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T-1834-00

2003 CFPI 518

A. Lassonde Inc. (demanderesse)

c.

Le registraire des marques de commerce (défendeur)

Répertorié: A. Lassonde Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1re inst.)

Section de première instance, juge Lemieux--Montréal, 27 novembre 2002; Ottawa, 25 avril 2003.

Marques de commerce -- Pratique -- Le registraire des marques de commerce a refusé à la demanderesse, sous l'autorité de l'art. 47(1) de la Loi sur les marques de commerce, une prolongation de délai additionnelle afin qu'elle puisse déposer une déclaration de commencement d'utilisation de la marque de commerce «Oasis» parce que la justification (incapacité de trouver des fournisseurs et des distributeurs) n'est pas suffisante -- Le pouvoir discrétionnaire du registraire de prolonger le délai pour le dépôt est exercé dans le cadre législatif imposant des délais pour le dépôt d'une déclaration d'usage parce qu'une demande d'enregistrement d'une marque de commerce projetée affecte la priorité d'enregistrement -- L'exigence de raisons considérables et substantielles pour justifier la prolongation est rattachée à l'intention du législateur en adoptant le délai de l'art. 40(3) -- Aucune erreur de droit ou de fait justifiant l'intervention de la Cour -- Les nouveaux motifs invoqués par la demanderesse ne sont pas suffisants pour affecter l'exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Certiorari -- La demanderesse cherchait à faire annuler la décision du registraire qui a refusé sa demande de prolongation de délai pour le dépôt d'une déclaration de commencement d'utilisation d'une marque de commerce -- Norme de contrôle de la décision du registraire fondée sur l'art. 56 de la Loi sur les marques de commerce, en général et lorsqu'une nouvelle preuve est déposée devant la Section de première instance -- Le pouvoir du registraire d'accorder une prolongation de délai en vertu de l'art. 47(1) de la Loi est discrétionnaire -- Il doit être convaincu que les circonstances justifient la prolongation -- Aucune erreur de droit ou de fait de la part du registraire justifiant l'intervention de la Cour -- Le registraire a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas prolonger le délai.

Il s'agissait d'un appel de la décision du registraire des marques de commerce qui a refusé à la demanderesse, sous l'autorité du paragraphe 47(1) de la Loi sur les marques de commerce, une prolongation de délai afin qu'elle puisse déposer une déclaration de commencement d'utilisation de sa marque de commerce «Oasis» à l'égard de certaines marchandises et de certains services visés par sa demande d'enregistrement. La demanderesse a déposé une demande d'enregistrement le 20 octobre 1983 pour la marque de commerce «Oasis» qu'elle se proposait d'utiliser en association avec des centaines de marchandises et de services identifiés dans sa demande. Le 31 janvier 1997, le registraire a émis un avis permettant à la demanderesse de procéder à l'enregistrement de sa marque de commerce à condition que soit déposée une déclaration d'usage en conformité du paragraphe 40(2) de la Loi. Incapable de déposer une déclaration à l'intérieur du délai prescrit, la demanderesse a demandé et obtenu une prolongation de délai jusqu'au 31 janvier 1998. Le 23 décembre 1997, la demanderesse a déposé une déclaration d'usage mais seulement pour une petite partie des marchandises et des services couverts par la demande. En janvier et en juillet 1998, elle a de nouveau demandé une prolongation additionnelle de six mois dans le but de fournir au registraire la déclaration d'usage requise. D'autres prolongations ont été accordées jusqu'au 31 juillet 1998 et jusqu'en janvier 2000. La demanderesse justifiait ses demandes en disant qu'elle devrait conclure sous peu des ententes commerciales nécessaires à l'exploitation de la marque. Toutefois, le 25 février 2000, le registraire a refusé de prolonger le délai pour le dépôt d'une déclaration d'usage au motif que les raisons fournies n'étaient pas suffisantes pour justifier une autre prolongation de délai. Au bout du compte, le 2 août 2000, le registraire a refusé toute autre prolongation, déclarant que l'insuccès dans la recherche de fournisseurs et de distributeurs pour l'ensemble des marchandises ne constituait pas des «raisons considérables et substantielles pour justifier [. . .] une prorogation [. . .] additionnelle». Une preuve additionnelle a été déposée devant la Cour par la demanderesse en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi sur les marques de commerce: l'affidavit de Jean Gattuso, président et directeur général de la demanderesse et celui de Micheline Tellier, une employée des avocats et agents de marques de commerce de la demanderesse.

La question en litige était de savoir si le registraire avait mal exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant d'accorder la prolongation de délai demandée.

Jugement: l'appel est rejeté.

La Cour d'appel fédérale a récemment statué que, en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, les décisions du registraire, rendues en vertu de l'article 56 de la Loi, qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet important sur les conclusions de fait du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.

Le pouvoir que le Parlement a dévolu au registraire en vertu du paragraphe 47(1) de la Loi d'accorder une prolongation de délai «si [. . .] le registraire est convaincu que les circonstances [le] justifient» est discrétionnaire. Les cours ne devraient pas modifier la décision lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, et si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi. L'article 47 de la Loi investit le registraire d'un pouvoir discrétionnaire étendu d'accorder une demande de prolongation de délai s'il est convaincu que les circonstances le justifient. La Cour ne peut intervenir sauf si le registraire a erré en droit ou a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe. Un tel pouvoir discrétionnaire doit être exercé dans le but de promouvoir l'objet de la Loi et de la disposition législative à laquelle il est rattaché.

L'article 40 de la Loi sur les marques de commerce traite de l'enregistrement des marques de commerce dont la demande d'enregistrement déclare soit que la marque a été employée, soit que son utilisation est projetée. Conformément au paragraphe 40(3) de la Loi, une déclaration d'usage doit être déposée soit dans les six mois qui suivent la date de l'avis d'admission ou, si la date est postérieure, à l'expiration des trois ans qui suivent la production de la demande d'enregistrement au Canada. Si la déclaration n'est pas reçue à la date butoir, la demande d'enregistrement est réputée abandonnée. Le législateur s'est exprimé très clairement: il ne veut pas que l'emploi d'une marque de commerce projetée s'éternise parce qu'une demande d'enregistrement d'une marque de commerce projetée, selon le paragraphe 16(3) de la Loi, affecte la priorité d'enregistrement. C'est dans cet encadrement législatif que le registraire doit exercer son pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai pour le dépôt d'une déclaration d'usage. L'exigence de raisons considérables et substantielles pour justifier l'octroi d'une prolongation après le délai de trois ans à compter de la date de l'avis d'admission se rattache très bien à l'esprit du législateur qui circonscrivait au paragraphe 40(3) le temps pour déposer une déclaration d'usage. Rien dans la preuve n'appuyait la prétention de la demanderesse selon laquelle le registraire avait refusé même de se pencher sur les justifications avancées. Le registraire a simplement considéré que ce motif ne constituait pas des raisons considérables et substantielles justifiant la prolongation. La demanderesse n'a pas dégagé d'erreur de droit ou de fait qui justifierait l'intervention de la Court. Les deux nouveaux motifs invoqués par la demanderesse pour justifier son défaut de fournir au registraire une demande d'utilisation de la marque dans les délais prévus par la Loi n'étaient pas suffisants pour avoir un effet sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire. Les prétendus «nouveaux» motifs invoqués par M. Gattuso dans son affidavit en réalité n'en étaient pas: ils étaient vagues et imprécis et manquaient de concret considérant que la demande d'enregistrement couvrait des centaines de marchandises et services. Ces nouveaux motifs n'étaient pas suffisants pour justifier l'octroi d'un délai pour permettre le dépôt par la demanderesse d'une ou des déclarations d'usage pour les autres services et marchandises énumérés dans sa demande d'enregistrement. Le registraire a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas prolonger le délai.

lois et règlements

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 16(3), 40(1) (mod. par L.C. 1993, ch. 44, art. 231), (2) (mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 210), (3) (mod. par L.C. 1993, ch. 44, art. 231), (4), (5) (mod., idem), 47, 56.

jurisprudence

décisions appliquées:

Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145; (2000), 5 C.P.R. (4th) 180; 252 N.R. 91 (C.A.); Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; (1998), 36 O.R. (3d) 418; 154 D.L.R. (4th) 193; 50 C.B.R. (3d) 163; 33 C.C.E.L. (2nd) 173; 221 N.R. 241; 106 O.A.C. 1; Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; (1982), 137 D.L.R. (3d) 558; 44 N.R. 354; Danjaq Inc. c. Zervas et al. (1997), 75 C.P.R. (3d) 295; 135 F.T.R. 136 (C.F. 1re inst.).

décisions examinées:

Maple Lodge Farms Ltd. c. R., [1981] 1 C.F. 500; (1980), 114 D.L.R. (3d) 634; 42 N.R. 312 (C.A.); Centennial Packers Ltd. c. Can. Packers Inc. (1987), 13 C.I.P.R. 310; 15 C.P.R. (3d) 103; 13 F.T.R. 241 (C.F. 1re inst.).

décision citée:

Star-Kist Foods Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1988), 18 C.I.P.R. 237; 20 C.P.R. (3d) 53 (C.A.F.).

APPEL de la décision du registraire des marques de commerce qui a refusé à la demanderesse, sous l'autorité du paragraphe 47(1) de la Loi sur les marques de commerce, une prolongation de délai afin qu'elle puisse déposer une déclaration de commencement d'utilisation de sa marque de commerce «Oasis». Appel rejeté.

ont comparu:

Bruno Barrette et Pascal Lauzon pour la demanderesse.

Mariève Sirois-Vaillancourt pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Brouillette Charpentier Fortin, Montréal, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Voici les motifs de l'ordonnance rendus en français par

Le juge Lemieux:

A. INTRODUCTION

[1]Par moyen d'appel, en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce [L.R.C. (1985), ch. T-13] (la Loi) A. Lassonde Inc. (Lassonde) veut infirmer la décision rendue par le registraire des marques de commerce (registraire) le 2 août 2000, qui lui refusait, sous l'autorité du paragraphe 47(1) de la Loi, une demande de prolongation de délai afin qu'elle puisse déposer une déclaration de commencement d'utilisation de sa marque de commerce «Oasis» pour certaines des marchandises et des services visés par sa demande d'enregistrement no 511,133 pour laquelle le registraire avait émis un avis d'admission le 31 janvier 1997.

B. LA TOILE DE FOND

[2]L'appel logé par Lassonde se situe dans le contexte suivant.

[3]Une demande d'enregistrement (la demande) fut déposée par Lassonde auprès du registraire le 20 octobre 1983 pour la marque de commerce «Oasis» qu'elle propose d'utiliser dans l'avenir en association avec des centaines de marchandises et de services identifiés dans sa demande. Cette demande d'enregistrement se voit attribuer le numéro de demande 511,133.

[4]Suite à un examen interne de la demande, l'approbation par le registraire pour fins de publication de la demande, la publication de cette demande, des procédures d'opposition par de tiers parties et règlement ou retrait de ces oppositions, le 31 janvier 1997, le registraire émet à Lassonde un avis d'admission qui lui permet de procéder à l'enregistrement de la marque de commerce «Oasis» en association avec les multiples marchandises et services spécifiés dans sa demande mais, comme le registraire le mentionnait dans l'avis d'admission, à condition de satisfaire l'exigence suivante:

En conformité du paragraphe 40(2) de la Loi sur les marques de commerce, une DÉCLARATION indiquant que le requérant a commencé à utiliser la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises et/ou les services mentionnés dans la demande doit être fournie le ou avant le 31 juillet 1997 à défaut de quoi la demande sera réputée abandonnée en vertu du paragraphe 40(3) de la Loi. [Je souligne.]

[5]Lassonde n'est pas en mesure de déposer une déclaration d'usage à l'intérieur du délai prescrit par le paragraphe 40(2) [mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 210] de la Loi et se voit obligée de demander au registraire une prolongation de délai ce qu'elle fait par l'intermédiaire de ses agents par lettre du 28 juillet 1997 dont l'essentiel se lit:

La requérante demande respectueusement un délai additionnel de six mois pour être en mesure de vous fournir la déclaration d'usage requise, soit jusqu'au 31 janvier 1998. [Dossier du défendeur, à la p. 40.]

[6]Le 27 août 1997, le registraire accorde cette prolongation demandée comme suit:

Conformément à votre demande, une prolongation de délai vous est accordée, et ce, jusqu'au 31 janvier 1998 pour vous permettre de satisfaire aux exigences de l'article 40(2) de la Loi sur les marques de commerce.

De plus, veuillez noter que si la déclaration d'emploi n'est pas produite avant la date prescrite, cette demande sera abandonnée conformément à l'article 40(3) de la Loi sur les marques de commerce. [Dossier du défendeur, page 41] [Je souligne.]

[7]Le 23 décembre 1997, Lassonde dépose une déclaration d'usage mais seulement pour une petite partie des marchandises et des services couverts par la demande. De plus, elle avise le registraire de «noter que la requérante a toujours l'intention d'utiliser la marque en liaison avec le reste des marchandises et services. Une déclaration d'usage sera déposée en temps opportun». (Dossier du défendeur, page 28.)

[8]Le 29 janvier 1998, Lassonde se voit de nouveau obligée de demander une prolongation additionnelle de six mois indiquant au registraire qu'elle «a toujours l'intention d'utiliser la marque en liaison avec le reste des marchandises et services» (dossier du défendeur, page 42). Le 6 février 1998, le registraire accorde une prolongation de délai jusqu'au 31 juillet 1998, dans les mêmes termes que ceux du 27 août 1997, mais avec l'ajout d'un quatrième paragraphe se lisant comme suit:

Nous vous rappelons qu'en vertu de l'article 47(1) de la loi, le registraire doit être convaincu que les circonstances justifient l'octroi d'une prolongation du délai fixé par la présente loi. [Dossier de la demanderesse, page 76.] [Je souligne.]

[9]Le registraire exige que la déclaration d'usage déposée par Lassonde le 23 décembre 1997 soit modifiée ce qui fut fait le 19 mars 1998. Le 10 juillet 1998, le registraire avise Lassonde que la déclaration d'usage modifiée «est maintenant acceptable» lui indiquant que cette déclaration «est donc une déclaration partielle» et l'avisant de «prendre note que si une demande de prolongation de délai additionnelle n'est pas acheminée à notre Bureau d'ici le 31 juillet 1998, la demande procédera à l'enregistrement en liaison avec les marchandises énumérées ci-dessus». (Dossier de la demanderesse, page 67.)

[10]Le 13 juillet 1998, Lassonde dépose une nouvelle demande de délai additionnel de six mois, c'est-à-dire jusqu'au 31 janvier 1999, pour être en mesure de fournir au registraire la déclaration d'usage requise. Lassonde motive sa demande en disant au registraire «en effet, la requérante devrait conclure sous peu des ententes commerciales nécessaires à l'exploitation de la marque et a toujours l'intention d'utiliser la marque en relation avec les autres marchandises comprises à la demande» (je souligne) (dossier de la demanderesse, page 66). Lassonde se voit accorder par le registraire le 11 août 1998 la prolongation aux mêmes conditions que celles formulées par le registraire dans sa lettre du 6 février 1998 à l'exception que le dernier paragraphe est en caractère gras (dossier de la demanderesse, page 65) c'est-à-dire le rappel qu'en vertu de l'article 47(1) de la Loi, il doit être convaincu que les circonstances justifient une prolongation.

[11]Nonobstant le fait d'avoir le 10 juillet 1998 accepté la déclaration d'usage partielle déposée par Lassonde, le registraire, s'appuyant sur un avis du 7 août 1991, refuse de lui émettre un certificat d'enregistrement pour les marchandises visées par cette déclaration d'usage partielle.

[12]Lassonde réagit à ce refus du registraire par lettre à ce dernier en date du 19 novembre 1998 (dossier de la demanderesse, page 62) dans laquelle elle soumet à celui-ci que l'avis du 7 août 1991 ne peut justifier son refus puisque «[C]et avis ne mentionne aucunement qu'un certificat d'enregistrement ne peut être émis pour une partie des marchandises suite au dépôt d'une déclaration d'usage partiel, et qu'un deuxième puisse être émis suite au dépôt d'une deuxième déclaration d'usage pour la balance des marchandises» (je souligne). Lassonde prétend que cet avis du 7 août 1991 «ne fait que mentionner que si les marchandises indiquées à la déclaration d'usage ne sont pas toutes celles qui sont indiquées dans la demande, alors le certificat d'enregistrement ne comprendra que ces marchandises indiquées à la déclaration d'usage» ajoutant «d'ailleurs, rien dans la loi n'empêche une telle procédure. Au contraire, le paragraphe 40(2) permet cette procédure. De plus, cette procédure s'accorde avec celle d'une demande d'extension de l'état déclaratif des marchandises».

[13]Lassonde exige du registraire qu'il émette un certificat d'enregistrement pour les déclarations d'usage déposées, (celle du 10 juillet 1998 et celle du 12 novembre 1998 jointe à la lettre de ses agents du 19 novembre 1998).

[14]Après un échange de lettres, le registraire, le 13 mai 1999, accorde une prolongation et ce jusqu'au 31 juillet 1999, avertissant Lassonde de «noter que si aucune réponse n'est produite dans les délais prescrits, cette demande procédera à l'enregistrement en liaison avec la déclaration partielle du 9 juin 1998. Le cas échéant, lorsque la marque sera enregistrée, il vous sera possible de produire une demande pour étendre l'état déclaratif des marchandises/services et des frais de 300$ seront alors requis» (le registraire souligne) (dossier de la demanderesse, page 57).

[15]Dans cette même lettre le registraire justifie son refus d'émettre un certificat d'enregistrement en liaison avec les déclarations d'usage partielles notant «nous vous rappelons que l'article 40(2) de la Loi indique clairement que le registraire enregistre une marque de commerce et délivre un certificat de son enregistrement après avoir reçu une déclaration» et que «si une prolongation de délai est octroyée, la marque reste en instance. Elle n'est donc pas enregistrée».

[16]Une autre prolongation, et ce jusqu'au 31 janvier 2000, est accordée par le registraire le 13 août 1999, suite à la demande du 29 juillet 1999 de Lassonde qui justifiait cette prolongation encore au motif qu'elle «devrait conclure sous peu des ententes commerciales nécessaires à l'exploitation de la marque et a toujours l'intention d'utiliser la marque en relation avec les autres marchandises comprises à la demande» (dossier de la demanderesse, page 56).

[17]C'est le 25 février 2000 que Lassonde essuie le refus du registraire de prolonger le délai pour qu'elle puisse déposer une déclaration d'usage suite à la demande de Lassonde du 28 janvier 2000 dans laquelle elle justifiait la nécessité d'une prolongation aux mêmes motifs qu'elle exprimait dans sa demande du 29 juillet 1999, c'est-à-dire, «afin de permettre à la requérante de conclure les ententes commerciales relatives à l'exploitation de la marque de commerce en liaison avec les autres marchandises comprises dans sa demande». Voici comment le registraire s'exprime:

Nous accusons réception de votre correspondance du 28 janvier 2000.

Les raisons exposées dans votre lettre ne sont pas jugées suffisantes pour justifier toute autre prorogation de délai.

Vous êtres donc avisé par la présente que si les exigences exposées dans la notification d'acceptation émise le 31 janvier 1997 n'ont pas été remplies avant le 25 avril 2000, la demande procédera à l'enregistrement en liaison avec les autres revendications.

Veuillez prendre note qu'aucune autre prorogation de délai ne sera accordée à moins que des raisons considérables et substantielles ne soient soumises, lesquelles justifient clairement l'octroi d'une prorogation de délai additionnelle. [Dossier du défendeur, page 54.]

[18]Par lettre du 25 avril 2000, Lassonde aborde avec le registraire la question de la prolongation de délai pour le reste des marchandises et services couverts par la demande de 1983. Les agents de marque de commerce pour Lassonde soumettent «que la requérante est en droit d'obtenir une ou plusieurs prolongation(s) de délai additionnelle(s) de six mois». Ils se réfèrent à l'avis du 7 août 1991 qui, selon eux, «ne mentionne aucunement qu'un enregistrement ne peut être émis pour une partie des marchandises suite au dépôt d'une déclaration d'usage partiel, et qu'un deuxième puisse être émis suite au dépôt d'une deuxième déclaration d'usage pour la balance des marchandises suite à une prolongation de délai partielle». Les arguments avancés par les agents de Lassonde sont semblables à ceux exprimés par eux dans leur lettre du 19 novembre 1998.

[19]Les deux derniers paragraphes de leur lettre du 25 avril 2000 se lisent comme suit:

Compte tenu des motifs exprimés dans vos dernières correspondances, nous requérons une décision finale du Registraire des marques de commerce concernant la délivrance d'un enregistrement pour une partie des marchandises suite au dépôt d'une déclaration d'usage partielle et l'octroi de la(des) prolongation(s) de délai demandée(s) concernant la production de déclarations d'usage subséquentes aux fins de la délivrance d'un deuxième enregistrement de marque de commerce, afin de porter cette décision en appel devant la Division de la première instance de la Cour fédérale du Canada.

Les prolongations de délai demandées par la requérante sont justifiées par le fait que celle-ci n'a pas encore réussi à trouver des fournisseurs et des distributeurs pour l'ensemble des marchandises et services visés par la présente demande, mais la requérante maintient son intention d'utiliser la marque de commerce soit elle-même ou par le biais de licenciés. [Je souligne.]

C. LA DÉCISION

[20]La décision du registraire que Lassonde conteste est en date du 2 août 2000 et a été prise dans le contexte de la toile de fond décrite ci-haut.

[21]Le 2 août 2000, le registraire accuse réception de la lettre du 25 avril 2000 envoyée par les agents de Lassonde indiquant que nous «avons pris note de vos observations». La balance de cette lettre se lit comme suit:

Suite à une révision détaillée de votre dossier, nous constatons que la demande a été déposée le 20 octobre 1983. La demande est en instance depuis dix-sept ans.

Veuillez noter qu'aucune autre prorogation de délai ne sera accordée car «le fait que la requérante n'a pas encore réussi à trouver des fournisseurs et des distributeurs pour l'ensemble des marchandises et services visés par la présente demande» n'est pas considéré par le Registraire des marques de commerce comme étant des raisons considérables et substantielles pour justifier l'octroi d'une prorogation de délai additionnelle.

Tel que requis dans votre lettre du 25 avril 2000, veuillez trouver ci-joint le certificat d'enregistrement émis pour les marchandises indiquées dans les déclarations du 9 juin 1998 et du 25 avril 2000. [Dossier du défendeur, page 55.] [Je souligne.]

D. LA PREUVE ADDITIONNELLE DEVANT CETTE COUR

[22]Le paragraphe 56(5) de la Loi permet une preuve additionnelle devant cette Cour. Deux affidavits furent déposés par Lassonde: celui de Jean Gattuso, présentement président et directeur général chez Lassonde et celui de Micheline Tellier à l'emploi des avocats et agents de marques de commerce de Lassonde.

[23]M. Gattuso dépose que Lassonde, depuis plusieurs années, fait un usage étendu de sa marque de commerce «Oasis» soit par elle-même ou par le billet de divers licenciés dans divers domaines et il en donne des illustrations. Il indique que la marque «Oasis» a été utilisée en association avec des services de restauration, les opérations d'un débit de boisson et d'un établissement de restauration, des services d'opération d'un magasin d'alimentation naturelle et de distribution d'eau distillée, les services de soins de santé et de beauté, des services d'opération d'un établissement d'esthétique et de soins de santé et de beauté et de commerce d'alimentation naturelle et aussi avec des valves pour l'opération et l'ajustement d'un système d'irrigation souterraine et des régulateurs de pression pour la plongée sous-marine.

[24]M. Gattuso dépose que Lassonde est une entreprise qui mise beaucoup sur sa marque de commerce «Oasis» «laquelle constitue un de ses actifs importants. Tel qu'illustré plus avant au paragraphe 4 de mon affidavit, Lassonde possède une expérience au niveau de la mise en place de licences de sa marque de commerce dans différents domaines. Aussi, Lassonde est-elle sérieuse dans son intention d'utiliser la marque de commerce «Oasis» avec les marchandises et services ci-après énumérés et ses démarches afin de trouver des fournisseurs, distributeurs et/ou licenciés pour la commercialisation notamment soit d'items promotionnels à être vendus dans le cours normal du commerce et/ou des marchandises et services suivants visés par la demande d'enregistrement révisée datée du 26 août 1997 portant le no 511,133». Et là, son affidavit énumère encore les plusieurs centaines de produits et services énumérés dans sa demande déposée en 1983.

[25]Les paragraphes 6 et 7 de son affidavit se lisent comme suit:

6.    Les délais encourus par Lassonde relativement à la commercialisation des marchandises et services mentionnés plus avant sont occasionnés notamment par la consolidation et la mise en place d'un département de licensing au sein de Lassonde;

7.    Également, Lassonde doit poursuivre et commander des études relativement à la commercialisation de certaines des marchandises et certains des services mentionnés plus avant, qui peuvent ne pas être rentables selon les coûts et normes prévalant au Canada;

[26]Dans son affidavit, Micheline Tellier produit la demande d'enregistrement en date du 20 octobre 1983 pour la marque de commerce «Oasis» portant le numéro de demande 511,133, la copie de la demande d'enregistrement révisée datée du 26 août 1997, la copie de l'avis d'admission et une copie certifiée du dossier d'examen relatif à la demande d'enregistrement pour la période comprise entre le 18 juillet 1997 et le 2 août 2000. Elle énumère plusieurs enregistrements canadiens dont Lassonde est titulaire en regard de la marque de commerce «Oasis».

E. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET AVIS PERTINENTS

[27]Les articles 40 [mod. par L.C. 1993, ch. 44, art. 231; 1999, ch. 31, art. 210], 47 et 56 de la Loi se lisent:

40. (1) Lorsqu'une demande d'enregistrement d'une marque de commerce, autre qu'une marque de commerce projetée, est admise, le registraire inscrit la marque de commerce et délivre un certificat de son enregistrement.

(2) Lorsqu'une demande d'enregistrement d'une marque de commerce projetée est admise, le registraire en donne avis au requérant. Il enregistre la marque de commerce et délivre un certificat de son enregistrement après avoir reçu une déclaration portant que le requérant, son successeur en titre ou l'entité à qui est octroyée, par le requérant ou avec son autorisation, une licence d'emploi de la marque aux termes de laquelle il contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services a commencé à employer la marque de commerce au Canada, en liaison avec les marchandises ou services spécifiés dans la demande.

(3) La demande d'enregistrement d'une marque de commerce projetée est réputée abandonnée si la déclaration mentionnée au paragraphe (2) n'est pas reçue par le registraire dans les six mois qui suivent l'avis donné aux termes du paragraphe (2) ou, si la date en est postérieure, à l'expiration des trois ans qui suivent la production de la demande au Canada.

(4) L'enregistrement d'une marque de commerce est opéré au nom de l'auteur de la demande ou de son cessionnaire. Il est fait mention, sur le registre, du jour de l'enregistrement, lequel prend effet le même jour.

(5) Il n'est pas tenu compte de l'article 34 pour l'application du paragraphe (3).

[. . .]

47. (1) Si, dans un cas donné, le registraire est convaincu que les circonstances justifient une prolongation du délai fixé par la présente loi ou prescrit par les règlements pour l'accomplissement d'un acte, il peut, sauf disposition contraire de la présente loi, prolonger le délai après l'avis aux autres personnes et selon les termes qu'il lui est loisible d'ordonner.

(2) Une prorogation demandée après l'expiration de pareil délai ou du délai prolongé par le registraire en vertu du paragraphe (1) ne peut être accordée que si le droit prescrit est acquitté et si le registraire est convaincu que l'omission d'accomplir l'acte ou de demander la prorogation dans ce délai ou au cours de cette prorogation n'était pas raisonnablement évitable.

[. . .]

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.

(2) L'appel est interjeté au moyen d'un avis d'appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

(3) L'appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l'avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

(4) Le tribunal peut ordonner qu'un avis public de l'audition de l'appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu'il juge opportune.

(5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi. [Je souligne.]

[28]L'avis du 7 août 1991 se lit comme suit:

AVIS

Lorsque le libellé des marchandises ou services spécifiés dans une déclaration produite sous l'article 40(2) est restreint à une partie des marchandises ou services identifiés dans la demande d'enregistrement acceptée, le certificat d'enregistrement sera automatiquement restreint aux marchandises ou services identifiés dans la déclaration, en autant qu'une intention d'emploi soit concernée. [Je souligne.]

[29]L'avis du 4 février 1998 se lit comme suit:

Le paragraphe 40(3) de la Loi sur les marques de commerce indique qu'une demande d'enregistrement d'une marque de commerce projetée est réputée avoir été abandonnée si une déclaration relative à l'emploi n'est pas reçu au plus tard dans les 6 mois suivant l'envoi de l'avis d'admission ou dans les 3 ans suivant la date du dépôt de la demande au Canada.

Le Bureau octroie présentement des prolongations de délai de 6 mois lorsque le délai pour déposer la déclaration d'emploi est expiré si la requête est justifiée et que le droit prescrit de 50,00 $ est acquitté.

À compter d'aujourd'hui, à l'expiration du délai de 3 ans à compter de la date indiquée dans l'avis d'admission pour soumettre une déclaration d'emploi, le Bureau exigera des raisons considérables et substantielles pour justifier l'octroi d'une autre prolongation de délai ainsi que des détails spécifiques empêchant le dépôt de la déclaration d'emploi. Le droit prescrit de 50,00 $ doit être acquitté pour chaque demande.

Des prolongations de délai d'un an seront généralement accordées lorsqu'un requérant est en attente d'une approbation gouvernementale pour un produit.

Cette nouvelle pratique s'applique à toutes les demandes de prorogation de délai reçues après la date de publication du présent avis. [Je souligne.]

F. LA POSITION DES PARTIES

a) De la demanderesse

[30]Lassonde invoque plusieurs moyens pour infirmer la décision du registraire.

1) Elle attaque l'avis du registraire en date du 7 août 1991 concernant l'interprétation au paragraphe 40(2) de la Loi et prétend qu'en vertu de ce paragraphe, le registraire peut d'une part émettre un certificat d'enregistrement pour une partie des marchandises et services suite au dépôt d'une déclaration d'usage partielle et, d'autre part, qu'un certificat d'enregistrement supplémentaire puisse être octroyé suite au dépôt d'une deuxième déclaration d'usage pour la balance des marchandises et services énumérés suite à une prolongation de délai accordée par le registraire en vertu de l'article 47 de la Loi.

2) De plus, Lassonde prétend que le registraire ne pouvait justifier sa décision sur l'avis du 7 août 1991 puisque ce faisant, il légifère alors qu'il ne détient aucun pouvoir pour ce faire, invoquant le principe de delegatus non potest delegare.

3) Lassonde ajoute qu'elle satisfait les exigences des paragraphes 40(2) et 40(3) en produisant les déclarations d'utilisation, ce qui permet qu'un enregistrement puisse être émis pour une partie des marchandises et services énumérés dans la demande suite au dépôt de ces déclarations d'usage partiel et qu'une prolongation de délai puisse être accordée en vertu de l'article 47 de la Loi.

4) Le registraire a mal exercé sa discrétion en refusant la prolongation du délai demandé: a) il s'est considéré lié par la directive du 4 février 1998 sur les raisons justificatives pour l'octroi d'une autre prolongation de délai afin de permettre le dépôt d'une déclaration d'usage; b) il a mal exercé sa discrétion dans l'application des motifs exposés par Lassonde afin de justifier sa demande de prolongation pour déposer une déclaration d'usage; et c) il s'est fondé sur des considérations non pertinentes dans l'exercice de sa discrétion.

b) Du défendeur

[31]Le point de départ pour trancher l'appel de Lassonde réside dans les paragraphes 40(2) et 40(3) de la Loi. Le paragraphe 40(2) s'applique à une marque de commerce projetée (registration of a proposed trade-mark) ce qui est le cas de la demande d'enregistrement de Lassonde et ce paragraphe établit les conditions sous lesquelles le registraire doit enregistrer une telle marque de commerce et doit émettre un certificat. Le paragraphe 40(3) s'applique aussi à une marque de commerce projetée et prescrit les circonstances où une demande d'enregistrement d'une marque de commerce projetée est réputée être abandonnée, c'est-à-dire, soit six mois après l'avis d'admission ou trois ans après le dépôt d'une demande d'enregistrement selon ce qui est le plus avantageux pour le requérant.

[32]Le registraire convient, qu'en vertu du paragraphe 47(1), il a le pouvoir de prolonger le délai de six mois visé au paragraphe 40(2) soit une ou plusieurs fois. Concernant une telle demande de prolongation, le registraire dans son mémoire écrit:

24.  [. . .] les politiques administratives du Registraire et la doctrine énoncent ce qui suit:

        Pendant la période de trois ans suivant l'expiration de la période de six mois de l'avis d'admission, les circonstances justifiant le Registraire d'accorder la prolongation doivent être fournies. Durant cette période, les raisons invoquées n'ont pas à être significatives et substantielles; toutefois, une excuse valable doit être fournie;

        Après que soit terminée la période de trois ans suivant l'expiration de la période de six mois de l'avis d'admission, les raisons soumises doivent être significatives et substantielles. Les conditions d'octroi d'une prolongation sont donc plus exigeantes.

[33]Le pouvoir accordé par le législateur selon le paragraphe 47(1) de la Loi est un pouvoir discrétionnaire, sa décision est purement administrative et la Cour n'interviendra que dans les cas où des faits ont été omis ou lorsqu'il y a une erreur qui ressort à vue du dossier ou qu'il existe une irrégularité dans la procédure qui a une influence sur la décision finale.

[34]Quant à la nouvelle preuve devant cette Cour, le défendeur soumet que la question est de savoir si cette nouvelle preuve est suffisante pour le convaincre que la demanderesse a droit à la prolongation de délai additionnelle demandée. Selon le défendeur, les deux motifs invoqués et la preuve soumise par Lassonde au soutien ne sont pas de nature à convaincre la Cour que l'octroi de la prolongation de délai additionnelle est justifié.

[35]Selon lui, la seule preuve des deux motifs consiste dans deux allégations très générales dans l'affidavit de M. Gattuso, ce qui est loin d'être suffisant pour justifier le défaut de Lassonde de produire sa déclaration de commencement d'utilisation dans le délai prévu par la Loi.

G. ANALYSE

a) La norme de contrôle

[36]La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145, établit la norme de contrôle dans un appel, sous l'article 56 de la Loi, d'une décision du registraire. Le juge Rothstein s'exprime comme suit au paragraphe 51 des motifs de jugement:

Je pense que l'approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald's Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire. [Je souligne.]

b) Principes d'interprétation des lois

[37]L'approche à suivre dans l'interprétation d'une mesure législative a été établie par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, où le juge Iacobucci, au nom de la Cour, écrit aux paragraphes 21, 22 et 23:

Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après Construction of Statutes); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit:

[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Parmi les arrêts récents qui ont cité le passage ci-dessus en l'approuvant, mentionnons: R. c. Hydro-Québec, [1997] 1 R.C.S. 213; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103.

Je m'appuie également sur l'art. 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois «sont réputées apporter une solution de droit» et doivent «s'interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables».

Bien que la Cour d'appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n'a pas accordé suffisamment d'attention à l'économie de la LNE, à son objet ni à l'intention du législateur; le contexte des mots en cause n'a pas non plus été pris en compte adéquatement. Je passe maintenant à l'analyse de ces questions.

c) Quelques principes en droit administratif

[38]Le pouvoir que le Parlement a dévolu au registraire sous le paragraphe 47(1) de la Loi d'accorder une prolongation de délai «s'il est convaincu que les circonstances justifient» est un pouvoir discrétionnaire. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, le juge McIntyre, au nom de la Cour, résume les principes d'intervention [aux pages 7 et 8]:

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[39]Le juge Le Dain, alors juge de la Cour d'appel fédérale, dans ce même arrêt de Maple Lodge Farms Ltd. c. R., [1981] 1 C.F. 500, s'est penché sur la notion de lignes directrices et aux pages 513 et 514 écrit ceci:

Même dans l'hypothèse où c'est là la bonne interprétation de la portée des lignes directrices--soit que la licence sera normalement délivrée si l'Office ne peut trouver de source d'approvisionnement du produit spécifique pour lequel le requérant demande une licence--cela ne suffit pas, à mon avis, pour invalider la décision du Ministre en l'espèce au motif qu'elle se fonde sur une considération inappropriée ou étrangère à la question. Conclure autrement mènerait à statuer qu'une fois adoptées, les lignes directrices définissent les seules considérations à prendre en compte pour l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Une telle conclusion serait contraire au principe fondamental selon lequel des lignes directrices, qui ne sont pas des règlements et n'ont pas force de loi, ne peuvent limiter ou assujettir à des conditions un pouvoir discrétionnaire accordé par une loi ni créer un droit à une chose que la loi a établie comme discrétionnaire. Le Ministre est libre d'indiquer le type de considérations qui, de façon générale, le guideront dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire (voir British Oxygen Co. Ltd. c. Minister of Technology [1971] A.C. (C.L.) 610; Capital Cities Communications Inc. c. Le Conseil de la Radio-Télévision canadienne [1978] 2 R.C.S. 141, aux pp. 169 à 171), mais il ne peut pas entraver ce pouvoir discrétionnaire en tenant les lignes directrices pour obligatoires et en excluant tous les autres motifs valides ou pertinents pour lesquels il peut exercer son pouvoir discrétionnaire (voir Re Hopedale Developments Ltd. and Town of Oakville [1965] 1 O.R. 259).

Dans la présente affaire, le Ministre, agissant par l'entremise de la Direction générale de la politique sur l'importation de certains produits, paraît avoir fondé son refus d'accorder à l'appelante les licences d'importation supplémentaires demandées sur les considérations mentionnées dans les extraits cités plus haut des lettres de l'Office à l'appelante. Ces considérations portent sur la qualité du poulet éviscéré disponible et sur les besoins de l'ensemble du marché. Compte tenu des termes de l'article 5(1)a.1) de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, de la définition ou description donnée du produit au numéro 19 de la liste de marchandises d'importation contrôlée, à la proclamation créant l'Office et au Règlement canadien sur le contingentement de la commercialisation des poulets, je ne puis conclure que ces considérations sont manifestement inappropriées ou étrangères à l'objet légal pour lequel le poulet a été ajouté à la liste de marchandises d'importation contrôlée et auquel l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre doit être rattaché.

Par ces motifs, j'estime que c'est avec raison que la Division de première instance a rejeté la demande de mandamus et qu'en conséquence l'appel doit être rejeté avec dépens.

d) Application et conclusions

[40]La jurisprudence est constante à conclure que l'article 47 de la Loi investit le registraire d'une large discrétion d'accorder une demande de prolongation de délai s'il est convaincu que les circonstances justifient cette prolongation. De plus, la Cour ne peut intervenir sauf si le registraire a erré en droit ou a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe (voir, Star-Kist Foods Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1988), 18 C.I.P.R. 237 (C.A.F.)).

[41]Le juge Joyal dans Centennial Packers Ltd. c. Can. Packers Inc. (1987), 13 C.I.P.R. 310 (C.F. 1re inst.), s'exprime comme suit [aux pages 312 et 314]:

L'article 46 [maintenant l'article 47] permet une certaine souplesse à l'égard des délais établis pour l'accomplissement d'un acte en vertu de la Loi ou de ses règlements d'application. Lorsqu'on lui présente une demande de prolongation de délai et qu'il est convaincu que «les circonstances justifient une prolongation» le registraire peut y faire droit.

[. . .]

L'article 46 existe dans un but précis, soit celui d'assurer un équilibre entre une approche formelle à l'égard des délais prévus par la Loi et le besoin de souplesse dans l'administration d'une loi de régulation de sorte que les fins visées par la législation soient réalisées de façon plus efficace.

[42]L'arrêt Maple Lodge, précité, nous enseigne que l'exercice d'une discrétion statutaire doit être exercé dans le but de promouvoir l'objet de la Loi et de ladisposition législative à laquelle cette discrétion est rattachée.

[43]Ceci nous mène à examiner l'objet de l'article 40 de la Loi. Il s'agit d'une disposition législative concernant l'enregistrement des marques de commerce et envisage deux régimes différents:

1) l'enregistrement des marques de commerce dont le requérant ou son prédécesseur déclare dans sa demande d'enregistrement avoir employé ou avoir fait connaître la marque au Canada; et

2) l'enregistrement des marques de commerce où la demande d'enregistrement projette son utilisation.

[44]Pour une marque de commerce employée au Canada, le paragraphe 40(1) prescrit que le registraire inscrit la marque de commerce et délivre le certificat de son enregistrement lorsque la demande d'enregistrement est admise.

[45]La situation est autrement pour une marque de commerce projetée. Une fois que la demande d'enregistrement est admise, le registraire donne avis au requérant mais ne peut pas enregistrer la marque à moins d'avoir reçu une déclaration à l'effet que le requérant ou son licencié a commencé à utiliser la marque en liaison avec les marchandises ou les services spécifiés dans la demande d'enregistrement.

[46]Qui plus est, le législateur prévoit au paragraphe 40(3) une date butoir pour le dépôt d'une déclaration d'usage qui, à défaut d'être rencontrée, la demande d'enregistrement est réputée abandonnée, Cette date est: a) soit dans les six mois qui suivent la date de l'avis d'admission ou, si la date est postérieure, (b) à l'expiration des trois ans qui suivent la production de la demande d'enregistrement au Canada.

[47]Le législateur s'est donc exprimé très clairement. Une marque de commerce projetée doit être utilisée en liaison avec les marchandises et services spécifiés dans la demande d'enregistrement et ce dans un temps assez limité. Le législateur ne veut pas que l'emploi d'une marque de commerce projetée s'éternise parce qu'une demande d'enregistrement d'une marque de commerce projetée, selon le paragraphe 16(3) de la Loi, affecte la priorité d'enregistrement.

[48]À mon avis, c'est dans cet encadrement législatif que le registraire doit exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour le dépôt d'une déclaration d'usage.

[49]Selon l'arrêt Maple Lodge, précité, il était loisible au registraire d'adopter des lignes directrices indiquant le type de considération qui, d'une façon générale, le guideront dans l'exercice de son pouvoir de prorogation du dépôt d'une déclaration d'usage.

[50]Si j'ai bien saisi l'argument de l'avocat de Lassonde, il n'avance pas devant moi que l'exigence de raisons considérables et substantielles pour justifier l'octroi d'une telle prorogation après le délai de trois ans à compter de la date de l'avis d'admission était une considération inappropriée ou étrangère à l'exercice de sa discrétion.

[51]Si tel avait été son argument, je l'aurais rejeté puisqu'à mon avis une telle exigence se rattache très bien à l'esprit du législateur qui circonscrivait au paragraphe 40(3) le temps pour déposer une déclaration d'usage.

[52]Ce dont se plaint Lassonde c'est la façon dont le registraire a appliqué l'avis du 4 février 1998. Lassonde prétend que le registraire a appliqué l'avis d'une façon mécanique ou dogmatique, ce qui équivaut à dire que le registraire a refusé même de se pencher sur les justifications avancées par la demanderesse Lassonde.

[53]Cette prétention doit être écartée puisqu'il n'y a rien dans la preuve qui appuie une telle conclusion. Au contraire, le motif invoqué par Lassonde dans sa demande de prorogation du 13 juillet 1998 était «[E]n effet, la requérante devrait conclure sous peu des ententes commerciales nécessaires à l'exploitation de la marque», motif qui fut répété dans toutes ses demandes de prorogation subséquentes.

[54]Le registraire avait jugé ce motif insuffisant le 25 février 2000, en refusant la prolongation demandée par Lassonde le 28 janvier 2000 mais lui accordait jusqu'au 25 avril 2000 pour lui soumettre des raisons considérables et substantielles qui justifieraient l'octroi d'une prorogation additionnelle.

[55]Le 25 avril 2000, les agents de Lassonde écrivent au registraire exprimant que Lassonde «est en droit d'obtenir une ou plusieurs prolongation(s) de délai additionnelle(s) de six mois» puisque «celle-ci n'a pas encore réussi à trouver des fournisseurs et des distributeurs pour l'ensemble des marchandises et services visés par la présente demande, mais la requérante maintient son intention d'utiliser la marque de commerce soit elle-même ou par le biais de licenciés».

[56]Comme on le sait, le registraire, le 2 août 2000, ne considère pas ce motif comme étant des raisons considérables et substantielles pour justifier l'octroi d'une prorogation de délai additionnelle.

[57]Le registraire a mentionné dans sa décision du 29 août 2000 que 17 ans s'étaient écoulés depuis le dépôt de sa demande d'enregistrement. Lassonde considère cette mention comme un motif non pertinent. Selon moi, le registraire constate un simple fait qu'il pouvait prendre en considération dans le cade de l'exercice de sa discrétion.

[58]Devant moi, Lassonde a plaidé l'effet rétroactif de l'avis du 4 février 1998. Cette prétention n'a aucun mérite. L'avis ne s'applique que pour des demandes de prorogation faites après la date de l'entrée en vigueur de l'avis. La demande de prolongation de Lassonde refusée par le registraire survient deux ans après la date de l'entrée en vigueur de l'avis.

[59]Pour tous ces motifs, Lassonde n'a pas réussi à dégager une erreur de droit ou de fait qui justifierait mon intervention.

[60]L'avocat de Lassonde s'est longuement attardé à nouer un lien entre le paragraphe 40(2) de la Loi, l'avis du 7 août 1991 qui l'interprète et le refus du registraire de proroger le délai pour le dépôt d'une autre déclaration d'usage.

[61]Avec égard, je ne vois pas la pertinence de cette plaidoirie. Le paragraphe 40(2) exige une déclaration d'usage avant l'enregistrement d'une marque de commerce ce qui n'a rien à voir avec l'exigence du paragraphe 40(3) de déposer une déclaration d'usage à l'intérieur d'un certain temps, délai que le registraire peut étendre s'il est convaincu de l'existence de raisons justificatives.

[62]Je ne vois pas comment l'enregistrement partiel de la marque «Oasis» en liaison avec une partie des marchandises et services identifiés dans sa demande d'enregistrement pourrait contrecarrer ou diminuer les exigences du paragraphe 40(3) à défaut de quoi la marque de commerce est réputée abandonnée. Donner effet à un tel argument détruirait, selon moi, l'économie de l'article 40 de la Loi et irait à l'encontre du vouloir du législateur.

[63]Puisque Lassonde a déposé une nouvelle preuve devant moi, je dois l'examiner dans l'optique envisagée par le juge Rothstein dans Brasseries Molson, précité, [au paragraphe 51] «[t]outefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire». Pour employer les mots du juge Lutfy, maintenant juge en chef adjoint, dans Danjaq Inc. c. Zervas et al. (1997), 75 C.P.R. (3d) 295 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 5:

La retenue dont les tribunaux judiciaires font souvent preuve lorqu'ils examinent les décisions de tribunaux administratifs spécialisés ne s'applique pas nécessairement lorsque de nouveaux éléments de preuve qui n'avaient pas été soumis au registraire sont portés à la connaissance de la Cour en vertu du paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. Lorsque des éléments de preuve importants qui n'avaient pas été portés à la connaissance du registraire sont déposés devant la Cour, l'étendue du contrôle en cas d'appel est plus large. Ainsi que le juge Joyal l'a déclaré récemment: «ce qui fait en sorte que l'instance prend la tournure d'un procès de novo».

[64]Tel qu'indiqué, Lassonde invoque deux nouveaux motifs pour justifier son défaut de fournir au registraire une demande d'utilisation de la marque dans les délais prévus par la Loi:

a) un délai de commercialisation occasionné par la consolidation et la mise en place d'un département de licensing au sein de Lassonde;

b) Lassonde doit poursuivre et commander des études relativement à la commercialisation de certaines des marchandises et certains des services mentionnés dans la demande d'enregistrement, qui ne peuvent pas être rentables selon les coûts et les normes prévalant au Canada.

[65]Mon appréciation de ces nouveaux motifs est qu'ils ne sont pas suffisants pour avoir un effet sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire, selon le juge Rothstein dans Brasseries Molson, précité, ou ont une portée significative telle qu'envisagée par le juge Lutfy dans l'arrêt Danjaq, précité.

[66]La demande d'enregistrement de Lassonde date de 1983 et l'avis d'admission de la marque «Oasis» en liaison avec les marchandises et services spécifiés dans cette demande d'enregistrement est en date du 31 janvier 1997, ce qui lui donnait le droit d'enregistrer la marque suite à une ou des déclarations d'usage.

[67]Substantiellement, les nouveaux motifs invoqués par M. Gattuso dans son affidavit en réalité n'en sont pas; ces deux motifs s'inscrivent dans le sillage des motifs invoqués depuis le 13 juillet 1998 par Lassonde: «devrait conclure sous peu des ententes commerciales» et «n'a pas encore réussi à trouver des fournisseurs et des distributeurs pour l'ensemble des marchandises et services visés par la présente demande» (lettre du 25 avril 2000).

[68]Ces motifs sont vagues et imprécis et manquent de concret considérant que la demande d'enregistrement couvre des centaines et centaines de marchandises et services.

[69]Lassonde ne nous explique aucunement comment la consolidation et la mise en place d'un département de licensing a occasionné un délai relativement à la commercialisation des marchandises et des services spécifiés dans sa demande d'enregistrement surtout après que M. Gattuso nous ait énuméré neuf exemples d'utilisation de la marque «Oasis» par le billet de licenciés. M. Gattuso ne nous explique pas comment cette consolidation et cette mise en place vont, dans un temps défini, permettre à Lassonde de licencier la marque «Oasis» pour toutes les très nombreuses marchandises et services couverts par sa demande d'enregistrement.

[70]Le fait que Lassonde doit poursuivre et commander des études relativement à la commercialisation de «certaines des marchandises» et «certains des services» mentionnés dans sa demande d'enregistrement ne nous éclaire nullement mais plutôt nous porte à interrogation à savoir quels et combien de marchandises et de services sont sous étude et lesquels ne le sont pas et pourquoi et, si non, quels sont les motifs pour ne pas avoir déposé une déclaration d'usage dans le temps prescrit par le paragraphe 40(3) de la Loi.

[71]À mon avis, dans les circonstances de ce dossier et considérant l'objet de l'article 40 de la Loi, je ne crois pas que les nouveaux motifs soulevés par M. Gattuso sont suffisants pour justifier l'octroi d'un délai pour permettre le dépôt par Lassonde d'une ou des déclarations d'usage pour la balance des services et marchandises énumérés dans sa demande d'enregistrement.

[72]Je maintiens l'exercice par le registraire de ne pas prolonger ce délai.

[73]Dans un deuxième temps, Lassonde me demande de déclarer inapplicable l'avis du 7 août 1991 du registraire concernant l'interprétation du paragraphe 40(2) de la Loi et de déclarer que le paragraphe 40(2) de la Loi permet que l'enregistrement d'une marque de commerce soit émis pour une partie des marchandises et des services visés par une demande d'enregistrement de marque de commerce suite au dépôt d'une déclaration d'usage partielle et qu'un ou plusieurs enregistrements subséquents soient émis suite au dépôt ou de plusieurs déclarations d'usage pour la balance des marchandises et services suite à une ou plusieurs prolongations de délai partielles.

[74]Tel que mentionné, je considère cet aspect du litige étranger à l'appel devant moi qui vise le refus par le registraire de proroger le délai pour permettre à Lassonde de déposer une ou des déclarations d'usage. En autres mots, je ne vois pas l'utilité de telles déclarations dans les circonstances de ce dossier et je n'ai, pour cette raison, à me prononcer sur la thèse avancée par Lassonde.

[75]Pour tous ces motifs, l'appel de Lassonde est rejeté avec dépens.

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