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[2001] 2 C.F. 45

IMM-3976-99

Susana Oloroso (demanderesse)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

et

IMM-3977-99

Joffrey Oloroso, Mariem Oloroso et Laila Oloroso (demandeurs)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Oloroso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst.)

Section de première instance, juge Gibson—Winnipeg, 30 août; Ottawa, 10 novembre 2000.

Citoyenneté et Immigration — Processus d’enquête en matière d’immigration — Compétence de la section d’appel de la CISR en vertu de l’art. 70(2)b) — Membres d’une catégorie de personnes non admissibles — Visas obtenus sur une déclaration affirmant que les demandeurs étaient mari et femme — Au point d’entrée, l’agent d’immigration a déterminé que l’homme était toujours marié à une autre femme — Examen de l’évolution de la jurisprudence sur ce que constitue un visa en cours de validité — Les demandeurs ne doivent pas être privés de leur droit d’en appeler d’une conclusion de fait ou de droit tirée par un arbitre.

Les demandeurs ont obtenu des visas d’immigrant en déclarant qu’ils étaient mari et femme et qu’ils avaient deux enfants. Au point d’entrée, l’agent d’immigration a déterminé que le demandeur principal, soit le mari, avait un autre enfant à charge qui n’avait pas été déclaré antérieurement ni fait l’objet d’un examen en vue de son immigration au Canada. L’agent a aussi déterminé que le demandeur principal était toujours légalement marié à une autre femme quand il avait prétendument épousé son épouse actuelle. Par conséquent, les demandeurs faisaient partie d’une catégorie de personnes non admissibles visées à l’alinéa 19(2)d) de la Loi sur l’immigration et des mesures d’exclusion ont été prises contre eux. Les demandeurs se sont pourvus en appel devant la section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La section d’appel a déterminé que, puisque les demandeurs n’étaient pas en possession d’un « visa d’immigrant en cours de validité », comme l’exige l’alinéa 70(2)b), elle n’avait pas compétence pour entendre les appels. Elle a aussi conclu qu’elle n’avait pas compétence concernant l’appel de l’épouse pour un motif additionnel, savoir que, puisqu’elle n’était pas l’épouse du demandeur principal du fait du mariage toujours valide de ce dernier, elle ne faisait pas partie de la catégorie de la famille.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la section d’appel.

Jugement : la demande est accueillie.

La jurisprudence de la Cour fédérale sur la question de la compétence de la section d’appel concernant les appels fondés sur des visas « en cours de validité » porte à confusion. Dans Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. De Decaro, l’analyse majoritaire de la Cour d’appel fédérale a mené à la conclusion que le visa de la personne visée dans cette affaire n’était plus un visa « en cours de validité » du fait d’un événement qui s’était produit après sa délivrance. Dans l’arrêt Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Wong, la Cour d’appel s’est de nouveau penchée sur la question d’un appel fondé sur un visa « en cours de validité » et a statué ceci : « Quelle que soit la conséquence lorsqu’un élément sur lequel repose la délivrance d’un visa cesse d’exister par la suite, […] lorsque, comme en l’espèce, la principale raison de la délivrance d’un visa a cessé d’exister avant sa délivrance, on ne peut dire d’un tel visa qu’il est “un visa d’immigrant en cours de validité”. » Les faits de l’espèce se rapprochent davantage de ceux de l’affaire Wong que des faits de l’affaire De Decaro en ce sens que, dans l’affaire Wong, le principal motif à l’origine de la délivrance des visas avait cessé d’exister avant leur délivrance. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hundal, la Cour d’appel a confirmé que, sous réserve de certaines exceptions, identifiées par le juge des requêtes, lorsqu’un visa est délivré, il reste valide. Dans l’arrêt McLeod c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), la Cour d’appel a réexaminé la décision qu’elle avait prise dans l’affaire De Decaro, et, après avoir noté les observations du juge des requêtes dans l’affaire Hundal selon lesquelles « si tout changement de situation survenu après la délivrance d’un visa le rendait invalide, l’alinéa 70(2)b) ne pourrait conférer aucun droit d’appel, ou presque, aux titulaires de visas, que l’on refuserait d’admettre au Canada lorsqu’ils se présenteraient à la frontière car, par définition, ils ne seraient pas titulaires d’un visa en cours de validité », il a conclu qu’il n’y avait pas « de motif suffisant pour déduire du libellé de la Loi qu’un changement de situation survenu après la délivrance d’un visa peut mettre fin à la validité du visa ». Ce raisonnement soulève la question de savoir si « l’exception Wong » est maintenant elle-même suspecte. Finalement, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Seneca, la Cour d’appel a confirmé la décision du juge des requêtes qui a statué « [qu’]on ne peut invoquer le statut d’une personne qui entend interjeter appel d’une mesure de renvoi prise par l’arbitre pour lui nier le droit d’appel prévu par l’alinéa 70(1)a) lorsque toute conclusion concernant son statut découle nécessairement d’une conclusion de fait ou de droit tirée par l’arbitre ».

L’approbation par la Cour d’appel du raisonnement du juge des requêtes dans la décision Seneca semble porter plus particulièrement sur le passage reproduit ci-dessus. Le même raisonnement peut s’appliquer, par analogie, aux faits de l’espèce et à un appel fondé sur l’alinéa 70(2)b). La thèse selon laquelle les demandeurs n’ont pas le statut nécessaire pour interjeter un appel parce que, dans le cas du demandeur principal, il était déjà marié et que ce mariage n’avait pas été dissous, et que, dans le cas des autres demandeurs, du fait du mariage antérieur non dissous du demandeur principal, ils n’étaient pas des personnes à charge légitimes et que, par conséquent, on leur avait à tort délivré des visas et que ceux-ci étaient invalides, ne devrait pas, logiquement, les priver de leur droit d’appel à la section d’appel sur cette question précise.

Une question a été certifiée quant au sens de l’expression « visa en cours de validité » utilisée au paragraphe 70(2)b) de la Loi.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1) « mesure de renvoi » (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 1), 19(2)d), 20(1)a), 23(4) (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 3), (4.01) (mod., idem), 32(5) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 21), 70(1) (mod. par L.R.C. (1985), (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 13), (2)b) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 13).

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Seneca, [1998] 3 C.F. 494; (1998), 146 F.T.R. 193; 43 Imm. L.R. (2d) 13 (1re inst.); conf. par (1999), 247 N.R. 397 (C.A.F.).

DÉCISIONS NON SUIVIES :

Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Wong (1993), 153 N.R. 237 (C.A.F.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hundal, [1995] 3 C.F. 32; (1995), 96 F.T.R. 306; 30 Imm. L.R. (2d) 52 (1re inst.); conf. par Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hundal (1996), 36 Imm. L.R. (2d) 153; 206 N.R. 184 (C.A.F.).

DISTINCTION FAITE D’AVEC :

Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. De Decaro, [1993] 2 C.F. 408; (1993), 103 D.L.R. (4th) 564; 155 N.R. 129 (C.A.); McLeod c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 C.F. 257; (1998), 46 Imm. L.R. (2d) 295 (C.A.).

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision de la section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Oloroso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] I.A.D.D. no 2955 (QL)) selon laquelle elle n’avait pas compétence pour entendre les appels des demandeurs. Demande accueillie.

ONT COMPARU :

David Matas pour les demandeurs.

Jeremiah Eastman pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas, Winnipeg, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Gibson :

INTRODUCTION

[1]        Les présents motifs découlent d’une unique décision de la section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [[1999] I.A.D.D. no 2955 (QL)] (la section d’appel) dans laquelle celle-ci a déterminé qu’elle n’avait pas compétence pour entendre les appels des demandeurs. La section d’appel a fondé sa décision sur deux motifs pour ce qui a trait à la demanderesse Susana Oloroso et sur un seul motif, commun à tous les demandeurs, dans le cas des autres demandeurs. Cette différence est à l’origine des deux demandes distinctes de contrôle judiciaire qui ont été déposées. La section d’appel a rendu une seule série de motifs qui concernent tous les demandeurs. Les demandes de contrôle judiciaire ont été entendues ensemble. Ainsi donc, la présente série unique de motifs s’appliquera aux deux demandes de contrôle judiciaire. La décision de la section d’appel est datée du 16 novembre 1999.

CONTEXTE

[2]        Joffrey Oloroso (le demandeur principal) a déclaré dans les demandes de visa qui auraient autorisé tous les demandeurs à entrer au Canada à titre d’immigrants qu’il était l’époux de Susana Oloroso. Mariem Oloroso et Laila Oloroso sont les enfants naturels de Joffrey Oloroso et de Susana Oloroso.

[3]        Des visas ont été délivrés aux demandeurs à Riyad, en Arabie saoudite, le 23 novembre 1996. Le 30 juin 1997, les demandeurs sont arrivés à Winnipeg (Manitoba), et ont demandé le droit d’établissement au Canada. À l’examen au point d’entrée, le demandeur principal a reconnu devant un agent d’immigration qu’il avait un autre enfant à charge, John Ferdinand Oloroso, qui n’avait pas été déclaré antérieurement et qui n’avait pas fait l’objet d’un examen en vue de son immigration au Canada. Le demandeur principal a également révélé que John Ferdinand était le fils qu’il avait eu avec Maria Elena Apostal. L’agent d’immigration a déterminé que le demandeur principal et Mme Apostal étaient mariés et que leur mariage n’avait pas été légalement dissous au moment où le demandeur principal a prétendument épousé Susana Oloroso.

[4]        Par conséquent, le 22 février 1998, l’agent d’immigration a établi des rapports en vertu de l’alinéa 20(1)a) de la Loi sur l’immigration[1] (la Loi), au motif qu’il serait contraire à la Loi d’accorder l’admission au Canada aux demandeurs, parce que ceux-ci faisaient partie d’une catégorie de personnes non admissibles visée à l’alinéa 19(2)d) de la Loi, c’est-à-dire des personnes qui ne se conforment pas aux conditions prévues à la Loi et aux règlements ou qui ne peuvent le faire.

[5]        Conformément au paragraphe 20(1) de la Loi, les rapports étaient adressés à un agent principal. Celui-ci n’a pas lui-même pris la mesure d’exclusion contre les demandeurs, comme il était autorisé à le faire en vertu des paragraphes 23(4) [mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 3] ou 23(4.01) [mod., idem] de la Loi, mais il a plutôt transmis l’affaire à un arbitre pour enquête. C’est l’arbitre qui a pris la mesure d’exclusion contre les demandeurs, aux termes du paragraphe 32(5) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 21] de la Loi. Ce sont les appels concernant ces mesures d’exclusion dont était saisie la section d’appel en vertu de l’alinéa 70(2)b) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 13] de la Loi. Les parties pertinentes du paragraphe 70(2) de la Loi sont rédigées comme suit[2] :

70. […]

(2) Sous réserve des paragraphes (3) à (5), peuvent faire appel devant la section d’appel d’une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel :

[…]

b) les personnes qui, ayant demandé l’admission, étaient titulaires d’un visa de visiteur ou d’immigrant, selon le cas, en cours de validité lorsqu’elles ont fait l’objet du rapport visé à l’alinéa 20(1)a). [Non souligné dans l’original.]

[6]        La question dont était saisie la section d’appel et qu’elle a jugé déterminante était de savoir si les demandeurs étaient chacun en possession d’un « visa d’immigrant en cours de validité ». Elle a statué que ce n’était pas le cas et, par conséquent, elle a jugé qu’elle n’avait pas compétence pour entendre les appels. La section d’appel est arrivée à une deuxième conclusion relativement à la demanderesse Susana Oloroso, savoir que Mme Oloroso avait obtenu son visa d’immigrant à titre de conjointe du demandeur principal alors, qu’en fait, elle ne l’était pas puisque le mariage antérieur du demandeur principal était toujours valide. Par conséquent, la section d’appel a statué que la demanderesse Susana Oloroso ne faisait pas partie de la catégorie de la famille et que, pour ce motif additionnel, elle n’avait pas compétence pour entendre l’appel de Susana Oloroso.

LA QUESTION EN LITIGE

[7]        La principale question dont je suis saisi est de savoir si la section d’appel a ou non commis une erreur en statuant qu’elle n’avait pas compétence pour connaître des appels des demandeurs du fait qu’ils n’étaient pas en possession de visas d’immigrant en cours de validité à la date pertinente. J’étais également saisi d’une deuxième question, soit de savoir si la section d’appel a ou non commis une erreur dans son autre conclusion concernant Susana Oloroso, savoir qu’elle n’était pas membre de la catégorie de la famille et que, par conséquent, également pour ce motif, la section d’appel n’avait pas compétence concernant l’appel de Mme Oloroso.

LA JURISPRUDENCE PERTINENTE

[8]        Il existe une jurisprudence relativement abondante des deux sections de la présente Cour sur la question de la compétence de la section d’appel lorsque la validité d’un « permis de retour » est mise en doute, dans le cas des appels fondés sur le paragraphe 70(1) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 13] de la Loi, et lorsque la validité d’un visa d’immigrant est mise en doute, dans le cas des appels fondés sur le paragraphe 70(2) de la Loi[3].

[9]        Dans l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. De Decaro[4], la Cour d’appel a statué à la majorité qu’une décision de la section d’appel accordant le droit d’établissement à une personne qui était titulaire d’un visa conditionnel en cours de validité et dont le conjoint était décédé après la délivrance du visa conditionnel, l’exécution de la condition rattachée à la délivrance du visa devenant ainsi impossible, devait être infirmée. Toutefois, elle n’est pas parvenue à cette conclusion en se fondant sur le fait que la personne visée, quand elle s’est présentée au point d’entrée, devait être en possession d’un visa « en cours de validité ». Au nom de la majorité, le juge Pratte écrit ceci [aux pages 413 et 414] :

Pour en arriver à cette conclusion [que la décision de la section d’appel doit être annulée], il n’est pas nécessaire de dire, comme l’avocate de l’appelante nous a invités à le faire, que l’immigrant ou le visiteur qui se présente à un point d’entrée doit être en possession d’un visa valide et qu’un visa cesse d’être valide dès lors que son titulaire ne satisfait plus aux exigences relatives à son émission. Il suffit, en effet, de se reporter à la définition que donne le paragraphe 2(1) de l’expression « personne à charge qui l’accompagne » pour constater que le visa délivré à une personne de cette catégorie en est un d’un genre bien particulier qui est délivré dans le seul but de permettre à son titulaire d’accompagner ou de suivre une autre personne au Canada. À mon avis, le détenteur d’un pareil visa qui sollicite l’admission au pays sans que « l’autre personne » ne l’accompagne ou ne l’ait précédé au pays ne satisfait pas plus aux exigences du paragraphe 9(1) de la Loi que le détenteur d’un visa de visiteur qui demande l’admission à titre d’immigrant. L’un et l’autre ont bien obtenu un visa mais, dans chaque cas, il s’agit d’un visa conditionnel qui ne rencontre les exigences de l’article 9 que si la condition dont il dépend est accomplie lorsque son titulaire sollicite l’admission au Canada.

[10]      En toute déférence, je suis incapable d’établir une distinction entre l’analyse faite ci-dessus et une analyse qui mènerait à la conclusion que le visa de la personne concernée n’est plus un visa « en cours de validité » du fait d’un événement qui s’est produit après sa délivrance.

[11]      Dans des motifs distincts, le juge Marceau est parvenu à une conclusion différente. Son raisonnement semble avoir ultérieurement gagné la faveur de la Cour d’appel, comme on le constatera ci-dessous dans les présents motifs.

[12]      Dans l’arrêt Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Wong[5], la Cour d’appel s’est de nouveau penchée sur la question d’un appel fondé sur un visa « en cours de validité ». Dans cette affaire, la section d’appel avait conclu qu’elle avait compétence pour entendre un appel fondé sur l’alinéa 70(2)b) de la Loi, étant donné qu’au moment de l’octroi du droit d’établissement, la personne visée était en possession d’un visa d’immigrant en cours de validité.

[13]      S’exprimant au nom de la Cour, le juge MacGuigan écrit ceci à la page 238 :

La seule question que cette Cour a à trancher porte sur la compétence qu’a la Commission pour connaître de l’appel, et cette question dépend de celle de savoir si la fille à charge était titulaire d’un visa d’immigrant en cours de validité. Notre examen de cette question se trouve, dans une grande mesure, entravé par le fait que, bien qu’elle ait reçu une signification en bonne et due forme de la tenue de cette audience, l’intimée n’a ni comparu en personne, ni ne s’est fait représenter par avocat, ce qui fait qu’aucun argument n’a été présenté pour répondre aux prétentions de l’appelant.

L’appelant a attiré notre attention sur la récente décision majoritaire rendue le 1er mars 1993 par cette Cour dans l’affaire Le ministère de l’Emploi et de l’Immigration c. Decaro […]. Quelle que soit la conséquence lorsqu’un élément sur lequel repose la délivrance d’un visa cesse d’exister par la suite, nous sommes au moins convaincus que, lorsque, comme en l’espèce, la principale raison de la délivrance d’un visa a cessé d’exister avant sa délivrance, on ne peut dire d’un tel visa qu’il est « un visa d’immigrant en cours de validité ». [Souligné dans l’original, renvoi omis.]

[14]      Les faits dont était saisie la Cour d’appel dans l’affaire Wong se rapprochent davantage de ceux en l’espèce que les faits de l’arrêt De Decaro en ce sens que, dans l’affaire Wong comme en l’espèce, le principal motif, ou du moins l’un des principaux motifs, à l’origine de la délivrance des visas avait cessé d’exister avant leur délivrance. Cela dit, la préoccupation exprimée par le juge MacGuigan concernant l’absence d’arguments contraires à ceux présentés au nom du ministre, en l’espèce le défendeur, qui a « dans une grande mesure entravé » l’examen de la Cour, laisse entendre, du moins pour le soussigné, que la question méritait un examen plus approfondi.

[15]      Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hundal[6], le juge Rothstein, maintenant juge à la Cour d’appel, était saisi d’une demande de contrôle judiciaire dans laquelle la question portait sur la compétence conférée à la section d’appel par l’alinéa 70(2)b) de la Loi, lorsque la validité d’un visa d’immigrant est mise en doute. Le juge Rothstein écrit ceci aux pages 40 et 41 :

Il me reste nécessaire, naturellement, de me pencher sur les remarques incidentes de la Cour d’appel fédérale sur la question de la validité des visas, par lesquelles je me trouve lié. Il semble y avoir quatre exceptions à la règle générale selon laquelle un visa, une fois délivré, reste valide.

J’appelle la première de ces exceptions, l’exception De Decaro. On peut la décrire comme représentant la situation dans laquelle il y a des obstacles au respect de la condition dont dépend la délivrance du visa, ou impossibilité de remplir cette condition. Comme c’est le cas pour les contrats, et j’admets qu’il est toujours risqué de faire des comparaisons, une telle exception fondée sur les « obstacles » à la validité d’un visa ayant un champ d’application restreint. Elle ne s’applique que s’il est évident qu’un événement rend désormais impossible le respect de la condition attachée au visa. Comme dans l’affaire De Decaro, lorsque meurt la personne dont l’existence était essentielle à l’octroi de visas aux personnes à sa charge, il est évident que la condition attachée aux visas en cause n’est plus remplie et que ceux-ci, du fait même, deviennent invalides.

Mais il doit être clair que dans la vaste majorité des cas, dont par exemple l’existence de problèmes médicaux, la perte de points d’appréciation, le retrait d’un parrainage et autres inconvénients du genre, un changement de circonstances n’est pas irrévocable. En effet, je crois que le juge Pratte, J.C.A., dans l’arrêt De Decaro, n’a pas à dessein laissé entendre que chaque fois que la condition d’un visa n’est pas remplie, celui-ci devient du fait même invalide […] Tant qu’on ne peut dire que la condition attachée à un visa devient impossible à remplir lorsque survient un événement postérieur à la délivrance du visa, celui-ci reste valide. Naturellement, il se peut que la personne en cause ne reçoive pas le droit d’établissement en raison du changement de circonstances, mais cela ne touche pas la validité du visa. Le refus du droit d’établissement sera la conséquence de l’interrogatoire réalisé par l’agent d’immigration au point d’entrée.

La seconde exception vise le défaut de remplir une des conditions attachées à l’octroi du visa lui-même avant qu’il ne soit délivré. C’est la situation décrite dans l’arrêt Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Wong […]

[…]

En l’absence d’éléments essentiels à la délivrance d’un visa avant que celui-ci ne soit délivré, le visa, une fois délivré, ne sera pas valide. Il est invalide dès le départ. C’est l’exception dont il est question dans l’arrêt Wong. [Non souligné dans l’original.]

[16]      Les troisième et quatrième exceptions décrites par le juge Rothstein ne sont pas pertinentes pour les fins de l’espèce.

[17]      L’analyse du juge Rothstein a été confirmée par la Cour d’appel[7]. Au nom de la Cour, le juge Strayer exprime l’opinion suivante :

Nous sommes tous d’avis que le présent appel devrait être rejeté. Nous sommes d’accord avec l’analyse que le juge des requêtes a faite de la jurisprudence et avec son principe général selon lequel « lorsqu’un visa est délivré, il reste valide ».

[18]      La Cour d’appel a refusé de dire si la décision De Decaro devait être interprétée « de façon générale ».

[19]      Dans l’arrêt McLeod c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[8], la Cour d’appel a réexaminé la décision qu’elle avait prise dans l’affaire De Decaro. La Cour était saisie d’une décision de la section d’appel dans laquelle celle-ci avait statué que le visa d’immigrant en question était un visa d’immigrant en cours de validité.

[20]      S’exprimant au nom de la Cour, le juge Strayer écrit ceci aux paragraphes 16 à 18 :

Comme les avocats des deux parties l’ont reconnu devant la Cour, le régime établi par la Loi ne prévoit pas qu’un visa peut devenir invalide et cette sanction n’est d’ailleurs pas nécessaire pour exclure les immigrants inadmissibles. Dans l’affaire De Decaro, le juge Marceau, J.C.A., dissident, n’a pu trouver, dans le texte de la Loi, aucun fondement à l’invalidation d’un visa en raison d’un changement de situation. Il a plutôt souligné que le processus d’immigration comportait deux étapes. En premier lieu, un agent des visas peut délivrer un visa au demandeur s’il conclut que ce dernier est admissible. En deuxième lieu, le titulaire d’un visa doit se présenter à un port d’entrée canadien, où l’agent d’immigration détermine s’il est admissible, en vertu du paragraphe 12(1) […] de la Loi. Le demandeur est tenu, notamment, de convaincre l’agent, en vertu de l’article 12 du Règlement, qu’il satisfait toujours aux exigences de la Loi, y compris, de toute évidence, que le visa dont il est titulaire est suffisant, dans les circonstances qui existent alors, pour autoriser son admission au pays. Il n’est donc pas nécessaire d’inférer du libellé de la Loi un concept d’invalidation du visa découlant d’un changement de la situation, car la deuxième étape du processus est conçue pour régler cette question.

Le juge Rothstein, dans l’affaire Hundal, s’est appuyé sur cette analyse pour élaborer un raisonnement qui restreint l’application de la décision De Decaro. Il lui a ajouté une remarque, fondée sur les prétentions de l’avocat de l’intimé dans cette affaire, portant que si tout changement de situation survenu après la délivrance d’un visa le rendait invalide, l’alinéa 70(2)b) ne pourrait conférer aucun droit d’appel, ou presque, aux titulaires de visas que l’on refuserait d’admettre au Canada lorsqu’ils se présenteraient à la frontière car, par définition, ils ne seraient pas titulaires d’un visa en cours de validité. Dans la mesure où l’on refuse d’admettre un immigrant à un point d’entrée en raison d’un changement de situation survenu depuis la délivrance de son visa, cela semblerait être le cas et justifierait à plus forte raison un réexamen de la jurisprudence.

CONCLUSION

J’ai conclu qu’il n’existe pas de motif suffisant pour déduire du libellé de la Loi qu’un changement de situation survenu après la délivrance d’un visa peut mettre fin à la validité du visa. L’analyse effectuée par le juge Marceau, J.C.A. et le juge Rothstein m’amène en outre à conclure qu’il n’est pas nécessaire d’inférer pareille sanction, car la réalisation de l’objet de la Loi ne l’exige pas. [Non souligné dans l’original.]

[21]      Bien entendu, le raisonnement qui précède n’est pas directement applicable aux faits de l’espèce, qui se rapprochent davantage de « l’exception Wong », décrite par le juge Rothstein dans la décision Hundal, précitée. Toutefois, ce raisonnement soulève la question, qui a été débattue devant moi, de savoir si « l’exception Wong » est maintenant elle-même suspecte, particulièrement si l’analyse du juge Marceau, dans ses motifs dissidents concernant la décision De Decaro, peut être interprétée de façon assez générale pour inclure une situation de fait comme celle de l’affaire Wong et celle qui existe en l’espèce.

[22]      Finalement, j’en viens à la décision du juge Noël, maintenant juge à la Cour d’appel. Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Seneca[9], le juge Noël était saisi d’une décision de la Section d’appel dans laquelle celle-ci avait rejeté une requête préliminaire présentée par l’avocat du ministre en vue de faire rejeter l’appel dont elle était saisie parce qu’elle n’avait pas compétence pour l’entendre. Bien que les faits n’aient pas été en cause, ils n’étaient pas sans ressembler aux faits de l’espèce. Le défendeur, comme c’est le cas en l’espèce du demandeur principal, était un citoyen des Philippines qui demandait le statut de résident permanent à titre de membre de la catégorie de la famille. Sa demande avait été parrainée par sa fiancée canadienne. Dans cette demande, il avait fourni de faux renseignements concernant un mariage antérieur et le nombre d’enfants issus de celui-ci. Un visa d’immigrant lui avait été délivré à la condition qu’il épouse sa fiancée dans les quatre-vingt-dix jours après avoir obtenu le droit d’établissement au Canada, ce qu’il avait prétendu faire. Toutefois, on a découvert ultérieurement que son mariage antérieur n’avait jamais été dissous et le défendeur a été déclaré coupable de bigamie. En s’appuyant sur ces faits, après avoir effectué une analyse très serrée de la question, le juge Noël a rejeté la demande de contrôle judiciaire dont il était saisi et confirmé que la Section d’appel avait compétence pour entendre l’appel dont elle était saisie. Il s’exprime ainsi au paragraphe 34 :

Logiquement, on ne peut invoquer le statut d’une personne qui entend interjeter appel d’une mesure de renvoi prise par l’arbitre pour lui nier le droit d’appel prévu par l’alinéa 70(1)a) lorsque toute conclusion concernant son statut découle nécessairement d’une conclusion de fait ou de droit tirée par l’arbitre. L’hypothèse selon laquelle l’intéressé n’a pas de statut parce qu’il n’a pas été admis « légalement » à l’origine ne saurait le priver de son droit d’appel sur cette question précise.

[23]      La décision du juge Noël a été confirmée en Cour d’appel et expliquée par des motifs très brefs[10]. S’exprimant au nom de la Cour, le juge McDonald écrit ceci [au paragraphe 6] :

Le juge des requêtes s’est penché de façon détaillée sur la jurisprudence et sur la législation pertinente. Pour l’essentiel, nous sommes d’accord avec son analyse du droit et de l’intention du législateur, qui sous-tend les articles pertinents de la Loi sur l’immigration, ainsi qu’avec les conclusions auxquelles il est arrivé.

ANALYSE

[24]      S’appuyant sur le résumé précité de la jurisprudence récente, l’avocat du demandeur fait instamment valoir qu’il y a eu un changement dans l’interprétation de la Loi au niveau de la Cour d’appel, au vu particulièrement de ses arrêts McLeod et Seneca, et pour ce qui a trait aux motifs minoritaires du juge Marceau dans la décision De Decaro, citée par le juge Strayer dans l’arrêt McLeod. Plus précisément, il soutient que « l’exception Wong » à laquelle le juge Rothstein a fait référence dans la décision Hundal, et avancée par la Cour d’appel, est maintenant suspecte et pourrait fort bien avoir été renversée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt McLeod, s’il avait été approprié de le faire en s’appuyant sur les faits de cette affaire et les arguments dont était saisie la Cour.

[25]      Je suis convaincu que les prétentions de l’avocat du demandeur sont bien fondées.

[26]      J’aborde maintenant les motifs minoritaires du juge Marceau dans la décision De Decaro. Il y écrit ceci à la page 419 :

La Loi et le Règlement ne me semblent faire usage ni de cette notion de visa valide pouvant devenir invalide selon les circonstances, ni de cette notion de visa conditionnel requérant, pour avoir effet, la réalisation actuelle de la condition.

Je ferai remarquer d’abord que les seuls endroits où l’on parle de « visa valide » dans la Loi se trouvent aux articles 70(2) […], 91(2), 94.1 […] et 94.2 […] et enfin à l’alinéa 114(1)q). Or, partout, sans exception, dans chacune de ces dispositions, le mot est utilisé dans l’expression « en cours de validité », ce qui lui attribue, sans doute, le sens de « non périmé », d’un visa dont le délai d’émission n’est pas expiré. Il ne saurait d’ailleurs en être autrement, étant donné le contexte : sauf la première disposition, toutes les autres—qui se trouvent à la Partie V relative aux obligations des transporteurs, à la Partie VI qui concerne les infractions et peines et à la Partie VII contenant des dispositions générales—visent à pénaliser le transporteur qui emmène au Canada un ressortissant étranger non muni d’un visa « en cours de validité » et celui qui incite ou encourage autrement une telle personne à entrer au Canada : on ne pourrait quand même pas requérir du transporteur ou de l’incitateur qu’il vérifie plus que la date d’expiration du visa exhibé. Et pour ce qui est de la première disposition, celle du paragraphe 70(2), l’expression là non plus ne saurait se rapporter à autre chose qu’au délai de mise en vigueur puisqu’elle est utilisée à propos de cas qui ont donné lieu à des rapports sous le paragraphe 20(1), soit des cas de non-respect des conditions de fond d’octroi du visa. Ni la Loi donc, ni le Règlement, où l’on retrouve le mot « validité » encore plus rarement […], ne parlent de visa valide dans un sens autre que visa non périmé. [Souligné dans l’original, renvois omis.]

[27]      Je note que, dans la version anglaise du paragraphe 70(2) de la Loi, reproduit ci-dessus dans les présents motifs, on fait référence à un « valid immigrant visa » et non pas à un « valid and subsisting immigrant visa » comme la citation précédente pourrait le laisser entendre.

[28]      Le juge Marceau poursuit ainsi aux pages 421 et 422 :

On sait que la délivrance du visa d’immigrant ne constitue pas l’octroi du droit d’établissement. Cette délivrance signifie simplement que l’agent des visas s’est formé l’opinion que le requérant satisfaisait aux exigences de la Loi et du Règlement pour pouvoir s’établir au Canada. Sans doute, l’octroi d’un visa n’est-il pas qu’un exercice académique sans aucune portée ni valeur pratique. Le visa témoigne de l’attestation d’un officier d’immigration dont c’est le rôle de vérifier de l’extérieur l’admissibilité des postulants, et cette attestation sera normalement acceptée comme telle par son collègue à l’entrée. Mais le principe demeure que le ressortissant étranger qui arrive au pays pour s’y établir doit satisfaire l’agent d’immigration de son admissibilité au point d’entrée […]. C’est dans ce contexte que joue l’article 12 du Règlement. Il impose d’abord à l’immigrant l’obligation de révéler tout changement dans les faits qui ont pu influer sur la délivrance du visa dont il est titulaire et, s’il y a eu tel changement, il exige de l’immigrant qu’il satisfasse à des exigences nouvelles. Son visa n’est pas nul, mais on sait qu’en lui-même le visa ne donne pas droit d’entrée; ce sont les exigences nouvelles de cet article 12 du Règlement qui doivent être respectées. [Renvoi omis.]

[29]      L’avocat du demandeur a essentiellement adopté le raisonnement du juge Marceau, reproduit ci-dessus, et a développé ce raisonnement dans ses prétentions écrites présentées en réponse après l’audition et comme il l’avait fait au cours de l’audience. L’avocat du défendeur a, à son tour, répondu à ces arguments écrits.

[30]      À mon avis, aucun des extraits précités des motifs du juge Marceau ne m’oblige à tirer la conclusion que l’adoption, dans McLeod, de son raisonnement ayant trait à « l’exception De Decaro » devrait logiquement s’étendre aux circonstances, comme en l’espèce, qui tombent sous le coup de « l’exception Wong ». Toutefois, l’approbation par la Cour d’appel du raisonnement exposé par le juge Noël dans la décision Seneca me semble porter plus particulièrement sur le bref passage tiré de ses motifs reproduit ci-dessus que je reprends ici pour faciliter la consultation :

Logiquement, on ne peut invoquer le statut d’une personne qui entend interjeter appel d’une mesure de renvoi prise par l’arbitre pour lui nier le droit d’appel prévu par l’alinéa 70(1)a) lorsque toute conclusion concernant son statut découle nécessairement d’une conclusion de fait ou de droit tirée par l’arbitre. L’hypothèse selon laquelle l’intéressé n’a pas de statut parce qu’il n’a pas été admis « légalement » à l’origine ne saurait le priver de son droit d’appel sur cette question précise.

[31]      Je suis convaincu que le même raisonnement peut s’appliquer par analogie aux faits de l’espèce et à un appel fondé sur l’alinéa 70(2)b) de la Loi. Logiquement, on ne devrait pas pouvoir invoquer le statut matrimonial d’une personne qui entend interjeter appel d’une mesure de renvoi prise par un arbitre, pour lui nier le droit d’appel prévu par l’alinéa 70(2)b), lorsque toute conclusion concernant son statut matrimonial découle nécessairement d’une conclusion de fait ou de droit tirée par l’arbitre. La thèse selon laquelle les demandeurs en l’espèce n’avaient pas le statut nécessaire pour interjeter appel parce que, dans le cas du demandeur principal, il était déjà marié et que ce mariage n’avait pas été dissous, et que, dans le cas des autres demandeurs, du fait du mariage antérieur non dissous du demandeur principal, ils n’étaient pas des personnes à charge légitimes, et que, par conséquent, on leur avait à tort délivré des visas et que ceux-ci étaient invalides, ne devrait pas, logiquement, les priver de leur droit d’appel à la section d’appel sur cette question précise.

CONCLUSION

[32]      Vu l’analogie existant d’après moi avec le raisonnement exposé par le juge Noël dans la décision Seneca, qui a été avalisée par la Cour d’appel, et l’évolution que je perçois dans le raisonnement de la Cour d’appel depuis la décision De Decaro, je suis d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire, dans la mesure où elle concerne la compétence de la section d’appel, doit être accueillie. La décision de la section d’appel, selon laquelle elle n’avait pas compétence pour entendre les appels des demandeurs en vertu du paragraphe 70(2) de la Loi au motif qu’ils n’étaient pas en possession d’un visa d’immigrant en cours de validité au moment où un rapport les concernant avait été établi par un agent d’immigration aux termes de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, est infirmée, et sur cette seule question, l’affaire, dans la mesure où elle se rapporte à tous les demandeurs autre que Susana Oloroso, est renvoyée à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour audition et décision.

[33]      La deuxième conclusion de la section d’appel, concernant Susana Oloroso, qui est mentionnée au paragraphe 7 des présents motifs, doit tomber, j’en suis convaincu, compte tenu de ma décision selon laquelle sa conclusion concernant sa compétence doit être infirmée. Ainsi, la décision concernant Susana Oloroso sera également infirmée et son appel sera également renvoyé à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

CERTIFICATION D’UNE QUESTION

[34]      L’avocat des demandeurs a recommandé la certification de la question suivante :

[traduction] L’expression « visa d’immigrant en cours de validité » employée à l’alinéa 70(2)b) de la Loi sur l’immigration désigne-t-elle seulement un visa selon la définition du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration, c’est-à-dire un document délivré ou un cachet apposé par l’agent des visas, qui, au moment où le titulaire du visa demandait le droit d’établissement, n’était pas expiré? Ou l’expression « visa d’immigrant en cours de validité » signifie-t-elle, en outre, que toutes les conditions essentielles doivent être réunies au moment de la délivrance du visa?

L’avocat du défendeur a recommandé la certification de la question suivante :

[traduction] Un visa d’immigrant délivré sur la foi de fausses déclarations peut-il être considéré comme un « visa d’immigrant en cours de validité » au sens de l’alinéa 70(2)b) de la Loi sur l’immigration?

[35]      À mon avis, la question proposée par l’avocat du défendeur, bien qu’elle soit très semblable en substance à celle qui a été soumise par l’avocat du demandeur, comporte une difficulté fondamentale qui a été relevée par le juge Noël dans la décision Seneca. Il s’agit simplement de l’opinion d’un arbitre, fondée sur les faits de l’affaire, que les visas en l’espèce ont été délivrés [traduction] « sur la foi de fausses déclarations ». C’est précisément la question que les demandeurs ont porté en appel devant la section d’appel. Je ne certifierai pas de question sous la forme proposée par l’avocat du défendeur. Par ailleurs, je suis convaincu que, moyennant quelques légères modifications restreignant la question aux faits de l’espèce et reflétant certaines préférences stylistiques du soussigné, la question proposée au nom des demandeurs est une question grave de portée générale qui serait déterminante, du moins pour ce qui concerne trois des demandeurs, dans un appel de ma décision. Une question rédigée essentiellement selon la forme proposée par l’avocat des demandeurs sera certifiée.



[1]  L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]  D’après la définition de « mesure de renvoi », à l’art. 2(1) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 1] de la Loi, cette expression inclut une mesure d’exclusion.

[3]  L’art. 70(1) de la Loi est rédigé dans les termes suivants :

70. (1) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conforme aux règlements peuvent faire appel devant la section d’appel d’une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants :

a) question de droit, de fait ou mixte;

b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada. [Non souligné dans l’original.]

[4]  [1993] 2 C.F. 408 (C.A.).

[5]  (1993), 153 N.R. 237 (C.A.F.).

[6]  [1995] 3 C.F. 32 (1re inst.).

[7]  (1996), 36 Imm. L.R. (2d) 153 (C.A.F.), au par. 1.

[8]  [1999] 1 C.F. 257 (C.A.).

[9]  [1998] 3 C.F. 494 (1re inst.).

[10]  (1999), 247 N.R. 397 (C.A.F.).

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