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 A‐329‐06

2007 CAF 188

Sa Majesté la Reine (appelante)

c.

Anchor Pointe Energy Ltd. (intimée)

Répertorié : Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd. (C.A.F.)

Cour d’appel fédérale, juges Létourneau, Evans et Sharlow, J.C.A.—Vancouver, 1er et 15 mai 2007.

Impôt sur le revenu — Nouvelles cotisations — Appel de la décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt a statué qu’il incombe à la Couronne de prouver les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre du Revenu national s’est initialement appuyé pour ratifier une nouvelle cotisation en application de l’art. 165(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu — Le terme « cotisation » renvoie non seulement à un acte précis que le ministre pose lors du processus de détermination de l’obligation fiscale, mais aussi au produit de ce processus (c.‐à‐d. le montant de la dette fiscale initialement établi et ensuite ratifié) —Le ministre était en droit d’invoquer de nouveaux faits en tant qu’hypothèses pendant ce processus dans la mesure où elles étaient alléguées de manière exacte — Le fardeau de la preuve à l’égard des hypothèses de fait retenues par le ministre lorsqu’il établit l’obligation fiscale incombe habituellement au contribuable — Rien en l’espèce ne justifie une exception à la règle, la preuve qui sous‐tend les hypothèses relevant de la connaissance exclusive et particulière de l’intimée — Appel accueilli.

Il s’agissait d’un appel de la décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt a statué que le fardeau de la preuve en ce qui a trait aux hypothèses de fait sur lesquelles le ministre du Revenu national s’est initialement appuyé pour ratifier une nouvelle cotisation en application du paragraphe 165(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu incombait à la Couronne.

Le ministre a ratifié la nouvelle cotisation établie pour les prédécesseures de l’intimée sur le fondement de certaines hypothèses relatives à l’achat de données sismiques par ces entreprises. L’intimée a déposé un avis d’appel devant la Cour de l’impôt. Dans sa réponse à cet avis d’appel, le ministre a énoncé des hypothèses qui représentaient un changement radical par rapport à celles adoptées au stade initial de l’établissement de la cotisation. L’intimée a cherché à faire radier ces hypothèses au motif qu’elles ne pouvaient pas avoir été posées au moment de l’établissement de la cotisation parce que l’arrêt sur lequel elles reposaient n’avait pas encore été rendu. La Cour de l’impôt a ordonné de supprimer ces hypothèses de la réponse. Bien qu’elle ait confirmé cette décision, la Cour d’appel fédérale a constaté que les hypothèses pouvaient être incluses dans la réponse de la Couronne dans la mesure où elles étaient alléguées de manière exacte. La Couronne a donc déposé une réponse modifiée, déclarant que les hypothèses pertinentes avaient été faites en ratifiant les nouvelles cotisations.

La Cour de l’impôt a précisé que la ratification d’une cotisation ne fait pas partie du processus d’établissement des cotisations et a statué qu’il était inapproprié d’attribuer au contribuable le fardeau de réfuter des hypothèses faites à l’étape de la ratification.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

S’il est vrai que l’établissement de la cotisation et de la nouvelle cotisation et la ratification renvoient à trois actes précis que le ministre pose en vertu de la Loi lors du processus de détermination de l’obligation fiscale du contribuable, le terme « cotisation » renvoie aussi au produit de ce processus. L’établissement de la cotisation n’est pas terminé tant que le ministre n’a pas déterminé de façon définitive le montant de la dette fiscale. Le ministre a le droit, pendant cette période et jusqu’à sa décision finale, de se fonder sur des faits nouvellement découverts ou divulgués par le contribuable et de les tenir pour acquis, dans la mesure où ils sont allégués de manière exacte. La Cour de l’impôt n’a pas tenu compte, à tort, du deuxième sens de la cotisation puisque le produit de la cotisation a été porté en appel, pas simplement sa ratification. Le ministre pouvait formuler des hypothèses de fait à l’étape de la ratification de la cotisation.

Sauf exception, le fardeau de preuve initial à l’égard des hypothèses de fait retenues par le ministre lorsqu’il établit l’obligation fiscale du contribuable et le montant à payer incombe au contribuable. Bien qu’il puisse y avoir des cas où les hypothèses de fait invoquées relèvent de la connaissance exclusive du ministre et que la règle concernant le fardeau de la preuve puisse avoir des conséquences inéquitables au point de justifier une mesure corrective, ce n’était pas le cas en l’espèce. L’objectif de l’achat des données sismiques et l’utilisation ultérieure de ces données relevaient de la connaissance exclusive et particulière de l’intimée.

lois et règlements cités

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 66.1(6)a) « frais d’exploration au Canada », 152(3.1) (mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 63.1), 165(3) (mod. par L.C. 1997, ch. 7, ann. VIII, art. 98), 169(1) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 140), 152 à 177.

Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90‐688, art. 49(1)d), 58(1)a) (mod. par DORS/2004‐100, art. 9).

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Anchor Pointe Energy Ltd. c. Canada, [2002] A.C.I. no 502 (QL); conf. par Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 CAF 294; Parsons c. Ministre du Revenu national, [1984] 1 C.F. 804 (1re inst.); Canada c. Loewen, [2004] 4 R.C.F. 3; 2004 CAF 146; Voitures Orly Inc. c. Canada, 2005 CAF 425.

décisions examinées :

Global Communications Ltd. c. Canada, [1999] A.C.F. no 966 (C.A.) (QL); Johnston v. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; [1948] 4 D.L.R. 321; [1948] CTC 195; (1948), 3 DTC 1182; Holm c. Canada, [2002] A.C.I. no 641 (QL); Canada c. Consumers’ Gas Co., [1987] 2 C.F. 60 (C.A.).

décisions citées :

Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336; Bowens c. Canada, [1996] A.C.F. no 214 (C.A.) (QL); Pollock c. Canada, [1993] A.C.F. no 1055 (C.A.) (QL); Grant c. Canada, 2003 CAF 77; First Fund Genesis Corp. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 24; (1990), 34 F.T.R. 313; 90 DTC 6337 (C.F. 1re inst.); Shaughnessy c. Canada, [2002] A.C.I. no 9 (QL); Stephen c. Canada, [2001] A.C.I. no 250 (QL).

APPEL de la décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt (2006 CCI 424) a statué que le fardeau de la preuve en ce qui a trait aux hypothèses de fait sur lesquelles le M.R.N. s’est initialement appuyé pour ratifier une nouvelle cotisation en application du paragraphe 165(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu incombait à la Couronne. Appel accueilli.

ont comparu :

Wendy E. Burnham et Deborah Horowitz pour l’appelante.

Craig C. Sturrock, c.r. et Terry S. Gill pour l’intimée.

avocats inscrits au dossier :

Le sous‐procureur général du Canada pour l’appelante.

Thorsteinssons LLP, Vancouver, pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Létourneau, J.C.A. :

La question soulevée dans l’appel

[1]À qui incombe la charge de la preuve en ce qui a trait aux hypothèses de fait sur lesquelles le ministre du Revenu national (le ministre) s’est initialement appuyé pour ratifier une nouvelle cotisation en application du paragraphe 165(3) [mod. par L.C. 1997, ch. 7, ann. VIII, art. 98] de la Loi de l’impôt sur le revenu [L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1] (la Loi)?

[2]Il s’agit de la question posée avec le consentement des parties, par voie de requête, à la Cour canadienne de l’impôt (la Cour de l’impôt) conformément à l’alinéa 58(1)a) [mod. par DORS/2004-100, art. 9] des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90‐688 (les Règles). Dans une décision rendue le 21 juillet 2006, le juge des requêtes a décidé qu’il incombait à la Couronne de prouver de telles hypothèses : voir Anchor Pointe Energy Ltd. c. Canada, 2006 CCI 424 (Anchor Pointe CCI). Le présent appel vise par conséquent l’annulation de cette décision.

Les faits

[3]En 1991, cinq prédécesseures de l’intimée ont acquis des données sismiques et, dans leurs déclarations de revenus déposées pour l’année d’imposition 1991, elles ont déclaré les coûts des données comme étant des « frais d’exploration au Canada » (FEC). Elles ont plus tard fusionné pour former l’intimée.

[4]En février et mars 1994, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour les prédécesseures de l’intimée et a réduit les déductions faites par chaque société. Le ministre a fondé ses nouvelles cotisations sur l’hypothèse que les prédécesseures avaient déduit plus que la juste valeur marchande des données sismiques. Plus tard en mars 1994, l’intimée s’est opposée à ces nouvelles cotisations. Par entente entre l’intimée et le ministre, les avis d’opposition ont été laissés en suspens en attendant l’arrêt Global Communications Ltd. c. Canada, [1999] A.C.F. no 966 (C.A.) (QL), que notre Cour a rendu le 18 juin 1999. Dans cette affaire, la Cour a confirmé que les données sismiques achetées à des fins de revente ou d’octroi de licence ne constituent pas des FEC au sens de l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi.

[5]Le 28 mars 2000, quelque quatre ans plus tard et environ neuf mois après que la Cour eut rendu l’arrêt Global Communications, le ministre a ratifié les nouvelles cotisations sur le fondement des hypothèses selon lesquelles le prix d’achat des données sismiques par les prédécesseures était plus élevé que leur juste valeur marchande et il ne s’agissait pas de FEC parce que ces données ont été achetées à des fins de revente ou d’octroi de licence et non à des fins d’exploration.

[6]L’intimée a déposé un avis d’appel devant la Cour de l’impôt le 26 juin 2000.

[7]Dans sa réponse à l’avis d’appel de l’intimée, le ministre a entre autres énoncé les hypothèses selon lesquelles l’achat de données sismiques par les prédécesseures n’a pas été effectué en vue de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz naturel et les données sismiques n’ont pas été utilisées à des fins d’exploration. Ces hypothèses représentaient un changement radical par rapport à celles adoptées au stade initial de l’établissement de la cotisation. Bien que le ministre ait initialement accepté que les FEC étaient déductibles, mais pas le montant réclamé, il était maintenant d’avis que ces frais n’étaient pas déductibles. Je souligne que ce changement d’avis n’augmenterait pas le montant des impôts réclamé par l’appelante étant donné que la période normale pour l’établissement d’une nouvelle cotisation était terminée.

[8]L’intimée a cherché à faire radier ces hypothèses au motif qu’elles ont été incluses dans la réponse du ministre en raison de l’arrêt Global Communications et qu’on ne pouvait se fonder sur de telles hypothèses au moment de l’établissement de la cotisation parce que cet arrêt n’avait alors pas encore été rendu. La Cour de l’impôt a ordonné de supprimer ces hypothèses de la réponse du ministre parce qu’« il n’[était] pas vrai que, en établissant la cotisation, le ministre [s’était] fondé sur [ces] hypothèses de fait » : voir Anchor Pointe Energy Ltd. c. Canada, [2002] A.C.I. no 502 (QL), au paragraphe 27. La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de la Cour de l’impôt au motif que « [l]a Couronne induit en erreur en affirmant que le ministre s’est fondé sur certaines hypothèses en établissant une nouvelle cotisation, alors qu’il l’a plutôt fait en ratifiant une nouvelle cotisation » : voir Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 CAF 294, au paragraphe 22. La Cour a toutefois indiqué, au paragraphe 28 :

Selon moi, [la Cour de l’impôt] n’a pas dit qu’on ne pouvait alléguer les hypothèses de fait formulées en ratifiant une nouvelle cotisation. Le ministre peut tirer des hypothèses de fait, après avoir lu l’avis d’opposition déposé par un contribuable ou une affaire tranchée subséquemment, comme Global. Il n’y a aucun motif, selon moi, pour qu’on ne puisse inclure de telles hypothèses dans la réponse de la Couronne. Il faut toutefois alléguer ces hypothèses de manière exacte.

[9]À la suite de cet arrêt, la Couronne a déposé une réponse modifiée, déclarant que les hypothèses pertinentes avaient été faites en ratifiant les nouvelles cotisations. Ces hypothèses ont été énoncées après l’expiration de la période normale pour l’établissement de la nouvelle cotisation mentionnée au paragraphe 152(3.1) [mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 63.1] de la Loi.

La décision de la Cour de l’impôt

[10]Le juge des requêtes a procédé à un examen approfondi de la jurisprudence relative au fardeau de la preuve dans les affaires en matière d’impôt avant de conclure que le ministre devrait avoir le fardeau de prouver les hypothèses faites pour ratifier une cotisation. Le principal fondement de sa conclusion est énoncé aux paragraphes 25 et 26 :

Manifestement, on insiste sur la cotisation que le ministre peut ratifier ou modifier ou sur la nouvelle cotisation qu’il peut établir.

Que le ministre ratifie ou non la cotisation, l’appel vise cette dernière. Si le législateur avait voulu que le contribuable interjette appel de la ratification, il avait toute latitude pour le préciser.

[11]Selon le juge des requêtes, il incombe au contribuable de détruire les hypothèses énoncées par le ministre pour établir la cotisation et non pour ratifier l’établissement de la nouvelle cotisation. Le juge a estimé inapproprié d’attribuer au contribuable le fardeau de réfuter des hypothèses faites à l’étape de l’opposition. Il n’a pas été d’accord avec l’affirmation du juge Cattanach dans la décision Parsons c. Ministre du Revenu natonal, [1984] 1 C.F. 804 (1re inst.), selon laquelle la ratification d’une cotisation faisait partie du processus d’établissement des cotisations, estimant que cette affirmation était incompatible avec les propos plus récents tenus par le juge Rip de la Cour de l’impôt qui, selon lui, était implicitement confirmés par la Cour d’appel : Anchor Pointe CCI, au paragraphe 27. De plus, le juge des requêtes a estimé qu’imposer le fardeau au ministre était plus juste sur le plan procédural étant donné que « [t]out joue déjà en faveur de la Couronne » et qu’il « ne voi[t] aucune raison d’ajouter encore aux avantages de la Couronne » : au paragraphe 28.

[12]La question soulevée dans le présent appel est nouvelle. Je crois que, pour appuyer leurs positions respectives, les deux parties ont exagéré la jurisprudence sur laquelle elles se fondent. Pour mieux comprendre les présents motifs, il est utile de résumer les arguments présentés en appel.

Les prétentions de l’appelante

[13]Premièrement, l’appelante fait valoir que le juge des requêtes a fait une erreur de droit en concluant qu’il incombe à la Couronne de prouver les hypothèses énoncées lors de la ratification et d’affirmer que la jurisprudence appuie cette conclusion.

[14]Elle fait remarquer que, selon le cadre législatif énoncé dans la Loi, le ministre doit réexaminer une cotisation d’impôt sur le revenu lorsque le contribuable s’oppose à la cotisation. Lorsqu’il ne change pas le montant de la cotisation après le nouvel examen, le ministre doit envoyer un avis de ratification, que la décision du ministre se fonde sur les mêmes facteurs qui ont motivé l’établissement de la cotisation ou sur d’autres facteurs. Si le contribuable continue à être insatisfait, il peut interjeter appel de la cotisation devant la Cour de l’impôt. La question en litige dans un appel devant la Cour de l’impôt est de savoir si [traduction] « la décision du ministre quant au montant de l’obligation fiscale est correcte » : voir le mémoire des faits et du droit de l’appelante, aux paragraphes 21 à 23. Selon la jurisprudence, l’appel du contribuable vise la décision définitive du ministre quant à la dette fiscale du contribuable et les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est appuyé pour rendre la décision définitive doivent être acceptées à moins d’être réfutées par le contribuable.

[15]Autrement dit, contrairement à ce que le juge des requêtes a affirmé, au paragraphe 27 de ses motifs, il n’y a pas de raison de principe expliquant pourquoi la Couronne devrait avoir à prouver les faits sur lesquels le ministre s’est appuyé pour justifier la cotisation simplement parce que ces hypothèses de fait n’avaient pas été énoncées avant la ratification finale du ministre.

[16]Deuxièmement, l’appelante prétend que l’arrêt Johnston v. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486, va directement à l’encontre de l’affirmation du juge des requêtes et, en fait, traite de la même façon les hypothèses de fait du ministre faites au stade de l’opposition et celles énoncées lors de l’établissement de la cotisation initiale. Ces hypothèses doivent être réfutées par le contribuable : voir le mémoire des faits et du droit de l’appelante, au paragraphe 32. Le juge des requêtes a prétendu s’être appuyé sur des arrêts de la Cour suprême, mais l’appelante soutient qu’il a donné peu d’explications sur la façon dont ils étayent sa conclusion : mémoire des faits et du droit de l’appelante (au paragraphe 36).

[17]Troisièmement, l’appelante fait valoir qu’il n’incombe pas, en principe, au ministre de prouver que la cotisation d’impôt qu’il a établie est correcte. La cotisation est plutôt réputée être valide et le contribuable a le fardeau de démontrer qu’elle ne l’est pas : mémoire des faits et du droit de l’appelante, au paragraphe 38.

[18]Quatrièmement, l’avocate de l’appelante maintient que la Cour a affirmé à maintes reprises que la Couronne a l’obligation d’énoncer les hypothèses sur lesquelles reposent la ratification de la cotisation : mémoire des faits et du droit de l’appelante, au paragraphes 40 à 42. En l’espèce, le procureur général a simplement fait ce que la Cour avait antérieurement affirmé qu’elle avait l’obligation de faire. Elle soutient que le juge des requêtes a en fait créé deux catégories d’hypothèses : d’une part, celles faites pour l’établisse-ment de la cotisation ou de la nouvelle cotisation, que le contribuable a le fardeau de réfuter, et, d’autre part, celles faites pour ratifier la cotisation ou la nouvelle cotisation, que la Couronne a le fardeau de prouver. L’appelante prétend que cette distinction ne trouve pas appui dans la jurisprudence qui tend plutôt à traiter de la même façon toutes les hypothèses faites jusqu’à la décision finale du ministre. Bien que l’établissement d’une nouvelle cotisation soit un acte administratif distinct de la ratification, les commentaires de notre Cour concernant la distinction entre les deux actes dans l’arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., portaient sur la nécessité de faire preuve d’exactitude dans les actes de procédures. Les actes de procédures de la Couronne doivent être exacts justement parce qu’il incombe au contribuable de réfuter les hypothèses du ministre. Toutes les hypothèses de fait additionnelles sur lesquelles s’est fondé le procureur général pour défendre la décision finale du ministre quant à l’imposition doivent en effet être prouvées par le ministre, mais les hypothèses énoncées lors de la ratification de la cotisation restent des hypothèses du ministre et doivent être réfutées par le contribuable : mémoire des faits et du droit de l’appelante, aux paragraphes 43 à 53.

[19]Cinquièmement, l’appelante fait valoir que la décision du juge des requêtes est injuste pour le ministre. Le système fiscal est basé sur l’autodéclaration et l’autocotisation. Les faits pertinents sont donc généralement des faits dont le contribuable a une connaissance particulière. Dans la présente affaire, les objectifs de l’intimée en achetant des données sismiques sont une information qu’elle contrôle. Si le fardeau de la preuve reposait sur la Couronne, celle‐ci devrait faire une preuve négative : que l’intimée n’a pas acquis les données sismiques à des fins d’exploration et ne les a pas utilisées à ces fins. La tâche s’avèrerait difficile, voire impossible : mémoire des faits et du droit de l’appelante, aux paragraphes 54 à 56.

[20]Enfin, l’appelante fait valoir que l’établissement d’une cotisation a trait à la détermination de l’obligation fiscale du contribuable. Il n’importe donc pas de savoir si cette obligation a été finalement déterminée après l’établissement d’une cotisation, d’une nouvelle cotisation ou d’une ratification d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation. Par conséquent, il serait absurde que le contribuable ait à prouver de nouveaux faits allégués comme hypothèses du ministre lorsqu’une opposition donne lieu à une nouvelle cotisation, mais la Couronne a le fardeau de prouver de nouveaux faits allégués comme hypothèses du ministre lorsqu’une opposition donne lieu à la ratification d’une cotisation.

Les prétentions de l’intimée

[21]Premièrement, l’intimée soutient que la jurisprudence indique clairement que le contribuable a le fardeau de la preuve uniquement à l’égard des hypothèses de fait du ministre faites au moment de l’établissement de la cotisation. Le terme « établisse-ment de la cotisation » renvoie à l’acte administratif par lequel l’obligation fiscale menant à l’émission de l’avis de cotisation est fixée. Il n’inclut pas le processus d’appel administratif qui mène à la ratification de la cotisation : voir le mémoire des faits et du droit de l’intimée, aux paragraphes 15 à 17. L’intimée se fonde sur l’alinéa 49(1)d) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) qui exige que la réponse indique « les conclusions ou les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’est fondé en établissant sa cotisation ».

[22]Deuxièmement, l’intimée invoque l’arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., de notre Cour qui, selon son avocat, indique que les allégations faites au moment de la ratification ne peuvent être plaidées dans la réponse comme hypothèses, mais doivent être plaidées séparément. L’avocat de l’intimée prétend que la distinction entre ces deux types d’allégations serait inutile s’il n’y avait pas de différence entre le fardeau des parties à l’égard de chaque type d’allégation. Comme les cotisations sont le fondement des appels interjetés devant la Cour de l’impôt, les règles ordinaires en matière d’actes de procédure appuient la thèse que le contribuable n’a besoin que de réfuter les faits et le droit sur lesquels s’est fondé le ministre pour déterminer le montant de la cotisation. Si le ministre allègue de nouveaux faits lors de la ratification de la cotisation, ces faits n’ont pas été considérés lors de l’établissement de la cotisation, mais constituent plutôt des allégations affirmatives du ministre qu’il devrait avoir à prouver : mémoire des faits et du droit de l’intimée, aux paragraphes 19, 22 et 23.

[23]Troisièmement, l’intimée maintient que bien que la Loi exige que le ministre examine l’opposition « avec diligence », elle ne prévoit aucune conséquence pour le défaut du ministre de traiter l’avis d’opposition en temps utile. En l’espèce, l’avis de ratification a été envoyé en 2000, soit plus de quatre ans après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Ce retard causerait un préjudice à l’intimée si celle‐ci devait réfuter les hypothèses du ministre qui avaient trait à une période de huit ans antérieure à la ratification. Par ailleurs, imposer le fardeau au ministre minimisera ce préjudice et incitera les vérificateurs de la Couronne à faire leur travail de façon consciencieuse, rapide et correcte au regard des faits et du droit. Cette règle ne porterait pas préjudice au ministre, qui a toujours la possibilité d’établir une nouvelle cotisation à l’intérieur de la période normale d’établissement d’une nouvelle cotisation : si le ministre souhaite se prévaloir d’une hypothèse dont il n’avait pas tenu compte au moment de l’établissement de la cotisation initiale, il peut établir une nouvelle cotisation : mémoire des faits et du droit de l’intimée, aux paragraphes 25, 26, 29 et 30.

[24]Quatrièmement, l’intimée affirme que lorsqu’un agent d’appel émet de nouvelles hypothèses de fait lors de la ratification d’une cotisation, le contribuable est privé de la possibilité d’être entendu concernant ces nouveaux faits dans le cadre de l’appel administratif. La seule possibilité pour le contribuable de réfuter ces nouveaux faits est d’interjeter appel devant la Cour de l’impôt. L’impossibilité d’obtenir une révision administrative indépendante constitue une autre raison justifiant que le fardeau de la preuve repose sur la Couronne. Lorsqu’un agent d’appel a établi une nouvelle cotisation à l’égard du contribuable et qu’un appel est interjeté devant la Cour de l’impôt, le fardeau est à juste titre imposé au contribuable, qui aurait eu la possibilité de faire réviser par voie administrative la nouvelle cotisation. De plus, le contribuable interjet-terait appel de la nouvelle cotisation et non de la cotisation initiale et il n’y aurait probablement pas eu de problème de délai parce que les nouvelles cotisations doivent généralement être établies à l’intérieur de la période normale d’établissement d’une nouvelle cotisation : mémoire des faits et du droit de l’intimée, aux paragraphes 36 et 37.

[25]Enfin, l’intimée fait valoir que l’interprétation de l’arrêt Johnston, par l’appelante ne saurait tenir. Selon cette interprétation, la Couronne aurait le droit de se fonder sur de nouvelles hypothèses de fait même dans la réponse à l’appel du contribuable devant la Cour de l’impôt. Cela n’est clairement pas le cas. De plus, l’arrêt Johnston se fondait sur des dispositions législatives très différentes et ses énoncés concernant le fardeau de la preuve étaient des remarques incidentes puisque rien n’indique qu’il y avait, dans cette affaire, une quelconque différence entre les hypothèses du vérificateur et celles du ministre : mémoire des faits et du droit de l’intimée, aux paragraphes 39 à 41.

Analyse de la décision de la Cour de l’impôt

[26]Bien que les tribunaux ont statué à maintes reprises sur la question du fardeau de la preuve dans des affaires en matière fiscale, il semble qu’il s’agisse de la première affaire où est expressément soulevée la question d’une nouvelle hypothèse de fait énoncée par le ministre à l’étape de la ratification d’une cotisation. Il n’y a pas de précédent judiciaire canadien portant précisément sur cette question, mais quelques décisions antérieures tendent à appuyer la position de l’appelante.

Le ministre peut‐il tirer des hypothèses de fait à l’étape de la ratification d’une cotisation?

[27]Dans notre système fiscal fondé sur l’autodéclaration, le ministre émet des hypothèses de fait pour déterminer l’obligation fiscale du contribuable. Comme l’a dit le juge Rothstein, alors juge à la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., « [l]a Couronne a pour pratique de divulguer dans ses actes de procédure les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’est fondé pour établir le montant de la dette fiscale », au paragraphe 2. Pour reprendre les termes du juge en chef adjoint Bowman, maintenant juge en chef de la Cour canadienne de l’impôt, « [c]es hypothèses sont censées représenter une communication complète et honnête des faits sur lesquels le ministre du Revenu national s’est fondé en établissant la cotisation » : Holm c. Canada, [2002] A.C.I. no 641 (QL), au paragraphe 9.

[28]Lorsque les hypothèses sont plaidées, les contribuables ont le fardeau initial de réfuter, selon la prépondérance des probabilités, les hypothèses de fait du ministre : voir Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., au paragraphe 2 et Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, au paragraphe 92. Les hypothèses non plaidées n’ont pas d’effet sur le fardeau de la preuve, ni dans un sens, ni dans l’autre : voir Bowens c. Canada, [1996] A.C.F. no 214 (C.A.) (QL), au paragraphe 5 et Pollock c. Canada, [1993] A.C.F. no 1055 (C.A.) (QL), au paragraphe 18.

[29]L’équité exige que les faits allégués comme hypothèses soient complets, précis, exacts et énoncés de façon honnête et franche afin que que le contribuable sache bien clairement ce qu’il devra prouver : Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., au paragraphe 23; Holm c. Canada; Canada c. Loewen, [2004] 4 R.C.F. 3 (C.A.F.), au paragraphe 9; Grant c. Canada, 2003 CAF 77, au paragraphe 18; First Fund Genesis Corp. c. Camada, [1990] 2 C.T.C. 24 (C.F. 1re inst.), aux pages 26 et 27; Shaughnessy c. Canada, [2002] A.C.I. no 9 (QL), au paragraphe 13; Stephen c. Canada, [2001] A.C.I. no 250 (QL), au paragraphe 6.

[30]Cela dit, je ne puis accepter le raisonnement sous‐jacent à la prétention de l’intimée selon lequel les nouveaux faits allégués à l’étape de la ratification ne peuvent être plaidés comme hypothèses. Selon l’intimée, il en est ainsi parce que ces faits n’ont pas été considérés lors de l’établissement de la cotisation initiale relative à l’obligation fiscale.

[31]Premièrement, la Cour a conclu dans les arrêts Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd. et Canada c. Loewen, que la Couronne peut, dans sa réponse « plaider que le ministre a, lorsqu’il a établi la nouvelle cotisation, retenu une hypothèse qui n’avait pas été formulée lorsque la première cotisation a été établie » : voir Loewen, au paragraphe 10. Dans Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., le juge Rothstein a approuvé la suppression par la Cour de l’impôt de deux hypothèses qui n’avaient pas été plaidées correctement. Mais, concernant la question de savoir si les actes de procédure de la Couronne devant la Cour de l’impôt peuvent contenir des hypothèses du ministre émises au moment de la ratification de la nouvelle cotisation, il a dit ce qui suit, au paragraphe 28 :

Si les alinéas 10q) et r) avaient été allégués correctement, on ne pourrait s’y objecter. Toutefois, les alinéas 10q), r) et z) n’ont pas été allégués de manière exacte. Le juge Rip les a supprimés à juste titre. Comme le révèle la lecture de ses motifs, les seules raisons pour lesquelles le juge Rip a supprimé les alinéas 10q), r) et z) étaient l’inexactitude et l’allégation de conclusions de droit. Selon moi, il n’a pas dit qu’on ne pouvait alléguer les hypothèses de fait formulées en ratifiant une nouvelle cotisation. Le ministre peut tirer des hypothèses de fait, après avoir lu l’avis d’opposition déposé par un contribuable ou une affaire tranchée subséquemment, comme Global. Il n’y a aucun motif, selon moi, pour qu’on ne puisse inclure de telles hypothèses dans la réponse de la Couronne. Il faut toutefois alléguer ces hypothèses de manière exacte. [Non souligné dans l’original.]

[32]Deuxièmement, s’il est vrai que l’établissement de la cotisation et de la nouvelle cotisation et la ratification renvoient à trois actes précis que le ministre pose en vertu de la Loi lors du processus de détermination de l’obligation fiscale du contribuable, le terme « cotisation » renvoie aussi au produit de ce processus. Le juge Hugessen a bien décrit les deux significations de ce mot dans l’arrêt Canada c. Consumers’ Gas Co., [1987] 2 C.F. 60 (C.A.). Il a écrit, à la page 67 :

C’est la cotisation du ministre qui fait l’objet d’un appel devant les tribunaux aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu. Bien que le terme « cotisation » puisse être interprété de deux manières différentes, soit comme la procédure au moyen de laquelle l’impôt est évalué, soit comme le produit de cette évaluation, il me semble évident, à la lecture des articles 152 à 177 de la Loi de l’impôt sur le revenu, que le terme y est employé seulement dans son second sens. Cette conclusion découle en particulier du paragraphe 165(1) et du principe bien établi selon lequel un contribuable ne peut ni s’opposer à une cotisation égale à zéro ni interjeter appel contre celle‐ci.

[33]Je conviens avec le juge des requêtes que l’appel ne vise pas la ratification de la cotisation. Pour reprendre les mots du juge Hugessen, il vise le produit de cette évaluation : voir aussi la décision Parsons, à la page 814, où le juge Cattanach a affirmé que la « cotisation établie par le Ministre, qui fixe le montant et détermine l’assujettissement à l’impôt, est ce qui fait l’objet de l’appel ». Ce produit renvoie au montant de la dette fiscale initialement établi ou déterminé et ensuite ratifié. De la perspective du processus en soi, l’établissement de la cotisation conformément aux articles 152 à 165 n’est pas terminé tant que le ministre n’a pas déterminé de façon définitive, dans le délai prescrit par la Loi, le montant de la dette fiscale, que ce soit au moyen de l’établissement d’une nouvelle cotisation, modification, suppression ou ratification de la cotisation initiale : voir la décision Parsons, à la page 814.

[34]J’ai répondu à certaines des questions ayant fait l’objet de débats entre l’appelante et l’intimée afin de poser les fondations de la question en litige. Cela m’amène à la question du fardeau de la preuve en ce qui concerne les hypothèses de fait retenues par le ministre à l’étape de la ratification de la cotisation initiale.

Le fardeau de la preuve en l’espèce quant aux hypothèses de fait retenues par le ministre à l’étape de la ratification de la cotisation initiale

[35]Il est bien établi en droit que, sauf exception, le fardeau de preuve initial à l’égard des hypothèses de fait retenues par le ministre lorsqu’il a établi l’obligation fiscale du contribuable et le montant à payer incombe au contribuable. Dans l’arrêt Voitures Orly Inc. c. Canada, 2005 CAF 425, au paragraphe 20, la Cour a réaffirmé dans les termes suivants l’importance de la règle :

En résumé, nous ne trouvons aucun mérite aux prétentions de l’appelante selon lesquelles celle‐ci n’a plus la charge de réfuter les hypothèses faites par le ministre. Nous souhaitons réaffirmer fermement et fortement le principe selon lequel le fardeau de la preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement. L’attribution du fardeau de la preuve au contribuable repose sur un motif très simple et concret énoncé il y a plus de 80 ans dans les arrêts Anderson Logging Co. c. British Columbia, [1925] R.C.S. 45; Pollock c. Canada (Ministre du Revenu National) (1993), 161 N.R. 232 (C.A.F.); Vacation Villas of Collingwood Inc. c. Canada, (1996) 133 D.L.R. (4th) 374 (C.A.F.); Anchor Pointe Energy Ltd. c. Canada, 2003 CAF 294. Ce motif est qu’il s’agit de l’entreprise du contribuable. C’est lui qui sait comment et pourquoi son entreprise fonctionne comme elle le fait et pas autrement. Il connaît et possède des renseignements dont le ministre ne dispose pas. Il possède des renseignements qui sont à sa portée et sur lesquels il exerce un contrôle. Le système fiscal est fondé sur l’autocotisation. Tout renversement de la charge du contribuable de fournir et de rapporter les renseignements dont il a connaissance ou qu’il contrôle peut mettre en danger l’intégrité, le caractère contraignant et, par conséquent, la crédibilité du système. Ceci dit, nous reconnaissons que dans certaines circonstances le renversement du fardeau de la preuve peut être justifié, mais ce n’est pas le cas en l’espèce.

[36]Je conviens avec le juge en chef adjoint Bowman, qu’il peut y avoir des cas où les hypothèses de fait invoquées relèvent de la connaissance exclusive ou particulière du ministre et que la règle concernant le fardeau de la preuve peut avoir des conséquences inéquitables au point de justifier une mesure corrective : voir la décision Holm c. Canada, au paragraphe 20.

[37]Cependant, à l’instar de l’affaire Voitures Orly Inc., ce n’est pas le cas en l’espèce. L’objectif de l’achat des données sismiques et l’utilisation ultérieure de ces données relèvent de la connaissance exclusive et particulière de l’intimée. En fait, dans son avis d’appel daté du 26 juin 2000, à la page 27 du dossier d’appel, l’intimée a expliqué comme suit l’objectif de l’achat et l’utilisation des données :

[traduction] Chaque société prédécesseure a acheté des données sismiques avec l’intention de les utiliser pour déterminer l’existence, l’emplacement, l’étendue et la qualité des gisements de pétrole et de gaz naturel au Canada et a utilisé ces données à cette fin.

Les activités d’exploration entreprises par l’appelante et ses prédécesseures relativement aux données sismiques incluent :

a)            des analyses géologiques, géophysiques et techniques des données sismiques pour déterminer les prospections potentielles;

b)            l’analyse de la disponibilité des terres;

c)            des accords d’affermage;

d)            l’achat de concessions de pétrole et de gaz naturel;

e)            le forage de puits. [Non souligné dans l’original.]

À moins que ces allégations ne soient pas fondées, leur corroboration est dans les mains de l’intimée. Avec la poursuite dont elle fait l’objet, on se serait attendu à ce qu’elle ait pris des mesures pour recueillir et conserver cette preuve.

[38]Dans ses motifs de l’ordonnance, le juge des requêtes a signalé l’existence de points de vue divergents dans la jurisprudence en ce qui concerne ce que j’appellerais le champ d’application de la règle concernant le fardeau de la preuve. Certaines décisions paraissent limiter l’application de la règle aux hypothèses de fait retenues par le ministre à l’étape de l’établissement de la cotisation initiale. Par conséquent, les hypothèses de fait formulées à l’étape de l’opposition ne seraient pas régies par la règle, de sorte que le contribuable n’aurait pas le fardeau de les réfuter. Le juge des requêtes a accepté cette approche limitative. Au paragraphe 27 de ses motifs, il a écrit ce qui suit pour étayer sa position :

Il n’existe aucune raison, que ce soit en principe, en droit, en équité ou selon le bon sens, pouvant me justifier d’obliger un contribuable à assumer le fardeau supplémentaire de démolir les nouvelles raisons soulevées par le ministre dans le cadre de ce qui constitue, pour l’essentiel, un examen administratif de la cotisation. Alléguer que le ministre, lorsqu’il a ratifié la cotisation, s’est appuyé sur certaines « hypothèses » peut dans certaines circonstances se révéler un renseignement utile, mais cela n’impose aucun fardeau supplémentaire au contribuable. Il s’agit simplement d’une assertion relative à d’autres faits ou d’autres motifs sur lesquels le ministre s’est appuyé dans le cadre de son examen administratif de la cotisation. Malgré le grand respect que j’éprouve envers le juge Cattanach, je ne puis reconnaître l’exactitude de l’obiter dictum qu’il a formulé dans la décision Parsons c. M.R.N., [1984] 1 C.F. 804, voulant que le nouvel examen, par le ministre, de la cotisation à l’étape de l’opposition « continue de faire partie intégrante du processus d’établissement de la cotisation ». Cette remarque incidente est incompatible avec les propos tenus par le juge Rip au paragraphe 27 des motifs qu’il a prononcés dans la présente affaire et qui sont reproduits plus haut. Cette partie de ses motifs a été implicitement confirmée par le juge Rothstein de la Cour d’appel fédérale.

[39]En toute déférence, je ne partage pas cette position. Premièrement, je ne pense pas que la confirmation, dans la décision Anchor Pointe Energy Ltd. c. Canada (C.C.I.) [2002], de la conclusion du juge Rip, au paragraphe 27 de ses motifs, soit autre chose que la reconnaissance de l’obligation de la Couronne de plaider de façon exacte ses hypothèses de fait. Comme nous l’avons vu précédemment, le juge Rothstein a réitéré que des hypothèses de fait peuvent être formulées à l’étape de la ratification de la cotisation, mais il n’a jamais traité de la question du fardeau de la preuve de ces hypothèses.

[40]Deuxièmement, la position prise par le juge des requêtes ne tient pas compte du deuxième sens de la cotisation visée par les articles 152 à 177 de la Loi, à savoir le produit de la cotisation par opposition au processus. À l’étape initiale ou à celle de l’opposition, le ministre essaye de déterminer l’obligation fiscale du contribuable et son étendue. Il a le droit, pendant cette période et jusqu’à sa décision finale, de se fonder sur des faits nouvellement découverts ou divulgués par le contribuable et de les tenir pour acquis. Rien dans la définition de la cotisation n’exige ou ne permet que certains faits soient retenus et d’autres pas et que, par conséquent, deux catégories d’hypothèses de fait puissent être créées avec un fardeau différent. En toute déférence, j’estime que cela va à l’encontre du raisonnement sous‐jacent au fardeau de la preuve, particulièrement dans le cas où le ministre devrait faire une preuve négative, alors que tous les éléments de preuve sont dans les mains du contribuable.

L’intimée a‐t‐elle subi un préjudice en raison du délai?

[41]Les nouvelles cotisations ont été établies en février et mars 1994. L’avis d’opposition de l’intimée a été déposé en mars 1994. En vertu du paragraphe 169(1) [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 140] de la Loi, l’intimée aurait pu accélérer le processus en interjetant appel avant que le ministre ne réponde à l’avis d’opposition. L’alinéa 169(1)b) accorde au contribuable le droit d’interjeter appel devant la Cour de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation après l’expiration des 90 jours qui suivent la signification de l’avis d’opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu’il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation. Pour des raisons que seule l’intimée connaît et qui lui sont propres, elle a décidé de ne pas se prévaloir de cette possibilité. Elle a plutôt accepté de laisser en suspens son appel en attendant la décision relative à une question connexe dans Global Communications.

[42]En ce qui a trait au délai entre le moment de la parution de l’arrêt Global Communications et le moment où le ministre a ratifié la nouvelle cotisation, les allégations de préjudice de l’intimée ne sont actuellement que de simples allégations. L’intimée n’a fourni aucune preuve concernant l’existence, la nature et l’étendue de ce préjudice et la question de savoir s’il était irréparable. La crédibilité de cette allégation est minée par l’absence d’explication sur la raison pour laquelle l’intimée n’a pas exercé son droit d’interjeter appel devant la Cour de l’impôt après l’expiration des 90 jours suivant la signification de l’opposition.

Autres arguments soulevés par l’intimée

[43]Je n’ai pas besoin de traiter des autres arguments soulevés par l’intimée puisque, à mon avis, ils ne sont pas fondés.

Conclusion

[44]En résumé, le ministre était en droit, à l’étape de la ratification de la cotisation initiale, d’invoquer de nouveaux faits en tant qu’hypothèses de fait. Le fardeau de preuve initial reposait sur l’intimée qui devait réfuter ces hypothèses, particulièrement parce que tous les éléments de preuve pertinents se trouvaient entre ses mains et, si le fardeau reposait sur l’appelante, celle‐ci aurait la tâche extrêmement difficile, voire impossible, de faire une preuve négative, c.‐à‐d. que les données sismiques n’ont pas été achetées par les cinq prédé-cesseures de l’intimée et ensuite utilisées par elles et l’intimée à des fins d’exploration.

[45]Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir l’appel avec dépens pour deux avocats devant la Cour d’appel et la Cour de l’impôt et d’annuler la décision de la Cour de l’impôt rendue le 21 juillet 2006. En réponse à la question posée avec le consentement des parties à la Cour de l’impôt, je suis d’avis que l’intimée a le fardeau de preuve à l’égard des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’est initialement appuyé pour ratifier la nouvelle cotisation conformément au paragraphe 165(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Le juge Evans, J.C.A. : Je suis d’accord.

La juge Sharlow, J.C.A. : Je suis d’accord.

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