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[2001] 3 C.F. 175

A-533-00 / A-539-00

Le commissaire de la concurrence (requérant)

c.

Supérieur Propane Inc. et ICG Propane Inc. (intimées)

Répertorié : Canada (Commissaire de la concurrence) c. Supérieur Propane Inc. (C.A.)

Cour d’appel, juge Linden, J.C.A.--Ottawa, 8, 9, 18 et 19 septembre 2000.

Concurrence — Pratique — Requête en sursis à l’exécution de décisions du Tribunal de la concurrence, aux fins de maintenir en vigueur une ordonnance de garder à part relative à la fusion des intimées — Elle n’est pas indispensable pour empêcher que les oeufs ne soient brouillésL’existence d’un préjudice irréparable n’a pas été établie, car il est possible de scinder l’entreprise fusionnée dans un délai raisonnable.

En décembre 1998, Supérieur Propane Inc. a convenu de fusionner avec ICG Propane Inc. Le commissaire de la concurrence a contesté la fusion devant le Tribunal de la concurrence et obtenu une ordonnance de garder à part devant expirer le 30 août 2000. Le Tribunal a autorisé le fusionnement, même s’il avait également conclu à une diminution sensible de la concurrence, en raison du moyen de défense prévu au paragraphe 96(1) de la Loi. Ces requêtes avaient pour but d’obtenir un sursis à l’exécution des décisions du Tribunal jusqu’à ce que les appels du commissaire soient tranchés. Les intimées, alléguant une perte de 2 500 000 $ par mois causée par le délai, souhaitent procéder au fusionnement avant que l’issue des appels ne soit connue.

Arrêt : les requêtes en sursis sont rejetées.

Pour obtenir un sursis, le requérant doit satisfaire au critère à trois volets qui a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR — MacDonald c. Canada : question sérieuse à juger; préjudice irréparable; balance des inconvénients.

Bien qu’une question sérieuse ait été soulevée en l’espèce (le sens de l’article 96 de la Loi sur la concurrence), le requérant n’a pu prouver qu’un préjudice irréparable sera causé. Quoique des ordonnances de garder à part soient couramment rendues tant aux États-Unis qu’au Canada à l’égard de fusions, car si on autorise la démarche de fusionnement, il sera pour ainsi dire impossible de réparer les dommages occasionnés de ce fait dans l’éventualité où on interjeterait appel avec succès, cette thèse n’a pas été retenue.

La situation d’une société fusionnée n’est pas tout à fait la même que celle des oeufs brouillés qu’il est effectivement impossible de remettre dans leur état initial. L’entité peut en effet être séparée de nouveau, malgré les difficultés liées à cette démarche, et la concurrence peut être rétablie. Il ne suffit pas que cette démarche soit difficile ou qu’elle occasionne des inconvénients. Aux États-Unis, de grandes sociétés comme AT&T et Standard Oil ont été divisées. Un expert a donné des exemples de 100 dessaisissements au cours des trois dernières années. Selon le témoignage très convaincant d’un témoin, il est possible de scinder l’entreprise fusionnée dans un délai raisonnable de manière à créer deux concurrents viables qui se livreront une concurrence efficace sur le marché national et sur les marchés locaux concernés. Bien que le requérant n’ait souscrit aucun engagement quant aux dommages-intérêts, non seulement les intimées se sont volontairement engagées à s’abstenir de se départir de certains éléments d’actif, mais encore un témoin a affirmé qu’elles peuvent payer tous les frais liés à pareil dessaisissement, principalement à même les économies qu’elles réaliseront jusqu’à ce que l’appel soit tranché.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle, 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19), art. 1.1 (édicté, idem), 92 (édicté, idem, art. 45; L.C. 1999, ch. 2, art. 37), 96 (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 45), 104 (édicté, idem, art. 45; L.C. 1999, ch. 2, art. 37).

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

RJR — MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; (1994), 111 D.L.R. (4th) 385; 164 N.R. 1.

DÉCISIONS CITÉES :

President and Fellows of Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), [2000] 4 C.F. 528 (2000), 189 D.L.R. (4th) 385; 7 C.P.R. (4th) 1 (C.A.); Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Hillsdown Holdings (Canada) Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 289 (Trib. conc.); International Corona Resources Ltd. v. Lac Minerals Ltd. (1987), 21 C.P.C. (2d) 260; 23 O.A.C. 378 (C.A. Ont.); Canada (Commissaire de la concurrence) c. Supérieur Propane Inc., [2000] D.T.C.C. no 15 (QL).

REQUÊTES visant à obtenir un sursis à l’exécution de deux décisions du Tribunal de la concurrence jusqu’à ce que le sort des appels interjetés dans les deux affaires soit tranché. Requêtes rejetées.

ONT COMPARU :

William J. Miller et Jo’Anne Strekaf pour l’appelant.

Neil Finkelstein, Melanie Aitken et Brian N. Radnoff pour les intimées.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelant.

Davies, Ward & Beck, Toronto, pour les intimées.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance prononcés à l’audience par

Le juge Linden, J.C.A. :

Introduction

[1]        Les quatre requêtes en l’espèce ont pour but d’obtenir un sursis à l’exécution de deux décisions du Tribunal de la concurrence jusqu’à ce que le sort des appels interjetés dans les deux affaires soit tranché, ainsi qu’une ordonnance visant à accélérer l’audition des deux appels et à obtenir des directives.

[2]        Dans une des décisions portées en appel, qui est en date du 30 août 2000 [[2000] D.T.C.C. no 15 (QL)], la demande du commissaire fondée sur l’article 92 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 45; L.C. 1999, ch. 2, art. 37] de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. 34 [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19] a été rejetée. Dans l’autre décision portée en appel, le Tribunal de la concurrence a conclu qu’une ordonnance provisoire de garder à part en date du 11 décembre 1998 (OGP), qui avait été rendue conformément à l’article 104 [édicté, idem; L.C. 1999, ch. 2, art. 37], prenait automatiquement fin lors de la décision en date du 30 août 2000 (où la demande de sursis a été rejetée).

[3]        Les faits à l’origine du litige sont très complexes et il n’y a pas lieu de les relater en détail ici; il suffit de dire que, le 7 décembre 1998, l’intimée Supérieur Propane Inc. a convenu de fusionner son entreprise avec celle d’ICG Propane Inc. et que ce fusionnement a fait l’objet d’une enquête et d’une contestation de la part du commissaire de la concurrence. Après l’audience relative à cette affaire, qui a duré 48 jours et au cours de laquelle 91 personnes ont témoigné, y compris 17 témoins experts, le Tribunal a autorisé le fusionnement dans une décision de 108 pages (516 paragraphes), même s’il avait également conclu à une diminution sensible de la concurrence, en raison du moyen de défense prévu au paragraphe 96(1) [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 45].

[4]        Peu après le dépôt de la contestation du commissaire, une ordonnance provisoire de « garder à part » (OGP) a été inscrite suivant le consentement des deux parties le 11 décembre 1998, laquelle ordonnance a expiré automatiquement le 30 août 2000, selon la décision du Tribunal.

[5]        Le commissaire désire que cette ordonnance demeure en vigueur jusqu’à ce que le présent appel soit tranché, tandis que les intimées souhaitent procéder au fusionnement. Les intimées sont convaincues qu’elles auront gain de cause; cependant, dans la négative, elles estiment que les mesures entreprises pour le fusionnement pourront être annulées. Elles sont frustrées non seulement par le délai, mais par la perte en efficiences qu’il occasionne, soit un montant de 2 500 000 $ par mois.

[6]        Les présentes requêtes ont d’abord été présentées à titre de procédure urgente visant à obtenir un sursis temporaire le vendredi 8 septembre 2000, immédiatement après la décision du Tribunal; les plaidoiries se sont poursuivies le samedi 9 septembre 2000 et l’audience a été ajournée et reportée aux 18 et 19 septembre 2000, de façon que la Cour ait en main tous les motifs écrits du Tribunal, ce qui permettrait une meilleure préparation de la documentation en vue de l’audience. La Cour doit maintenant décider si elle rejettera les requêtes en sursis et autorisera le fusionnement pendant l’appel ou si elle accordera un sursis ayant pour effet de maintenir en vigueur l’OGP datée du 11 décembre 1998. Dans un cas comme dans l’autre, les parties reconnaissent que les deux appels devraient être entendus le plus rapidement possible et ont indiqué qu’elles étaient disposées à collaborer à cette fin.

Analyse

[7]        Les deux parties conviennent que le critère à trois volets qui a été énoncé dans l’arrêt RJR — MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, s’applique en l’espèce, même si l’affaire RJR--MacDonald concernait un litige relevant de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. Selon ce critère :

1) l’appel doit soulever une question sérieuse à juger;

2) la partie requérante doit subir un préjudice irréparable;

3) la balance des inconvénients doit favoriser un sursis.

En appel, il se peut que le fardeau de la partie requérante soit plus lourd qu’il l’était avant l’instruction, mais il demeure relativement peu exigeant; une question sérieuse à juger doit exister, mais comme l’a dit le juge Sopinka dans l’arrêt RJR — MacDonald, précité, « les exigences minimales ne sont pas élevées », la partie requérante étant tenue de prouver uniquement que la demande n’était « ni futile ni vexatoire ». Même s’il y a peu de chances que la partie appelante ait gain de cause en appel, le juge des requêtes devrait étudier les deuxième et troisième éléments, parce qu’un examen prolongé du fond n’est « ni nécessaire ni souhaitable ».

[8]        Dans la présente affaire, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la norme de contrôle judiciaire est celle de la décision correcte ou de la décision raisonnable dans une situation semblable à celle dont la Cour est saisie. Les parties ne s’entendent pas non plus sur la question de savoir si les points en litige sont des questions de droit, des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit. Une certaine retenue s’impose sans doute à l’égard de certains aspects de la décision; cependant, à mon sens, il y a d’autres questions qui ont une grande importance sur le plan juridique et qu’il sera peut-être nécessaire de trancher en fonction de la norme de la décision correcte. (Voir l’arrêt President and Fellows of Harvard College c. Canada (Commissaire au brevets), [2000] 4 C.F. 528 (C.A.)). La Cour ne peut déléguer en entier au Tribunal sa responsabilité liée au contrôle de l’évolution du droit de la concurrence.

[9]        Par conséquent, malgré les efforts louables que Me Finkelstein a déployés pour tenter de me convaincre de l’absence de questions sérieuses à juger en l’espèce, j’estime qu’il existe au moins une question de droit majeure que la Cour doit trancher dans le présent appel (appels un et deux du requérant) et qui constitue en soi une question de droit sérieuse, indépendamment de la norme de contrôle applicable. Il s’agit du sens de l’article 96 de la Loi à la lumière des objets de celle-ci qui sont énoncés à son article 1.1 [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19]. C’est là une question clé qui a une importance majeure pour l’application de la Loi. La majorité des membres du Tribunal ont utilisé une méthode pour interpréter cette disposition, mais un membre dissident du Tribunal était tout à fait en désaccord avec cette méthode. Dans le passé, le commissaire a formulé des positions incompatibles sur le sens de cette disposition dans l’affaire MEG et dans d’autres cas. Dans l’affaire Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Hillsdown Holdings (Canada) Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 289 (Trib. conc.), à la page 339, Mme le juge Reed, qui a déjà présidé le Tribunal dans le passé, a formulé des remarques, incidentes peut-être, mais qui pourraient être considérées comme des remarques incompatibles avec la décision que la majorité a rendue dans cette affaire, même si elle a uniquement soulevé la question sans se prononcer de manière définitive à ce sujet. Il m’apparaît évident que cette question à la fois complexe et importante du sens de l’article 96 est une question de droit tellement fondamentale que la Cour doit évaluer la décision du Tribunal, même s’il est possible qu’elle s’en remette à cette décision en dernier ressort.

[10]      Par conséquent, il n’est pas nécessaire que j’examine l’importance des deux autres questions que le requérant a soulevées en ce qui a trait au fardeau de la preuve ou encore à la situation du [traduction] « fusionnement visant à obtenir le monopole ». Il n’est pas nécessaire non plus que je commente la question liée à l’article 104, soit celle de savoir si le Tribunal est dessaisi en ce qui a trait à l’ordonnance de garder à part faisant suite au prononcé de sa décision. Étant donné qu’au moins une question sérieuse a été soulevée en l’espèce, le premier obstacle a été franchi.

[11]      Je dois maintenant examiner la deuxième condition que le requérant est tenu de remplir, soit l’existence d’un préjudice irréparable. Invoquant les autorités américaines, l’avocat du commissaire a soutenu avec éloquence que lorsque les oeufs sont brouillés, il est impossible de les remettre dans leur état initial. En d’autres termes, si les deux entreprises sont autorisées à poursuivre la démarche de fusionnement en attendant que l’appel soit tranché, il sera pour ainsi dire impossible de réparer les dommages occasionnés de ce fait dans l’éventualité où la Cour d’appel accueillerait l’appel. L’avocat a ajouté que l’obligation de défaire le fusionnement en question pourrait donner lieu à un « chaos », comme l’a dit le juge saisi d’une situation similaire dans l’affaire International Corona Resources Ltd. v. Lac Minerals Ltd. (1987), 21 C.P.C. (2d) 260 (C.A. Ont.).

[12]      Dans le rapport qu’il a préparé à l’intention du commissaire et qui est joint à son affidavit, le professeur Richard Schwindt, de la Simon Fraser University (Colombie-Britannique), a conclu que [traduction] « l’intégration de Supérieur Propane Inc. et d’ICG aurait pour effet, au mieux, de gêner et, au pire, de mettre en péril un dessaisissement, c’est-à-dire le «rétablissement relativement rapide d’une concurrence vigoureuse dans l’industrie ». Cette opinion ne prouve guère qu’il s’agit d’un préjudice « auquel il ne peut être remédié ». (Voir l’arrêt RJR — Macdonald, à la page 341.) L’avocat du commissaire fait valoir que, étant donné que l’intégration provisoire « réduira ou détruira à toutes fins utiles ICG comme entité pouvant être aliénée », « l’intérêt public » sera « lésé de façon irréparable » si la demande de sursis est refusée. En d’autres termes, les consommateurs subiront les conséquences négatives de ce fusionnement sur la concurrence au cours de la période précédant la décision qui sera rendue en appel. Il est indubitable que le dessaisissement serait difficile et coûteux en cas de fusionnement, mais les intimées sont conscientes de ces obstacles et disposées à en supporter les frais, au besoin. D’après l’expertise qui a été faite à ce sujet, il est indéniable que les économies réalisées compenseront plus que largement ces frais.

[13]      À mon avis, la métaphore des oeufs brouillés est dramatique, mais ne convient pas tout à fait. Lorsque des oeufs sont brouillés, il est effectivement impossible de les remettre dans leur état initial, mais la situation d’une société fusionnée n’est pas tout à fait la même que celle des oeufs brouillés. L’entité peut en effet être séparée de nouveau, malgré les difficultés liées à cette démarche, et la concurrence peut être rétablie. Il ne suffit pas que cette démarche soit difficile ou qu’elle occasionne des inconvénients. Pour obtenir un sursis, il faut prouver que le préjudice est vraiment irréparable.

[14]      Dans le passé, de grandes sociétés américaines comme AT&T et Standard Oil ont été divisées. Le ministère de la justice américain cherche actuellement à scinder Microsoft. Cette procédure est possible, selon la preuve non contestée que les intimées ont présentée. Dans un rapport joint à un affidavit, Bob Briggs, associé principal d’un cabinet de Washington D.C. spécialisé dans les affaires antitrust qui, selon lui, est le plus grand cabinet privé au monde en la matière, souligne [traduction] « qu’il n’y a aucune raison, en principe, pour laquelle les dessaisissements postérieurs à l’acquisition ne peuvent constituer un recours aussi efficace que ceux qui sont faits avant le fusionnement ». Il a donné des exemples de nombreux dessaisissements (100 au cours des trois dernières années), dont certains ont été faits même 25 ans (Dupont) et 17 ans (El Paso Natural Gas) après les fusionnements initiaux. Selon M. Briggs, il existe des organismes et des tribunaux qui sont en mesure de surveiller les dessaisissements nécessaires pour accroître la concurrence. Ce type de recours ex post facto [traduction] « permet à la société de récolter les fruits d’efficiences grandement souhaitées tout en incitant fortement la direction à éviter de se livrer à une conduite opportuniste susceptible d’engendrer des demandes de dessaisissement ».

[15]      La version de Stephen Cole, qui a témoigné pour les intimées, est très convaincante. Après avoir consacré des centaines d’heures à la présente affaire et surveillé les recherches de ses associés, qui ont duré des milliers d’heures, il a conclu en ces termes :

[traduction] Il est possible de scinder l’entreprise fusionnée dans un délai raisonnable de manière à créer deux concurrents viables qui se livreront une concurrence efficace sur le marché national et sur les marchés locaux concernés.

Son opinion est fondée en partie sur le fait que 85 p. 100 des personnes, camions et réservoirs seront conservés au cours de l’intégration. Même s’il est possible que la plus grande partie de l’attrition soit faite à même les ressources d’ICG, ce fait demeure important. De plus, au besoin, il serait possible de trouver un acheteur qui ferait l’acquisition du reste d’ICG et qui pourrait devenir un nouveau concurrent indépendant. La société Amerigas a été mentionnée à titre d’acquéreur possible, même si elle disait à l’origine s’intéresser à ICG comme entreprise en activité. D’autres acquéreurs possibles ont été identifiés. Cole a cité l’exemple du dessaisissement de CP qui a eu lieu au Canada. Selon lui, [traduction] « il est possible de créer deux concurrents en matière de distribution de propane en défaisant l’intégration ». Il ajoute que les intimées peuvent payer tous les frais liés à cette démarche principalement à même les économies qu’elles réaliseront jusqu’à ce que l’appel soit tranché.

[16]      Par conséquent, la preuve indique de façon plus qu’évidente que le requérant n’a pu prouver, comme il doit le faire, qu’un préjudice irréparable sera causé si le sursis n’est pas accordé.

[17]      Le troisième élément est celui de la balance des inconvénients, mais il n’est pas nécessaire que j’examine cette question, étant donné que j’en suis arrivé à la conclusion que le deuxième volet du critère n’a pas été établi. La requête peut être accueillie uniquement si les trois volets ont été établis, et l’un d’eux ne l’a pas été. Cependant, il est évident que les frais découlant du délai sont élevés pour les intimées, soit 30 000 000 $ par année. L’absence d’engagement du requérant quant aux dommages-intérêts est également importante en l’espèce. En fait, les intimées se sont volontairement engagées devant la Cour à s’abstenir, avant l’issue de l’appel, de se départir des camions, des réservoirs et des biens immeubles autrement que dans le cours normal de leurs activités, ce qui est une mesure sage, mais que je ne leur imposerais pas, puisque le commissaire ne semble pas y tenir.

[18]      Il a été mentionné que le fusionnement des deux entreprises ne peut être fait au cours des mois d’hiver, c’est-à-dire avant le 1er avril 2001, mais la planification de ce projet complexe pourrait avoir lieu au cours des prochains mois. C’est au cours du fusionnement que la majeure partie des économies, soit les deux tiers, peut être réalisée. Il se peut que, d’ici le 1er avril 2001, la Cour d’appel se soit prononcée dans l’appel et, si le commissaire a gain de cause, les mesures préliminaires qui auront été entreprises pourront être freinées. Dans le cas contraire, selon les motifs de la Cour, le commissaire pourra demander à la Cour suprême du Canada de suspendre la démarche relative au fusionnement jusqu’à ce qu’elle se prononce elle-même au sujet de l’appel.

[19]      La présente requête visant à obtenir un sursis sera rejetée et les dépens suivront l’issue de la cause.

[20]      En ce qui a trait à la requête visant à accélérer l’audition des deux appels et à obtenir des directives, les parties ont accepté le calendrier suivant qui mènerait à une audition des deux appels les mardi, mercredi et jeudi 9, 10 et 11 janvier 2001 :

1) les dossiers d’appel seront signifiés et déposés d’ici le 27 octobre 2000;

2) le mémoire de l’appelant sera signifié et déposé d’ici le 17 novembre 2000;

3) le mémoire des intimées sera signifié et déposé d’ici le 15 décembre 2000.

Une ordonnance sera rendue en ce sens.

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