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T-3-00

2002 CFPI 613

Congrès juif canadien (demandeur)

c.

Chosen People Ministries, Inc. et Le registraire des marques de commerce (défendeurs)

Répertorié: Congrès juif canadien c. Chosen People Ministries, Inc. (1re inst.)

Section de première instance, juge Blais--Toronto, 29 avril et 28 mai 2002.

Marques de commerce -- Pratique -- Le registraire a donné, conformément à l'art. 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, avis public que la défenderesse faisait l'adoption et l'emploi du «dessin d'une menorah» (chandelier à sept branches) comme marque officielle -- La menorah constitue un symbole universel du judaïsme -- L'art. 56 de la Loi sur les marques de commerce permet qu'un appel de toute décision rendue par le registraire soit interjeté à la Cour fédérale -- Un appel se rattache implicitement à une instance à l'égard de laquelle les parties peuvent demander l'examen de la décision -- Il n'y a aucune possibilité d'interjeter appel dans le cas de l'art. 9 puisqu'il n'existe aucune instance antérieure -- La contestation de la décision du registraire de publier une marque officielle doit être introduite par voie de contrôle judiciaire fondé sur l'art. 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale, lequel donne compétence exclusive, en première instance, à la Section de première instance dans l'examen des décisions rendues par tout office fédéral.

Marques de commerce -- Le registraire a donné, conformément à l'art. 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, avis public que la défenderesse faisait l'adoption et l'emploi du «dessin d'une menorah» (chandelier à sept branches) comme marque officielle -- L'art. 9(1)n)(iii) interdit l'adoption, comme marque de commerce ou autrement, de toute marque qui ressemble à une marque officielle déjà adoptée par une autorité publique -- L'«autorité publique» doit être soumise au contrôle public et démontrer une obligation envers le public -- Le fait pour une autorité de se conformer aux règlements régissant les organismes caritatifs ne signifie pas qu'elle est soumise à un contrôle public -- Le registraire a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire puisque la défenderesse n'est pas soumise à un contrôle public et ne démontre aucune obligation envers le public -- Il a commis une erreur en donnant un avis public d'une marque officielle -- Interdire aux organismes juifs l'emploi de la menorah serait peine perdue étant donné qu'elle a toujours été liée à la culture juive historiquement.

Organismes de bienfaisance -- Le registraire a donné, conformément à l'art. 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, avis public que la défenderesse faisait l'adoption et l'emploi du «dessin d'une menorah» (chandelier à sept branches) comme marque officielle -- L'art. 9(1)n)(iii) interdit l'adoption, comme marque de commerce ou autrement, de toute marque qui ressemble à une marque officielle déjà adoptée par une autorité publique -- La défenderesse est un organisme caritatif américain qui exerce des activités au Canada -- Elle est constituée en société sans but lucratif tenant des objectifs de bienfaisance, est exonérée d'impôt, délivre des reçus pour les dons de bienfaisance, peut être tenue de fournir des renseignements financiers et des renseignements qui concernent son fonctionnement au gouvernement provincial -- Elle ne constitue pas une «autorité publique» puisqu'elle n'est pas soumise à un contrôle public et ne démontre aucune obligation envers le public.

Pratique -- Parties -- Qualité pour agir -- Contrôle judiciaire de la décision du registraire de donner, conformément à l'art. 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, avis au public que la défenderesse faisait l'adoption et l'emploi du «dessin d'une menorah» (chandelier à sept branches) comme marque officielle -- La menorah constitue un symbole universel du judaïsme -- La publication de la marque officielle interdit au demandeur, organisme juif, d'employer la menorah dans l'une quelconque de ses activités -- Le demandeur est directement touché par la décision du registraire et cette décision lui cause un préjudice -- L'art. 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale permet à quiconque est directement touché par l'objet de la demande de présenter une demande de contrôle judiciaire -- Le demandeur a la qualité nécessaire pour présenter une demande fondée sur l'art. 18.1(1).

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Certiorari -- L'art. 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale donne compétence exclusive, en première instance, à la Section de première instance pour l'examen des décisions rendues par tout office fédéral -- Selon la jurisprudence, le contrôle judiciaire constitue le mécanisme approprié et privilégié pour obtenir la révocation d'une marque officielle.

Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale et de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce. Le registraire des marques de commerce a donné, conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, avis au public que la défenderesse Chosen People Ministries, Inc. (CPM) faisait l'adoption et l'emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle. La menorah, chandelier à sept branches, est un symbole universel du judaïsme. La CPM est un organisme caritatif américain qui exerce des activités au Canada. Le sous-alinéa 9(1)n)(iii) interdit l'adoption, comme marque de commerce ou autrement, d'une marque qui ressemble à celle qu'une autorité publique a déjà adoptée comme marque officielle. Étant donné qu'un avis public n'est pas exigé dans le cas d'une demande de publication de l'avis d'adoption et d'emploi de marque officielle présentée au registraire, le Congrès juif canadien (CJC) n'a pas été informé de la demande de marque officielle. Les questions en litige consistent à savoir: 1) si la publication d'une marque officielle peut être soumise à un examen par voie d'appel ou de contrôle judiciaire; 2) si le CJC a la qualité nécessaire pour présenter une demande de contrôle judiciaire ou un appel; 3) si la CPM est une autorité publique; et 4) si le registraire a commis une erreur en publiant l'avis d'adoption et d'emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle de la CPM.

Jugement: la demande doit être accueillie et l'appel, rejeté.

1) La contestation de la décision du registraire peut être introduite par voie d'action, d'appel fondé sur l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, ou de contrôle judiciaire fondé sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale. L'article 56 permet qu'un appel de toute décision rendue par le registraire sous le régime de la Loi sur les marques de commerce soit interjeté à la Cour fédérale. Un appel se rattache implicitement à une instance à l'égard de laquelle les parties peuvent demander l'examen de la décision. Dans le cadre de l'article 9, il n'existe aucune instance antérieure, donc aucune possibilité d'interjeter appel. Qui plus est, les seules parties à la demande initiale sont l'«autorité publique» qui désire obtenir la marque officielle et le registraire. Le paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale donne compétence exclusive, en première instance, à la Section de première instance pour l'examen des décisions rendues par tout office fédéral. Le paragraphe 18.1(1) permet à «quiconque est directement touché par l'objet de la demande» de présenter une demande de contrôle judiciaire. Selon la jurisprudence, le contrôle judiciaire est le mécanisme approprié et privilégié pour obtenir la révocation d'une marque officielle.

2) Le CJC a la qualité nécessaire pour présenter une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la cour fédérale. La publication de la marque officielle interdit au CJC, organisme juif, d'employer la menorah dans l'une quelconque de ses activités. Le CJC est donc directement touché par la décision du registraire et cette décision lui cause un préjudice. Il serait injuste de lui refuser la qualité pour agir parce que le processus de demande pour l'obtention d'une marque officielle empêche qu'il y ait à l'instance d'autres parties que la CPM et le registraire.

3) Une «autorité publique» doit être soumise au contrôle public et démontrer une obligation envers le public. Il n'est pas suffisant que la CPM soit constituée en société sans but lucratif tenant des objectifs de bienfaisance, qu'elle soit exonérée d'impôt, qu'elle puisse délivrer des reçus pour les dons de bienfaisance, qu'elle soit tenue de fournir ses comptes, des renseignements financiers et des renseignements qui concernent son fonctionnement au gouvernement de l'Ontario pour déterminer si elle est une autorité publique. Le fait que l'organisme caritatif se conforme aux règlements ne signifie pas qu'il est soumis à un contrôle public. Ce n'est pas le gouvernement qui veillerait à la disposition des biens de la CPM. Elle n'est pas non plus financée par le gouvernement du Canada ou des États-Unis, et n'est pas soumise au contrôle public de quelque manière que ce soit. Le gouvernement canadien ne peut intervenir de quelque façon que ce soit dans la gestion d'églises ou d'organismes caritatifs comme la CPM. Notre Cour a indiqué que le statut d'organisme de bienfaisance ne démontre pas qu'un organisme est soumis, dans une mesure importante, au contrôle public ni qu'il a une obligation envers le public permettant de conclure qu'il est une «autorité publique». Le registraire a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire puisque la CPM, n'étant pas soumise à un contrôle public et n'ayant aucune obligation envers le public, n'a donc pas droit à une marque officielle.

4) Le registraire a donc commis une erreur en publiant l'avis d'adoption et d'emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle de la CPM. Interdire aux associations et organismes juifs l'emploi et l'adoption d'une marque comme la menorah serait peine perdue, étant donné qu'elle a toujours été liée à la culture juive historiquement.

lois et règlements

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(1) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 9 (mod. par L.C. 1990, ch. 14, art. 8; 1993, ch. 15, art. 58; ch. 44, art. 226; 1994, ch. 47, art. 191), 11, 56.

jurisprudence

décisions appliquées:

Molson Breweries c. John Labatt Ltd., [2000] 3 C.F. 145; (2000), 5 C.P.R. (4th) 180; 252 N.R. 91 (C.A.); Magnotta Winery Corp. c. Vintners Quality Alliance of Canada (1999), 1 C.P.R. (4th) 68; 163 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.); FileNet Corp. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2001), 13 C.P.R. (4th) 402 (C.F. 1re inst.); Assoc. olympique canadienne. c. Konica Canada Inc., [1990] 2 C.F. 703; (1990), 69 D.L.R. (4th) 432; 30 C.P.R. (3d) 60; 35 F.T.R. 59 (1re inst.); Assoc. des Grandes Soeurs de l'Ontario c. Grands Frères du Canada (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.); Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211; (1998), 13 Admin. L.R. (3d) 280 (1re inst.).

distinction faite d'avec:

Registraire des marques de commerce (Le) c. L'Association olympique canadienne, [1983] 1 C.F. 692; (1982), 139 D.L.R. (3d) 190; 67 C.P.R. (2d) 57; 43 N.R. 52 (C.A.).

DEMANDE de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale et appel fondé sur l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce à l'égard de la décision rendue par le registraire des marques de commerce, lequel a donné, conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, avis au public que la défenderesse faisait l'adoption et l'emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle. Demande accueillie et appel rejeté.

ont comparu:

Richard E. Naiberg pour le demandeur/demandeur.

Mervin F. White pour la défenderesse/défenderesse.

avocats inscrits au dossier:

Goodmans LLP, Toronto, pour le demandeur/ demandeur.

Carter & Associates, Orangeville (Ontario), pour la défenderesse/défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance et l'ordonnance rendus par

[1]Le juge Blais: Le demandeur, le Congrès juif canadien (ci-après appelé le CJC), fait la présente demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)] et il interjette appel, en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce [L.R.C. (1985) ch. T-13] (ci-après appelé la Loi), de la décision du 3 novembre 1999 par laquelle le défendeur, le registraire des marques de commerce (ci-après appelé le registraire), a donné avis au public conformément au sous-alinéa 9(1)n)(ii) de la Loi que la défenderesse Chosen People Ministries Inc. (ci-après appelé la CPM) faisait l'adoption et l'emploi du «dessin d'une menorah», soit la représentation d'une menorah, chandelier à sept branches.

LES PARTIES

[2]Le CJC est un organisme sans but lucratif voué à la défense des droits de la personne, composé de représentants provenant de congrégations, de sociétés et d'autres organismes juifs canadiens. La raison d'être du CJC est, selon ses buts et objectifs, [traduction] «de développer les normes les plus élevées relativement à la participation de la communauté juive canadienne au processus démocratique en s'engageant dans des activités à caractère national, culturel et humanitaire; de jouer un rôle dans les affaires où le statut, les droits et le bien-être des membres de la communauté juive canadienne sont en jeu [. . .]; d'effectuer des recherches sur l'antisémitisme [. . .]; d'étudier les problèmes qui gênent la poursuite des objectifs mentionnés précédemment, d'entreprendre des recherches et de soutenir les études à ce sujet [. . .]; de s'engager dans la lutte pour l'amélioration de la situation sociale, économique et culturelle des Juifs [. . .]; de réunir des fonds, de recueillir et recevoir des sommes et biens au moyen de contributions, dons, legs et des subventions dans la poursuite des objectifs du Congrès juif canadien».

[3]La CPM, dont le siège social se situe aux États-Unis d'Amérique (ville de New York), est un organisme chrétien sans but lucratif qui initialement portait le nom de «American Board of Missions to the Jews». Selon la CPM, il s'agit d'un organisme religieux [traduction] «juif messianique» dont les membres et adhérents croient que Yeshua (Jésus Christ) est le Messie annoncé par les prophètes dans les enseignements et les textes juifs traditionnels. L'unique objectif de la CPM, comme l'indique son certificat de constitution, consiste à [traduction] «répandre l'Évangile du Seigneur Jésus Christ parmi les Juifs des États-Unis d'Amérique et du monde entier».

LES FAITS

[4]Le 12 novembre 1997, la CPM a présenté au registraire une demande d'enregistrement pour une marque de commerce consistant dans le «dessin d'une menorah».

[5]Le CJC s'est opposé à cette demande, laquelle est toujours en suspens.

[6]Le 31 décembre 1997, la CPM a demandé au registraire de donner, conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, un avis public de son adoption et de son emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle.

[7]Le 24 février 1998, le registraire a refusé la demande de marque officielle.

[8]Le 22 avril 1998, la CPM a demandé au registraire de réexaminer son refus d'accorder la marque officielle. Cette demande a été rejetée le 30 octobre 1998.

[9]Le 29 juin 1999, la CPM a présenté au registraire une autre demande de réexamen à l'égard de sa demande de marque officielle.

[10]Le 3 novembre 1999, le défendeur a donné avis au public que le «dessin d'une menorah» constituait une marque officielle de la CPM.

[11]Le registraire n'a pas expliqué pourquoi il avait changé d'avis.

FAITS ADDITIONNELS

[12]Étant donné qu'un avis public n'est pas exigé dans le cas d'une demande de publication de l'avis d'adoption et d'emploi d'une marque officielle présentée au registraire, le CJC n'était aucunement informé de la demande de marque officielle et s'il en avait été informé plus tôt, il aurait pris tous les moyens à sa disposition pour s'opposer à la décision du registraire et empêcher que celui-ci rende cette décision. Toutefois, depuis qu'il est au courant, il a pris des mesures pour contester la décision.

LA DÉCISION ATTAQUÉE

909, 670. La Registraire donne par les présentes avis public en vertu de l'article 9(1)(n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce de l'adoption et l'utilisation par CHOSEN PEOPLE MINISTRIES, INC. de la marque reproduite ci-dessus, comme marque officielle pour des marchandises et des services.

LES DISPOSITIONS PERTINENTES

[13]Le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi interdit l'adoption de marques de commerce qui ressemblent à celles déjà adoptées par les autorités publiques.

9. (1) Nul ne peut adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit:

[. . .]

n) tout insigne, écusson, marque ou emblème

[. . .]

(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services, [Je souligne.]

LA THÈSE DU CJC

[14]Le CJC soutient que la CPM n'a pas le droit de se servir du «dessin d'une menorah» vu que celle-ci, n'étant pas une «autorité publique» au sens du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, n'a pas le droit d'adopter une marque officielle.

[15]Le CJC allègue que l'adoption et l'emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle sont scandaleux, choquants pour les Canadiens et trompeurs.

[16]Le CJC affirme avoir qualité pour agir dans la présente demande puisqu'il est directement touché, selon l'expression utilisée au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale, ou de façon subsidiaire, que la qualité d'agir dans l'intérêt du public devrait lui être reconnue.

LA THÈSE DE LA CPM

[17]La CPM soutient que le registraire a régulièrement exercé son mandat le 3 novembre 1999 en donnant au public avis que le «dessin d'une menorah» est une marque officielle adoptée par la CPM conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.

[18]La CPM allègue que le «dessin d'une menorah» est très distinctif et ne crée aucune confusion avec les autres dessins de menorah que les autres organismes emploient.

[19]La CPM affirme être une «autorité publique» au sens où cette expression est utilisée au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.

[20]La CPM prétend également que le CJC n'a pas la qualité nécessaire pour présenter cette demande, que ce soit par voie d'appel ou de contrôle judiciaire, et qu'il n'a pas établi l'existence d'une erreur susceptible de révision pour justifier l'objet de sa demande.

QUESTIONS EN LITIGE

1. Quel est le mécanisme approprié pour réviser la publication d'une marque officielle?

2. En l'espèce, le CJC a-t-il la qualité nécessaire pour présenter une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale?

3. La CPM est-elle une «autorité publique»?

4. Le registraire a-t-il commis une erreur en publiant l'avis d'adoption et d'emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle de la CPM?

ANALYSE

Norme de contrôle

[21]Dans l'arrêt Molson Breweries c. John Labatt Ltd., [2000] 3 C.F. 145 (C.A.), la Cour d'appel fédérale a indiqué que la norme appropriée applicable aux décisions du registraire lorsqu'il existe une preuve nouvelle est celle de la décision correcte. L'arrêt Molson établit que lorsqu'une preuve additionnelle aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge de première instance doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire, ce qui signifie que la tenue d'un nouveau procès est alors appropriée.

MARQUE OFFICIELLE VERSUS MARQUE DE COMMERCE

[22]Une marque officielle est une marque interdite qui accorde une protection extraordinaire, plus large que les droits accordés dans le cas des marques de commerce. Le propriétaire d'une marque officielle obtient l'exclusivité, laquelle, à la différence des marques de commerce, se rattache à des marchandises et services précis. Contrairement à une demande de marque de commerce, il n'est pas obligatoire d'annoncer publiquement qu'une demande a été présentée au registraire pour la publication d'un avis d'adoption et d'emploi d'une marque officielle.

[23]L'article 9 [mod. par L.C. 1990, ch. 14, art. 8; 1993, ch. 15, art. 58; ch. 44, art. 226; 1994, ch. 47, art. 191; 1999, ch. 31, art. 209] de la Loi interdit à toute autre personne d'adopter une marque qui ressemble à une marque officielle.

[24]Curieusement, il est beaucoup plus facile d'obtenir une marque officielle qu'une marque de commerce. Il n'est pas nécessaire que le demandeur démontre le caractère distinctif de la marque officielle proposée, ni qu'il établisse un quelconque sens secondaire. La principale exigence liée à la publication d'une marque officielle veut que la partie qui en fait la demande soit reconnue comme «autorité publique».

[25]La Loi et la jurisprudence confirment qu'un recours peut être intenté contre le titulaire de la marque officielle. Dans le cadre de la Loi, ce recours est l'opposition, laquelle permet à une partie de prouver que le titulaire de la marque officielle n'est pas une «autorité publique». C'est précisément ce que le CJC tente de démontrer à la Cour en l'espèce.

DÉFINITION DE LA MENORAH

[26]La menorah est de façon distinctive un symbole juif. Selon la Bible juive, Dieu lui-même aurait donné au peuple juif la menorah, chandelier, candélabre ou lampe à sept branches. Depuis qu'il a reçu la menorah, le peuple juif la considère comme un symbole important. Au paragraphe 2 de son Dossier de demande, mémoire des faits et du droit du demandeur, le CJC définit la menorah dans les termes suivants:

[traduction] La menorah est un symbole ancien et sacré de la foi juive. Comme le crucifix dans la religion chrétienne, la menorah n'est pas le bien exclusif d'un seul organisme, mais plutôt un symbole que partagent le peuple et les organismes juifs partout dans le monde.

[27]En outre, la pièce «W» du dossier de demande (Volume 1 de 3) comporte un extrait tiré de la The New Jewish Encyclopedia, qui donne la définition suivante:

[traduction]

MENORAH

Nom hébreu donné au chandelier à sept branches initialement fabriqué par Bezalel, artisan dont l'oeuvre s'inspire de la Bible, et placé dans le sanctuaire du Tabernacle. [. . .] La menorah est devenue depuis un symbole universel du judaïsme.

1.     Quel est le mécanisme approprié pour réviser la publication d'une marque officielle?

[28]Le mécanisme approprié pour réviser la publication d'une marque officielle est la demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale.

[29]Il est possible de s'adresser à la Cour pour contester la décision du registraire de publier la demande de marque officielle d'une «autorité publique». Toutefois, il existe une certaine confusion au sujet de la procédure appropriée pour contester la décision du registraire de publier une marque officielle alléguée, cette contestation pouvant être introduite par voie d'action, d'appel fondé sur l'article 56 de la Loi, ou de contrôle judiciaire fondé sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale.

[30]D'une part, le CJC allègue que parce que le registraire ne possède aucun élément de preuve lorsqu'il doit décider s'il publie une marque officielle, une preuve distincte est déposée à l'audience et la Cour doit donc trancher la question à nouveau. D'autre part, la CPM soutient que le mécanisme approprié pour ce genre de contestation est la demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale.

[31]Le paragraphe 56(1) de la Loi permet d'interjeter appel à la Cour fédérale.

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.

[32]Le recours en contrôle judiciaire est quant à lui prévu au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale, tandis que le paragraphe 18(1) [mod. par L.C. 1990, ch. 8. Art. 4] prévoit le tribunal compétent.

18. (1) Sous réserve de l'article 28, la Section de première instance a compétence exclusive, en première instance, pour:

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

[. . .]

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

[33]Dans l'affaire Magnotta Winery Corp. c. Vintners Quality Alliance of Canada (1999), 1 C.P.R. (4th) 68 (C.F. 1re inst.), Mme le juge Reed devait trancher une situation similaire à celle de l'espèce.

[34]Magnotta Winery Corp. avait un intérêt direct dans la décision prise par le registraire et, apparemment, ne disposait d'aucun mécanisme pour contester cette décision autre qu'un appel fondé sur l'article 56 de la Loi, ou une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Dans sa dernière analyse, le juge Reed a dit [au paragraphe 27]:

Il est certain qu'une demande de contrôle judiciaire est une procédure qui sied bien à une situation dans laquelle aucun avis n'a été donné à une partie intéressée et je note que les tribunaux ont intégré implicitement de telles exigences dans les procédures législatives quand celles-ci n'étaient pas exigées par la loi. L'avocat des demanderesses est d'avis qu'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 est le recours juridique le plus approprié. Il ne fait aucun doute que ce n'est pas la présente Cour qui se prononcera sur la procédure appropriée. Cette décision appartient à la Cour d'appel. Toutefois, il peut être justifié d'intenter les deux instances simultanément. Dans la mesure où il est nécessaire d'avoir un intérêt légal pour déposer une demande de contrôle judiciaire, je ne suis pas convaincue que seules les parties qui ont participé à la procédure qui a mené à la décision dont on demande le contrôle ont un tel intérêt. Il en est ainsi à tout le moins lorsque la personne intéressée n'a pas obtenu d'avis ou n'a pas eu la possibilité de participer à la procédure.

[35]Récemment dans l'affaire FileNet Corp. c. Canada (Registraire des marques de commerce),(2001), 13 C.P.R. (4th) 402 (C.F. 1re inst.), j'ai eu à trancher une situation similaire dans laquelle la demanderesse avait présenté deux demandes, soit un appel fondé sur la Loi et une demande de contrôle judiciaire de la décision du registraire. J'y ai conclu ceci [au paragraphe 19]:

À la lumière de la jurisprudence, il semble que la demanderesse devait procéder par voie de contrôle judiciaire pour introduire la présente instance de façon appropriée.

[36]Donc, selon les décisions Magnotta et FileNet, précitées, il semble que le contrôle judiciaire soit le mécanisme approprié et privilégié pour obtenir la révocation d'une marque officielle. Il en est ainsi parce qu'un appel se rattache implicitement à une instance à l'égard de laquelle les parties peuvent demander l'examen de la décision. Dans le cas de l'article 9 de la Loi, il n'existe aucune instance antérieure donc, aucune possibilité d'interjeter appel. Qui plus est, les seules parties à la demande initiale sont l'«autorité publique» qui désire obtenir la marque officielle et le registraire.

[37]D'après les décisions Magnotta et FileNet, précitées, j'estime que le contrôle judiciaire fondé sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale constitue le mécanisme approprié pour réviser la publication de la marque officielle.

2.     En l'espèce, le CJC a-t-il la qualité nécessaire pour présenter une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale?

[38]Oui, le CJC a en l'espèce la qualité nécessaire pour présenter une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale.

[39]Le CJC affirme avoir qualité pour agir en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale ou, subsidiairement, que la qualité d'agir dans l'intérêt du public devrait lui être reconnue.

Qualité pour agir en vertu de la Loi sur la Cour fédérale

[40]Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale dispose:

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande. [Je souligne.]

[41]Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale permet à la Cour de reconnaître la qualité pour agir quand elle est convaincue que les circonstances et le type d'intérêt qu'a le demandeur justifient cette reconnaissance. C'est ce qu'a confirmé la décision Sierra Club of Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211 (1re inst.), dans laquelle le Sierra Club du Canada, organisme sans but lucratif voué à la protection et à la restauration de l'environnement, a demandé que la qualité pour agir lui soit reconnue dans un appel formé à l'encontre du rejet de la requête visant à radier la demande de contrôle judiciaire présentée par le Sierra Club. Le juge Evans a conclu [au paragraphe 33]:

À titre subsidiaire, l'avocat a fait valoir que les mentions faites par Mme le juge Reed dans l'arrêt Friends of the Island Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 2 C.F. 229 (1re inst.), à la page 283, des «circonstances particulières de l'espèce» et du «type d'intérêt qu'a le requérant» en tant que facteurs pertinents à la reconnaissance de la qualité pour agir indiquent que, dans le cadre du paragraphe 18.1(1), le tribunal peut tenir compte d'une série de considérations plus étendue que dans le cas de la reconnaissance de la qualité pour agir dans l'intérêt public en common law.

«Par quiconque est directement touché»

[42]Selon le CJC, la décision Sierra Club of Canada, précitée, prévoit la possibilité que l'expression «par quiconque est directement touché» vise les droits d'un organisme ou de ses membres, ou le cas où leur est causé un «dommage spécial» ou «particulier» distinct de celui que subit le grand public.

[43]Le juge Evans a consacré une grande partie de son analyse à la jurisprudence pertinente touchant la qualité d'agir sous le régime du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale. En conclusion, la Cour a statué [au paragraphe 32]:

En revanche, dans la décision Sunshine Village, précitée, il est clairement statué qu'une personne qui satisfait aux conditions requises pour obtenir la qualité pour agir dans l'intérêt public, laquelle est reconnue de façon discrétionnaire, peut invoquer le paragraphe 18.1(1) pour demander une réparation même si elle n'est pas «directement touché[e]». J'estime qu'il est préférable d'adopter ce point de vue, même si le libellé du paragraphe 18.1(1) donne à penser que seuls ceux qui satisfont au critère défini avant l'arrêt Finlay peuvent demander un contrôle judiciaire. En l'absence d'une disposition législative excluant expressément de la compétence de la Cour fédérale les demandeurs agissant dans l'intérêt public, il serait si insolite d'enfermer son pouvoir de connaître des demandes de contrôle judiciaire dans des limites auxquelles les autres tribunaux ne sont pas assujettis, que je ne saurais accepter l'interprétation plus étroite du paragraphe 18.1(1) que propose l'intervenante en l'espèce.

[44]Le CJC est un organisme qui, entre autres choses, participe à de nombreuses activités à caractère national, culturel et humanitaire en vue de servir les intérêts de la communauté juive. La publication de la marque officielle interdit au CJC, organisme juif, d'employer la menorah dans l'une quelconque de ses activités. Il est donc évident que le CJC est directement touché par la décision du registraire et que cette décision lui cause un préjudice. Toutefois, il est vrai que le CJC n'était pas partie à l'avis publié par le registraire, mais ceci s'inscrit dans le processus de demande de marque officielle. Le CJC allègue qu'il aurait pris les mesures nécessaires pour empêcher la décision du registraire mais, comme je l'ai mentionné précédemment, il n'était pas au courant de la demande de marque officielle.

[45]Le CJC est un organisme polyvalent qui rejoint tellement d'aspects de la culture et de la foi juives que la décision du registraire, de toute évidence, le touche directement. Il serait injuste de lui refuser la qualité pour agir parce que le processus de demande pour l'obtention d'une marque officielle empêche qu'il y ait à l'instance d'autres parties que la CPM et le registraire.

Qualité pour agir dans l'intérêt public

[46]De façon subsidiaire, la qualité pour agir dans l'intérêt public est un recours discrétionnaire habituellement accordé lorsque la validité d'une loi est en cause. La reconnaissance de cette qualité requiert l'appréciation de trois considérations suivant la prépondérance de la preuve: (i) une question grave ou réglable par voie judiciaire; (ii) un intérêt véritable dans l'issue de la demande; et (iii) l'absence d'autre moyen raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour.

[47]À mon avis, il n'est pas nécessaire à ce stade-ci d'examiner de façon approfondie le critère de la qualité pour agir dans l'intérêt public vu que je suis convaincu que le CJC a la qualité requise pour introduire la présente demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale, pour le motif qu'il est directement touché par la décision du registraire.

3.     La CPM est-elle une «autorité publique»?

[48]Selon le CJC, la partie qui demande une marque officielle doit, pour se réclamer à bon droit du statut d'«autorité publique»: 1) être une entité canadienne; 2) être soumise, dans une mesure importante, au contrôle gouvernemental; 3) accomplir des tâches qui profitent à l'ensemble du public (ou avoir une obligation envers le public). Malheureusement, la Loi ne définit pas l'expression «autorité publique», donc, selon les principes d'interprétation des lois, il faut lui donner une interprétation simple et ordinaire.

«Une autorité publique au Canada»

[49]Le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi utilise l'expression: «une autorité publique au Canada» (ou, dans le texte anglais, «any public authority, in Canada»).

[50]La CPM allègue qu'elle peut être reconnue comme «autorité publique» parce qu'elle est un organisme caritatif et parce qu'elle s'est conformée aux règlements des États-Unis et de l'Ontario qui s'appliquent généralement aux oeuvres de bienfaisance.

[51]Par ailleurs, la CPM allègue qu'en raison de l'absence de définition de l'expression «autorité publique» dans la Loi, le registraire doit exercer son pouvoir discrétionnaire de manière à déterminer ce qui constitue «une autorité publique au Canada».

Contrôle gouvernemental et obligation envers le public

[52]Une «autorité publique» doit également être soumise au contrôle public et démontrer une obligation envers le public (voir Assoc. olympique canadienne c. Konica Canada Inc., [1990] 2 C.F. 703 (1re inst.)).

[53]Dans la décision Assoc. des Grandes Soeurs de l'Ontario c. Grands Frères du Canada [(1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.)] notre Cour a statué que le statut d'organisme de bienfaisance de l'Association des grandes soeurs ne démontrait pas que celle-ci était soumise, dans une mesure importante, au contrôle public ni qu'elle avait une obligation envers le public permettant de conclure qu'elle était une «autorité publique» [au paragraphe 68]:

Dans l'arrêt Registraire des marques de commerce c. Association olympique canadienne, s'exprimant au nom d'un collège de trois juges de la Cour d'appel fédérale, le juge Urie adopte implicitement le moyen selon lequel, pour être considéré comme une autorité publique, un organisme doit avoir une obligation envers le public en général, être soumis au contrôle public dans une mesure importante, et ses bénéfices doivent obligatoirement profiter à l'ensemble du public et non pas servir un intérêt privé. Vu les faits soumis à la Cour, les parties au présent litige sont clairement vouées au bien public mais je ne suis pas certain qu'elles aient une «obligation» envers le public en général. La preuve ne révèle pas non plus qu'elles étaient, dans une mesure importante, soumises au contrôle public.

[54]Selon l'avocat de la CPM, le registraire était convaincu que la CPM était une autorité publique, et la CPM s'est acquittée de son fardeau d'établir sa nature.

[55]Le fait que la CPM a été constituée en société sans but lucratif tenant des objectifs de bienfaisance, qu'elle soit exonérée d'impôt, qu'elle puisse délivrer des reçus pour les dons de bienfaisance, et également le fait que la CPM peut être tenue de fournir ses comptes, des renseignements financiers et des renseignements qui concernent son fonctionnement au tuteur et curateur public de l'Ontario ne suffisent pas pour déterminer si celle-ci est une autorité publique. Tous les organismes caritatifs sont tenus de se conformer aux règlements aux États-Unis et en Ontario et, du moment qu'ils se conforment aux règlement en vigueur, ils ne sont pas soumis à un contrôle public «important».

[56]La CPM a tenté de comparer la présente situation avec l'affaire Registraire des marques de commerce (Le) c. L'Association olympique canadienne, [[1983] 1 C.F. 692 (C.A.)]. Je conviens avec le CJC que cette décision n'est d'aucun secours à la CPM. Dans la décision Association olympique canadienne, la Cour a conclu que l'Association était soumise au contrôle public parce que si elle décidait d'abandonner sa charte, c'est le gouvernement canadien qui, en collaboration avec le Comité international olympique, veillerait à la disposition de ses biens. De plus, une partie importante du financement de ses activités provenait du gouvernement fédéral sous réserve que le gouvernement contrôle ce financement, le gouvernement fédéral l'avait dissuadée de participer aux Jeux olympiques de 1980 et enfin, il y avait des liens étroits entre l'Association olympique canadienne, la Direction de la condition physique et du sport amateur et Sports Canada.

[57]La CPM n'est soumise à aucun contrôle public similaire ou analogue. Ce n'est pas le gouvernement qui veillerait à la disposition de ses biens. La CPM n'est pas financée par le gouvernement du Canada ou des États-Unis et n'est nullement soumise au contrôle public de quelque manière que ce soit.

[58]Au contraire, comme l'avocat du CJC l'a affirmé, le gouvernement canadien ne peut intervenir de quelque façon que ce soit dans la gestion d'églises ou d'organismes caritatifs comme la CPM.

[59]En d'autres termes, la CPM est un organisme caritatif américain qui exerce des activités au Canada. Cette Cour a indiqué qu'un tel statut est insuffisant pour que la CPM constitue une «autorité publique» (voir Assoc. des Grandes Soeurs de l'Ontario, précité. C'est pourquoi le registraire semble avoir commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire puisque la CPM, n'étant pas soumise à un contrôle public et n'ayant aucune obligation envers le public, n'a donc pas droit à une marque officielle.

4.     Le registraire a-t-il commis une erreur en publiant l'avis d'adoption et d'emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle de la CPM?

[60]Oui, le registraire a commis une erreur en publiant l'avis d'adoption et d'emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle de la CPM.

[61]Le CJC a démontré qu'il a la qualité requise pour introduire la présente demande et que la CPM n'est pas une «autorité publique» au sens du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi puisqu'elle n'est pas soumise au contrôle public et qu'elle n'a aucune obligation envers le public. Par conséquent, j'estime que le 3 novembre 1999, le registraire a commis une erreur en donnant un avis public, conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, de l'adoption et de l'emploi du «dessin d'une menorah» comme marque officielle de la CPM.

Éléments historiques et religieux servant à prouver que la menorah est un symbole «juif»

[62]Dans les pièces annexées à l'affidavit de M. Prutschi, plusieurs documents décrivent le symbolisme que représente la menorah pour le peuple juif. Plus précisément, la pièce «S» annexée à l'affidavit de M. Prutschi contient des échantillons d'en-têtes de lettre provenant de plusieurs associations et organismes juifs, tels le Conseil communautaire juif d'Ottawa, B'nai Brith Canada et les Services d'aide à la famille juive, sur lesquelles une menorah est affichée. Toutefois, j'estime que ces éléments constituent une preuve purement circonstancielle. Ce sont plutôt les éléments de preuve à dimensions historique et religieuse annexés à la pièce «U» qui montrent que la menorah est un emblème officiel de la foi juive et de son peuple depuis l'Antiquité. La pièce «U» montre deux anciennes menorahs sur lesquelles apparaissent les inscriptions suivantes:

. . .

[traduction] La menorah ou la lampe à sept branches est l'un des symboles juifs les plus communs de l'Antiquité tardive, à la fois en Israël et dans la Diaspora [. . .]

[63]On mentionne également un peu plus loin à la page 172:

[traduction] Voici une autre menorah, apparaissant cette fois-ci sur un sarcophage, datant du quatrième siècle de notre ère, découvert dans les catacombes juives de la Vigna Randanini à Rome [. . .]

[64]Interdire aux associations et organismes juifs l'emploi et l'adoption d'une marque comme la menorah serait peine perdue, étant donné qu'elle a toujours été liée à la culture juive historiquement.

O R D O N N A N C E

[65]Par conséquent, je conclus que le registraire a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et j'accueille la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens.

[66]La décision du registraire est annulée et l'avis public qui a été donné de la marque officielle «dessin d'une menorah» ne fait naître aucun des droits ou interdictions prévus aux articles 9 et 11 de la Loi.

[67]L'appel interjeté en vertu de l'article 56 est rejeté sans frais.

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