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[2001] 1 C.F. 647

A-178-99

Golden Rule Resources Ltd. et Inukshuk Capital Ltd. (appelantes)

c.

Gerle Gold Ltd. et SouthernEra Resources Limited (intimées)

Répertorié : Gerle Gold Ltd. c. Golden Rule Resources Ltd. (C.A.)

Cour d’appel, juges Décary, McDonald et Malone, J.C.A.Vancouver, 12 septembre; Ottawa, 25 septembre 2000.

Droit administratif Contrôle judiciaire Norme de contrôle Appel d’une décision de la Section de première instance accueillant une demande de contrôle judiciaire visant une décision du sous-ministre adjoint (le SMA) qui avait accueilli la demande de révision ministérielle sous le régime du Règlement sur l’exploitation minière au Canada Puisqu’il n’y a pas de clause privative, que le SMA n’est pas un tribunal possédant une expertise particulière et que l’interprétation de l’expression « un intérêt de quelque nature que ce soit » à l’art. 49 est une question de droit susceptible d’une vaste application, le juge de la Section de première instance a appliqué la norme de contrôle appropriée, à savoir celle de la décision correcte Le SMA n’a pas commis d’erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a rejeté la demande de contre-interrogatoire sur une déclaration solennelle Les intimées ont présenté des observations écrites détaillées à deux occasions sur les sujets en cause, y compris l’admissibilité de la déclaration et sa valeur probante, sans soulever la nécessité d’un contre-interrogatoire pour établir le bien-fondé de leurs prétentions Les intimées avaient déterminé avoir suffisamment de moyens pour présenter leur argumentation sans contre-interrogatoire La demande de contre-interrogatoire a été présentée à l’étape de la réfutation, hors du cadre juridique prévu par le règlement et hors délai L’art. 84 du règlement limite le droit de réfutation à tout renseignement qui n’est pas du domaine public La déclaration a été communiquée au ministre et aux parties dès le début Le juge de première instance a commis une erreur en substituant son appréciation des facteurs à celle du SMA, qui avait reconnu et exercé son pouvoir discrétionnaire en tenant compte de facteurs pertinents et après avoir amplement donné à toutes les parties l’occasion de répondre Les motifs donnés pour la décision du SMA n’étaient pas adéquats et ne satisfaisaient pas à l’obligation visée à l’art. 84 de faire part de sa décision définitive, par écrit avec motifs à l’appui La quantité et la force des éléments de preuve soumis par les intimées étaient telles qu’elles nécessitaient une analyse nettement plus approfondie que celle qu’en a fait le SMA Principales conclusions de fait fondées sur la déclaration sans mention des autres éléments de preuve documentaire qui avaient été produits.

Interprétation des lois Règlement sur l’exploitation minière au Canada L’art. 49(1)a) interdit au détenteur d’un claim enregistré qui devient périmé ou est annulé de relocaliser ce claim ou d’y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit Le sous-ministre adjoint (SMA) a correctement interprété les mots « un intérêt de quelque nature que ce soit » comme un droit reconnu par la loi ou en equity à l’égard des claims miniers Puisque le mot « claim » est défini comme une parcelle de terrain située ou acquise de la façon prescrite par le présent règlement, l’intérêt visé par l’art. 49(1)a) est un « intérêt foncier » Le Black’s Law Dictionary définit le mot « interest » comme le terme le plus général qui puisse être employé pour signifier un droit, une réclamation, un titre ou une partipation légale à l’égard de quelque chose Cette interprétation est appuyée par la version française ainsi que par l’approche étroite adoptée à l’art. 49(1)b), excluant le détenteur d’un claim enregistré qui devient périmé ou est annulé de la possibilité de faire enregistrer ce claim à son nom ou au nom d’une société contrôlée par lui Il ne serait pas logique de permettre à une personne, sous le régime de l’art. 49(1)b), de faire enregistrer un claim par une société dont elle est un actionnaire important et d’exclure cette même personne sous le régime de l’art. 49(1)a) parce qu’elle y détiendrait un intérêt de quelque nature que ce soit Que l’intérêt soit propriétal est en outre appuyé par les premiers mots de l’art. 49(1) : « sous réserve de l’article 50 ». L’art. 50 parle de « biens personnels » Le libellé même de l’art. 49(1) révèle clairement une intention de n’exclure que les détenteurs qui ont conservé quelque forme d’intérêt propriétal dans le claim.

Appel est interjeté d’une ordonnance d’un juge de la Section de première instance accueillant une demande de contrôle judiciaire visant une décision du sous-ministre adjoint (le SMA) ayant accueilli la demande de révision ministérielle, présentée sous le régime de l’article 84 du Règlement sur l’exploitation minière au Canada, et annulé une décision rendue par la registraire minière en chef (RMC) laquelle avait annulé l’enregistrement des claims miniers au nom de Boyd Warner. L’alinéa 49(1)a) du Règlement interdit au détenteur d’un claim enregistré qui devient périmé ou est annulé de relocaliser le claim ou d’y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit. Le SMA a conclu que le mot « intérêt » dénote l’existence d’un droit reconnu par la loi ou en equity à l’égard des claims miniers que l’on pourrait faire valoir dans une cour de justice. Le juge de première instance était convaincu que les mots « un intérêt de quelque nature que ce soit » signifient une réalité moindre qu’un intérêt reconnu par la loi ou par l’equity à l’égard d’un bien, mais il ne l’a pas définie.

Les questions en litige étaient les suivantes : 1) Quelle était la norme de contrôle adéquate de la décision du SMA? 2) Le SMA a-t-il commis une erreur de droit dans son interprétation des mots « un intérêt de quelque nature que ce soit » de l’article 49? 3) Le SMA a-t-il manqué à l’obligation d’agir équitablement en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire de permettre aux intimées de contre-interroger Boyd Warner sur sa déclaration solennelle? 4) Les motifs de la décision du SMA étaient-ils suffisants?

Arrêt : la décision du SMA devrait être annulée et l’affaire devrait être renvoyée devant le ministre ou son délégué pour révision de novo en accord avec les présents motifs du jugement.

1) La norme appropriée est fonction de la présence ou de l’absence de clauses privatives, de l’existence de droits d’appel prévus par la loi, du degré de spécialisation ou d’expertise du décideur, de l’objet de la loi et de la nature de la question visée par le contrôle. L’expertise est le facteur le plus important qu’une cour doit examiner pour arrêter la norme de contrôle applicable. Puisqu’il n’y a pas de clause privative, que le SMA n’est pas un tribunal possédant une expertise particulière et que l’interprétation de l’expression « un intérêt de quelque nature que ce soit » à l’article 49 est une question de droit susceptible d’une vaste application, le juge de première instance a appliqué la norme de contrôle appropriée, à savoir celle de la décision correcte.

2) Les mots « y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit » qui figurent à l’alinéa 49(1)a) ont le sens restrictif que leur a donné le SMA, à savoir détenir un droit reconnu par la loi ou en equity à l’égard du claim. Le mot « claim » est défini dans le règlement comme « une parcelle de terrain située ou acquise de la façon prescrite par le présent règlement. » L’«intérêt » visé par l’alinéa 49(1)a) est par conséquent un « intérêt foncier ». Le Black’s Law Dictionary définit le mot « interest » comme le terme le plus général qui puisse être employé pour signifier un droit, une réclamation, un titre ou une participation légale à l’égard de quelque chose. Le mot anglais « any » ne modifie pas la nature du mot « interest » auquel il se rattache, mais il ne fait qu’indiquer l’intention d’englober toutes les formes possibles d’intérêt foncier propriétal. Cette interprétation est appuyée par la version française de l’article 49. Les mots « de quelque nature que ce soit », lorsqu’ils se rapportent au mot « intérêt », ne peuvent signifier autre chose que garder ou tenir en sa possession par tout moyen, et visent à couvrir toutes les formes d’intérêt foncier reconnues en common law. Elle est aussi appuyée par l’approche étroite adoptée à l’alinéa 49(1)b), lequel n’exclut que le détenteur antérieur d’un claim enregistré qui devient périmé ou est annulé de la possibilité de faire enregistrer ce claim à son nom ou « au nom d’une société contrôlée par lui ». Il ne serait pas logique de permettre à une personne, sous le régime de l’alinéa 49(1)b), de faire enregistrer un claim par une société dont elle est un actionnaire important, et d’exclure cette même personne sous le régime de l’alinéa 49(1)a) parce qu’elle serait censée « y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit ». Le lien entre « y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit » et un intérêt propriétal est en outre appuyé par les premiers mots du paragraphe 49(1), à savoir « Sous réserve de l’article 50 ». L’article 50 parle de « biens personnels » qui peuvent être enlevés du claim. Le paragraphe 49(1) révèle clairement une intention de n’exclure que les détenteurs qui ont conservé quelque forme d’intérêt propriétal dans le claim.

L’interprétation restrictive adoptée par le SMA est compatible avec l’emploi des mots « un intérêt » ou « tout intérêt » ailleurs dans le règlement.

L’objectif du paragraphe 49(1) est de soutenir l’objectif législatif inhérent aux exigences des « travaux obligatoires », qui sont le prix à payer pour conserver un claim minier. Cet objectif peut être atteint de différentes manières. Le règlement se concentre clairement sur une certaine forme d’intérêt propriétal. Il aurait pu viser une forme d’intérêt plus vaste, mais tel n’est pas le cas. Les tribunaux ne doivent pas critiquer après coup les moyens auxquels le Cabinet a recours pour atteindre un objectif donné, tout particulièrement lorsque le moyen plus vaste proposé par les tribunaux ne satisfait pas au critère de la certitude légale.

3) Le SMA n’a pas commis d’erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a rejeté la demande de contre-interrogatoire sur la déclaration solennelle de Boyd Warner. Les intimées ont présenté des observations écrites détaillées à deux occasions sur tous les sujets en cause, y compris l’admissibilité de la déclaration et sa valeur probante, sans soulever la nécessité d’un contre-interrogatoire pour établir le bien-fondé de leurs prétentions. Les intimées ont ainsi déterminé avoir suffisamment de moyens pour présenter leur argumentation sans contre-interrogatoire. La demande d’un contre-interrogatoire a été présentée hors du cadre juridique prévu par l’article 84 et hors délai. L’article 84 limite le droit de réfutation à « tout renseignement considéré au cours de la révision de la question qui n’est pas du domaine public et qui peut être légalement communiqué ». La déclaration de Warner a été communiquée au ministre et aux parties dès le début, mais la demande de contre-interrogatoire n’a été présentée qu’à l’étape de la réfutation.

Le SMA avait déjà exercé son pouvoir discrétionnaire et avait déjà décidé de ne pas permettre de contre-interrogatoire lorsqu’il a noté ne pas être habilité à citer des témoins à comparaître. Le juge de première instance a conclu que cela indique que le SMA croyait qu’il ne pouvait jamais accéder à une demande de contre-interrogatoire et qu’il a par conséquent omis à tort d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Il faut, dans un contrôle judiciaire, éviter de lire au microscope les motifs de la décision d’un tribunal. Le SMA a reconnu et exercé son pouvoir discrétionnaire en tenant compte de facteurs pertinents et après avoir amplement donné à toutes les parties l’occasion de répondre aux documents présentés. Le juge de première instance a commis une erreur de droit en substituant son appréciation des facteurs à celle du SMA.

4) Les motifs donnés pour la décision du SMA n’étaient pas adéquats et ils ne satisfaisaient pas à l’obligation visée à l’article 84 du règlement de « fai[re] part de sa décision définitive, par écrit, au demandeur avec motifs à l’appui ». La quantité et la force des éléments de preuve soumis par les intimées étaient telles qu’elles nécessitaient une analyse nettement plus approfondie que celle qu’en a fait le SMA dans ses motifs, particulièrement à l’égard des principales conclusions de fait au sujet des personnes pour le compte desquelles les claims avaient été jalonnés et enregistrés. Ces conclusions étaient fondées sur la déclaration de Warner sans mention des autres éléments de preuve documentaire qui avaient été produits.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Administrative Procedures Act (The), R.S.A. 1970, ch. 2.

Règlement sur l’exploitation minière au Canada, C.R.C., ch. 1516, art. 2(1) « claim », 8(4) (mod. par DORS/97-117, art. 1), 49, 50, 56(1), 62(1),(2),(5) (mod. par DORS/88-9, art. 20), 84 (mod., idem, art. 26).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; (1997), 144 D.L.R. (4th) 1; 50 Admin. L.R. (2d) 199; 71 C.P.R. (3d) 417; 209 N.R. 20; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; (1998), 160 D.L.R. (4th) 193; 11 Admin. L.R. (3d) 1; 43 Imm. L.R. (2d) 117; 226 N.R. 201; motifs modifiés [1998] 1 R.C.S. 1222; (1998), 11 Admin. L.R. (3d) 130; Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684; (1978), 12 A.R. 449; 89 D.L.R. (3d) 161; 7 Alta. L.R. (2d) 370; 23 N.R. 565.

DÉCISION CITÉE :

Armstrong c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [1994] 2 C.F. 356 (1994), 73 F.T.R. 81 (1re inst.).

DOCTRINE

Lexique bilingue des termes législatifs, Toronto : Bureau des conseillers législatifs, 1998.

Black’s Law Dictionary, 7th ed. St. Paul, Minn. : West Group, 1999.

Grand Robert de la langue française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2e éd., Paris : Le Robert, 1989.

APPEL d’une ordonnance d’un juge de la Section de première instance accueillant une demande de contrôle judiciaire visant une décision du sous-ministre adjoint ayant accueilli la demande de révision ministérielle, présentée sous le régime de l’article 84 du Règlement sur l’exploitation minière au Canada, et annulé une décision rendue par la registraire minière en chef laquelle avait annulé l’enregistrement des claims miniers au nom de Boyd Warner (Gerle Gold Ltd. c. Golden Rule Resources Ltd., [1999] 2 C.F. 630 (1999), 18 Admin. L.R. (3d) 14; 163 F.T.R. 185 (1re inst.)). La décision du SMA devrait être annulée et l’affaire devrait être renvoyée devant le ministre ou son délégué pour révision de novo en accord avec les présents motifs du jugement.

ONT COMPARU :

Lianne W. Potter pour les appelantes.

John Marshall, c.r. et Mary E. Comeau pour les intimées.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lianne Potter Law Corporation, Vancouver, pour les appelantes.

Macleod Dixon, Calgary, pour les intimées.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Malone, J.C.A. :

I           INTRODUCTION

[1]        Appel est interjeté d’une ordonnance d’un juge de la Section de première instance siégeant en chambre rendue le 24 février 1999 [[1999] 2 C.F. 630. L’ordonnance a accueilli la demande de contrôle judiciaire, présentée par les intimées, visant une décision du sous-ministre adjoint (le SMA) du ministère des Affaires Indiennes et du Nord canadien (MAINC). La décision du SMA avait accueilli la demande de révision ministérielle, présentée par les appelantes sous le régime de l’article 84 du Règlement sur l’exploitation minière au Canada (le Règlement)[1], et annulé une décision rendue le 10 mai 1996 par la registraire minière en chef (RMC). La décision de la RMC avait annulé l’enregistrement des claims miniers MK1-15 et R1M 1-24 au nom de Boyd Warner[2].

[2]        Selon les appelantes, la décision du juge en chambre comporterait quatre erreurs, à savoir :

a) ne pas avoir appliqué la norme de contrôle adéquate de la décision du SMA;

b) avoir conclu que le SMA a commis une erreur de droit interprétant les mots « un intérêt de quelque nature que ce soit » de l’article 49 du Règlement comme un « droit reconnu par la loi ou en equity à l’égard des claims miniers qu’il est possible de faire valoir devant les tribunaux »;

c) avoir conclu que le SMA a manqué à l’obligation d’agir équitablement en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire de permettre aux avocats des intimées de contre-interroger Boyd Warner sur sa déclaration solennelle;

d) avoir conclu que les motifs de la décision du SMA n’étaient pas suffisants en droit en raison de son défaut de traiter explicitement d’aspects particuliers de la preuve et des prétentions des parties.

II          ANALYSE

A)   La norme de contrôle

[3]        Dans l’arrêt Southam[3], la Cour suprême du Canada a conclu que la norme de contrôle appropriée au Canada peut se situer à un point donné, à l’intérieur d’un spectre, entre celle de la décision correcte, soit la norme exigeant le moins de retenue, et celle du caractère manifestement déraisonnable, soit la norme en exigeant le plus. La norme appropriée est notamment fonction de la présence ou de l’absence de clauses privatives, de l’existence de droits d’appel prévus par la loi, le cas échéant, du degré de spécialisation ou d’expertise du décideur, de l’objet de la loi et de la nature de la question visée par le contrôle.

[4]        En ce qui a trait à la question des connaissances ou de l’expertise relativement spécialisées du décideur, le juge Iacobucci a dit que l’expertise est « le facteur le plus important qu’une cour doit examiner pour arrêter la norme de contrôle applicable »[4].

[5]        D’après mon analyse, l’un des éléments clés pour établir la norme de contrôle applicable à la présente espèce a trait au fait que la décision n’a pas été prise par un tribunal ayant une expertise, mais a plutôt été rendue par le SMA du MAINC. Même si le MAINC et son ministre ont une responsabilité permanente en matière d’administration et de réglementation de la tenure minière dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), le ministre traite aussi d’un vaste éventail de domaines, dont les revendications territoriales, l’administration des bandes, l’éducation, l’exploitation pétrolière et gazière et celle des forêts entre autres.

[6]        Dans la présente instance, la question de savoir si les mots « un intérêt de quelque nature que ce soit » figurant à l’article 49 signifient uniquement un intérêt reconnu par la loi ou appellent une interprétation plus large est une question de droit qui a une importance en matière de précédents et qui est susceptible de s’appliquer largement dans bon nombre d’affaires. Je cite de nouveau les motifs du juge Iacobucci dans l’arrêt Southam :

Il s’agissait cependant d’une question de droit, en partie parce que les mots en cause se trouvaient dans une disposition législative et que les questions d’interprétation des lois sont généralement des questions de droit, mais aussi parce que le point litigieux était susceptible de se présenter à nouveau dans bon nombre de cas dans le futur : le débat concernait les types de renseignements et non simplement les renseignements particuliers visés par l’instance[5].

[7]        En résumé, puisqu’il n’y a pas de clause privative, que le SMA n’est pas un tribunal possédant une expertise particulière, que l’interprétation de l’expression « un intérêt de quelque nature que ce soit » n’exige pas de connaissances techniques ou scientifiques particulières et qu’il s’agit d’une question de droit susceptible d’une vaste application, force m’est de conclure que le juge en chambre a appliqué la norme de contrôle appropriée, à savoir celle de la décision correcte.

B) L’interprétation des mots « un intérêt de quelque nature que ce soit » figurant à l’article 49 du Règlement

[8]        Les appelantes contestent la décision par laquelle le juge en chambre a conclu que les mots « un intérêt de quelque nature que ce soit » figurant à l’alinéa 49(1)a) du Règlement désignent une réalité moindre que des intérêts reconnus par la loi ou par l’equity qu’il est possible de faire valoir devant les tribunaux. Le paragraphe 49(1) est ainsi libellé :

49. (1) Sous réserve de l’article 50, lorsqu’un claim enregistré devient périmé ou est annulé, le détenteur du claim ne peut

a) relocaliser le claim ou une partie de ce claim ni y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit, ni

b) faire enregistrer ce claim ou une partie de ce claim à son nom ou au nom d’une société contrôlée par lui,

pendant une année à partir de la date à laquelle le claim devient périmé ou est annulé.

[9]        Dans ses motifs, le SMA est arrivé à la conclusion suivante :

[traduction] Le concept est fort vaste. L’intérêt peut être aussi important que la propriété du claim ou aussi négligeable que l’expression d’un intérêt à l’égard de ce dernier. Le premier tombe certainement sous le coup de l’alinéa 49(1)a), le second manifestement pas. Le problème est de savoir où faire la distinction.

Le mot « intérêt » n’est pas un terme défini dans le Règlement sur l’exploitation minière au Canada, la Loi sur les sociétés par actions des Territoires du Nord-Ouest ni dans la Business Corporation Act de l’Alberta. L’Oxford Concise Dictionary définit le mot « interest » comme une cause, un titre, un droit légal (sur un bien), une participation financière (dans une entreprise commerciale) de même qu’une chose dont on se soucie. Le Black’s Law Dictionary définit le mot « interest » comme « Le terme le plus général qui puisse être employé pour signifier un droit, une réclamation, un titre ou une partipation légale à l’égard de quelque chose. Lorsqu’il s’applique à des immeubles ou à des biens réels, il est fréquemment employé en relation avec les termes « biens », « droit » et « titre ». Il signifie plus particulièrement le droit de tirer profit de toute chose; espèce de droit de propriété, mais inférieur au titre. »

Dans cette situation de fait, l’interprétation juste du mot « intérêt » est celle qui dénote l’existence d’un droit de propriété. Cela signifie que Tyler a dû détenir un droit reconnu par la loi ou en equity à l’égard des claims miniers, un droit que l’on pourrait faire valoir dans une cour de justice.

[10]      Le juge en chambre n’était pas du même avis; il a tiré la conclusion suivante, aux paragraphes 122 et 123 [pages 673 et 674] de ses motifs :

Il est vrai, comme le fait remarquer le SMA dans ses motifs, que si le sens des mots « un intérêt de quelque nature que ce soit » ne se limite pas aux intérêts reconnus par la loi ou par l’equity à l’égard d’un bien, il sera dans ce cas difficile de savoir où faire la distinction dans la vaste gamme de sens que ces mots peuvent avoir raisonnablement. Il s’agit là d’une tâche qu’il convient de laisser principalement au soin des agents administratifs qui réglementent le secteur minier par l’entremise du Règlement sur l’exploitation minière au Canada; le rôle de la cour consiste à s’assurer que les mots ne sont pas mal interprétés, ou appliqués de manière déraisonnable : Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748.

Dans le contexte de ce système, il me semble qu’il ne faut pas que la certitude légale s’acquière au détriment d’une réglementation efficace, et c’est certainement ce qui arriverait si l’on restreignait les mots comme le propose le SMA. Dans une demande de contrôle judiciaire, il ne serait pas fructueux que je tente de définir de manière exhaustive le sens des mots « un intérêt de quelque nature que ce soit ». Je peux cependant dire qu’il faut les appliquer au cas par cas, en s’appuyant peut-être sur des directives publiées par le ministre, de manière à s’assurer le plus possible que les objectifs sous-jacents du texte législatif ne sont pas minés par des mécanismes commerciaux ou organisationnels imaginatifs, conçus pour amoindrir ou éviter les coûts d’investissement dans des travaux d’exploration prescrits par la loi comme prix à payer pour conserver un claim à l’exclusion d’autres prospecteurs.

[11]      Selon moi, il ressort de la lecture de ces motifs que le juge en chambre a choisi de ne pas définir les mots « un intérêt de quelque nature que ce soit ». Il était convaincu qu’ils signifiaient une réalité moindre qu’un intérêt reconnu par la loi ou par l’equity à l’égard d’un bien, mais il n’a pas fait la distinction, laissant cette tâche aux agents administratifs qui réglementent les claims miniers par l’entremise du règlement.

[12]      En toute déférence, il appartient aux tribunaux d’interpréter les mots en litige de façon à donner une certitude légale aux parties intéressées. Une fois interprétés, les mots qui figurent dans une loi ou dans un règlement doivent être appliqués au cas par cas par le tribunal ou le décideur approprié. S’il est nécessaire de compléter le règlement par des directives ministérielles, ainsi que semble le suggérer le juge en chambre, celles-ci doivent être élaborées et publiées par le ministre, s’il y est habilité, avant les événements donnant lieu au litige.

[13]      De toute façon, je suis arrivé à la conclusion que les mots « y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit » qui figurent à l’alinéa 49(1)a), qu’ils soient considérés isolément, pris dans leur contexte ou mis en perspective, ne peuvent qu’avoir le sens restrictif que leur a donné le SMA.

Les mots considérés isolément

[14]      Si les mots en litige étaient tout simplement « un intérêt de quelque nature que ce soit », l’interprétation retenue par le juge en chambre serait probablement fondée. Mais les mots sont « y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit » (dans un claim), et le mot « claim » est défini au paragraphe 2(1) du règlement comme « une parcelle de terrain située ou acquise de la façon prescrite par le présent règlement ». L’intérêt visé par l’alinéa 49(1)a) est par conséquent un « intérêt foncier », expression en langue juridique qui a comme sens reconnu celui que lui donne, entre autres, le Black’s Law Dictionary, déjà cité dans les motifs du SMA. Dans la version anglaise, le mot anglais « any » ne modifie pas la nature du mot « interest » auquel il se rattache, et il ne fait qu’indiquer l’intention de l’auteur de la réglementation d’englober toutes les formes possibles d’intérêt foncier propriétal.

[15]      Cette interprétation est appuyée par la version française de l’article 49, qui emploie les mots « y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit ». Le mot « détenir » a un sens plus étroit que le mot « avoir ». Il sert à décrire l’action de tenir en sa possession[6] et il a été traduit dans des dictionnaires juridiques par l’expression anglaise « to hold or to possess »[7]. Les mots « de quelque nature que ce soit », lorsqu’ils se rapportent au mot « intérêt », ne peuvent signifier autre chose que garder ou tenir en sa possession par tout moyen, et visent à couvrir toutes les formes d’intérêt foncier reconnues en common law. Je note que les mots de la version anglaise « any interest therein » dans le contexte de tout intérêt dans un claim enregistré ont été traduits par « tout intérêt s’y rapportant » au paragraphe 62(1) du Règlement, assez semblable en pratique à l’expression « de quelque nature que ce soit ».

[16]      Le sens restrictif du mot « intérêt » figurant à l’alinéa 49(1)a) est aussi compatible avec l’approche étroite adoptée à l’alinéa 49(1)b). Lorsqu’il s’agit de l’enregistrement d’un claim qui devient périmé ou est annulé, l’alinéa 49(1)b) n’exclut le détenteur antérieur que lorsqu’il a fait enregistrer ce claim à son nom ou fait enregistrer ce claim « au nom d’une société contrôlée par lui ». Il ne serait pas logique de permettre à une personne, sous le régime de l’alinéa 49(1)b), de faire enregistrer un claim par une société dont elle est un actionnaire important (sans en détenir le contrôle), et d’exclure cette même personne sous le régime de l’alinéa 49(1)a) parce qu’elle serait censée « y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit ».

[17]      Le lien entre « y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit » et un intérêt propriétal est en outre appuyé par les premiers mots du paragraphe 49(1), à savoir « Sous réserve de l’article 50 ». L’article 50 parle de « biens personnels » qui peuvent être enlevés du claim.

[18]      À mon avis, ce qu’il faut retenir, c’est que le libellé même du paragraphe 49(1) révèle clairement une intention de n’exclure que les détenteurs qui ont conservé quelque forme d’intérêt propriétal dans le claim.

Les mots pris dans leur contexte

[19]      L’interprétation restrictive adoptée par le SMA est compatible avec l’emploi des mots « un intérêt » ou « tout intérêt » ailleurs dans le règlement. Ainsi qu’en a conclu le juge en chambre au paragraphe 120 [page 673] de ses motifs, « il ressort clairement du contexte des paragraphes 8(4) [mod. par DORS/97-117, art. 1] et 62(2) et (5) [mod. par DORS/88-9, art. 20] »—il aurait pu ajouter le paragraphe 56(1)« que les mots veulent dire “intérêts propriétaux” ». S’il avait interprété les mots « un intérêt de quelque nature que ce soit » dans leur vrai contexte, c’est-à-dire « un intérêt de quelque nature que ce soit dans une parcelle de terrain », force lui aurait été de conclure que la présomption selon laquelle les mots sont réputés avoir le même sens dans tout le règlement devait s’appliquer à la présente espèce. Il est en effet logique que, dans un règlement visant la disposition de biens miniers et l’acquisition et l’enregistrement de parcelles de terrain reconnues comme des claims, le mot « intérêt » ait partout le même sens.

Les mots mis en perspective

[20]      Il ne fait aucun doute, ainsi que l’a souligné le juge en chambre, que l’objectif du paragraphe 49(1) est de soutenir l’objectif législatif inhérent aux exigences des « travaux obligatoires », qui sont le prix à payer pour conserver un claim minier. Toutefois, la question est de savoir ce que le règlement cherche à prévenir, et non ce qu’un juge pense qu’elle devrait chercher à prévenir.

[21]      Cet objectif peut être atteint de différentes manières. Le règlement a clairement adopté ce que j’appellerais une approche plus douce. Il se concentre sur une certaine forme d’intérêt propriétal. Il aurait pu viser une forme d’intérêt plus vaste, mais tel n’est pas le cas. Il n’appartient pas aux tribunaux de critiquer après coup les moyens auxquels le Cabinet a recours pour atteindre un objectif donné, et cela est encore plus vrai lorsque la solution de rechange ou le moyen plus vaste proposé par les tribunaux ne satisfait pas au critère de la certitude légale.

[22]      Je conclus par conséquent que les mots « y détenir un intérêt de quelque nature que ce soit » figurant à l’alinéa 49(1)a) du règlement signifient « détenir un droit reconnu par la loi ou en equity à l’égard du claim ». Je note en passant que les intimées elles-mêmes, dans les mémoires qu’elles ont présentés au SMA le 10 octobre 1996, ont interprété le mot « intérêt » comme faisant référence à [traduction] « l’intérêt bénéficiaire » de Tyler et de Golden Rule[8].

C) La question de savoir si le SMA a manqué à l’obligation d’agir équitablement en refusant de reconnaître ou d’exercer son pouvoir discrétionnaire de permettre un contre-interrogatoire

[23]      Je ne partage pas la conclusion du juge en chambre selon laquelle, dans la présente espèce, le SMA a manqué à l’obligation d’agir conformément aux principes de la justice naturelle en rejetant la demande de contre-interrogatoire sur la déclaration solennelle de Boyd Warner (la déclaration de Warner). Toutefois, je ne conteste pas l’observation du juge en chambre sur la possibilité que dans le contexte d’une instruction dite « sur papier » comme en l’espèce, l’équité puisse parfois imposer le droit au contre-interrogatoire[9]. À mon avis cependant, le SMA n’a pas commis d’erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a rejeté la demande de contre-interrogatoire de Warner.

[24]      Les intimées ont demandé au ministre de procéder à une révision le 25 mai 1996. La déclaration de Warner a été produite en juin 1996, bien avant le 18 septembre 1997, date d’expiration du délai pour produire des observations et des commentaires sur les observations présentées par d’autres parties. Les intimées ont présenté des observations écrites détaillées à deux occasions sur tous les sujets en cause, y compris l’admissibilité de la déclaration de Warner et sa valeur probante sans soulever la nécessité d’un contre-interrogatoire pour établir le bien-fondé de leurs prétentions. Selon moi, il ressort de leurs observations que les intimées ont déterminé avoir suffisamment de moyens pour présenter leur argumentation sans contre-interrogatoire.

[25]      La décision du SMA portait :

[traduction] Dans leurs observations de réfutation reçues le 17 septembre 1997, les avocats de Gerle et de Southern Era ont demandé la possibilité de contre-interroger Warner sur sa déclaration solennelle de juin 1996. De plus, l’avocat de Monopros Ltd. souhaitait contre-interroger la registraire minière en chef et des représentants de Golden Rule et d’Inukshuk. L’avocat a disposé d’environ 15 mois pour demander le contre-interrogatoire de Warner. Je ne suis pas disposé à ordonner ou à demander que Warner, McRobert ou des représentants de Golden Rule et d’Inukshuk soient soumis à un contre-interrogatoire à cette étape très avancée de la révision. De toute façon, je n’ai pas le pouvoir d’assigner des témoins à comparaître.

[26]      La demande d’un contre-interrogatoire par les intimées a été présentée hors du cadre juridique prévu par l’article 84 du Règlement et hors délai. La déclaration de Warner a été communiquée au ministre et aux parties dès le début. La demande de contre-interrogatoire a été présentée à l’étape de la réfutation. L’article 84 du Règlement limite le droit de réfutation à « toute information considérée au cours de la révision de la question qui ne serait pas aux archives nationales et qui peut être légalement communiquée »[10].

[27]      Le juge en chambre a été influencé par le fait que le SMA avait noté dans ses motifs qu’il n’était pas habilité à citer des témoins à comparaître. Selon le juge en chambre, « [c]ela indique que le SMA croyait qu’il ne pouvait jamais accéder à une demande de contre-interrogatoire. » Et le juge en chambre de poursuivre, au paragraphe 77 [page 662] : « Si telle était son opinion, je suis d’avis que le SMA a omis à tort d’envisager la possibilité d’exercer son pouvoir discrétionnaire. »

[28]      En toute déférence, il faut, dans un contrôle judiciaire, éviter de lire au microscope les motifs de la décision d’un tribunal. En l’espèce, le SMA avait déjà exercé son pouvoir discrétionnaire et avait déjà décidé de ne pas permettre de contre-interrogatoire lorsqu’il a noté ne pas être habilité à citer des témoins à comparaître. C’était là un juste commentaire, puisqu’il ne fait aucun doute, ainsi qu’il appert des motifs du juge en chambre lui-même, qu’en l’absence du pouvoir de citer des témoins à comparaître, le contre-interrogatoire convient mal à des instructions sur papier même si, ainsi qu’il a été mentionné plus haut, cela peut néanmoins être approprié dans certaines circonstances.

[29]      Lorsque, comme en l’espèce, le SMA a reconnu et exercé son pouvoir discrétionnaire en tenant compte de facteurs pertinents et après avoir amplement donné à toutes les parties l’occasion de répondre aux documents présentés, c’était commettre une erreur de droit de la part du juge en chambre que de laisser tomber toute retenue et de substituer son appréciation des facteurs à celle du SMA.

D) La question de savoir si le SMA a commis une erreur en ne donnant pas suffisamment de motifs pour sa décision et, plus particulièrement, en ne traitant pas d’aspects importants de la preuve dans les circonstances

[30]      À mon avis, le juge en chambre a conclu de bon droit que les motifs donnés pour la décision du SMA n’étaient pas adéquats et qu’ils ne satisfaisaient pas à l’obligation visée à l’article 84 du Règlement de « fai[re] part de sa décision définitive, par écrit, au demandeur avec motifs à l’appui ».

[31]      En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec le juge en chambre pour décrire la brève analyse du SMA comme un genre de formule passe-partout. Je partage toutefois sa conclusion, au paragraphe 99 [page 668] de ses motifs, que la quantité et la force des éléments de preuve soumis par les intimées étaient telles qu’elles nécessitaient une analyse nettement plus approfondie que celle qu’en a fait le SMA dans ses motifs. Cela vaut particulièrement à l’égard de ses principales conclusions de fait au sujet des personnes pour le compte desquelles les claims avaient été jalonnés et enregistrés. Ces conclusions étaient fondées sur la déclaration de Warner sans mention des autres éléments de preuve documentaire qui avaient été produits.

[32]      La décision du juge en chambre suit l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton[11], qui portait sur une obligation similaire de motiver les décisions visées par l’Administrative Procedures Act de l’Alberta[12]. À la page 707, le juge Estey a dit :

[…] les motifs doivent être appropriés, pertinents et intelligibles, et doivent permettre à la partie concernée d’évaluer les possibilités d’appel [….] l’ordonnance de la Commission ne comporte que des conclusions et est muette quant au raisonnement suivi pour y arriver.

III         CONCLUSION

[33]      Somme toute, même si je suis en désaccord avec le juge en chambre sur certains des motifs de son jugement, je tire toutefois la conclusion que la décision du SMA devrait être annulée et que l’affaire devrait être renvoyée devant le ministre ou son délégué, à l’exception de M. James Moore, pour révision de novo en accord avec les présents motifs du jugement. Une révision de novo suppose, bien sûr, que le délégué choisi exerce tout pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré, notamment à l’égard de toute demande de contre-interrogatoire. Comme le juge en chambre n’était pas fondé à rétablir, même de façon conditionnelle, la décision du registraire minier en chef datée du 10 mai 1997, cette réparation devrait être radiée de son ordonnance.

[34]      Étant donné le résultat limité de l’appel, chaque partie doit assumer ses frais devant les deux sections de la Cour.

[35]      J’accueillerais par conséquent l’appel, sans dépens, à seule fin de substituer l’ordonnance suivante à celle du juge en chambre :

ORDONNANCE

i) La décision du sous-ministre adjoint datée du 20 novembre 1997 est annulée;

ii) L’affaire est renvoyée devant le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ou son délégué, à l’exception de M. James Moore, pour révision de novo en accord avec les motifs du jugement de la Cour;

iii) Il n’y a pas d’adjudication des dépens devant l’une et l’autre des sections de la Cour.

Décary, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

McDonald, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.



[1] C.R.C., ch. 1516 [mod. par DORS/88-9, art. 26].

[2] Les motifs de la décision du juge en chambre sont publiés à [1999] 2 C.F. 630 (1re inst.).

[3] Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au par. 30 [p. 765]; voir l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au par. 23 [aux p. 1003 et 1004].

[4] Précité, au par. 50 [p. 773].

[5] Southam, au par. 36 [p. 767].

[6] Le Grand Robert de la langue française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2e éd. Paris : Le Robert, 1989.

[7] Voir le Lexique bilingue de termes législatifs, Toronto : Bureau des conseillers législatifs, 1998.

[8] Dossier d’appel, vol. 6, à la p. 821.

[9] Armstrong c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [1994] 2 C.F. 356 à la p. 369.

[10] À l’époque, l’article 84 était ainsi libellé :

84. Quiconque estime être lésé par une ordonnance, décision, directive ou autre action prise ou omise en vertu du présent règlement par le registraire minier en chef, un registraire minier, le chef ou un ingénieur des mines peut, dans les trente jours suivant la mesure en question, en appeler au ministre, par écrit, pour lui demander de réviser la question, et le ministre révise alors la question, informe le demandeur de toute information considérée au cours de sa révision de la question qui ne serait pas aux archives nationales et qui peut être légalement communiquée et, après un délai de trente jours accordé au demandeur pour réfuter toute information ainsi communiquée, le ministre fait part de sa décision définitive, par écrit, au demandeur avec motifs à l’appui. [Non souligné dans l’original.]

[11] [1979] 1 R.C.S. 684.

[12] R.S.A. 1970, ch. 2.

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