée et un congé d’études afin de pouvoir terminer sa maîtrise en criminologie à l’Université Simon Fraser.

[90]Je relève au passage que, en raison des allégations faites contre la demanderesse par le groupe de la GRC le 28 mars 2007 devant le Comité des comptes publics, et en raison de la suspension ultérieure de la demanderesse avec rémunération jusqu’à l’issue d’une enquête interne, la commissaire Busson a informé la demanderesse, dans sa lettre datée du 30 mars 2007, que l’entente de fin de service serait laissée en suspens jusqu’à la fin de l’enquête. La demanderesse n’a pas fait de cet élément un point litigieux dans ses conclusions écrites ou orales, et je ne l’aborderai donc pas maintenant.

[91]Les événements entourant les présentes demandes de contrôle judiciaire continuent d’apparaître. Vu tout ce qui précède, je ne suis pas disposée à intervenir à ce stade, si ce n’est pour empêcher la GRC, dans son enquête faite en vertu du code de déontologie, d’enquêter sur l’allégation selon laquelle la demande-resse a fait un faux témoignage devant le Comité des comptes publics et d’accuser la demanderesse sur le fondement de ce témoignage. Les questions touchant l’équité procédurale, à savoir la crainte de partialité ou l’occasion de s’exprimer, pourront être examinées dans le contexte de l’instance disciplinaire qui pourrait suivre, ou de toute demande ultérieure de contrôle judiciaire qui sera présentée à la Cour.

PARTIE V - DISPOSITIF

[92]Les présentes demandes de contrôle judiciaire concernent l’interdépendance de plusieurs principes juridiques—le privilège parlementaire, le principe du recours subsidiaire adéquat, l’indépendance de la police et l’équité procédurale—dont chacun a été conçu pour permettre de tracer une ligne de démarcation entre une branche du gouvernement et une autre et pour définir le rôle revenant à chacune d’elles. Deux principes en particulier, à savoir le privilège parlementaire et l’indépendance de la police, font partie intégrante de notre équilibre constitutionnel. Les cours de justice doivent veiller à préserver la sphère légitime d’activité revenant à chaque branche du gouvernement, tout en ayant conscience des limites assignées aux pouvoirs de chaque branche, y compris à leurs propres pouvoirs.

[93]Certes, la Loi sur la GRC contient un mécanisme détaillé de règlement des griefs, mais il ne s’agit pas d’une procédure appropriée, et ce n’est pas non plus un moyen efficace de résoudre ce qui est essentiellement une question portant sur l’étendue du privilège parlementaire et sur la manière dont l’immunité conférée par ce privilège influe sur une enquête interne faite en vertu du code de déontologie, enquête fondée, du moins en partie, sur les déclarations faites par un témoin devant un comité de la Chambre. Puisqu’il s’agit d’une question préliminaire distincte relevant du pouvoir judiciaire, il est opportun que la Cour donne ici des indications aux parties.

[94]Cependant, étant donné la compétence restreinte de la Cour fédérale en matière criminelle, et compte tenu surtout de la compétence générale des cours supérieures provinciales en matière criminelle, et vu que, en droit, les agents de la paix qui enquêtent sur des actes criminels tiennent leurs pouvoirs de la common law plutôt que du droit écrit, il n’est pas indiqué pour la Cour de réformer une décision de la GRC d’ouvrir une enquête criminelle.

[95]Évidemment, le Parlement et la GRC exercent tous deux des pouvoirs légitimes d’enquêter sur des agissements répréhensibles. Les circonstances qui ont conduit aux présentes demandes ont mis en opposition l’intégrité des deux institutions et le bon fonctionnement de leur capacité d’enquête. S’agissant de la demande concernant l’enquête faite en vertu du code de déontologie, je suis arrivée à la conclusion que, bien que le privilège parlementaire empêche des organes externes d’obliger des témoins ayant comparu devant un comité parlementaire à rendre compte de faux témoignages faits devant ce comité, le privilège ne va pas jusqu’à empê-cher toutes autres instances d’enquêter parallèlement sur des affaires dont la Chambre peut également être saisie. Pour cette raison, la GRC est libre d’enquêter sur les allégations selon lesquelles la demanderesse a contrevenu, dans l’exercice de ses fonctions, au code de déontologie de la GRC, mais elle ne peut pas enquêter sur l’allégation précise selon laquelle la demanderesse a fait un faux témoignage devant un comité de la Chambre. Le privilège parlementaire protège ce qui se dit à la Chambre et, si la Chambre croit qu’elle a été induite en erreur, c’est à elle, et à elle seule, qu’il appartient d’enquêter sur ce manquement et de le sanctionner.

[96]Puisque l’enquête faite en vertu du code de déontologie en est encore à son début, il serait prématuré pour la Cour d’intervenir pour raison d’équité procédurale, surtout en l’absence de toute preuve d’un vice évident entachant l’enquête.

[97]Les décisions de la commissaire Busson touchant l’enquête interne faite en vertu du code de déontologie sont donc confirmées, à l’exception de la décision qu’elle a prise d’enquêter sur l’allégation précise selon laquelle la demanderesse a fait un faux témoignage devant un comité de la Chambre. Cet aspect de sa décision est illégal parce qu’il va à l’encontre du privilège parlementaire. La première demande se rapportant à l’enquête interne en vertu du code de déontologie est accueillie en partie, et la deuxième demande concernant l’enquête criminelle est rejetée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

·               Les décisions de la commissaire Busson touchant l’enquête interne faite en vertu du code de déontologie (c’est‑à‑dire la décision d’enquêter sur les allégations selon lesquelles la demanderesse a contrevenu au code de déontologie de la GRC, et la décision de suspendre la demanderesse avec rémunération) sont confirmées, à l’exception de la décision d’enquêter sur l’allégation précise selon laquelle la demanderesse a fait un faux témoignage devant le Comité des comptes publics, décision qui est illégale et qui est ici annulée.

·               La demande de contrôle judiciaire, numéro du greffe T‑551‑07 (l’enquête faite en vertu du code de déontologie), est accueillie en partie.

·               La demande de contrôle judiciaire, numéro du greffe T‑580‑07 (l’enquête criminelle), est rejetée.

·               Le résultat général étant partagé, et compte tenu de l’intérêt public en jeu dans les présentes demandes, il n’est adjugé de dépens à aucune des parties.

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