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A-661-01

2003 CAF 137

Sa Majesté la reine (appelante)

c.

Antonija Siftar (intimée)

Répertorié: Canada c. Siftar (C.A.)

Cour d'appel, juges Strayer, Evans et Pelletier, J.C.A.-- Toronto, 28 novembre 2002; Ottawa, 17 mars 2003.

Impôt sur le revenu -- Calcul du revenu -- Revenu tiré d'une charge ou d'un emploi -- Régime d'assurance invalidité -- Affaire semblable à l'espèce Canada c. Tsiaprailis, instruite simultanément avec elle et publiée à [2003] 0 C.F. 000, sauf que, dans la présente affaire, le compromis ne prévoyait aucune répartition entre les arriérés et les droits futurs -- La présente affaire résultait elle aussi d'un accident de la circulation, mais avait donné lieu à des réclamations à l'encontre de deux assureurs pour trois causes d'action -- Le M.R.N. avait établi la cotisation de la contribuable en posant pour principe que toutes les sommes reçues par elle de l'assureur invalidité étaient imposables -- La contribuable a obtenu gain de cause devant la C.C.I., qui a jugé que la contribution de l'assureur invalidité dans le compromis n'était pas imposable parce qu'il ne s'agissait pas d'une somme «payable périodiquement» -- Dans l'affaire Tsiaprailis, la C.A.F. a jugé que la part d'un tel compromis qui est attribuable aux arriérés est imposable -- Il s'agissait de savoir comment appliquer l'arrêt Tsiaprailis lorsqu'il n'y a aucune répartition -- Il n'existe aucune présomption selon laquelle tout règlement d'une réclamation englobe une portion «arriérés» -- La nature de la réclamation peut avoir une incidence sur la structure du compromis -- L'absence d'une répartition ne permet pas de disposer du litige -- Une telle absence ne saurait faire obstacle à un examen de la composition du compromis -- Dans un système fiscal qui repose sur l'autocotisation, il appartient au contribuable de déclarer la partie d'un compromis qui doit figurer dans son revenu -- Si l'Agence n'est pas convaincue que la déclaration du contribuable reflète la réalité de l'opération, elle peut lui envoyer une nouvelle cotisation -- Affaire renvoyée au ministre pour nouvelle cotisation qui sera établie en conformité avec la décision rendue par la C.A.F. dans l'affaire Tsiaprailis -- Opinion dissidente: les circonstances de cette affaire montraient, encore plus clairement que les circonstances de l'affaire Tsiaprailis, pourquoi il serait injuste de considérer toute partie de la somme forfaitaire payée au titre du compromis comme si cette somme avait été payée conformément au contrat d'assurance invalidité, la rendant, à ce titre, imposable en vertu De l'art. 6(1)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu -- L'intimée et son avocat s'étaient fondés sur l'hypothèse raisonnable selon laquelle le partage du compromis total entre les assureurs n'avait aucune incidence sur les intérêts de l'intimée.

lois et règlements

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 6(1)a), f).

jurisprudence

décision appliquée:

Canada c. Tsiaprailis, [2003] 0 C.F. 000 (C.A.).

décision citée:

Tsiaprailis c. Canada 2002 DTC 1563 (C.C.I.).

APPEL à l'encontre d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt (2001 DTC 938) qui avait jugé qu'aucune partie de la contribution d'un assureur invalidité dans la somme forfaitaire payée à la contribuable n'était imposable. Appel accueilli.

ont comparu:

Daniel Bourgeois pour l'appelante.

Ronald C. Reaume pour l'intimée.

avocats inscrits au dossier:

Le sous-procureur général du Canada, pour l'appelante.

CAW Legal Services Plan, Windsor, pour l'intimée.

Ce qui suit est la versionf rançaise des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge Pelletier, J.C.A.: Cette affaire a été, à toutes fins utiles, instruite en même temps que l'affaire Canada c. Tsiaprailis, où la Cour a jugé que, dans le règlement d'une réclamation selon une police d'assurance invalidité, la portion attribuable à des arriérés est imposable entre les mains de l'assuré en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, et modifications. Il était significatif pour l'issue de l'affaire Tsiaprailis que la part du compromis attribuable aux arriérés ait été clairement indiquée dans l'exposé conjoint des faits et dans les documents à l'origine du compromis. Le point à décider dans la présente affaire concerne la manière de considérer un compromis lorsqu'il n'y a pas d'allocation entre différents chefs de dommages.

[2]Mme Siftar a subi des blessures qui ont donné lieu à des réclamations à l'encontre de deux assureurs pour trois causes d'action. L'une des réclamations était dirigée contre l'assureur de l'invalidité, au titre du régime dont elle bénéficiait chez son employeur. Les deux autres réclamations étaient dirigées contre un assureur multirisque pour des prestations sans égard à la faute selon le régime réglementaire et, au surplus, en sa qualité d'assureur de la responsabilité civile de l'automobiliste responsable. Comme les réclamations chevauchaient, les négociations se sont déroulées entre l'avocat de Mme Siftar et un avocat occupant pour les deux assureurs (qui étaient séparément représentés). L'avocat de Mme Siftar n'était intéressé que dans le quantum du compromis final et s'est contenté de laisser aux défendeurs la répartition du compromis entre eux. Il n'y avait par ailleurs aucune répartition, entre les arriérés et les droits futurs, de la partie du compromis attribuée à l'assureur de l'invalidité. Le ministre a établi la cotisation de Mme Siftar en se fondant sur le principe selon lequel toutes les sommes reçues de l'assureur de l'invalidité étaient imposables. Dans des motifs publiés à 2001 DTC 938, la Cour canadienne de l'impôt a jugé qu'aucune portion de la contribution de l'assureur invalidité au compromis n'était imposable entre les mains de Mme Siftar, parce qu'il ne s'agissait pas d'une somme «payable périodiquement».

[3]Comme il est indiqué ci-dessus, la Cour fédérale a jugé dans l'affaire Tsiaprailis, précitée, que la part d'un tel compromis qui est attribuable à des arriérés qui sont exigibles à la date du compromis est imposable. Il s'agit, dans les circonstances de la présente affaire, de savoir comment l'arrêt Tsiaprailis doit être appliqué lorsqu'il n'y a aucune répartition.

[4]À mon avis, la question de savoir si un compromis portant sur une réclamation d'assurance invalidité renferme une composante qui représente des paiements payables périodiquement et exigibles à la date du compromis est une question de fait, et l'un des faits pertinents est l'intention des parties. Il n'existe aucune présomption selon laquelle tout règlement d'une réclamation englobe une portion «arriérés». Par ailleurs, la nature de la réclamation peut avoir une incidence notable sur la structure du compromis. Tous ces aspects sont des facteurs qui peuvent influer sur la nature du compromis auquel les parties peuvent parvenir.

[5]Puisque la question de savoir si une portion d'un compromis est imposable selon l'alinéa 6(1)f) est un point de fait, l'absence d'une répartition ne permet pas de disposer du litige. Il s'agit d'un élément à prendre en compte à la lumière de l'ensemble de la preuve, mais cet élément ne saurait par lui-même faire obstacle à un examen de la composition du compromis.

[6]Étant donné que notre système fiscal repose sur l'autocotisation, il appartient au contribuable de déclarer la partie d'un compromis qui doit figurer dans son revenu. Étant donné que l'on a ici affaire au calcul de la valeur à attribuer au droit de recevoir un certain flux de revenu durant une période, et puisque ce calcul se fait selon des règles prévisibles, il y a moyen de dire si des déclarations sont raisonnables ou non. Si l'Agence n'est pas convaincue que la déclaration du contribuable reflète la réalité de l'opération, alors elle peut recourir aux instruments à sa disposition dans la Loi pour envoyer une nouvelle cotisation au contribuable. À ce stade, le contribuable, qui connaît le mieux ses propres affaires, a la charge d'établir les faits au soutien de sa position.

[7]En l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt a fait droit à l'appel en se fondant sur le principe selon lequel, sur le plan juridique, le règlement d'une réclamation d'assurance invalidité n'est pas payable périodiquement et n'est donc pas imposable selon ce que prévoit l'alinéa 6(1)f) de la Loi. En application de l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Tsiaprailis, une partie du compromis négocié dans la présente affaire est sans doute imposable selon l'alinéa 6(1)f) de la Loi. Partant, l'affaire doit être renvoyée au ministre pour nouvelle cotisation établie en conformité avec la décision Tsiaprailis, précitée, ainsi qu'en conformité avec les présents motifs.

[8]Eu égard aux circonstances, je crois qu'il est juste que chacune des parties supporte ses propres dépens.

Le juge Strayer, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

* * *

Ce qui suit est la version française des mtoifs du jugement rendus par

[9]Le juge Evans, J.C.A. (motifs dissidents): Le présent appel a été instruit juste avant l'affaire Canada c. Tsiaprailis, une affaire dans laquelle la Cour a accueilli en partie un appel formé par la Couronne contre une décision de la Cour de l'impôt [2002 DTC 1563] pour qui une somme forfaitaire payée conformément au règlement d'une action pour non-paiement des prestations d'invalidité prévues par un contrat d'assurance conclu avec l'employeur du réclamant n'était pas soumise à l'impôt sur le revenu.

[10]Le point à décider dans le présent appel est le même que dans l'affaire Tsiaprailis. Cependant, il y a quelques différences factuelles entre l'affaire Tsiaprailis et le présent appel. Par exemple, le compromis de Mme Siftar s'inscrivait dans un compromis global conclu avec l'assureur invalidité et un autre assureur. Les réclama-tions portaient non seulement sur le non-paiement de prestations d'invalidité, mais également sur une responsabilité délictuelle et sur des prestations réglementaires sans égard à la faute. L'avocat de Mme Siftar a consenti à un compromis global de 122 500 $, mais il n'est pas intervenu dans la répartition de ce compromis parmi ses trois composantes parce que, selon lui, cela ne concernait pas sa cliente.

[11]En outre, la somme de 44 495,83 $ que l'assureur de l'invalidité avait payée en 1997 et qui représentait sa partie de la somme de 122 500 $, en règlement complet et final de l'action de Mme Siftar pour non-paiement de prestations d'invalidité, comprenait une somme indéterminée représentant les intérêts, les honoraires, les débours et la TPS.

[12]De plus, contrairement au compromis dont il est question dans l'affaire Tsiaprailis, le compromis de Mme Siftar avec l'assureur de l'invalidité n'indiquait pas sur quelle base les parties avaient conclu que la somme de 44 495,83 $ était jugée adéquate pour le règlement de sa demande d'indemnité, et le compromis ne répartissait pas non plus la somme totale payée entre les «arriérés» et les paiements futurs.

[13]L'assureur de l'invalidité a émis un T4A pour la somme de 44 495,83 $, mais, parce que Mme Siftar n'a pas inclus cette somme dans son revenu, le ministre a établi une nouvelle cotisation et inclus la somme forfaitaire dans son revenu de l'année 1997. Mme Siftar a fait appel de la nouvelle cotisation à la Cour de l'impôt.

[14]À mon avis, les circonstances de la présente affaire montrent, encore plus clairement que les circonstances de l'affaire Tsiaprailis, pourquoi il serait injuste de considérer toute partie de la somme forfaitaire payée à Mme Siftar au titre du compromis comme si cette somme avait été payée conformément au contrat d'assurance invalidité, «payable périodiquement» et, à ce titre imposable en tant que revenu en vertu de l'alinéa 6(1)f).

[15]Je ferais observer notamment que Mme Siftar et son avocat ont agi en se fondant sur l'hypothèse raisonnable selon laquelle le partage du compromis total entre les assureurs n'avait aucune incidence sur les intérêts de Mme Siftar et que par conséquent son avocat n'avait pas à s'en préoccuper. Il n'est fait état nulle part non plus de la manière dont le paiement effectué par l'assureur de l'invalidité a été réparti entre les «arriérés» et les paiements futurs, et l'on n'indique nulle part si ce paiement comprenait un autre poste qui aurait pu être réclamé à titre de dommages-intérêts généraux pour rupture de contrat.

[16]Pour ces motifs, et pour ceux que j'ai exposés dans l'affaire Tsiaprailis, je rejetterais l'appel, avec dépens.

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